Laa bataille des Dardanelles (1915/1916).

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La bataille des Dardanelles, également appelée bataille de  Gallipoli (ou campagne des Dardanelles, ou campagne de Gallipoli), est un affrontement de la Première Guerre mondiale qui opposa l’Empire ottoman aux troupes britanniques et françaises dans la péninsule de Gallipoli dans l’actuelle Turquie du 18 mars 1915 au 9 janvier 1916.

La péninsule de Gallipoli forme la partie nord du détroit des Dardanelles reliant la mer Égée à la mer de Marmara. Durant la Première Guerre mondiale, cette région était contrôlée par l’Empire ottoman alors en guerre contre les puissances alliées dont le Royaume-Uni, la France et la Russie. Pour pouvoir ravitailler cette dernière, le contrôle des Détroits était indispensable mais une tentative alliée pour traverser les Dardanelles échoua le 18 mars en raison des mines qui y avaient été posées. Pour que les dragueurs de mines puissent opérer en sécurité, il était nécessaire de réduire au silence les batteries ottomanes sur les hauteurs du détroit. Un débarquement fut donc organisé le 25 avril au cap Helles et dans la baie ANZAC à l’extrémité sud de la péninsule.

Le terrain difficile, l’impréparation alliée et la forte résistance ottomane provoquèrent rapidement l’enlisement du front et les tentatives des deux camps pour débloquer la situation se soldèrent par de sanglants revers. Le 6 août, les Alliés débarquèrent dans la baie de Suvla au nord mais ils ne parvinrent pas non plus à atteindre les hauteurs dominant le détroit au milieu de la péninsule et ce secteur se couvrit également de tranchées. L’impasse de la situation et l’entrée en guerre de la Bulgarie aux côtés des Empires centraux poussèrent les Alliés à évacuer leurs positions en décembre 1915 et en janvier 1916 et les unités furent redéployées en Égypte ou sur le front de Salonique en Grèce.

La bataille fut un sérieux revers pour les Alliés et l’un des plus grands succès ottomans durant le conflit. En Turquie, l’affrontement est resté célèbre car il marqua le début de l’ascension de Mustafa Kemal qui devint par la suite un des principaux acteurs de la guerre d’indépendance et le premier président du pays. La campagne fut également un élément fondateur de l’identité nationale turque. Commémorée sous le nom de journée de l’ANZAC, la date du débarquement du 25 avril est la plus importante célébration militaire en Australie et en Nouvelle-Zélande, où elle surpasse le jour du Souvenir du 11 novembre.


Au début du XXe siècle, l’Empire ottoman était surnommé l’« homme malade de l’Europe » en raison de son instabilité politique, des revers militaires et des tensions sociales liées à un siècle de déclin. En 1908, un groupe d’officiers appelés les Jeunes-Turcs prit le pouvoir lors d’un coup d’État ; le sultan Abdülhamid II fut renversé et son frère Mehmed V lui succéda même s’il n’avait plus aucun pouvoir. Le nouveau régime lança de nombreuses réformes afin de moderniser l’économie et l’administration de l’Empire. L’Allemagne était déjà un soutien de l’Empire et elle finançait plusieurs projets de modernisation comme le chemin de fer Berlin-Bagdad. Son influence s’accrut aux dépens de la présence britannique traditionnelle et des officiers allemands participèrent à la réorganisation de l’armée. Malgré ces investissements, les ressources de l’Empire furent épuisées par les guerres balkaniques en 1912 et 1913. La faction pro-allemande menée par Enver Pacha, l’ancien attaché militaire ottoman à Berlin, s’opposa à l’influence britannique au sein du gouvernement et renforça les liens de l’Empire avec l’Allemagne. Ce rapprochement se traduisit en décembre 1913 par l’arrivée à Constantinople d’une mission militaire allemande menée par le général Otto Liman von Sanders. Dans le même temps, la position  géographique de l’Empire signifiait que sa neutralité revêtait une importance considérable pour la Russie et ses alliés français et britanniques dans le cas d’une guerre en Europe.

Durant la crise de juillet, en 1914, les diplomates allemands proposèrent aux Ottomans de former une alliance contre la Russie en échange de gains territoriaux dans le Caucase et dans le nord-ouest de la Perse. La faction pro-britannique était alors isolée du fait de l’absence de l’ambassadeur britannique. Le 30 juillet, deux jours après le début de la Première Guerre mondiale, les dirigeants ottomans approuvèrent une alliance secrète avec l’Allemagne contre la Russie mais l’accord ne les contraignait pas à entreprendre des actions militaires. Le 2 août, le gouvernement britannique réquisitionna deux cuirassés, le Sultan Osman I et le Reşadiye, construits par les chantiers navals britanniques pour le compte de l’Empire ottoman ; cela affaiblit les partisans du Royaume-Uni à Constantinople malgré les propositions d’indemnisation si l’Empire restait neutre. À la suite de cet incident diplomatique, le gouvernement allemand offrit deux croiseurs en remplacement, le SMS Goeben et le SMS Breslau, pour accroître son influence. Les Alliés tentèrent d’intercepter les navires mais ces derniers s’échappèrent quand le gouvernement ottoman les autorisa à traverser les Dardanelles jusqu’à Constantinople. L’Empire était cependant neutre et la convention de Londres signée en 1841 interdisait tout passage de navires de guerre dans les Dardanelles ; en autorisant l’entrée des navires allemands, ces derniers confirmaient leurs liens avec l’Allemagne.

