Le cheval ardennais.

Le cheval ardennais est une très ancienne race rustique de chevaux de trait, de taille moyenne, à la robe généralement baie ou rouanne. Il est historiquement élevé dans la région des Ardennes, qui lui a donné son nom, et par extension dans tout le quart nord-est de la France, le Sud et l’Est de la Belgique, et au Luxembourg. Connu et mentionné depuis l’Antiquité romaine où il sert à la remonte des armées, l’Ardennais devient jusqu’au début du XIXe siècle l’une des meilleures races de chevaux de selle et de trait léger pour la traction du matériel d’artillerie militaire. Sous l’empire napoléonien, les Ardennais sont réputés pour avoir survécu à la campagne de Russie, où 13 000 chevaux trouvent la mort.

De nombreux croisements doublés d’une sélection rigoureuse des éleveurs, orientée vers les travaux agricoles, transforment la race dès le milieu du XIXe siècle. Destiné à la traction du matériel agricole, l’Ardennais devient un cheval de trait lourd et puissant, ainsi qu’un grand améliorateur de races. Il donne naissance à l’Ardennais suédois et à de nombreux autres chevaux de trait, tels que l’Auxois et le Trait du Nord. La fin de la traction hippomobile et l’utilisation du tracteur motorisé entraînent déclin de son élevage et réduction drastique de ses effectifs.

Cantonné au rôle presque unique d’animal de boucherie durant deux décennies, l’Ardennais bénéficie au début du XXIe siècle d’un nouvel engouement grâce à son habileté et l’aspect écologique de son utilisation pour l’entretien des espaces verts, le débardage en forêt et les loisirs équestres. Bien que considéré comme étant en danger d’extinction à l’échelle européenne, il constitue la quatrième race de chevaux de trait la plus représentée en France. Les éleveurs belges ont développé par croisements une nouvelle lignée destinée à l’attelage de compétition, l’Aratel. En raison de son lien historique avec sa région d’origine, fertile en légendes, l’Ardennais est assimilé à la monture héroïque des quatre fils Aymon, le cheval Bayard.

Cheval ardennais, carte maximum, Charleville-Mézières, 27/09/1998.

L’Ardennais est l’une des races de chevaux les plus anciennes de France et de Belgique, il s’agit probablement du plus ancien cheval de trait d’Europe. Son élevage dépend longtemps des besoins humains pour la guerre4. Il est utilisé à l’origine tant comme cheval de traction que comme cheval de selle4. Avant la seconde moitié du XIXe siècle, son modèle beaucoup plus fin et léger que l’actuel le rend réputé comme cheval de selle.

La présence de chevaux est attestée dans la région des Ardennes depuis les temps préhistoriques, puisque le site du roc la Tour, à Monthermé, a révélé deux plaquettes de schiste gravées d’une tête de cheval. D’après Amélie Tsaag Valren, l’Ardennais appartient au « rameau ardenno-flamand », un groupe de races de chevaux lourds originaires des Flandres et de l’Ardenne. La théorie obsolète « des quatre lignées » en fait un descendant d’une sous-espèce disparue appelée cheval des forêts (Equus caballus germanicus), ancêtre commun de nombreuses races de chevaux massifs d’Europe de l’Ouest. Il est longtemps décrit comme un descendant direct du cheval de Solutré, qui vivait au 50e millénaire av. J.‑C. dans les bassins de la Saône et de la Meuse, et se serait établi sur des plateaux schisteux au climat rigoureux à la même époque11. Cette théorie est également obsolète, aucune donnée ne prouvant que des chevaux du site de Solutré aient migré vers les Ardennes.

En 1985, l’Historien Jean-Pierre Penisson synthétise les travaux menés sur des restes de chevaux préhistoriques retrouvés dans la région ardennaise. Selon lui, ils appartiennent à des sous-espèces différentes. Durant le Würm II, deux ou trois espèces de chevaux du type Equus caballus semblent avoir vécu dans la région de Dommery, notamment Equus caballus germanicus et Equus caballus gallicus. Selon le laboratoire de géologie du Quaternaire et Préhistoire de l’université Bordeaux I, ces chevaux pourraient être à l’origine de l’Ardennais. Les chercheurs belges remarquent qu’à la même époque, Equus caballus germanicus est progressivement supplanté par Equus caballus gallicus, un animal svelte et de taille plus réduite. Equus caballus gallicus devient un gibier très prisé dès la fin du Paléolithique supérieur. Durant l’Holocène, le cheval est plus rare dans la région.

