L’arbalète.

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L’arbalète (du latin arcuballista) est une arme de trait, constituée d’un arc monté sur un fût et lançant des projectiles appelés « carreaux ». Sa puissance est supérieure à celle d’un arc ainsi que sa précision mais son rechargement long la pénalise.


Dans son principe, l’arbalète n’est rien d’autre qu’un arc pour lequel le maintien en tension de la corde est assuré non plus par la force physique du tireur, mais par une pièce rigide appelée arbrier, comme l’écrit Littré, ou arbier, organisée pour supporter le carreau, retenir la corde et la libérer au moment du tir au moyen d’un mécanisme simple.

Ce perfectionnement apporte plusieurs avantages. Une fois que la corde est tendue, le tireur n’a plus d’effort physique à fournir pendant qu’il vise. L’ajustement du tir s’en trouve facilité. La régularité de tension de la corde est à peu près absolue puisqu’elle est déterminée par le point d’ancrage sur l’arbrier, et donc indépendante du geste de l’archer. Ainsi l’efficacité du tir est moins conditionnée par l’habileté naturelle et le niveau d’entrainement du tireur. Avec une arbalète, il est aussi possible de tirer avec efficacité en position couchée.

La puissance de l’arbalète peut être augmentée sans inconvénient jusqu’à des puissances compatibles avec par exemple le percement des armures ou l’abattage d’un cheval. En outre, la longueur des projectiles n’a plus à être définie en fonction de la morphologie de chaque tireur.

Les premières arbalètes apparaissent en Chine, durant la Période des Royaumes combattants qui couvre le Ve siècle av. J.-C. et jusqu’à 221 av. J.-C. L’arme ne disposant pas encore de système mécanique, la corde doit être tendue par le combattant en position allongée, tirant sur celle-ci avec ses bras et poussant avec ses pieds sur les demi-arcs. La gâchette se développe au cours de la période allant de la dynastie Qin aux Han. Ce sont des pièces en bronze.

C’est également durant la période des Royaumes combattants qu’apparaît la Chu ko nu (littː « arbalète de Zhuge »), une arbalète à répétition. Il s’agit d’une petite arbalète à levier permettant un rechargement rapide du trait, dont le nom provient d’une version de cette arme qui a été améliorée par Zhuge Liang, un célèbre stratège de la période des trois royaumes.

Les premières apparitions de développement des arbalètes en Europe ont lieu dans la Grèce antique au cours du ve siècle av. J.-C.

Le gastrophète est l’ancêtre de l’arbalète, mais il s’agit d’une arme de siège. Son poids élevé permet en effet de douter d’une utilisation réelle sur un champ de bataille en dehors d’un contexte de siège. Elle fut remplacée par l’oxybeles puis par la baliste.

Arbalète, carte maximum, Liechtenstein.

Contrairement au gastrophète, l’arbalète dispose d’un système avec une détente.

Dans l’Antiquité romaine, la Cheiroballistra, aussi appelée manuballista (littéralement baliste à main),est héritée du modèle des oxybèles grecs, il s’agit donc d’une arbalète à torsion. Ce modèle aurait subsisté jusqu’au Xe siècle. Le principe repose sur deux ressorts de crins ou de tendons de chaque côté du fût de l’arme, qui se tendent quand on ramène les deux branches en arrière.

Le commandant romain Arrien décrit dans son livre Tactica la formation au tir de la cavalerie romaine à l’aide d’une arme à main mécanique depuis un cheval. Des reliefs de la Gaule romaine dépeignent l’utilisation d’arbalètes dans des scènes de chasse. Ceux-ci sont remarquablement semblables à l’arbalète médiévale postérieure.

Au Moyen Âge, l’arbalète est utilisée autant comme arme de chasse que pour la guerre. Méprisée par la chevalerie, elle est vue comme arme déloyale car, tuant à distance, elle ne permet pas à l’adversaire de se défendre. Ainsi, considérant que l’arbalète, qui n’exige pas une grande formation, permet à des soldats peu aguerris de tuer de loin un chevalier en armure qui a voué son existence au métier de la guerre, le clergé estime que c’est une arme immorale pour le peu de courage et de formation qu’elle exige de celui qui la manie. « Les Français la regardaient comme l’arme des lâches et refusaient de s’en servir. Avec cette arme perfide, disaient-ils, un poltron peut tuer sans risque le plus vaillant homme. »

L’arbalète apparaît sous sa forme moderne en Italie au milieu du Xe siècle. Les Mamelouks l’utilisent au moins pour la chasse au XIIe siècle.

