L’abbaye Saint-Pierre de Solesmes (Sarthe).

L’abbaye Saint-Pierre de Solesmes est une abbaye bénédictine située à Solesmes dans la Sarthe, dont les origines remontent à 1010. Elle fait partie de la congrégation de Solesmes, ou congrégation de France, au sein de la confédération bénédictine.

Simple prieuré dépendant de l’abbaye de la Couture au Mans jusqu’à la Révolution, l’abbaye de Solesmes doit sa renommée internationale à Dom Prosper Guéranger, restaurateur en 1833 de l’ordre des Bénédictins en France, ainsi qu’à la liturgie et au chant grégorien dont elle est un des hauts lieux.

Un prieuré a été fondé au début du XIe siècle par le seigneur Geoffroy de Sablé, ayant fait don de domaines à l’est du château de Sablé autour de l’église de Solesmes, aux moines de l’abbaye Saint-Pierre de la Couture, au Mans. La dédicace de l’église a lieu un 12 octobre et la charte de fondation daterait de 1010. Les moines, aidés de rustici ruricoli (paysans cultivateurs) défrichent les environs, cultivent le seigle, la vigne et la fève et élèvent chevaux et bovins. Un bourg apparaît autour de l’abbaye à la fin du XIe siècle, et l’on construit une nouvelle église paroissiale, Sainte-Marie et quelques décennies plus tard la chapelle Saint-Aquilin (aujourd’hui au cimetière communal).

La charte de fondation est confirmée le 30 mars 1073 par Guillaume le Conquérant, suzerain du nouveau seigneur de Sablé, Robert le Bourguignon.

Abbaye de Solesmes, carte maximum, 20/09/1980.

Urbain II, après son appel à la croisade du 20 novembre 1095 à Clermont, s’y rend le 14 février 1096 au retour de Poitiers et Angers, en chemin vers Tours, puis l’église et l’abbaye sont agrandis. Le Templier Robert de Sablé, seigneur de Sablé, grand-maitre de l’ordre du Temple et compagnon de Richard Cœur de Lion durant la troisième croisade, fait don du dixième de l’impôt de Sablé aux moines en 1170. Le Chevalier croisé rapporte de Terre sainte un morceau de la Sainte Épine, toujours vénérée aujourd’hui le lundi de Pâques.

La dalle funéraire de Robert de Sablé est visible dans l’église abbatiale de l’abbaye de Solesmes située près de la ville de Sablé-sur-Sarthe.

Abbaye de Solesmes, épreuve d’artiste signée.

Les Plantagenêts perdent leurs possessions angevines au XIIIe siècle, mais le monastère ne souffre pas des débuts de la guerre de Cent Ans, au fil des décennies, il prend de l’importance, jusqu’à devenir prieuré conventuel et recevoir de nouvelles dotations. Cependant les premières attaques de la guerre touchent Solesmes après 1380. Pendant une cinquantaine d’années, la région subit les assauts des Anglais. Solesmes est ravagé, par dépit de n’avoir pu prendre Sablé, tenu par Gilles de Rais. Louis II d’Anjou confirme les privilèges de Solesmes en 1408, afin de lui accorder un répit financier et de permettre sa reconstruction, mais le nombre des moines tombe de douze à cinq en 1434. La région est économiquement sinistrée.

Solesmes se relève peu à peu à la fin du siècle, attirant toujours des vocations, un prieuré simple, Bouessay, est fondé en 1487.

Abbaye de Solesmes, essais de couleurs.

La bataille de Formigny en 1450 met fin à la guerre de Cent Ans dans le pays angevin et dans le Maine. Les règnes de Louis XI et Charles VIII vont apporter prospérité à la région et à Solesmes. C’est l’époque dite « des grands prieurs de Solesmes », comme dom Philibert de la Croix (1469-1479) qui réorganise le domaine, remet en valeur les terres, entreprend des travaux d’irrigation et agrandit le prieuré ; Guillaume Cheminart (1486-1495) et Jean Bougler (1505-1556) qui commandent de grands ensembles sculptés, les Saints de Solesmes, chefs-d’œuvre de la Renaissance française. Dans le bras sud du transept le magnifique Tombeau de Notre-Seigneur (1496) de style gothique flamboyant date de cette époque de renouveau. Dom Bougler poursuit les travaux avec la remarquable Belle Chapelle aux nombreuses sculptures, véritables scènes mariales vivantes.

Pendant les guerres de religion le prieuré est attaqué par les huguenots en 1567, mais il est défendu par la population. On fait construire le remarquable groupe sculpté du Recouvrement de Jésus au Temple dans la « Belle Chapelle » en ex-voto. Cependant une période de décadence, après ces brillantes années, commence avec la mise en commende à cette époque du prieuré. Il passe à des proches de Marie de Médicis. L’idéal monastique s’éteint et en 1659, il ne reste que quatre moines, dont l’un vit en concubinage notoire… L’abbaye de La Couture tente d’y mettre de l’ordre en envoyant un de ses moines, Dom de Boislaurent, et les anciens moines disparaissent dans la nature ! Finalement La Couture installe en 1664 des moines de la nouvelle congrégation de Saint-Maur. Ceci marque la deuxième fondation de Solesmes. Le prieuré reprend la vie monastique, comme tant d’autres monastères bénédictins réformés par les mauristes en France. Le prieuré reste modeste, mais malgré ses faibles moyens l’on construit un nouveau portail vers 1670, tandis que l’église est restaurée, la clôture rétablie et qu’un vivier (les moines pratiquent l’abstinence de viande) est creusé.

