L’abbaye Notre-Dame du Bec, Le Bec-Hellouin (Eure).

L’abbaye Notre-Dame du Bec est une abbaye catholique bénédictine faisant aujourd’hui partie de la congrégation de Sainte-Marie du Mont-Olivet et située au Bec-Hellouin, près de Brionne, dans le département de l’Eure, en Normandie. Elle a été fondée en 1034 par Herluin, ou Helloin, d’où son nom, chevalier du comte Gilbert de Brionne.

Avec l’arrivée des Italiens Lanfranc de Pavie, prieur et maître de l’école monastique, puis d’Anselme de Canterbury, originaire d’Aoste, le Bec devient l’un des principaux foyers de la vie intellectuelle du XIe siècle : le futur pape Alexandre II y étudie vers 1050 ainsi que nombre de futurs légats et évêques.

Depuis près de 1 000 ans, l’abbaye du Bec est liée par l’histoire à la cathédrale de Canterbury à laquelle elle a donné trois archevêques.

Laissée en ruines par la Révolution, la tour Saint-Nicolas est classée à partir de 1840 au titre des monuments historiques et l’abbaye est aujourd’hui gérée par le Centre des monuments nationaux. Elle a retrouvé vie grâce aux moines bénédictins de l’Ordre du Mont-Olivet qui, depuis 1948, y perpétuent la vie monastique sous l’égide de dom Paul-Emmanuel Clénet, élu 49e abbé en 1996.

Abbaye Notre-Dame du Bec, Le Bec-Hellouin, 25/03/1978

L’abbaye actuelle se compose de la salle capitulaire et du cloître du XVIIe siècle et de majestueux bâtiments conventuels du XVIIIe siècle. De la grande église abbatiale du XIVe siècle, il ne reste que les fondations. L’église actuelle occupe l’ancien réfectoire. L’ensemble est dominé par la puissante tour Saint-Nicolas du XVe siècle.

Contrairement à ce qui se faisait le plus souvent au XIe siècle, l’origine de la fondation de l’abbaye du Bec n’est pas une dotation de riches seigneurs normands, mais celle d’Herluin, simple chevalier sans éducation, tardivement touché par la dévotion. Propriétaire de terres à Bonneville, sur le plateau ouest de la vallée du Bec, Herluin s’y retire et y bâtit un ermitage, en 1034, avec l’accord du comte Gilbert de Brionne, le seigneur local et son ancien maître. Cette première donation se limite au patrimoine de son fondateur et la charte mentionne : Que tous ceux qui font profession de la religion chrétienne sachent que moi, Hellouin, fils d’Ansgot, en présence et de l’agrément et de l’aveu de mes frères, Eudes et Roger, avec l’approbation de Gilbert, comte, d’Albert et de Ranulphe, du consentement de Robert, comte, et de Robert, archevêque, j’ai donné à Notre-Dame le tiers de Bonneville, y compris les dépendances, Quevilly et Surcy, avec ce qui dépend de ces deux domaines, la terre de Cernay avec ses attenances, biens qu’Ansgot, mon père, a possédés pendant sa vie ; j’y ajoute la dot de ma mère qui, par la volonté expresse de mon père, m’a été donnée en entier : en présence des témoins Fulbert, prêtre, Vital Rainald et autres..

Le 24 mars 1035, l’évêque de Lisieux le nomme abbé à la tête du monastère soumis à la règle de saint Benoît et consacre la chapelle dédiée à Notre-Dame5.

Pendant cinq ans, Herluin et ses compagnons cultivent et défrichent les terres autour du monastère. Puis, vers 1039, ils descendent dans la vallée en raison du manque d’eau sur le plateau et s’installent à Pont-Authou, à la confluence du Bec et de la Risle. Une seconde église est consacrée, le 23 février 1041, par l’archevêque de Rouen Mauger. Cent trente-six moines font alors profession sous l’abbatiat d’Herluin.

Notre-Dame du Bec, épreuve d’artiste signée.

Les possessions s’étendent, grâce à Guy de Bourgogne, seigneur de Brionne après l’assassinat du comte Gilbert, d’une partie de la forêt de Brionne, le Parc-du-Bec, et de l’abbaye de Saint-Évroult, apportée par Guillaume Giroie, où Herluin restaure la vie religieuse.

Appelé en 1093 à l’archevêché de Canterbury, Anselme choisit pour lui succéder Guillaume de Montfort-sur-Risle, prieur de Poissy qui avait passé 15 ans au Bec. De 1077 à 1106, le Bec enregistre la fondation d’onze prieurés, aussi bien en Normandie qu’en Île-de-France et en Angleterre. L’aristocratie est très impliquée dans le développement du Bec, tant au niveau le plus élevé avec les ducs de Normandie et les rois de France, qu’au niveau des familles qui gravitent dans l’entourage des précédents ou de la petite aristocratie qui dote le Bec de terres, de fours, de moulins et d’églises dans le voisinage de l’abbaye. On trouve notamment parmi ses bienfaiteurs les noms de Richard de Bienfaite, Henri d’Eu et Hugues III de Meulan.

L’école du Bec perd de son rayonnement au début du XIIe siècle en raison du départ d’Anselme pour Canterbury et de plusieurs de ses compagnons pour l’Angleterre ainsi que de l’affaiblissement des écoles monastiques au profit des écoles urbaines, en particulier celles de Paris. Tandis que le nombre des moines sur place diminue au profit des prieurés donnés ou fondés sous l’autorité de la communauté, « il n’y a plus au Bec ni philosophe, ni théologien » au milieu du XIIe siècle. Jusqu’à la fin du siècle, l’abbaye poursuit toutefois sa tradition scolaire et intellectuelle, accueillant en ses murs le chroniqueur Robert de Torigni et les poètes Étienne de Rouen et Pierre de Dives, et sa réputation attire toujours de nouveaux frères à l’instar du roi Philippe Ier et de son fils, le futur Louis VI, qui s’affilie au Bec sous l’abbatiat de Guillaume.

