L’Abbaye aux hommes de Caen.

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L’abbaye aux Hommes, ou abbaye Saint-Étienne de Caen, est une des deux grandes abbayes, avec l’abbaye aux Dames, fondées par Guillaume le Conquérant à Caen, en France. Elle s’élève à l’ouest du centre-ville ancien et donna le nom de Bourg-l’Abbé au quartier qui l’entoure. L’église Saint-Étienne, l’ancienne abbatiale est devenue église paroissiale après la Révolution. Les bâtiments conventuels transformés en lycée au XIXe siècle abritent depuis les années 1960 l’hôtel de ville. L’abbaye offre un très bel ensemble architectural construit entre les XIe et XVIIIe siècles et l’impact de l’église Saint-Étienne de Caen est essentiel sur l’histoire de l’Art en Normandie et en Angleterre. L’église est classée au titre des Monuments historiques sur la liste de 1840, le cloître et les bâtiments conventuels en 1911 et les autres constructions inscrites en 1927 et 1928.

L’abbaye Saint-Étienne de Caen, SANCTS STEPHANUS CADOMEUSIG ou abbaye-aux-Homme est une abbaye bénédictine du diocèse de Bayeux, de la province ecclésiastique de Rouen.

Vers 1050 ou 1051, Guillaume dit le Bâtard épouse Mathilde de Flandre qui est sa parente à un degré interdit par le droit canonique mais accepté par le pape si une dispense demandée est couramment accordée, Guillaume ne l’a pas demandé c’est qu’il savait

qu’il n’en avait pas besoin . L’archevêque de Rouen Mauger son “demi oncle” (fils de Richard II et de la concubine Pépia) était son tuteur et qui appréciait peu de perdre son tutorat, lança une excommunication contre le couple . En 1059, le pape Nicolas II reçoit Lanfranc de Pavie, écolâtre de l’abbaye du Bec, principale personnalité intellectuelle de Normandie fait la liaison entre le duc et le pape, le grand historien Michel de Boüard est allé à Rome pour rechercher les preuves de l’excommunication papale et n’a rien trouvé des sanctions; en 1059 pour montrer leur foi, Guillaume et Mathilde construiront 4 hôpitaux: à Caen rue St Jean, Bayeux au même endroit qu’aujourd’hui, à Rouen et à Cherbourg ou de grandes plaques de marbre rappellent l’événement.

Il existe d’autres raisons politiques, Guillaume appelé le Bâtard mais fils légitime de Robert le magnifique et d’Arlette de Falaise, car présenté officiellement aux barons selon le droit scandinave qui le reconnaissent comme successeur et au roi de France qui deviendrait son parrain doit combattre pendant toute la première partie de son règne les barons de Normandie, bataille de val es Dunes (aux moissons de 1047). Il cherche donc à asseoir davantage son autorité sur la basse Normandie où la rébellion a été la plus forte. Cela passe par la construction de châteaux, mais également par la fondation d’abbayes, selon un schéma classique en Normandie depuis le Xe siècle1. Le duc décide donc de densifier le réseau d’établissements monastiques en basse Normandie, alors beaucoup plus lâche que dans la vallée de la Seine mieux contrôlée par les ducs de Normandie. L’abbaye aux Hommes, comme l’abbaye aux Dames, ont toutefois dans ce dispositif une place privilégiée. En effet, sur les 18 abbayes élevées durant le règne de Guillaume le Conquérant, seules deux, celles de Caen, sont fondées directement par le duc lui-même, les autres étant créées par des seigneurs locaux et reconnues ensuite par le duc. La fondation de l’abbaye aux Hommes et de l’abbaye aux Dames s’inscrit donc dans un dessein politique plus large qui vise à faire de Caen un point d’appui plus proche de la sédition que Rouen qui se trouve dans la partie orientale du duché, d’autre part les batailles de Mortemer 1054 et Varaville 1057 l’incline fortement à construire une importante place forte au centre du duché en même temps qu’un glacis sur les frontières bretonnes. En choisissant de s’y faire inhumer – en 1083 à l’abbaye aux Dames pour Mathilde de Flandre et en 1087 à l’abbaye aux Hommes pour Guillaume le Conquérant – Guillaume et Mathilde inscrivent dans la durée l’attention des ducs-rois non seulement pour l’abbaye, mais également pour la ville de Caen qui, d’un gros bourg de constitution anarchique, devient la capitale secondaire de la Normandie. Les descendants de Guillaume confortent ensuite le lien des deux abbayes avec la dynastie ducale et royale. Ainsi, fait exceptionnel, Guillaume le Roux dépose les insignes royaux (couronnes et sceptres) de ses parents au trésor des deux abbayes où ils sont inhumés.

Abbaye aux Hommes de Caen, essai de couleur (en vert).

Vers 1063, Guillaume décide la fondation d’une abbaye bénédictine dédiée à Saint-Étienne au centre d’un quartier nouveau à l’Ouest de Caen, Le bourg-l’Abbé qui se trouve sur des terrains de paroisses appartenant à la cathédrale de Bayeux qui les cède à la reine Mathilde de sorte que les moines de l’abbaye aux Hommes se trouvent sous la dépendance spirituelle de l’abbesse de Caen. C’est pour se soustraire à cette dépendance qu’ils construisent l’église Saint-Nicolas de Caen pour les paroissiens du Bourg-l’Abbé.

