Le château de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir).

911 – Traité de Saint-Clair sur-Epte. Création du duché de Normandie.
931 – Les Normands atteignent Alençon et incendient Chartres. Le Perche « marche séparante » occupe une position frontière stratégique, car situé entre le domaine royal et les territoires occupés par les Normands.

Pour se protéger de ces terribles voisins, le comte de Chartres, Thibault le Tricheur, vassal du roi de France, décide d’installer à Nogent, en avant-garde, un de ses fidèles du nom de ROTROLDUS, afin de veiller à la frontière. Ainsi apparaît dans l’histoire, le premier seigneur de Nogent. Rotrou, dont le nom fut donné à sa dynastie. Sur un site, qui passe pour avoir été occupé depuis l’antiquité, Rotrou Ier fait reconstruire, probablement en bois, un château à l’emplacement d’un plus ancien qui aurait été démoli par les Danois.

Son successeur Geoffroy II fait construire dans les années 1020 le donjon en pierre que nous admirons encore aujourd’hui. De cette époque datent les petites baies en plein cintre que l’on aperçoit au dernier étage. Le donjon est implanté en position de défense avancée. Il est protégé à l’ouest par des défenses naturelles ; à l’est, côté plateau, un fossé d’une vingtaine de mètres de large et profond de sept à huit mètres se déploie en demi-cercle pour se rejoindre à l’endroit où le plateau surplombe d’une soixantaine de mètres la vallée de l’Huisne.

En 1028, l’abbaye Saint-Denis est fondée par Geoffroy III, redoutable guerrier, en signe de repentir. La charte de fondation, rédigée en 1031, situe l’abbaye « entre l’Huisne et le château fort de Nogent ». C’est la première fois qu’apparaît dans une charte l’existence du château. En 1079, les seigneurs de Nogent prennent le titre de comtes du Perche. En 1100, Rotrou III apprend la mort de son père, Geoffroy IV, premier comte du Perche, alors qu’il participe au siège de Jérusalem (1099), lors de la première croisade.

Château de Nogent-le-Rotrou, carte maximum, 28/04/2001.

Entre les chevauchées et les combats, les seigneurs de Nogent habitent le donjon et y apportent quelques éléments de confort : création de baies géminées à lancettes en arc légèrement brisé et tympan percé d’un oculus losangé, construction de cheminées.

Entre 1100 et 1144, Rotrou III, dit le Grand, quitte à six reprises ses terres du Perche pour aller guerroyer contre les Arabes, en Espagne et en Terre Sainte. Lors de ses brefs retours sur sa terre natale, il prend une part active, aux côtés du duc de Normandie, roi d’Angleterre, aux rivalités avec le roi de France, pour lequel se bat Robert le Diable, seigneur de Bellême. En 1113, il reçoit Bellême de Henri le, Beauclerc, en récompense de ses services. A sa mort, Rotrou III laisse un comté puissant, souverain et indépendant.
Au milieu du XIIe siècle, des contreforts viennent renforcer les quatre angles du donjon, ainsi que les faces est, sud et ouest.
Entre 1144 et 1191, Rotrou IV participe activement au conflit qui oppose toujours la France et l’Angleterre. En 1191, il trouve la mort sous les murs de Saint Jean-d’Acre en Palestine.

L’architecture militaire se transforme radicalement : influence de celle du Proche Orient, création d’un corps d’ingénieurs militaires par Philippe Auguste. En 1204, Philippe-Auguste conquiert la Normandie et la confisque à jean-Sans-Terre. Le comté du Perche perd ainsi son caractère de zone frontière.
En 1217, Thomas, 5e comte du Perche, est tué à la bataille de Lincoln le 20 mai 1217. Le prince héritier Louis VIII, fils de Philippe-Auguste, en « ressentit la plus grande douleur ».
En 1226, le Perche est uni à la couronne de France.

Au XIIIe et XIVe siècles, aucune modification importante n’est apportée à la forteresse.