Bataille des Dardanelles, entier postal, Tchéquie.

En septembre, la mission navale britannique à Constantinople créée en 1912 par l’amiral Arthur Limpus fut rappelée du fait de l’entrée en guerre, apparemment imminente, de l’Empire ottoman ; le commandement de la marine ottomane fut transmis au contre-amiral Wilhelm Souchon de la marine allemande. Sans en référer au gouvernement ottoman, le  commandant allemand des fortifications des Dardanelles ordonna la fermeture du détroit le 27 septembre. La présence navale allemande et les succès militaires de l’Allemagne sur les différents fronts du conflit poussa le gouvernement ottoman à déclarer la guerre à la Russie. Le 27 octobre, les deux croiseurs de la marine ottomane Yavuz Sultan Selim et Midilli (antérieurement le Breslau et le Goeben) entrèrent en mer Noire, bombardèrent le port russe d’Odessa et coulèrent plusieurs navires. Les Ottomans refusèrent d’expulser les missions allemandes comme le demandaient les Alliés et ils entrèrent officiellement en guerre aux côtés des Empires centraux le 31 octobre ; la Russie déclara la guerre à l’Empire le 2 novembre. Le lendemain, l’ambassadeur britannique quitta Constantinople et une escadre britannique bombarda les forts de Kumkale et de Seddulbahir à l’entrée méditerranéenne du détroit. Le Royaume-Uni et la France déclarèrent à leur tour la guerre à l’Empire le 5 novembre et les Ottomans passèrent à l’offensive dans le Caucase à la fin du mois. Les combats éclatèrent également en Mésopotamie lorsque les Britanniques débarquèrent dans le golfe Persique pour prendre le contrôle des installations pétrolières de la région. Les Ottomans planifièrent une offensive contre l’Égypte britannique au début de l’année 1915 pour occuper le canal de Suez et couper les liens entre le Royaume-Uni et ses colonies indiennes. L’historien Hew Strachan estime que rétrospectivement l’entrée en guerre ottomane ne faisait aucun doute après l’arrivée du Goeben et du Breslau et que les retards étaient plus liés à l’impréparation ottomane qu’à des hésitations sur la politique à tenir.

Après les succès allemands au début du conflit, le front de l’Ouest s’était enlisé à la suite des contre-attaques alliées sur la Marne et à Ypres. L’impossibilité de la guerre de mouvement poussa les deux camps à créer des tranchées qui s’étendirent rapidement de la mer du Nord jusqu’à la frontière suisse. La situation était similaire à l’est et le front s’était figé sur une ligne allant de la mer Baltique à la mer Noire. Pour les Alliés, la neutralité de l’Empire ottoman et l’ouverture des Dardanelles revêtaient une importance capitale car le détroit était le seul lien entre la Russie d’un côté et la France et le Royaume-Uni de l’autre. En effet, les routes terrestres étaient contrôlées par l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, la mer Blanche au nord et la mer d’Okhotsk en Extrême-Orient étaient bloquées par les glaces l’hiver et éloignées des théâtres d’opérations tandis que l’accès à la mer Baltique était bloqué par la marine allemande. Tant que l’Empire restait neutre, la Russie pouvait être ravitaillée par la mer Noire mais le détroit fut fermé et miné par les Ottomans en novembre.

En novembre, le Royaume-Uni proposa de payer l’Empire ottoman pour qu’il reste neutre tandis que le ministre français de la Justice, Aristide Briand, suggéra de lancer une attaque préventive ; les deux propositions furent rejetées. Plus tard dans le mois, le premier lord de l’Amirauté, Winston Churchill présenta un projet d’attaque navale contre les Dardanelles fondé sur des rapports erronés sur les défenses ottomanes. Churchill voulait redéployer en Méditerranée les cuirassés obsolètes ne pouvant opérer contre la Hochseeflotte allemande afin d’organiser une opération navale suivie d’un débarquement limité. L’opération avait également pour objectif de pousser la Bulgarie et la Grèce, deux anciennes possessions ottomanes, à rejoindre le camp des Alliés. Le 2 janvier 1915, le grand-duc Nicolas de Russie demanda l’aide britannique alors que les Ottomans lançaient une grande offensive dans le Caucase. Les préparations de l’opération navale commencèrent immédiatement pour soulager les Russes en obligeant les Ottomans à redéployer leurs forces dans les Dardanelles.

Le 17 février 1915, un hydravion britannique du HMS Ark Royal réalisa un vol de reconnaissance au-dessus du détroit. Deux jours plus tard, une importante escadre anglo-française menée par le cuirassé HMS Queen Elizabeth commença à pilonner les positions ottomanes sur la côte. Les Britanniques avaient prévu d’utiliser les huit appareils du HMS Ark Royal pour orienter les tirs mais les mauvaises conditions climatiques ne permirent l’emploi que d’un seul Short Type 136 (en). Le 25 février, les premières fortifications à l’entrée des Dardanelles avaient été écrasées tandis que le passage avait été déminé. Une unité de Royal Marines fut alors débarquée pour détruire les canons de Kumkale sur la côte asiatique et à Sedd el Bahr à l’extrémité de la péninsule de Gallipoli tandis que le bombardement naval se tournait vers les batteries entre Kumkale et Kephez.