Le 18 juin 1066, l’abbaye est dédicacée en présence des principaux barons de Normandie, de l’archevêque de Rouen, des évêques de Bayeux, Lisieux, Avranches et Évreux, des abbés du Bec, de Fécamp, de Saint-Ouen de Rouen, du Mont-Saint-Michel, de Saint-Wandrille de Fontenelle, de Saint-Vigor, de Lonlay et d’Évron.

Abbaye aux hommes de Caen, carte maximum du 22/12/1951.

Le 25 décembre 1066, Guillaume le Conquérant est couronné roi d’Angleterre, Caen se trouve placé entre les deux moitié de l’État anglo-normand. Le 9 septembre 1087, il meurt à Saint-Gervais de Rouen et est inhumé dans l’église Saint-Étienne .En 1066, Lanfranc est nommé abbé de Saint-Étienne.

L’extraordinaire réussite matérielle des normands parait dans l’église Saint-Étienne et si le plan ambitieux a sans doute été conçu avant la conquête de l’Angleterre, le succès foudroyant de 1066 a permis son exécution rapide car Guillaume n’a pas hésité à spolier au profit des abbayes de Caen la principale fondation de Harold, à Waltham en Essex, et elles ont pu recueillir pendant trois siècles, les redevances de nombreux villages anglais et du quartier de la City de Londres.

La construction de l’abbaye aux Hommes, confiée à Lanfranc, commence en 1063. L’église a été construite entre 1065 et 1083. La conquête de l’Angleterre, en 1066, en apportant des moyens supplémentaires, mais aussi la présence de carrières de pierre à ciel ouvert à proximité, expliquent la rapidité de cette construction. Elle fut dédicacée le 13 septembre 1077. Le chroniqueur Guillaume de Poitiers décrit la fondation de l’abbaye par Guillaume le Conquérant : « Pour l’établir abbé du monastère de Caen, il lui fallut user, pour ainsi dire, d’une pieuse contrainte ; car Lanfranc s’y refusait moins par amour pour l’humilité, que par crainte d’un rang trop élevé. Ensuite, Guillaume le Conquérant enrichit ce monastère de domaines, d’argent, d’or et de divers ornements ; il le fit construire à petits frais, d’une grandeur et d’une beauté abordable, et peu digne du bienheureux martyr Étienne, par les reliques duquel il devait être honoré et auquel il devait être consacré. »

50F Abbaye aux hommes de Caen, seul sur lettre recommandée du 20/08/1953.

À la fin mai 1204, le roi de France Philippe-Auguste occupe Caen. Les abbayes caennaises conservent leur patrimoine anglais jusqu’au début du XVe siècle, où Henri IV les confisque pour subventionner la reprise de la guerre de Cent Ans. En 1256, lors de sa visite du 9 novembre, l’archevêque de Rouen, Eudes Rigaud trouve 63 moines dans le monastère, tous prêtres sauf trois et fait des remontrances sur le comportement. La guerre de Cent Ans met l’abbaye en première ligne des combats. Après la prise de Caen par les Français en 1346, les religieux reçoivent l’ordre de fortifier l’enceinte, Saint-Étienne se trouvant en dehors des fortifications de la ville.

Le 4 septembre 1414, Henri V s’empare de Caen, la trahison d’un moine de l’abbaye de Saint-Étienne joue un rôle décisif dans cet épisode, mais préserve les tours de façade de l’abbatiale de la destruction qu’avait projeté les défenseurs français. Le 11 juin 1450, le roi de France Charles VII réoccupe Caen. En 1485, le régime de la commende est instituée à l’abbaye-aux-Hommes, au bénéfice de Charles de Martigny, évêque de Chartres et désormais, les abbés seront des grands seigneurs, favoris royaux, peu présent dans l’abbaye et soucieux d’encaisser de gros bénéfices. La vie des moines devient plus séculière que religieuse, les officiers et particulièrement le cellérier ont tendance à constituer des bénéfices et il y a moins de moines. La commende est la revanche de l’épiscopat contre le système des exemptions. En réalité on perçoit l’esprit de lucre chez ses prélats fastueux et courtisans, bien des abbayes possédant les revenus d’un évêché. Elle modifie profondément l’organisation bénédictine en privant la communauté de son chef traditionnel. Le pouvoir effectif et l’influence à la fois spirituelle et temporelle sur les destins du monastère passe aux mains des prieurs.

