Le camp de concentration d’Oranienbourg-Sachsenhausen (en allemand Konzentrationslager Sachsenhausen, KZ Sachsenhausen ou encore KL Sachsenhausen), est un camp de concentration nazi implanté en 1936 à Oranienbourg, ville située à 30 km au nord de Berlin.
Il avait plusieurs objectifs : être un camp modèle, dont même l’architecture devait montrer la suprématie de l’idéologie nazie ; former les futurs chefs de camp (Rudolf Höss y fera ses classes avant de prendre la tête du complexe d’Auschwitz) ainsi que les SS responsables des camps de concentration (SS Totenkopf) ; accueillir le siège de l’Inspection des camps de concentration (I.K.L.).
À son apogée, le complexe de Sachsenhausen compte près d’une centaine de camps extérieurs et de Kommandos. Il est libéré par l’Armée rouge en avril 1945. De 1936 à 1945, on estime que 200 000 personnes y ont été internées et que 84 000 y sont mortes. En août 1941, un massacre de masse y a eu lieu avec l’exécution de plus de 13 000 soldats soviétiques, prisonniers de guerre.
Il est aujourd’hui aménagé en un musée-mémorial, avec dix espaces d’expositions permanentes qui présentent chacune un aspect majeur de l’histoire du camp.
C’est probablement le seul camp de concentration que les prisonniers ont baptisé d’un diminutif : « Sachso ».
Avant l’ouverture du camp de concentration de Sachsenhausen en 1936, Oranienbourg, ville de la grande banlieue de Berlin, a déjà accueilli un camp de concentration : en mars 1933, dans une brasserie désaffectée, est ouvert l’un des premiers camps dans lesquels les nazis récemment arrivés au pouvoir enferment leurs opposants politiques. Sous commandement de la S.A., il est fermé en 1935. Un an plus tard, à Sachsenhausen, un quartier de la ville d’Oranienbourg, commence la construction d’un nouveau camp, beaucoup plus grand, cette fois sous commandement S.S. et avec le but affiché de réaliser un « camp modèle » : Theodor Eicke, commandant du camp de concentration de Dachau et inspecteur des camps de concentration, pense initialement agrandir « son » camp. Néanmoins, l’inspection des camps de concentration (I.K.L.) se trouve à Berlin et nécessite d’avoir un camp de concentration à proximité. Eicke ordonne alors, dans une lettre du 18 juin 1936, que certaines forêts domaniales d’Oranienbourg soient mises à disposition « en vue de l’installation d’un camp de concentration ». Les travaux débutent à l’été 1936, alors que les Jeux Olympiques réunissent à Berlin, capitale du Reich, les délégations de 49 nations.
Dès les premières esquisses, le camp de Sachsenhausen présente des particularités uniques, répondant au dessein de Eicke de construire un « camp modèle » répondant à une architecture démontrant la supériorité nazie. Les plans initiaux prévoient un plan triangulaire double. Le triangle intérieur correspond à la partie dévolue aux prisonniers : une tour de garde est placée au centre de la base du triangle, des baraques disposées en éventail selon des rayons partant de cette tour, une caserne disposée de manière transversale et qui agrandit la base de ce petit triangle. Un triangle plus grand, qui englobe le premier et dont la base doit contenir les bâtiments pour la SS, c’est-à-dire les pavillons d’habitation, le garage des véhicules militaires des SS, les locaux de la Kripo, et ceux de l’inspection des camps de concentration (I.K.L.).
La prison du camp : « Parmi les premières constructions, il y a le bloc cellulaire (Zellenbau), séparée du reste du camp par des barbelés, des palissades, un mur. Quatre-vingts cellules servent aux arrêts, qui comprennent trois degrés : les arrêts normaux, jusqu’à vingt-huit jours en cellule éclairée avec la ration normale ; les arrêts moyens, jusqu’à quarante-deux jours avec de la nourriture chaude seulement tous les trois jours ; les arrêts durs en cellule obscure, où le prisonnier ne peut ni s’asseoir ni se coucher durant toute la journée. Certains ne quittèrent jamais cet enclos et y trouvèrent la mort, comme l’écrivain communiste hongrois Julius Alpari, arrêté à Paris en 1941 et fusillé au camp le 17 juillet de la même année. Le pasteur Niemöller, que Hitler avait voulu contraindre à créer une Église “nationale-socialiste”, condamné à sept mois de prison le 2 mars 1938 par le tribunal de Berlin-Moabit et attendu à sa sortie par la Gestapo, est amené en ce lieu, où il restera jusqu’à la défaite du Nazisme. »
La partie des prisonniers est ceinturée d’un mur de 2,70 mètres de haut, surmonté de fils électrifiés. Des miradors équipés de mitrailleuses et de projecteurs orientables sont disposés à intervalles réguliers. À deux mètres du mur, côté intérieur du triangle, un chemin de ronde est délimité par une barrière de fil barbelé électrifié. En allant toujours du mur vers l’intérieur, une bande de graviers est ceinturée de chevaux de frises : c’est la « zone neutre ». Dans cette zone, des panneaux indiquent en allemand « On tirera sans sommation », surmonté d’une tête de mort.