L’abbaye continue de s’agrandir et de voir augmenter son rayonnement. En ce temps-là, la célèbre abbaye possède dans tout le pays de si gros revenus et de si vastes propriétés que l’on dit à son propos : De quelque côté que le vent vente, l’abbaye du Bec a rente16. Elle profite de la générosité de nombreux donateurs parmi lesquels Henri Ier d’Angleterre, proche de l’abbé Boson, puis de sa fille Mathilde l’Emperesse qui s’y fait inhumer en 1167. Avec la conquête de l’Angleterre par le duc Guillaume de Normandie, les barons lui concèdent maints domaines en Angleterre : ainsi le village de Tooting Bec, aujourd’hui dans la banlieue londonienne, tient-il son nom de ce que l’abbaye en possédait les terres.

Notre-Dame du Bec, essais de couleurs.

En 1138, Thibaut, ancien prieur puis abbé du Bec, est élu à son tour archevêque de Canterbury. À l’abbaye, lui succède Létard, moine natif du village du Bec, qui fait construire la salle capitulaire, de 1140 à 1146, grâce aux libéralités de Robert de Neubourg qui prend la robe à la fin de sa vie. Le successeur de Létard, Roger 1er, fait rénover entièrement l’église abbatiale dont la première pierre est posée le 14 août 1161 par l’évêque Rotrou et la consécration célébrée en avril 1178 en présence du roi d’Angleterre. Roger fait également édifier une infirmerie, une maison pour recevoir les voyageurs, rénover le dortoir et creuser des canaux pour porter l’eau aux appartements.

L’église est partiellement détruite en 1195. En 1214, l’architecte Enguerrand (ou Ingelramme), successeur de Jean d’Andely pour l’édification de la cathédrale de Rouen, entame sa reconstruction. Les travaux sont poursuivis par Gautier de Meulan, mais elle est brûlée à deux reprises avant d’être reconstruite vers 1275.

Au milieu du XIVe siècle, l’abbaye doit s’organiser en raison de la guerre de Cent Ans. Le plan de Louis d’Harcourt qui prévoit de démolir l’église à peine érigée n’est pas appliqué, et, en 1358, la basilique et le chapitre sont fortifiés et entourés de fossés tandis que trois côtés du cloître et une partie du dortoir et du cellier sont rasés. Financièrement exsangue, partiellement détruite par le conflit, l’abbaye est restaurée à l’ultime fin du XIVe siècle. Mais la lutte entre Anglais et Français se poursuit et, en 1418, après un siège d’un mois par le duc de Clarence, la place forte se rend laissant l’abbaye aux pillards. Après avoir été reprise par les Français, en 1421, les troupes anglaises la reprennent et rasent ses fortifications. Pour abriter ses moines durant le conflit, l’abbé Robert III fait construire l’hôtel du Bec, à Rouen, à l’emplacement de l’hôtel des Fontaines. C’est surtout à partir de 1450, à la sortie des hostilités, que l’abbaye commence à se redresser sous l’administration de Geofroy d’Épaignes qui restaure église, bâtiments claustraux et infirmerie et de celle de Jean Bouchard, premier abbé commendataire, qui fait achever le beffroi. En avril 1479, Louis XI confirme les privilèges de l’abbaye par lettres patentes. En 1484, Robert d’Évreux succède à Jean Bouchard comme abbé régulier, mais démissionne en 1491 en faveur de Guillaume Guérin, trente-troisième abbé du Bec et dernier régulier.

Le régime de la commende est établi par le concordat de Bologne de 1516 conclu entre le Pape Léon X et François Ier. L’abbé n’est plus élu, mais nommé par le roi de France et au moins un tiers des rentes de l’abbaye lui revient. Cette part peut monter aux deux tiers.

Le Bec connait sept abbés commendataires dont le plus jeune est âgé de 9 ans. Le régime de la commende affaiblit l’abbaye tant financièrement que spirituellement.

À cela, il faut ajouter les troubles causés par les guerres de religion. L’abbaye est saccagée par les huguenots, deux moines sont égorgés. Les moines sont obligés de quitter l’abbaye et les abbés commendataires laissent les bâtiments à l’abandon. Très vite, l’abbaye n’est plus que ruines.

La Congrégation bénédictine de Saint-Maur entreprend de réformer la plupart des monastères français par la restauration de la discipline, du travail intellectuel et des travaux d’érudition. Elle engage également de vastes reconstructions, dont le Bec — une des premières abbayes à être réformées — bénéficie largement. Malgré la réticence de la plupart des abbés commendataires, l’abbaye du Bec est restaurée avec beaucoup de soin, les murs sont relevés, un cloître est construit et les moines reviennent en 1626. Son rayonnement intellectuel s’en trouve grandi. En 1742, l’abbé commendataire Louis de Bourbon-Condé rase et rebâtit les bâtiments conventuels laissant le splendide ensemble XVIIIe siècle visible actuellement. Yves Alexandre de Marbeuf, déjà évêque d’Autun puis archevêque de Lyon, lui succède en 1782. Il est le dernier abbé du Bec lors de la Révolution.

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https://www.youtube.com/watch?v=9tzkRpE1X4c&pbjreload=10

Sources : Wikipédia, YouTube.