L’ancêtre du cheval ardennais est probablement, comme le sont toutes les races avant l’organisation de l’élevage équin en France, de petite taille (environ 1,40 m au garrot), bien que des squelettes de chevaux toisant 1,50 m, déterrés dans la région, soient cités comme ancêtres de l’ardennais actuel. Plusieurs populations humaines ont côtoyé ces chevaux, pour s’en nourrir et plus tard les domestiquer, au moins à partir des Gaulois.

La race ardennaise est la seule parmi les races de chevaux actuellement présentes sur le territoire belge à être mentionnée dès l’Antiquité. Les chevaux des Ardennes sont signalés par l’historien grec Hérodote, qui note les qualités des cavaliers du Nord de la Gaule. Jules César écrit qu’il trouva dans la « deuxième Belgique », dont les Ardennes font partie, des animaux « rustiques, durs et infatigables » à l’époque de la guerre des Gaules. La population de chevaux sauvage locaux est très prisée pour remonter différentes armées. Il semble qu’une garnison de 500 chevaux est présente à Carignan en 284, et que Mouzon soit un centre d’élevage et de formation pour la cavalerie romaine en 440. Sous le règne de Néron, un attelage de juments ardennaises est destiné à cet empereur, qui prétend être l’un des meilleurs conducteurs de quadrige du cirque.

Cheval ardennais, épreuve d’artiste, Belgique.

Godefroy de Bouillon est censé s’être rendu à Jérusalem sur un cheval ardennais, lors de la première croisade.

L’« Arabomanie » équestre du XIXe siècle pousse les hippologues à attribuer à l’Ardennais une origine orientale, du moins l’influence de chevaux arabes est évoquée. Il s’agit vraisemblablement de la diffusion d’un mythe hippologique, l’influence réelle des chevaux arabes sur la race ardennaise étant infime, ou nulle.

D’après l’un de ces récits, un abbé de l’abbaye de Saint-Hubert aurait fait venir des étalons du Limousin, descendants directs d’étalons et de juments arabes restés en France après la défaite de l’émir Abd al-Rahman ibn Abd Allah al-Rhafiqi. Plus tard, des relations établies entre la Belgique et l’Orient grâce aux expéditions des croisades auraient fait comprendre aux abbés de Saint-Hubert les avantages du cheval arabe. Des étalons arabes auraient été introduits dans les Ardennes et croisés avec les juments locales, améliorées depuis par croisements avec des étalons du Limousin. Un récit similaire, transmis par les habitants des Ardennes, veut que Godefroy de Bouillon ait voyagé de son château jusqu’à Jérusalem sur un cheval ardennais lors de la première croisade. La race semble avoir bonne réputation lors des croisades qui suivent. Durant la Renaissance, le maréchal de Turenne rend hommage aux qualités des chevaux ardennais qui remontent sa cavalerie, alors qu’il campe dans le pays de Trèves.

L’organisation de l’élevage de races de chevaux de trait ne date que de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Il accompagne le développement de l’agriculture. Auparavant, les chevaux de trait belges et ardennais forment, sous l’empire napoléonien, des souches élevées dans un pays unique.