Frustré par la mobilité des batteries ottomanes qui échappaient aux bombardements alliés et menaçaient les dragueurs de mines, Churchill poussa le commandant de la flotte, l’amiral Sackville Carden, à accroître la pression. Ce dernier prépara une nouvelle tactique et envoya le 4 mars un télégramme à Churchill indiquant qu’il pourrait atteindre Constantinople en moins de 14 jours en lançant un assaut avec l’ensemble de ses forces. Cette confiance fut renforcée par l’interception de messages allemands révélant que les forts ottomans étaient presque à court de munitions. Il fut donc décidé d’organiser une attaque générale vers le 17 mars mais Carden, malade, fut remplacé par l’amiral John de Robeck. Le 18 mars 1915, la flotte composée de 18 cuirassés et de nombreux croiseurs et destroyers tenta de forcer le passage le plus étroit des Dardanelles large de seulement 1 500 mètres. Malgré la menace des canons ottomans, les dragueurs de mines reçurent l’ordre de participer à l’assaut. À 14 h, un compte-rendu du quartier-général ottoman rapporta que « toutes les lignes téléphoniques ont été coupées, toutes les communications avec les forts sont interrompues, certains canons ont été touchés… en conséquence, les tirs d’artillerie des défenses ont été sévèrement réduits ».

Bataille des Dardanelles, entier postal, Turquie.

Les reconnaissances alliées n’avaient cependant pas identifié tous les champs de mines ottomans et à 15 h 15, le cuirassé français Bouvet coula en deux minutes avec plus de 600 marins après avoir touché une mine. Les HMS Irresistible et HMS Inflexible heurtèrent également des mines tandis que le HMS Ocean, envoyé pour secourir le premier connut la même mésaventure et les deux navires coulèrent ensemble. Les cuirassés français Suffren et Gaulois furent aussi endommagés après avoir traversé une ligne de mines discrètement posée dix jours plus tôt par le mouilleur de mines Nusret. Le feu ottoman, bien que réduit, restait menaçant et les dragueurs de mines, pour la plupart de simples chalutiers manœuvrés par des équipages civils, battirent en retraite en laissant intacts les champs de mines.

Ces lourdes pertes contraignirent de Robeck à ordonner une retraite pour sauver ce qui restait de la flotte. Certains officiers comme le commodore Roger Keyes du HMS Queen Elizabeth estimaient que la victoire était toute proche car les batteries ottomanes n’avaient presque plus de munitions mais de Robeck, John Fisher et d’autres commandants estimèrent à l’inverse que les tentatives navales pour prendre le contrôle des détroits nécessiteraient des pertes inacceptables. Le repli allié renforça le moral des Ottomans et le jour fut par la suite célébré en Turquie comme une grande victoire. Comme la capture des Dardanelles par la mer était impossible, les préparatifs pour une opération terrestre commencèrent afin de prendre le contrôle des côtes, de neutraliser les batteries ottomanes et permettre aux dragueurs de mines de nettoyer le détroit en sécurité.

Le secrétaire d’État à la Guerre britannique, Horatio Herbert Kitchener, plaça le général Ian Hamilton à la tête de la force expéditionnaire  méditerranéenne de 78 000 hommes chargée de mener cette opération. À ce moment, des troupes australiennes et néo-zélandaises étaient stationnées en Égypte où elles s’entraînaient en prévision de leur déploiement en France. Ces forces furent regroupées au sein du corps d’armée australien et néo-zélandais (ANZAC) composée des unités de volontaires de la 1re division australienne et de la division d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Cette unité commandée par le lieutenant-général William Birdwood fut déployée aux côtés de la 29e division britannique, de la Royal Naval Division et de l’armée française d’Orient composée de troupes coloniales et métropolitaines. Les unités britanniques et françaises rejoignirent les troupes de l’ANZAC en Égypte avant d’être redéployées au cours du mois d’avril sur l’île grecque de Lemnos plus proche des Dardanelles. Ce  regroupement des troupes alliées repoussa l’organisation des débarquements à la fin du mois d’avril et ce délai permit aux Ottomans de renforcer leurs positions.

Les stratèges alliés n’envisageaient pas que les débarquements pussent se faire sous le feu des Ottomans et aucun entraînement en ce sens ne fut entrepris. La combativité des défenseurs était également sous-estimée par les Alliés et cette nonchalance initiale fut illustrée par un dépliant distribué aux troupes australiennes et britanniques en Égypte qui indiquait : « De manière générale, les soldats turcs manifestent leur volonté de se rendre en tenant leur fusil à l’envers et en agitant des vêtements ou des haillons de toutes les couleurs. Un véritable drapeau blanc doit être considéré avec la plus profonde suspicion car il est improbable que les soldats turcs possèdent quoi que ce soit de cette couleur ». L’historien Edward J. Erickson estime que cette indolence était liée à un « sentiment de supériorité » résultant du déclin de l’Empire ottoman et des mauvaises performances de ses forces lors des guerres balkaniques. En conséquence, les troupes alliées étaient mal préparées pour cette campagne et dans certains cas, leurs informations sur les Dardanelles étaient issues de guides touristiques achetés en Égypte.