Les premiers assassinats connus ont lieu à partir de novembre 1936. Le 10 novembre, un SS arrache le béret d’un prisonnier, le jette sur la clôture qui court de l’autre côté de la « zone interdite » et lui ordonne d’aller le rechercher. Le détenu est alors abattu, pour « tentative d’évasion » : c’était Gustav Lampe, ancien député communiste au Reichstag. Au moins cinq autres assassinats sont attestés dans cette période : ceux de prisonniers incarcérés parce qu’ils étaient juifs, morts sous la torture entre décembre 1936 et février 1937 : Julius Burg, Benrhard Bishburg, Franz Reyerbach, Kurt Zeckendorf et le Dr Friedrich Weissler.
Les SS ordonnent la construction d’une prison en forme de T, devant accueillir 80 cellules, et séparée du camp par un mur, au début de l’année 1937. Cette prison est le lieu de diverses exactions : c’est là que les SS réalisent leurs interrogatoires utilisant les peines corporelles telles que la bastonnade, la pendaison au poteau, l’isolement dans une cellule sans lumière, etc. De nombreux prisonniers succomberont aux mauvais traitements.
« Les fesses meurtries par les coups étaient soignées avec des emballages de margarine mis de côté spécialement à cet effet. Néanmoins, il n’était pas rare que les gens meurent, les reins éclatés après avoir reçu le “traitement 25”. »
— Ab Nicolaas, 1995, déporté néerlandais à Sachsenhausen de 1941 à 1945
Le « traitement 25 », c’est l’administration au supplicié de 25 coups sur les fesses, alors qu’il est attaché à un chevalet de bastonnade (le « Bock »). Les coups peuvent être administrés soit par les SS, soit par des prisonniers de droit commun. Plus tard, les SS choisiront de réaliser les bastonnades non plus à la prison, mais sur la place d’appel, et de charger les déportés d’infliger eux-mêmes la peine à leurs codétenus. Se faire prendre à fumer dans le camp, avoir mal fait son lit ou avoir discuté pendant l’appel pouvait rendre passible du « traitement 25 » : la bastonnade est alors considérée par les SS comme la punition la plus légère dans l’échelle des sanctions.
La prison sert également à l’incarcération de personnages célèbres, comme le théologien Martin Niemöller, ou encore Georg Elser, auteur d’un attentat manqué contre Hitler en 1939. Après le déclenchement de la guerre, des hommes politiques des pays occupés ou des dirigeants nazis en disgrâce seront également détenus dans la prison.
Il existe une compagnie disciplinaire depuis l’ouverture du camp. Cette compagnie est composée de détenus qui doivent être punis ou soumis à un « traitement renforcé » selon les SS ou les surveillants du camp. Ils sont alors affectés à des kommandos où le travail était particulièrement pénible. C’est la compagnie qui connaît le plus fort taux de mortalité. En mars 1938, la compagnie est transférée dans une « zone d’isolement », c’est-à-dire que les détenus sont regroupés dans des baraques entourées d’une rangée de barbelés à l’intérieur même du camp.
À partir de 1938, les nouveaux arrivants passent plusieurs semaines à l’isolement, dans des baraques séparées du reste du camp par des barbelés. Les SS entassent ainsi dans les baraques 11,12, 35 et 36 des prisonniers juifs, homosexuels, sintis et roms, des repris de justice et des prisonniers du « service spécial de la Wehrmacht ».
Hitler a pour dessein de bâtir à Berlin une « capitale du monde », qui réunirait les peuples germaniques au sein du Reich : Germania. Pour ce faire, la SS ordonne la construction d’une briqueterie sur le canal Oder-Havel. Les déportés considèrent ce kommando comme une antichambre de la mort, car les assassinats y sont fréquents. Klinkerwerk prend le statut de camp annexe en 1941, lorsque les baraquements pour loger les prisonniers sont construits. Avant cela, il faut faire l’aller-retour tous les jours entre le « grand camp » de Sachsenhausen et le kommando. À partir de 1942 la force de travail des déportés est reconvertie à la production d’armement, notamment de grenades.