En Europe chrétienne, l’arbalète est frappée d’anathème et son usage est interdit en 1139 par le IIe concile du Latran et confirmée quelques années plus tard, en 1143, par le pape Innocent II, qui menace les arbalétriers, les fabricants de cette arme et ceux qui en faisaient le commerce d’excommunication et d’anathème. Cette interdiction, par ailleurs valable uniquement pour les combats entre chrétiens, reste médiocrement observée par les princes d’Occident, malgré les efforts du pape Innocent III pour réaffirmer, en 1205, les interdits du concile du Latran II, à tel point que l’arbalète est privilégiée à l’arc à cette époque. Aux xiie et xiiie siècles, malgré l’interdiction, Richard Cœur de Lion et Philippe Auguste développèrent des unités spécifiques d’arbalétriers, bien entraînées et équipées. L’efficacité de ces armes faisait de ceux qui les maniaient des soldats d’élite, très prisés, et très bien payés, ce qui leur permettait l’achat d’équipements de qualité. Les indications de l’époque font état des arbalétriers comme les troupes les mieux payées des armées occidentales, et parfois même mieux équipées que certaines classes de chevaliers. Cette arme fut aussi utilisée par les peuples orientaux durant les croisades, dans une forme similaire au modèle occidental, mais avec quelques subtilités de forme. Il existait aussi un modèle, peut-être expérimental, d’arbalète portative lance-grenades.

Durant les guerres de la fin du Moyen Âge, la France fait souvent appel à des mercenaires arbalétriers étrangers (notamment italiens, et en particulier génois), dont le tir pouvait percer une armure jusqu’à une distance de 90 à 100 mètres.

L’une des victimes les plus célèbres fut Richard Cœur de Lion qui mourut de la blessure infligée par un carreau d’arbalète en 1199.

Les progrès de la sidérurgie augmentent parallèlement la robustesse des armures et la puissance de l’arbalète avec la création de l’arc en acier, au début du XIVe siècle, qui remplace petit à petit les arcs en bois et les arcs composites (lamellé-collé : bois + tendons + corne, le tout encollé). On invente aussi un mécanisme complexe et coûteux, avec temps de rechargement de plus en plus long de 2 à 3 minutes (jusqu’à 30 minutes pour les modèles les plus puissants) comme le cric ou le treuil (appelé aussi le « moufle ») pour tendre l’arbalète. Les Italiens se distinguent dans la fabrication d’arbalètes particulièrement efficaces : un trait peut atteindre jusqu’à 350 km/h ! Cependant, à raison de deux coups par heure, elle est peu utilisée sur les champs de bataille. Par contre, lors des sièges, l’arbalétrier peut se mettre à l’abri, aussi peut-elle être utilisée concurremment à l’arc, l’archer tirant pendant que l’arbalétrier recharge son arme.

Le cranequin (du moyen néerlandais cranekijn « sorte d’arbalète ») était une arbalète à pied mais le terme a fini par désigner aussi le mécanisme particulier destiné à le tendre. Pour lever cette ambiguïté, l’arbalète elle-même a été renommée improprement cric d’arbalète, terme malheureusement utilisé de nos jours alors qu’il semble ne désigner qu’une partie de l’arme. Les cranequiniers étaient les utilisateurs (à pied ou à cheval) de ce type d’arbalète.

Les arbalètes, comme les arcs, ont pratiquement disparu lorsque les armes à feu, plus facile d’emploi, demandant moins d’entraînement, et aussi beaucoup moins chères, devinrent l’équipement de base du fantassin. Des utilisations marginales restent néanmoins attestées jusqu’à des époques très récentes, par exemple pour la chasse.

L’arme décrite par l’historienne byzantine Anne Comnène (1083-1148)
« La tsangra (arbalète en grec) est un arc barbare (étranger), absolument inconnu des Grecs (Byzantins). Il ne se tend pas (l’arc), […] celui qui tend cet instrument de guerre, particulièrement puissant, doit se tenir pour ainsi dire à la renverse et appuyer fortement les deux pieds sur les demi-cercles de l’arc, tandis que des deux mains, il tire à soi la corde avec grand effort. En son milieu se trouve une rainure semi-cylindrique qui touche à la corde elle-même, elle est à peu près de la dimension d’un trait de grande longueur et va de la corde jusqu’au milieu de l’arc (arbalète) : c’est par là que sont lancés des traits de toutes sortes.