Les Alliés envisageaient de débarquer dans la péninsule pour prendre le contrôle des fortifications et des batteries d’artillerie ottomanes pour que les navires puissent traverser les Dardanelles et rejoindre la mer de Marmara et Constantinople. Prévus pour le 23 avril et repoussés de deux jours en raison du mauvais temps, les débarquements devaient être réalisés sur six plages dans la péninsule. La 29e division devait prendre le contrôle du cap Helles et avancer vers les hauteurs d’Achi Baba. Les unités ANZAC avec la 3e brigade d’infanterie en première ligne devait débarquer au nord de Gaba Tepe sur la côte égéenne dans ce qui fut surnommé la baie ANZAC, d’où elles pourraient traverser la péninsule et isoler les forces ottomanes au sud. Les Français réalisèrent une attaque de diversion à Kum Kale sur la côte asiatique avant de rembarquer pour soutenir l’attaque contre le cap Helles. D’autres opérations de diversion furent menées par la Royal Naval Division dont celle réalisée en solitaire par le futur général néo-zélandais Bernard Freyberg qui rejoignit à la nage la côte du golfe de Saros au nord de la péninsule pour y allumer des fumigènes sous le feu des Ottomans ; un acte de bravoure qui lui valut de recevoir l’ordre du Service distingué.

Le débarquement au cap Helles fut réalisé par la 29e division britannique du major-général Aylmer Hunter-Weston sur cinq plages nommées d’est en ouest, « S », « V », « W », « X » et « Y ». Sur cette dernière, les Alliés ne rencontrèrent presque pas de résistance et des reconnaissances furent menées dans l’intérieur des terres sans plus d’opposition. Les ordres étaient néanmoins de sécuriser cette tête de pont et aucune action ne fut entreprise pour prendre le contrôle du village de Krithia alors virtuellement sans défense. Lorsque les Alliés reprirent leur offensive le 28 avril, les Ottomans y avaient redéployé un bataillon du 25e régiment et parvinrent à repousser toutes les attaques. Les débarquements les plus difficiles eurent lieu à la plage « V » située en contrebas de l’ancienne forteresse de Sedd el Bahr et sur la plage « W » à la pointe occidentale de la péninsule. Sur cette première, l’attaque fut menée par les fusiliers royaux de Munster et le régiment royal de Hampshire à bord d’un charbonnier transformé, le SS River Clyde, qui fut volontairement échoué sous la forteresse pour que les troupes puissent débarquer via des rampes sur les flancs du navire. Les autres unités dont les fusiliers royaux de Dublin et les fusiliers du Lancashire approchèrent des plages à bord de chaloupes ouvertes et sans protection. Sur les deux plages, les Ottomans occupaient de solides positions défensives et infligèrent de lourdes pertes aux assaillants. Les soldats émergeant un par un des flancs du River Clyde furent décimés par les mitrailleuses situées dans la forteresse et sur les 200 hommes à débarquer, seuls 21 atteignirent la plage.

Les Ottomans étaient néanmoins trop peu nombreux pour pouvoir repousser les assaillants mais ils infligèrent de lourdes pertes et limitèrent la progression alliée à la côte. Le matin du 25 avril 1915, les défenseurs étaient à court de munitions et n’avaient plus que leurs baïonnettes pour affronter les Alliés. Sur les hauteurs de Chunuk Bair, le 57e régiment d’infanterie reçut l’ordre de Kemal : « Je ne vous ordonne pas de combattre, je vous ordonne de mourir. Le temps que vous mourriez, d’autres troupes et commandants pourront arriver et prendre vos places ». Tous les hommes de l’unité furent tués ou blessés et en signe de respect, l’armée turque ne compte plus aucun 57e régiment.

Les Britanniques parvinrent à prendre le contrôle des plages « V » et « W » au prix de pertes s’élevant à plus de 60 % des effectifs engagés. Quinze croix de Victoria furent décernées dans les deux premiers jours de cette bataille. Un seul officier dublinois survécut à l’attaque et finalement, seulement onze soldats de cette unité sortirent sans blessures de la campagne de Gallipoli sur un effectif de 1 012 hommes. Après les débarquements, les Alliés firent peu pour profiter de leur avantage et en dehors de quelques opérations de reconnaissance, le gros des troupes resta à proximité des plages. L’offensive alliée perdit donc de son élan et les Ottomans purent se regrouper et se renforcer.

Herbert Kitchener avait ordonné que tous les besoins aériens soient assurés par le Royal Naval Air Service (RNAS) et les Alliés déployèrent des hydravions et d’autres appareils sur l’île grecque de Ténédos Ces derniers réalisèrent des missions de reconnaissance84 mais leur nombre était insuffisant pour répondre aux besoins des services de renseignement.

