L’abbaye Saint-Fortuné à Charlieu (Loire).

L’abbaye Saint-Fortuné de Charlieu est une ancienne abbaye bénédictine située sur la commune de Charlieu, actuellement dans le département français de la Loire.

L’abbaye est fondée en 872 par le conte Boson, futur roi de Bourgogne cisjurane (en 879) et Ratbert, évêque de Valence en un lieu nommé Sornin que les moines rebaptisèrent Charlieu (carus locus). D’abord autonome, l’abbaye est ensuite rattachée à l’Ordre de Saint-Benoît (ou Ordre de Cluny) vers 930-940. Dès le Xe siècle, l’église abbatiale abrite des reliques de Saint Étienne et de Saint-Fortuné; elle est agrandie afin de permettre aux pèlerins de circuler autour des reliques.

On peut supposer une baisse du nombre de moines au cours du siècle suivant, car l’église du IXe siècle tombe ensuite en ruines et doit être reconstruite au XIe siècle. De plus, l’abbaye devient un prieuré en 1040.

Le prieuré ne compte plus que six moines à la veille de la Révolution française. Comme de nombreux monastères, il est alors sécularisé et vendu en biens nationaux et la plus grande partie de l’église est détruite : seul subsiste encore l’avant nef ou narthex.

Abbaye de Charlieu, épreuve d’artiste.

L’abbaye bénéficie de multiples classements au titre des monuments historiques : liste de 1846 (fresques), liste de 1862 (abbaye), le 11 juin 1885 (La tour de la prison ou tour Philippe-Auguste), liste de 1889 (Ancienne maison abbatiale), le 14 mars 1928 (Substructions des anciennes églises Saint-Fortunat), le 2 septembre 2004 (Tour dite “de la Gendarmerie”).

Les tympans de l’église prieurale Saint Fortuné de Charlieu sont tous trois remarquables à plusieurs titres. Ceux des portails nord, bien qu’altérés par la suppression des têtes des personnages, sont d’une remarquable qualité artistique, pour laquelle la grâce et la force tourbillonnante du mouvement des scènes de personnages le disputent au caractère éminemment décoratif de la multitude de motifs géométriques ou végétaux.

Abbaye de Charlieu, carte maximum, Charlieu, 29/04/1972.

C’est l’un des plus anciens tympans de l’époque romane sculptés intégralement. Il date des environs de 1100. Sa sobriété lui confère des lignes d’une surprenante modernité dans leur harmonie avec la courbe en demi-cercle. Celle-ci délimite la forme de la pierre dans laquelle la sculpture se développe en cuvette : le sculpteur a ménagé un renflement sur le pourtour du tympan, qui forme cadre. L’intérieur est davantage creusé que le linteau, ce qui réduit le poids de cette partie toute d’une pièce. Le linteau, pierre horizontale qui supporte le tympan, est creusé de manière superficielle, en « très bas relief », ce qui permet de lui conserver sa solidité. Le tympan figure un Christ dans une mandorle, porté par deux anges – figure qui sera fréquemment reprise dans les portails bourguignons.

Les anges semblent au sol. Le linteau est orné des douze apôtres, assis sous des arcs en plein cintre. Ils tiennent un livre sur leur genou droit et lèvent la main gauche, en signe d’acclamation. Tout cela réfère à la parousie : le retour glorieux du Christ à la fin des temps.

Ils sont reliés par leur thématique : alors que l’archivolte du portail principal est surmontée d’un gracieux et réaliste agneau de l’apocalypse, le linteau du petit portail représente les sacrifices d’animaux pratiqués sous la loi judaïque. Comme Charlieu est une abbaye clunisienne, c’est une interprétation de Pierre le Vénérable, qui fut abbé de Cluny, qu’il faudrait voir illustrée ici ; dans son traité contre Pierre de Bruys, il précise : « le bœuf, le veau, le bélier, la chèvre, arrosaient de leur sang les autels des juifs ; seul l’agneau de Dieu, qui efface les péchés du monde, repose sur l’autel des chrétiens. » Voilà le lien entre l’agneau et le bétail au sacrifice. L’exégète explique plus loin que le Christ, en changeant l’eau en vin aux noces de Cana, a voulu figurer l’eucharistie et le sacrement de l’autel. Or, ce sont justement les noces de Cana qui sont représentées au-dessus de ce linteau.

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