L’abbaye de Saint-Michel de Cuxa à Codalet (Pyrénées orientales).

L’abbaye de Saint-Michel de Cuxa (aussi orthographié Cuixà, du nom catalan Sant Miquel de Cuixà) est un monastère bénédictin situé au pied du Canigou, sur la commune de Codalet dans le département français des Pyrénées-Orientales en région Occitanie. Il fait partie de la province espagnole de la congrégation de Subiaco (confédération bénédictine).

L’église abbatiale est en partie préromane et son cloître marque au XIIe siècle la naissance de la sculpture romane roussillonnaise. L’ensemble est classé au titre des monuments historiques.

L’abbaye de Cuxa tire son origine du monastère de Saint-André d’Eixalada, situé plus haut dans la vallée de la Têt, et fondé vers 840.

À l’automne 878, une crue soudaine de la Têt, consécutive à des pluies diluviennes, emporte dans ses eaux le monastère (situé tout près du lit de la rivière, à l’emplacement de sources thermales déjà connues dans l’Antiquité). Les 35 moines survivants se réfugient à Cuxa, où se trouve une église dédiée à saint Germain, propriété du clerc Protase (Protasius) qui s’est, avec quelques compagnons, agrégé à la communauté de Saint-André en 854. Un document daté du 29 juin 879 règle la situation juridique des moines de Saint-Germain : ils se constituent en une communauté monastique et Protase en devient le premier abbé.

Le nouveau monastère continue de bénéficier de la protection et des libéralités des comtes de Cerdagne-Conflent, issus de Guifred Ier le Velu (Wifredus), comte de Barcelone en 870, qui agrandissent considérablement son patrimoine foncier. Le monastère obtient de la papauté et de la royauté des privilèges répétés d’immunité, qui le font relever de la seule autorité du pape ou du roi. Sunifred II de Cerdagne confie le monastère de Cuxà peu avant 965 à l’abbé Garin (Warinus) ; celui-ci y introduit une réforme dans l’esprit de Cluny et rompt les derniers liens avec la monarchie carolingienne. Garin est déjà à la tête de cinq monastères du sud de la France et il entretient avec l’extérieur des rapports étendus.

Abbaye de Saint-Michel de Cuxa, carte maximum, Codalet, 6/07/1985.

Il existe une petite chapelle à Cuxa, mentionnée pour la première fois en 938, faite de pierres et d’argile. Sunifred fait bâtir une église en chaux, en pierre taillée et en bois, à partir de 956 ; il y est inhumé à sa mort en 967. Elle est consacrée le 28 septembre 974, veille de la Saint-Michel, pour qui la maison comtale a une dévotion particulière. Cette église existe encore aujourd’hui, c’est l’une des plus importantes de l’architecture préromane.

De retour d’un pèlerinage à Rome et à Venise, Garin convainc le doge Pietro Orseolo de le suivre à Cuxa. Dans la nuit du 1er septembre 978, le doge s’enfuit de Venise, abandonnant pouvoir, femme et enfants, emportant une bonne partie de ses trésors et accompagné entre autres de deux ermites, Marin et Romuald. La présence de ces hôtes illustres attire à Cuxa une foule de pèlerins. Le vieux doge meurt au monastère en odeur de sainteté en 987. Peu après, ses compagnons retournent en Italie ; Romuald y fonde l’ordre des camaldules. Le comte Oliba Cabreta, frère et successeur de Sunifred II, se retire au monastère bénédictin du Mont-Cassin, où il meurt en 990. En 991, l’abbé Garin part en pèlerinage aux lieux saints, d’où il revient en 993. Il meurt peu avant l’an 1000.

Renonçant au pouvoir temporel, Oliba de Besalù, abbé et évêque, fils du comte Oliba Cabreta, choisit la vie monastique ; élu abbé de Ripoll et abbé de Cuxa en 1008, nommé évêque de Vic en 1017, il s’efforce de consolider et d’agrandir le patrimoine déjà riche du monastère. Moins voyageur que Garin, Oliba est surtout un grand bâtisseur. Il va profondément transformer le monastère en construisant au-devant de l’église les deux chapelles superposées de la Crèche (Pessebre) et de la Trinité, qui communiquent avec Saint-Michel par des galeries. Il augmente aussi le sanctuaire de trois absides, voûte les bas-côtés de la nef, construit les clochers. C’est un homme de grand prestige, qui se rend au moins deux fois à Rome. Il meurt à Cuxa, où il est inhumé, le 30 octobre 1046.

Abbaye Saint-Michel de Cuxa, épreuve de luxe.

Par une charte datée du 30 avril 1091, Guillaume-Raymond, comte de Cerdagne, donne l’abbaye de Cuxa en propriété à l’abbaye Saint-Victor de Marseille et à son abbé Richard. On pense que le nouvel abbé de Cuxa (de 1091 à 1102), Pierre Guillaume, est chargé de réformer le monastère dont le relâchement dans l’observance de la règle de saint Benoît a affaibli le prestige.