Le matin du 25 avril, alors que les troupes alliées débarquaient, le sous-marin australien HMAS AE2 du lieutenant-commandant Henry Stoker torpilla la canonnière Peyk-i Şevket à Çanakkale. Il s’échoua ensuite non loin d’un fort ottoman mais parvint à s’échapper. Peu après, son périscope fut repéré par un cuirassé ottoman qui tirait sur les plages de débarquement et ce dernier préféra se replier. Ayant franchi les Dardanelles, le sous-marin entra dans la mer de Marmara vers 8 h 30 mais Stoker préféra reposer son submersible sur le fond marin et attendre la nuit avant de continuer. Il fit surface dans la soirée pour recharger ses batteries et envoya un message radio à la flotte. Même si le débarquement au cap Helles se déroulait comme convenu, celui dans la baie ANZAC rencontrait de plus grandes difficultés et le commandant de l’ANZAC, William Birdwood, envisagea d’évacuer ses forces. Le succès du sous-marin australien fut l’un des facteurs qui le firent changer d’avis et la nouvelle fut relayée aux troupes pour remonter leur moral. Stoker navigua dans la mer de Marmara pendant cinq jours en réalisant de fréquentes apparitions en surface pour donner l’impression d’un grand nombre de sous-marins alliés mais ses attaques contre les navires ottomans échouèrent du fait de problèmes mécaniques avec ses torpilles.

Dans l’après-midi du 27 avril 1915, les 12 bataillons de la 19e division de Mustafa Kemal et six bataillons de la 5e division lancèrent une attaque contre les six brigades alliées dans la baie ANZAC. Avec le soutien de l’artillerie navale, les Alliés parvinrent à tenir tête aux assaillants durant la nuit. Le lendemain matin, les Britanniques et les Français ayant débarqué à la droite de la plage « S » après leur opération de diversion contre Kum Kale tentèrent de prendre le village de Krithia. Cette offensive planifiée par Hunter-Weston se révéla complexe et mal coordonnée d’autant plus que la 29e division était épuisée par les débarquements et les contre-attaques ottomanes. L’avancée alliée s’arrêta donc à mi-chemin entre le cap Helles et le village de Krithia vers 18 h et les attaquants avaient perdu 3 000 hommes. Avec l’arrivée de renforts ottomans dans la zone, la possibilité d’une victoire rapide dans la péninsule s’éloigna et les combats se transformèrent en une guerre d’attrition.

Considérant que la situation avait tourné à son avantage, Kemal commença à regrouper des unités et après l’arrivée de huit bataillons de  Constantinople, les Ottomans passèrent à l’offensive dans l’après-midi du 1er mai. Malgré quelques succès contre les Français, les attaquants subirent de lourdes pertes et furent repoussés sur les autres secteurs. La nuit suivante, William Birdwood ordonna aux unités ANZAC du major-général Alexander Godley de contre-attaquer. Les troupes progressèrent lentement dans l’obscurité derrière un tir de barrage de l’artillerie navale et terrestre mais la progression fut désordonnée et la résistance ottomane les contraignit à se replier après avoir perdu un millier d’hommes.

Pour une raison inconnue, le sous-marin AE2 commença à faire surface de manière incontrôlée le 30 avril à proximité du torpilleur Sultanhisar. Ce dernier ouvrit immédiatement le feu et le capitaine australien décida d’abandonner son navire qui fut sabordé pour éviter sa capture. Les succès du HMAS AE2 démontrèrent néanmoins qu’il était possible pour les sous-marins de traverser les Dardanelles et l’envoi de submersibles dans la mer de Marmara entrava fortement les opérations de transport et de ravitaillement des Ottomans. Le HMS E14 du lieutenant-commandant Edward Boyle entra ainsi dans la mer de Marmara le 27 avril et torpilla quatre navires dont le transport Gul Djemal à bord duquel se trouvaient 6 000 soldats et une batterie de campagne en partance pour la péninsule. Même si cette perte n’était pas dramatique pour les Ottomans, elle affaiblit considérablement le moral des troupes. Ces opérations sous-marines n’étaient cependant pas sans danger et lors de sa tentative de traversée du détroit, le submersible français Joule toucha une mine et sombra avec tout son équipage le 1er mai.

Considérant que les positions de l’ANZAC étaient solidement établies, Hamilton déclencha une nouvelle offensive contre Krithia. Impliquant 20 000 hommes, l’attaque était la première attaque générale depuis le cap Helles et devait avoir lieu durant la journée. Après une préparation d’artillerie de 30 minutes, l’assaut commença dans la matinée du 6 mai. Progressant en quatre colonnes séparées par des ravins, les unités alliées tentèrent de contourner les positions fortifiées ottomanes mais le terrain difficile compliqua cette manœuvre. Soumis à un tir nourri de l’artillerie et des mitrailleuses ottomanes qui n’avaient pas été repérées par les reconnaissances aériennes, l’attaque fut interrompue au bout d’une journée.

L’arrivée de renforts permit une reprise de l’offensive le 7 mai mais les défenses ottomanes restèrent infranchissables et les Alliés ne progressèrent que de quelques centaines de mètres au prix de lourdes pertes. Après cette bataille, le front se stabilisa du fait de l’épuisement des deux belligérants. Les stocks de munitions alliés, en particulier ceux de l’artillerie, étaient presque épuisés et les deux camps profitèrent de l’accalmie pour se réapprovisionner et étendre leurs réseaux de tranchées. Des combats sporadiques se poursuivirent néanmoins avec des raids et des attaques à la grenades contre des tranchées parfois séparées de seulement quelques mètres. Les tireurs de précision devinrent une menace persistante pour les deux camps et le commandant de la 1re division australienne, le major-général William Bridges, fut mortellement blessé par l’un d’eux le 18 mai.