Aussi bien, les traits qu’on y place, sont-ils très courts, mais très gros et munis au bout d’une redoutable armature de fer. Du fait de la projection, rendue violente par la corde et par toute la force déployée, les traits ne rebondissent pas en arrière de l’endroit où ils sont venus frapper […] mais traversent un bouclier, perforent une cuirasse de fer épais, et poursuivent leur vol de l’autre côté.

C’est à ce point qu’est violente et irrésistible la force de tels traits.

Ce trait a déjà transpercé une statue de bronze : venant à frapper le rempart d’une grande ville, ou bien il a disparu enfoncé dans l’épaisseur du mur. Telle est l’action de la tsangra, action réellement diabolique ; celui qui est atteint par l’un de ces coups est bien malheureux, car il meurt subitement sans même sentir le coup, tant il est violent. »

Quelques explorateurs européens du milieu du XIXe siècle (entre autres Paul Belloni Du Chaillu, Richard Francis Burton) constatent la présence d’un type particulier d’arbalète répandu en Afrique côtière équatoriale.

Ce type d’arme est alors utilisé par diverses ethnies, réparties de l’actuel Gabon (Fangs et Mpongwe de la région de la rivière Ogooué) jusqu’au sud-est de l’actuel Nigéria en passant par le Cameroun.

L’arbalète africaine consiste en un long bras se séparant verticalement en deux branches. Ramener les deux morceaux ensemble fait rentrer un petit cylindre du morceau inférieur dans une cavité du morceau supérieur, cylindre qui déloge la corde et provoque le tir. Du milieu du XIXe siècle jusqu’au début du XXe, les principales théories expliquant la présence de ces armes dans cette région très circonscrite de l’Afrique, font état d’une invention locale (Sir Richard F. Burton était d’avis que l’arme était probablement d’invention locale et présente depuis un temps considérable.), ou bien d’une imitation « simplifiée » des arbalètes européennes.

Selon Henry Balfour, il ne s’agit ni d’une invention locale ancienne, ni d’une simplification d’une arme européenne, mais d’une reproduction « à l’identique » d’un modèle européen rudimentaire qui était répandu à l’époque des premiers contacts entre les européens et les africains de la côte.

Selon Thomas Louis et Tommy Ito, l’arbalète à flèche est apparue au Japon au viie siècle, équipant, pour l’essentiel, l’infanterie. Au cours du XVIe siècle, elle aurait été l’arme exclusive de certaines unités d’archers.

Elle fut utilisée sur les champs de bataille autant sous sa forme portative qu’en tant qu’arbalète de siège projetant des pierres (oyumi). Cette dernière disparut au début du xiie siècle.

Les ninjas (shinobi) utilisaient les arbalètes en mettant à profit leur agilité pour choisir des postes de tir inusités (par exemple, depuis les toits).

On trouve trace de l’arbalète avec un apogée en Chine dès l’Antiquité, et au Moyen Âge en Occident. L’arbalète peut être un objet simple avec un arc en bois d’une seule pièce et une simple encoche dans l’arbrier pour retenir la corde (par exemple l’arbalète pré-médiévale dite de Charavine retrouvée dans le lac de Paladru en Isère, ou encore les modèles pygmées encore en usage en Afrique centrale). Mais la plupart des modèles contemporains de la guerre de Cent Ans sont de conception perfectionnée, avec système de détente à noix, arcs composites puis métalliques, et accessoires d’armement de la corde, qui en font des armes de technologie élaborée, et donc assez coûteuses.

Si pour la chasse, l’emploi de l’arbalète a été très apprécié en son temps, son usage militaire a provoqué des déboires célèbres sur le champ de bataille. La lenteur de mise en œuvre face aux troupes armées du grand arc droit traditionnel est souvent avancée comme explication (voir les chroniques des batailles de Crécy et d’Azincourt). Mais c’est probablement surtout l’option de vouloir remplacer les archers par des arbalétriers qui constitua une erreur. En tirant 5 flèches à la minute en rangs serrés, les troupes d’archers peuvent être utilisées comme des moyens de tir de suppression, alors que l’arbalète est plutôt dans le contexte de l’époque une arme de précision.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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