En 1562 et 1563, pendant les guerres de religion, l’église est pillée par les troupes de Montgommery puis abandonnée. Les vitraux, les orgues et le mobilier sont détruits. Le tombeau de Guillaume le Conquérant, magnifique mausolée en marbre, surmonté d’un gisant, et qui fut édifié à la demande de son fils Guillaume le Roux, roi d’Angleterre est profané en 1562 par les protestants. Les restes sont confiés à un moine, bailli de l’abbaye, nommé Michel de Semallé. Mais en 1563, une nouvelle intrusion des protestants provoque la fuite des moines et les ossements sont dispersés à l’exception d’un seul os, sauvé par Charles Toustain de la Mazurie, le poète ami de Jean Vauquelin de La Fresnaye. Cet os est replacé dans le tombeau en 1642 par le prieur Jean de Baillehache, après la restauration du chœur. En 1742, les moines obtiennent du roi Louis XV l’autorisation non seulement de déplacer le tombeau dans le sanctuaire mais aussi de le réduire à un simple caveau recouvert d’une pierre tombale. Ce fémur gauche aurait été retrouvé lors de l’ouverture d’un caveau maçonné se trouvant dans le chœur de l’abbatiale, le 22 août 1983.

Abbaye aux hommes de Caen, prêt-à-poster

La tour-lanterne s’écroule en 1566, détruisant les voûtes du chœur. Le chœur, en ruines, a failli être rasé sur décision du Parlement de Rouen. Un moine de l’abbaye, Jean de Baillehache, obtint l’annulation de cette décision et entreprit la reconstruction du chœur et la restauration de l’abbatiale. L’église est de nouveau consacrée le 18 mai 1626.


À la suite d’actes de sabotage perpétués près d’Airan par la Résistance en avril 1942, les autorités d’occupation décident de faire arrêter des otages en représailles ; dans la nuit du 1er au 2 mai et dans les jours qui suivent, 120 personnes, communistes, syndicalistes ou juives, sont rassemblées par la police et la gendarmerie françaises dans le Petit Lycée, puis amenées à la gare de Caen d’où elles sont déportées vers des camps de concentration ou d’extermination.

Pendant la bataille de Caen, le lycée est transformé en centre d’accueil de la défense passive, le CA no 4 Lycée Malherbe. L’ensemble formé par l’ancienne abbaye, le palais de justice et le monastère de la Visitation, devenu le plus important des cinq centres d’accueil, abrite une foule de 3 500 personnes début juillet et plus de 8 000 à la mi-juillet à la veille de la libération de la rive gauche de la ville. L’ancienne abbaye sert également d’hôpital complémentaire à l’hôpital principal aménagé au Bon-Sauveur ; cet établissement compte 330 lits à la mi-juin et 500 à la mi-juillet quand l’hôpital est obligé de fermer à cause des bombardements allemands depuis la rive droite de l’Orne. Des croix rouges, fabriquées avec les moyens du bord, sont disposées sur les murs et les toits du lycée, ainsi que dans le parc, afin de signaler cet îlot sanitaire aux bombardiers ; le secteur est ainsi protégé des bombardements aériens, mais de très nombreux obus, envoyés par les Alliés, puis par les Allemands, font plus de 50 victimes (21 tués et une trentaine de blessés). Les réfugiés s’installent dans l’abbatiale et dans les anciens bâtiments conventuels, les dortoirs du premier étage étant réservés aux malades et ceux du second étage aux personnes âgées impotentes et grabataires ; les caves de l’abbaye servent d’abris en cas de bombardement. Les corps des victimes décédées sont entreposés dans le couloir des classes et un cimetière provisoire est creusé dans le parc. Le directeur de la Défense passive et des centres d’accueil, Joseph Poirier, dirige les opérations depuis l’abbaye aux Hommes, l’hôtel de ville de la place de la République ayant été détruit.

Le 9 juillet, les troupes anglo-canadiennes entrent dans Caen ; les responsables alliés se rendent à l’abbaye où le préfet Cacaud a transféré ses bureaux28. Le 10 juillet, après que Michel Cacaud, investi par le gouvernement de Vichy, a passé officiellement le pouvoir au nouveau préfet Pierre Daure, les résistants caennais hissent le drapeau tricolore sur un lampadaire de la place Monseigneur-des-Hameaux et chantent la Marseillaise, marquant ainsi symboliquement la libération de la rive gauche de l’Orne.

Après la Seconde Guerre mondiale, la décision fut prise de construire un nouveau lycée. Les locaux libérés devaient être occupés par le musée des beaux-arts de Caen et par le musée de Normandie nouvellement créé29. La construction du nouveau lycée n’étant pas jugée prioritaire, ce projet traîna en longueur. Finalement, les deux musées ont été aménagés dans l’enceinte du château de Caen et c’est l’administration municipale qui occupe désormais l’abbaye depuis l’ouverture du nouveau lycée Malherbe en 1961.

Afin d’accueillir décemment l’hôtel de ville, les locaux ont été restaurés. En 1964, les jardins à la Française de l’esplanade Jean-Marie Louvel ont été redessinés par Louis Bouket d’après des plans du XVIIIe siècle ; afin d’aménager les 11 920 m2 de l’esplanade, la statue de Louis XIV, qui trônait sur la place depuis 1882, a été déménagée sur la place Saint-Sauveur et l’aile en retour du Petit Lycée, désormais occupé par la police municipale, a été démolie. Le 16 janvier 1965, la première réunion du conseil municipal se déroule dans la salle capitulaire.

Source : Wikipédia.