Au début du XIIe siècle, on construit le cloître en lui donnant la forme d’une colonnade de marbre, avec des chapiteaux sculptés. On édifie aussi une tribune en marbre dans l’église. Ces travaux sont en partie l’œuvre de Grégoire, abbé de Saint-Michel de 1130 à 1143, puis archevêque de Tarragone jusqu’à sa mort en 1146.

Les périodes suivantes du Moyen Âge sont moins fastes pour Cuxa. Les bâtiments de l’abbaye ne sont pas restaurés. La richesse du monastère est cependant évidente, avec un domaine foncier très important, et la juridiction quasi épiscopale sur une quinzaine de paroisses réparties entre les diocèses d’Elne et d’Urgell.

À partir du XVIe siècle, les moines ne vivent pour ainsi dire plus la vie commune. Les revenus de l’abbaye sont partagés en autant d’« offices » que de moines (l’infirmier, le cellérier, le sacristain majeur, etc.) et chacun d’eux a son habitation particulière dans l’abbaye. L’église est transformée par la réalisation de chapelles latérales au détriment des bas-côtés de la nef, qui reçoit une voûte catalane en briques. Le logis du sacristain majeur est édifié à l’emplacement de la chapelle de la Trinité, qui avait déjà dû subir de gros dégâts (ou même s’effondrer) au XVe siècle, selon quelques indices archéologiques.

Le 13 juillet 1772, le pape Clément XIV publie une bulle qui rétablit la vie commune dans les monastères de l’ordre de Saint-Benoît, supprimant en conséquence les « offices » à Saint-Michel de Cuxa. La bulle, approuvée le 14 août 1772 par lettres patentes du roi Louis XV, se heurte à une résistance des moines des années durant, tant et si bien qu’il ne reste plus que sept moines à Cuxa en 1790.

L’abbaye est vendue comme bien national le 28 mai 1791 à un négociant de Prades. L’abbé Font, dans son Histoire de Saint-Michel de Cuxa (1903) a prétendu que le 27 janvier 1793, des révolutionnaires envahissent le monastère et le pillent, obligeant les moines à l’abandonner. C’est sans doute faux, car les moines l’avaient déjà quitté, certains dès 1790, les autres avant la vente citée plus haut. L’orfèvrerie avait été portée à la Monnaie de Perpignan et les objets du culte répartis dans les paroisses voisines. . Tout au long du XIXe siècle, l’ensemble des bâtiments de l’abbaye tombe peu à peu en ruines. En 1825, un arceau de la grande nef se rompt, entraînant l’écroulement de la voûte de la crypte ; le clocher nord s’effondre à l’hiver 1838-1839. Le cloître est vendu, chapiteau après chapiteau, ainsi que sa fontaine, à des amateurs ou collectionneurs. En 1835, une galerie presque complète (douze arcades) est vendue pour décorer la cour d’un établissement de bains publics à Prades, les “Bains Saint-Michel”. En 1908, il n’en reste que douze sur place.

En 1907, un sculpteur américain, George Grey Barnard, qui a déjà acquis quelques sculptures de Cuxa chez un antiquaire parisien, se rend sur place, et acquiert en une semaine trente-huit chapiteaux à Prades ou dans les environs. Il négocie également l’achat des arcades de l’établissement de bains, qu’il viendra pour enlever en 1913. Ces achats seront à l’origine de la reconstitution du cloître au Cloisters Museum de New York, créé par l’artiste en 1914. Barnard ne réussit pas, cependant, à emporter la série de chapiteaux de l’établissement de bains de Prades, pour la conservation de laquelle la population locale et la presse se sont mobilisées lors de son passage : l’ayant acquise, il en fait don à la France, et ces chapiteaux seront utilisés pour la reconstruction d’une partie du cloître in situ en 1950 (galerie sud), reconstitution poursuivie jusqu’en 1955 grâce à des dons et des acquisitions d’autres sculptures provenant de l’abbaye. En 1919, Ferdinand Trullès acquiert l’abbaye pour y reloger les cisterciens de Fontfroide qui ont quitté la France à l’époque des lois sur les congrégations. Ils s’installent à Saint-Michel, et sont remplacés en 1965 par les bénédictins de Montserrat. Depuis les années 1940, l’abbaye fait l’objet de campagnes de restauration par le service des monuments historiques : l’église abbatiale retrouve un toit en 1957. En 1936, les travaux sont marqués par la présence de l’archéologue catalan Josep Puig i Cadafalch, qui a dû fuir l’Espagne ; la crypte du Pessebre est dégagée. En 1952, sous les constructions du logis du Grand Sacristain, les ruines de l’église de la Trinité sont mises au jour.

Pablo Casals qui a inauguré le Festival Pablo Casals de Prades en 1950, en donnant un concert resté célèbre dans l’église encore dépourvue de toit. Le festival se déplace à l’abbaye à partir de 1957. La crypte de l’abbaye est ouverte au public en 1967.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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