Pendant la Première Guerre mondiale, l’Ardennais de trait est très demandé pour tirer les chariots d’artillerie. Son calme et sa tolérance aux travaux difficiles, combinés à sa nature active et flexible, en font un cheval idéal pour cette tâche. Son élevage est valorisé : lorsque les Allemands établissent leur Commission pour l’obtention de chevaux en octobre 1914 afin de capturer les chevaux belges, il est spécifié que les Ardennais font partie de l’une des deux races les plus importantes, l’autre étant le trait belge. Les Allemands s’avèrent incapables de s’approprier les chevaux de la famille royale belge qui sont évacués à temps, mais ils capturent assez de bêtes pour perturber les programmes agricoles et d’élevage du pays. Les chevaux utilisés pour le transport de biens sont également capturés, ce qui provoque une crise d’approvisionnement de combustibles l’hiver suivant, faute de chevaux pour transporter le charbon. Les Allemands revendent plus tard certains de ces chevaux aux enchères. Empêchés par les Alliés d’importer des montures, les Allemands se retrouvent à court de chevaux vers la fin de la guerre. Le transport de leur matériel et leur approvisionnement s’en trouvent affectés, ce qui contribue grandement à leur défaite.

La Première Guerre mondiale, qui se déroule en grande partie dans le berceau d’élevage de la race, a des conséquences catastrophiques pour l’élevage franco-belge. L’administration française des haras favorise une relance en race pure, et croise les étalons ardennais restants avec des juments indigènes qui ont « conservé les qualités ancestrales de la race : rusticité, sobriété, douceur et énergie ». En Belgique, la même démarche est mise en place mais les éleveurs luttent contre des projets de croisements.

L’ardennais reste un cheval d’artillerie et de transport de matériaux jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Comme cheval de selle, les demi-sang lui sont préférés. Malgré le développement de la motorisation, notamment dans les grandes villes, l’Ardennais demeure largement employé durant l’entre-deux-guerres, aussi bien par les brasseries, les boulangeries, que pour le charbonnage ou le débardage. En 1926, la société belge du cheval de trait ardennais est créée pour défendre la race face au développement des moteurs. Le stud-book de l’ardennais belge reste confondu avec ceux du Brabançon et du cheval des Flandres sous le nom de « trait belge » jusqu’en 1935, date où les éleveurs d’Ardennais belges s’en séparent en créant la « société royale du cheval de trait ardennais ». En 1929, en France, le haras national de Montier-en-Der compte 127 étalons reproducteurs, tous de race ardennaise.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le cheval est très peu employé par les armées, car il a prouvé ses limites face aux engins motorisés. Par contre, les stocks de carburants disponibles sont réquisitionnés, le cheval de trait reste indispensable au transport comme aux travaux des champs. Il est très demandé jusqu’à la reddition des allemands en 1945. En 1946, les agriculteurs ardennais manquent de chevaux pour effectuer leurs travaux. L’élevage équin se reconstitue, mais la motorisation de l’agriculture s’intensifie à la même époque, signant la fin de la traction hippomobile.

La commercialisation à grande échelle du tracteur agricole et de la moissonneuse-batteuse commence vers 1945. Une jument ardennaise de bonne qualité est alors vendue 110 000 anciens francs et un petit tracteur à pétrole 100 000 anciens francs. La très forte demande en tracteurs multiplie ce prix par dix en dix ans. L’enrichissement des agriculteurs durant les Trente Glorieuses leur permet de s’équiper massivement de machines. La race ardennaise est de plus en plus délaissée. Le déclin de l’élevage est palpable dès le début des années 1950. C’est surtout dans les années 1960 que l’on assiste à un effondrement des effectifs de chevaux de trait, sans qu’une entreprise de sauvegarde ne se mette en route. Selon la revue Élevage ardennais de 1952, il semble que le Sud de la région soit plus propice à l’abandon du cheval que le Nord, en raison du relief et de la taille plus réduite des exploitations. Les effectifs d’étalon nationaux ardennais français déclinent après la Seconde Guerre mondiale, si bien qu’en 1980, il ne reste que 35 étalons dont 15 de trait sur le site du haras national de Montier-en-Der.

Des concours de race à vocation agricole continuent néanmoins à être organisés dans la région ardennaise. En 1956, 110 chevaux défilent au concours des Ardennes. Le 23 mars 1966, L’Union mentionne que le concours départemental d’élevage rassemble pour la première fois des chevaux de trait. En 1968, les Soviétiques s’intéressent au cheval ardennais en vue d’une importation, mais la race est alors en très net déclin dans toute sa région d’origine. Un marché temporaire s’ouvre en Inde dans les années 1980, des camions de chevaux ardennais partent pour l’usage militaire.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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