Le 19 mai, 42 000 Ottomans lancèrent une offensive contre la baie ANZAC pour « rejeter à la mer » les 17 000 Australiens et Néo-Zélandais qui s’y trouvaient. Manquant de munitions et de pièces d’artillerie, les Ottomans espéraient que l’effet de surprise et leur supériorité numérique leur permettraient de l’emporter ; leurs préparatifs avaient cependant été repérés par un appareil de reconnaissance britannique la veille. Sans effet de surprise, l’assaut fut un désastre et les Ottomans perdirent 13 000 hommes dont 3 000 tués contre 160 morts et 468 blessés du côté allié. Les pertes ottomanes furent telles qu’un cessez-le-feu fut organisé par l’officier de liaison britannique Aubrey Herbert le 24 mai pour inhumer les corps reposant dans le no man’s land ; cet événement donna lieu à des actes de fraternité semblables à ceux de la trêve de Noël 1914 sur le front de l’Ouest.

Les Ottomans souffraient d’une grave pénurie de munitions et après l’échec de leur offensive du 19 mai, ils arrêtèrent les assauts frontaux et entreprirent une guerre de sape. Malgré les tentatives alliées pour les neutraliser, les Ottomans firent exploser une mine dans le secteur australien et attaquèrent avec un bataillon du 14e régiment. Le 15e bataillon australien fut repoussé mais il reprit le terrain perdu dans la soirée avant d’être relevé par des unités néo-zélandaises. Revenus sur leurs positions, les belligérants reprirent leurs escarmouches et continuèrent à renforcer leurs réseaux de tranchées.

Sur mer, la domination britannique fut affaiblie par le torpillage le 13 mai du cuirassé HMS Goliath (en) par le destroyer Muâvenet-i Millîye. De plus, le sous-marin allemand U-21 envoya par le fond le HMS Triumph le 25 mai et le HMS Majestic deux jours plus tard. Les appareils alliés réalisèrent un plus grand nombre de patrouilles et le U-21 décida de quitter la zone. Les Alliés ignoraient néanmoins ce repli et ils retirèrent un grand nombre de navires dans leur base sur l’île grecque d’Imbros ; cela réduisit considérablement le soutien d’artillerie allié dans la péninsule de Gallipoli. Dans le même temps, le sous-marin HMS E11 traversa les Dardanelles le 18 mai et coula ou endommagea 11 navires dont trois dans le port de Constantinople le 23 mai.

Dans le secteur du cap Helles où les réseaux de tranchées étaient très denses, les Alliés attaquèrent (en) à nouveau en direction de Krithia le 4 juin avec deux divisions britanniques et deux divisions françaises. L’offensive ne permit pas d’obtenir de percée décisive et la guerre de positions reprit avec des objectifs limités à quelques centaines de mètres. Dans les deux camps, les pertes approchaient les 25 % : 4 500 Britanniques sur 20 000 engagés et 2 500 Français sur 10 000. Du côté ottoman, les pertes s’élevèrent à plus de 9 000 hommes. Le 30 juin, le commandant français Henri Gouraud, qui avait remplacé Albert d’Amade en mai, fut blessé et le général Maurice Bailloud lui succéda à la tête des forces françaises.

Du côté de la mer Égée, les Britanniques attaquèrent les positions ottomanes le 28 juin et parvinrent à progresser rapidement le long d’un ravin parallèle à la mer. Le front avança d’un kilomètre mais les pertes avaient à nouveau été élevées et les Ottomans lancèrent plusieurs contre-attaques entre le 1er et le 5 juillet sans pouvoir reprendre le terrain perdu. Cette avancée marqua néanmoins la fin des offensivesbritanniques sur le front du cap Helles et leur attention se concentra au nord autour de la baie ANZAC.

Dans le même temps, la guerre sous-marine se poursuivait. Le HMS E14 traversa pour la troisième fois les Dardanelles le 21 juillet malgré le filet anti-sous-marin posé par les Ottomans. Le 27, le submersible français Mariotte ne parvint pas à éviter cet obstacle et il fut contraint de faire surface. Pris pour cible par les batteries côtières, il fut abandonné et sabordé par son équipage. Le 8 août, le HMS E11 torpilla le cuirassé ottoman de fabrication allemande, Barbaros Hayreddin, dans la mer de Marmara ; il coula également un torpilleur, sept navires de transports et 23 navires à voiles durant son passage dans la zone.

L’impasse sur le front du cap Helles poussa Hamilton à planifier une nouvelle offensive au nord pour prendre le contrôle des hauteurs situées au milieu de la péninsule. À ce moment, les effectifs des deux belligérants avaient fortement augmenté par rapport au début de la bataille : les Alliés disposaient de 15 divisions contre cinq au départ tandis que les Ottomans en alignaient 16 contre six initialement. Commandés par Godley, les Alliés envisageaient de débarquer deux nouvelles divisions d’infanterie du IXe corps britannique dans la baie de Suvla à 5 km au nord de la baie ANZAC. Dans le même temps, les unités déjà sur place attaqueraient en direction du nord-est dans le secteur le moins défendu du dispositif ottoman. Au moment de cette attaque, les Alliés disposaient d’une quarantaine d’appareils notamment des Nieuport 10 basés sur les îles d’Imbros et de Tenedos. Les Ottomans alignaient quant à eux une vingtaine d’appareils dont huit était stationnés à Çanakkale. En plus des opérations de reconnaissance, les avions alliés commencèrent à mener des actions limitées de bombardement sur terre et sur mer; l’un d’eux coula ainsi un remorqueur ottoman dans le golfe de Saros avec une torpille.