La guerre de Cent Ans va replacer le Perche au centre de la rivalité franco-anglaise et redonner au château de Nogent un rôle défensif qu’il ne jouait plus depuis plusieurs siècles. Le Perche, revendiqué comme la Normandie par les rois d’Angleterre, eut à subir à plusieurs reprises les assauts meurtriers des Anglais.
En 1359, les Anglais s’emparent de Nogent ainsi que du château et le 24 octobre 1360 avec le Traité de Brétigny, Édouard, roi d’Angleterre, restitue les places de Nogent et de Beaumont. En 1424 après la Bataille de Verneuil, le Perche passe aux Anglais. En 1427, le château de Nogent est repris par les Français.
En 1428, Le château, bien que défendu vaillamment par le capitaine gascon La Pallière, ne résiste pas à l’attaque menée par le comte de Salisbury. L’assaut porte surtout sur l’angle nord-est. Un pan de muraille cède sur toute la hauteur du donjon, dont l’intérieur est incendié, puis laissé à l’abandon. La chapelle Saint-Étienne, construite dans l’enceinte du château en 1122 sous Rotrou III, est également détruite. En 1447, Les Anglais sont définitivement chassés du Perche.

C’est aux “demoiselles d’Armagnac” que l’on attribue l’aspect actuel du château: reconstruction du logis au-dessus du passage voûté en berceau, formant rez de chaussée, surélévation des tours de l’entrée couronnées de mâchicoulis décoratifs. Les « marches de Saint Jean » reliant le château au quartier du Pâty datent de cette époque.

La seigneurie de Nogent-le-Rotrou passe à la famille des Bourbon-Condé, qui y séjournent fréquemment. Le château est le théâtre d’une vie fastueuse : en 1558, on célèbre la nouvelle rédaction des coutumes du Grand-Perche; en 1566, on fête la naissance de Charles de Bourbon, futur comte de Soissons. Les poètes de la Pleïade interprètent « le Jugement de Pâris ».
1568 – Ces fêtes connaissent de sanglants lendemains pendant les guerres de Religion. C’est à cette période, probablement, que la tour de la Chaise est dérasée pour être transformée en terrasse à canon.

1624 – Le duc de Sully devient propriétaire du château. Les projet grandioses qui avaient été envisagés par le ministre de Henri IV – renverser le vieux donjon des comtes du Perche pour rebâtir une demeure de style classique – ne furent heureusement j’ai jamais réalisés. Le petit pavillon de style Louis XIII est le seul vestige de cette période. L’allée d’ormes que Sully fit planter sur le pourtour extérieur de l’enceinte est abattue – deux siècles plus tard.
1641 – Mort de Sully. Sa sépulture est élevée dans l’hôtel Dieu de Nogent et jouxte l’église NotreDame.
1779 – Les descendants de Sully vendent la baronnie de Nogent au comte d’Orsay qui fut le dernier seigneur de Nogent.
1789-1801 – Pendant la Révolution, le château est transformé en maison d’arrêt. La Collégiale St Jean, édifiée en 1094 par Geoffroy IV à l’extérieur de l’enceinte du château, est abattue en 1798.

Au cours de ces deux siècles, le château passe entre plusieurs mains.
Le 9 juin 1836, Victor Hugo écrit à sa femme « Nous avons vu et visité à Nogent-le Rotrou ce château qu’on voulait me vendre, il y a six à sept ans. Nanteuil en fait pour toi un croquis de souvenir pendant que je t’écris. L’extérieur du château est encore très beau et domine superbement un immense horizon de plaines ondulantes. L’intérieur n est que délabrement ».

En 1843, Oeillet des Murs acquiert le château et entreprend de nombreux travaux de restauration. La « brèche des anglais » est dissimulée par un mur de placage à fenêtres, surmonté de mâchicoulis. Le rez-de-chaussée du donjon est percé de plusieurs fenêtres. Les fenêtres du logis et des tours sont agrandies, les planchers et plafonds rétablis. Épuisé et en partie ruiné par tant de travaux, Oeillet des Murs revend la forteresse au Dr Jousset de Bellesme. En 1885, Historien du Perche et archéologue passionné, celui-ci poursuit l’oeuvre entreprise par son prédécesseur. Plusieurs interventions sont réalisées sur le donjon; la plus visible et controversée étant le rétablissement du crénelage du donjon en 1905.

En 1950, endommagé par les conflits de la Seconde Guerre, le château est acheté par la ville de Nogent-le Rotrou. De très importants travaux de restauration sont alors entrepris afin d’aménager le logis du château en musée d’ethnographie et d’histoire locale et en salles d’expositions.
Depuis 2001, la restauration et la mise en valeur du donjon et de la tour de la Chaise sont en cours.

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Sources : Casteland, YouTube.

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