« J’ai fini par m’écrouler à force de porter des sacs de ciment. Bubi Krüger m’a donné un coup de crosse en plein dans la gueule — nez cassé, paumé toutes mes dents. »
— Heinz Wollmann, 1997, Juif allemand à Sachsenhausen en 1938/1939
Jusqu’à la fin de l’année 1938, les prisonniers sont habillés avec de vieux uniformes de la police ou de treillis gris. Pour les différencier des vrais uniformes, des bandes de peinture sont appliquées sur le devant et le dos de la veste, ainsi que sur les jambes du pantalon. Les sous-vêtements sont rapiécés et la plupart des détenus, n’ayant plus de chaussettes, s’entourent les pieds dans des bouts de chiffons, les fameuses « chaussettes russes ». En 1940, les chaussures sont remplacées par des socques à semelles de bois, appelés des « Höllander ».
À partir du printemps 1938, les SS instaurent un système permettant d’identifier immédiatement le motif de la présence au camp de chaque détenu : les prisonniers sont contraints de coudre des triangles de couleur sur leurs habits, pointe en bas, la couleur renvoyant aux diverses catégories établies. Il faut coudre le triangle au niveau de la poitrine et à gauche sur la veste, ainsi que sur le haut d’une jambe du pantalon. Les SS classifient souvent de manière arbitraire or, dans la mesure où ils traitent les groupes de détenus avec plus ou moins de brutalité, ces classements peuvent signifier la vie ou la mort. Au-dessus du triangle est cousue une bande de tissu blanc sur laquelle est peint ou cousu le numéro matricule du détenu.
Lorsque des prisonniers étrangers arrivent au camp, une ou plusieurs lettres sont ajoutées sur le triangle pour signifier la nationalité. Seuls les Allemands n’ajoutent pas de lettres. Par ailleurs, s’ils n’étaient ni juifs, ni sintis ou roms, les étrangers sont quasiment tous affublés d’un triangle rouge. En général, les déportés en provenance des pays occupés par l’Allemagne nazie, qui arrivent en masse au camp de Sachsenhausen après le début de la guerre, sont plus mal traités par les SS que les détenus allemands.
En novembre 1938, à la suite de la Nuit de Cristal, près de 6 000 Juifs sont déportés dans le camp bientôt rejoints par d’autres. Ceux qui n’ont pas été libérés contre rançon sont déportés en octobre 1942.
Mais on déportait essentiellement des prisonniers dits politiques ressortissants de nombreuses nationalités, y compris des résistants français.
Les déportés étaient utilisés pour l’effort de guerre des nazis et travaillaient alors dans des conditions extrêmement pénibles dans des petites unités souvent extérieures au camp principal et constituant des camps annexes, appelés kommandos. Outre des travaux de manufacture (menuiserie), certains déportés devaient réparer le matériel de guerre allemand.
Un atelier de fausse monnaie y fut également installé. Il produisit environ 15 millions de livres sterling utilisées pour contourner le blocus anti-nazi. C’était l’opération Bernhard.
Au moins un millier d’homosexuels ont été déportés à Sachsenhausen au titre du paragraphe 175. Affectés aux deux commandos les plus durs (le commando disciplinaire Schuhläufer — marche forcée — et le commando extérieur Klinkerwerk – la briqueterie), ils connaissent une mortalité particulièrement élevée.
Il existait plus de cent Kommandos extérieurs dont l’usine-camp de construction Heinkel.
Face à la violence gratuite des SS, une “soirée chantante” est organisée le soir de Noël 1936 : les déportés se regroupèrent pour chanter “à en faire vibrer les murs”, une manière de signifier qu’ils n’abdiquaient pas leur dignité.
Fin avril 1945, le camp fut libéré par l’Armée rouge. De nombreux prisonniers étaient morts entretemps au cours de l’une des nombreuses marches de la mort. Il restait environ 3 000 survivants au camp dont la moitié de femmes.
En août 1945, l’administration militaire soviétique (SMAD) utilisa le camp de concentration de Sachsenhausen en tant que camp spécial n° 7. Dans ce camp de prisonniers soviétique, ont été internés des sociaux-démocrates, des fonctionnaires nazis des niveaux inférieur et intermédiaire, des membres des forces armées, des adolescents soupçonnés d’avoir appartenu aux « Werwolfs », des opposants au nouvel ordre politique et des personnes arrêtées de manière arbitraire. La RDA ferme le camp, rebaptisé camp spécial n° 1 en 1948, en 1950, dernier des camps spéciaux encore en fonction. La Kasernierte Volkspolizei (précurseur de l’armée populaire nationale de la RDA) s’est octroyé le site la même année et en a utilisé une partie comme caserne.
On estime à 12 000 le nombre de morts lors de cette période, dus essentiellement aux épidémies et aux mauvaises conditions de détention.
Le camp, qui a été transformé en mémorial (Gedenkstätte), couvre une superficie de 600 hectares.
Voir aussi cette vidéo :
Sources : Wikipédia, YouTube.