Abbaye de Solesmes, carte maximum, 20/09/1980.

Tout est remis en cause par l’arrivée en 1671 d’un prieur commendataire, dom Étienne de Noyelle, qui accapare les revenus pour lui-même et se met à vivre à Solesmes comme un gentilhomme campagnard, ses compagnons devenus de véritables domestiques. On tente bien de l’emprisonner en 1680, puis de l’éloigner dans une autre abbaye, tandis que les moines reprennent leur vie normale, mais Dom de Noyelle obtient en 1685 un arrêt du Conseil d’État en sa faveur, se fait rembourser des fermages non versés et réside jusqu’à sa mort en 1706 au prieuré. Solesmes est condamné à l’indigence matérielle.

Heureusement un nouveau prieur titulaire arrive en 1712, Dom Edmond Duret. Il reconstruit enfin le prieuré, avec ses bâtiments actuels au bord de la rivière, formant un carré autour du cloître, la partie sud longeant l’église abbatiale. Sa façade classique à l’ouest domine de son fronton un petit jardin à la française. L’église est arrangée et redécorée vers 1740. Dix ans plus tard, Solesmes a l’autorisation de sortir du système de la commende, devenant en contrepartie une simple celle dépendant de La Couture. Mais Solesmes retombe dans une période d’atonie spirituelle. Les Mauristes abandonnent peu à peu, dans le contexte de l’époque dite des Lumières, l’observance. Ils vivent simplement comme des hommes pieux retirés à la campagne, se bornant à quelques prières.

Lorsque l’Assemblée Constituante interdit les vœux religieux, le 13 février 1790, un moine sur les sept (en fait le sous-prieur) rompt ses vœux, devenant curé constitutionnel, puis soldat de la république. Les autres refusent de prêter serment et sont emprisonnés. (L’un d’eux, Dom Pierre Papion, réussit à se cacher pour célébrer clandestinement des messes dans la région. Il sera ensuite, après la signature du Concordat, aumônier de l’hospice de Sablé.) Solesmes est vidé de ses occupants en mars 1791, et devient alors la maison de campagne d’un certain Henri Lenoir de Chantelou ; les archives du monastère sont brûlées lors d’un feu de joie « civique », le 14 juillet 1794. L’église rouvre au moment du Concordat et la famille Lenoir de Chantelou obtient de Napoléon lui-même que ses statues ne soient pas déplacées au Mans, comme le souhaitait le préfet.

En 1825, des administrateurs de biens rachètent les bâtiments monastiques et leur domaine de 145 hectares avec ses fermes. Ils décident vers 1832 de démolir les bâtiments: on commence par l’aile Est, aujourd’hui disparue.

C’est alors que le jeune abbé Prosper Guéranger, natif de la région, entre en scène.

De jeunes prêtres du diocèse du Mans menés par l’abbé Prosper Guéranger reprennent la vie monastique le 11 juillet 1833 au prieuré de Solesmes, empêchant ainsi (à l’inverse de Cluny ou de Marmoutier) la disparition totale de l’abbaye. Ils sollicitent d’abord un bail, avant de la racheter plus tard, grâce à une souscription lancée entre autres par Sophie Swetchine3. L’abbé Guéranger est élu prieur et l’abbé Auguste Fonteinne (1804-1889) est choisi comme cellérier. Les nouvelles constitutions de restauration de l’ordre de Saint-Benoît en France lui sont accordées après un voyage à Rome en 1837. C’est la naissance de la congrégation de Solesmes (ou congrégation de France). Prosper Guéranger émet ses vœux solennels le 26 juillet 1837 en la basilique Saint-Paul-hors-les-murs et reçoit en novembre les quatre premières professions de ses compagnons.

Monastère rétabli, certes. Toutefois, encore manque-t-il de liturgie adaptée à la vie monastique. En effet, le dégât de la révolution et du gallicanisme est tellement désastreux au XIXe siècle que Dom Guéranger ne peut pas trouver la liturgie romaine convenable. C’est la raison pour laquelle il se consacre à la rédaction d’ouvrages d’histoire monastique et ecclésiale, dont ses célèbres Institutions liturgiques, et à la restauration de son Ordre. Il publie de 1841 à 1866 les neuf volumes de l’Année liturgique, traduits dès le début en plusieurs langues.

D’ailleurs, faute de connaissance musicale, il doit chercher quelqu’un capable de diriger la liturgie pour les besoins de ses moines. L’abbé trouve un excellent collaborateur, chanoine Augustin-Mathurin Gontier († 1881), auprès de la cathédrale Saint-Julien du Mans. Devenu ami, ce religieux aide amplement les célébrations de l’abbaye. Puis en 1856, Dom Guéranger peut charger Dom Paul Jausions d’étudier les manuscrits anciens musicaux. La restauration du chant grégorien commence dans ces circonstances4. Soutenu par Dom Guéranger et l’évêque du Mans, le chanoine effectue une présentation distinguée au congrès pour la restauration du plain-chant et de la musique de l’Église tenu à Paris en 1860. La reforme liturgique de Dom Guéranger obtient désormais plus de soutien.

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Sources : Wikipédia, YouTube.