Le débarquement dans la baie de Suvla eut lieu dans la nuit du 6 août et ne rencontra qu’une faible résistance. Le commandant britannique Frederick Stopford se montra cependant peu entreprenant et la progression alliée se limita aux plages. Cela permit aux Ottomans de se redéployer sur les hauteurs et le front de Suvla devint rapidement statique avec la construction de tranchées par les deux camps. Dans la baie ANZAC, la 1re brigade d’infanterie australienne attaqua le 6 août au sud-est pour obliger les Ottomans à dégarnir leurs positions au nord-est et elle parvint à capturer la principale ligne ottomane. Une autre attaque de diversion depuis le cap Helles se solda par un échec sanglant et ces deux manœuvres n’empêchèrent pas les Ottomans de redéployer leurs forces pour faire face aux attaques. Au nord-est, la brigade d’infanterie néo-zélandaise progressa avec difficulté mais ne parvint pas à atteindre son objectif qui était le sommet de Chunuk Bair. Cet échec eut des conséquences dramatiques car l’unité devait prendre à revers les positions ottomanes tandis que la 3e brigade de cavalerie légère australienne devait mener un assaut frontal contre ces mêmes tranchées. Malgré le revers néo-zélandais, l’attaque fut maintenue ; du fait du manque de coordination entre l’artillerie et l’infanterie, du terrain difficile et des solides positions ottomanes, les pertes australiennes s’élevèrent à 372 hommes sur un effectif de 600. D’autres tentatives pour reprendre l’offensive furent facilement repoussées par les Ottomans. Les Néo-Zélandais tinrent leurs positions près de Chunuk Bair pendant deux jours malgré des pertes de 90 %, jusqu’à l’arrivée de deux bataillons britanniques. Ces derniers furent néanmoins repoussés par une contre-attaque commandée par Mustafa Kemal le 10 août et les Ottomans revinrent quasiment sur leurs positions de la semaine précédente.

Trois nouvelles divisions britanniques débarquèrent dans la baie de Suvla entre le 7 et le 10 août mais ces renforts ne permirent pas de débloquer la situation. Il fut alors décidé d’attaquer les hauteurs situées entre la baie de Suvla et la baie ANZAC pour unifier la ligne de front mais les assauts lancés le 21 août échouèrent. Le 17 août, Hamilton avait demandé 95 000 hommes supplémentaires mais les Français avaient annoncé qu’ils planifiaient une offensive en France pour l’automne. Lors d’une réunion le 20 août, il fut décidé de donner la priorité au front de l’Ouest et seulement 25 000 hommes seraient accordés au front des Dardanelles. Le 23 août, après l’échec des attaques contre les hauteurs séparant les deux plages, Hamilton se résolut à adopter une stratégie défensive. Cette décision était également motivée par l’imminence de l’entrée en guerre de la Bulgarie aux côtés des Empires centraux qui allait faciliter le soutien allemand à l’armée ottomane. Le 25 septembre, Kitchener ordonna le redéploiement de deux divisions britanniques et d’une division française sur le front de Salonique en Grèce et cela marqua le début de la fin de la bataille de Gallipoli.

L’échec de l’offensive d’août poussa les Alliés à envisager une évacuation de leurs positions dans la péninsule de Gallipoli. Déjà décontenancée par les succès ottomans, l’opinion publique britannique se retourna contre la gestion de l’opération après la publication d’articles critiques dans le Sunday Times de Keith Murdoch. Hamilton s’opposa initialement à la possibilité d’une évacuation lorsque cette possibilité fut évoquée le 11 octobre pour des raisons de prestige. Il fut par la suite limogé et remplacé par Charles Monro. L’arrivée de l’automne et de l’hiver apporta un répit aux soldats souffrant de la chaleur mais le froid entraîna également des milliers de cas de gelures.

La situation à Gallipoli fut encore compliquée par l’entrée en guerre de la Bulgarie aux côtés des Empires centraux le 5. Avec l’appui de cette dernière et de l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie envahit la Serbie et un nouveau front se forma au nord de la Grèce. Ce dernier, appelé front de Salonique, reçut la priorité par rapport aux Dardanelles et trois divisions qui s’y trouvaient furent redéployées en Grèce. Via la Bulgarie, l’Allemagne put soutenir l’artillerie lourde ottomane qui dévasta les tranchées alliées en particulier dans le secteur de la baie ANZAC où elles étaient très nombreuses. L’Autriche-Hongrie apporta également son aide et déploya deux unités d’artillerie dans la zone2. La situation dans le ciel fut également rééquilibrée par l’arrivée d’appareils modernes. À la fin du mois de novembre, l’équipage ottoman d’un Albatros C.I abattit un appareil français au-dessus de Gaba Tepe. Monro défendit l’option d’une évacuation auprès de Kitchener qui se trouvait alors dans la région. Après avoir consulté les commandants du VIIIe corps au cap Helles et du IXe corps dans les baies ANZAC et de Suvla, Kitchener approuva cette proposition et le gouvernement britannique confirma la décision d’évacuer au début du mois de décembre.

Du fait de la présence des forces ottomanes et des conditions climatiques difficiles, les stratèges s’attendaient à de lourdes pertes lors de l’opération. Le statu quo était néanmoins intenable ; le 26 novembre, un violent orage de trois jours provoqua des glissements de terrains qui détruisirent les tranchées et ensevelirent les soldats. Cet épisode fut suivi par une tempête de neige et les gelures firent de nombreuses victimes. Malgré ces difficultés, l’évacuation fut la partie la mieux exécutée de toute la campagne alliée. Les baies ANZAC et de Suvla furent les premières à être évacuées et les dernières troupes partirent à l’aube du 20 décembre. Leur nombre avait été graduellement réduit depuis le 7 décembre et des ruses comme le fusil automatique conçu par le soldat William Scurry fonctionnant grâce à l’accumulation d’eau dans une casserole attachée à la détente, permirent de dissimuler ce retrait. De la même manière, les troupes alliées dans la baie ANZAC ne faisaient parfois aucun bruit pendant plus d’une heure ; cela poussait les Ottomans intrigués à sortir de leurs tranchées pour inspecter les lignes adverses et ils étaient alors pris pour cibles. Grâce à ces tactiques, l’évacuation se fit avec très peu de victimes mais les Alliés durent laisser sur place de grandes quantités de matériel et de ravitaillement qui furent capturés par les Ottomans.

Les Alliés restèrent plus longtemps au cap Helles mais la décision d’évacuer la garnison fut prise le 28 décembre. Ayant tiré les leçons de ce qui s’était passé au nord, les forces ottomanes s’intéressèrent à tout ce qui pouvait laisser penser à une évacuation. Liman von Sanders regroupa ses forces et lança une attaque contre les Britanniques le 7 janvier ; l’assaut fut néanmoins facilement repoussé. Dans la nuit du 7 au 8 janvier, les troupes entamèrent un repli organisé sous la protection de l’artillerie navale. Après avoir disposé des mines et piégé leurs tranchées, les soldats reculèrent de 8 km jusqu’à la plage où des pontons improvisés avaient été construits. Les derniers soldats quittèrent le cap vers 4 h le matin du 8 janvier.

Même si les estimations les plus hautes prévoyaient jusqu’à 30 000 victimes lors de l’opération, 35 268 hommes, 3 689 chevaux, 127 canons, 328 véhicules et 1 600 tonnes de matériel furent évacués. Près de 1 600 véhicules furent néanmoins laissés sur place même s’ils furent sabotés pour éviter que les Ottomans ne puissent les réutiliser. Les Ottomans atteignirent les plages peu après l’aube.

Le nombre de victimes durant la bataille des Dardanelles varie selon les sources mais il est estimé qu’à son terme, elle avait coûté la vie à plus de 100 000 hommes dont entre 56 000 et 68 000 Ottomans et environ 53 000 Britanniques et Français. Carlyon avance le nombre de 43 000 Britanniques tués ou blessés dont 8 709 Australiens. Il y eut également 2 721 Néo-Zélandais tués, soit le quart de ceux ayant débarqué dans la péninsule. En intégrant les victimes de maladies, les pertes s’élèvent à près d’un-demi million dont 205 000 Britanniques, 47 000 Français et 251 000 Ottomans selon les estimations officielles britanniques. Ce nombre de victimes ottomanes est contesté et probablement moins élevé ; une autre source avance ainsi que les pertes furent de 2 160 officiers et de 287 000 soldats d’autres rangs. Les conditions sanitaires furent particulièrement difficiles et de nombreux soldats souffrirent de typhoïde et de dysenterie. Il est estimé qu’au moins 145 000 Britanniques et 64 000 Ottomans tombèrent malades durant la campagne.

Les forces alliées furent accusées d’avoir bombardé des hôpitaux et des navires-hôpitaux ottomans à plusieurs occasions. Le gouvernement français contesta ces allégations auprès de la Croix-Rouge et les Britanniques répondirent que si cela avait été le cas, il s’agissait d’accidents. Aucune arme chimique ne fut utilisée à Gallipoli même si Alliés envisagèrent d’y faire appel et en transportèrent sur place ; ces munitions chimiques furent par la suite utilisées contre les Ottomans lors des seconde et troisième batailles de Gaza en 1917.

La péninsule de Gallipoli accueille 31 cimetières administrés par la Commonwealth War Graves Commission (CWGC) responsable du développement et de l’entretien des cimetières de tout le Commonwealth. Six se trouvent au cap Helles, quatre dans la baie de Suvla et 21 dans la baie ANZAC. De nombreux tués et ceux morts à bord des navires hôpitaux qui furent inhumés en mer ne disposent pas de tombes ; leurs noms sont inscrits sur cinq mémoriaux. Il existe également un cimetière de la CWGC sur l’île grecque de Limnos où se trouvait un hôpital militaire. Sedd el Bahr au cap Helles accueille le seul cimetière français de la péninsule. Il n’existe pas de grand cimetière ottoman dans la péninsule mais de nombreux mémoriaux dont le plus important se trouve au cap Helles. Plusieurs mémoriaux et cimetières ont été construits sur la côte asiatique soulignant l’importance donnée par l’historiographie turque à la victoire navale du 18 mars par rapport aux combats terrestres dans la péninsule.

Source : Wikipédia.

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