La victoire de Samothrace

Thème : sculpture


Le monument se compose d’une statue de femme ailée – la déesse messagère de la Victoire – et d’une base en forme de proue de navire posée sur un socle bas.

L’ensemble mesure 5,57 m de haut. La statue, réalisée en marbre blanc de Paros, mesure 2,75 m avec ses ailes. La base de 2,01 m de haut et le socle de 36 cm sont taillés dans un marbre gris veiné de blanc, provenant des carrières de Lartos, dans l’île de Rhodes. Sa teinte plus foncée s’oppose à la blancheur du marbre de la statue, contraste atténué maintenant par la patine moderne.

La Victoire porte une robe en tissu fin, un chitôn, descendant jusqu’aux pieds, et dont l’étoffe a été remontée par une ceinture – qu’on ne voit pas – pour être raccourcie. Le repli ainsi formé, descendant jusqu’aux hanches, est serré par une seconde ceinture sous les seins.

Le rendu de ce vêtement fluide est d’une grande virtuosité : sur le ventre comme sur la cuisse gauche l’étoffe tendue est parcourue de nervures ondulant à fleur de peau ; sur les flancs, elle s’amasse en coulées de plis serrés ; devant la jambe gauche, des incisions en surface traduisent l’effet crêpelé du tissu léger.

Ce traitement est en complète opposition avec celui des plis épais et profondément creusés de la draperie du manteau, ou himation, qui cache en partie la robe.

La disposition extrêmement recherchée de cette seconde draperie devient évidente si l’on met en valeur de deux tons différents l’endroit et l’envers du vêtement en suivant les replis de l’étoffe.

Le manteau, qui était maintenu enroulé en bourrelet à la taille, est en train de se dénouer du côté gauche. Il tombe en une volumineuse coulée de plis entre les jambes où l’étoffe s’accumule, se creuse, et glisse jusqu’à terre en laissant à découvert la hanche et toute la jambe gauches.

 

Du côté droit, il tient encore sur la hanche et couvre la jambe jusqu’à mi-mollet.
A l’arrière, l’autre pan du manteau ouvert vole derrière la cuisse gauche, et c’est l’envers de l’étoffe que voit le spectateur.
Rien ne retient plus le manteau, que seule la « force du vent » plaque contre le corps.

C’est dans la vue de trois quarts gauche que la statue produit tout son effet, car les lignes de composition deviennent alors évidentes :
L’une est une grande verticale, qui monte le long de la jambe droite jusqu’au haut du buste, et l’autre, en oblique, parcourt la jambe et la cuisse gauches pour remonter jusqu’au buste. Ainsi, le corps de la Victoire s’inscrit dans un triangle rectangle qui soutient à la fois les formes épanouies des chairs, l’accumulation des draperies et l’énergie du mouvement.

L’ampleur de l’aile gauche et sa position à peine inclinée au-dessus de l’horizontale contribuent puissamment à la dynamique de la composition.

La vue de face est construite sur la ligne de la jambe droite moulée par les plis de la draperie, la jambe gauche se dérobant presque entièrement derrière le manteau. Les hanches et le buste sont situés dans le même plan, de face, sans aucune torsion du tronc.

L’épaule et le sein droits sont soulevés, signes que le bras droit était porté en l’air.

Du côté droit, le corps est réduit à une forme mince et sinueuse. Le travail en est très simplifié, le sculpteur ayant sans doute jugé inutile de le pousser davantage sur une face peu visible par le spectateur.

Pour la même raison, le dos de la statue est à peine élaboré.

Certains fragments qui n’ont pu être raccordés à la statue sont d’un grand intérêt pour la reconstitution complète de l’attitude.

L’aile droite actuellement sur la statue est un moulage inversé de l’aile gauche. Il en reste deux fragments originaux à partir desquels on peut établir que l’aile se dressait plus haut, orientée en oblique vers l’extérieur.

Un très petit fragment du haut du bras droit permet d’en préciser la position : il était levé, un peu écarté du corps et fléchi au coude. Des petites figurines de Victoire en terre cuite trouvées à Myrina (Turquie) donnent une bonne idée du mouvement.

On a suggéré que la Victoire tenait de la main droite une trompette, une couronne ou une bandelette.

Feuille complète de 50 exemplaires avec coin daté du 16/8/1937

Or, la découverte à Samothrace en 1950 de cette main, paume ouverte et deux doigts tendus, permet de penser qu’elle ne tenait rien et faisait un simple geste de salut.

Les deux pieds travaillés à part sont perdus. On peut reconstituer leur position grâce à la forme des surfaces où ils étaient appliqués. Le pied droit se posait sur le pont du bateau, tandis que le gauche était encore en l’air.

La Victoire ne marche pas, elle termine son vol, effleurant à peine la surface de la base.

On peut proposer maintenant un dessin de la statue dans son entier. Seule la position de la tête, regardant sans doute vers l’avant, et la position du bras gauche, sans doute abaissé, restent hypothétiques.

L’île de Samothrace est située dans la mer Egée, au large de la côte thrace, au nord-est de la Grèce. Elle est formée d’une haute montagne qui surgit de la mer. Au pied de la montagne, sur la côte nord de l’île, dans le ravin d’un torrent, était établi un très ancien sanctuaire dédié aux Grands Dieux, ou dieux Cabires.

En mars 1863, Charles Champoiseau, vice-consul de France intérimaire à Andrinople – actuellement Edirne, en Turquie – et archéologue amateur, entreprend d’en prospecter les ruines avec l’ambition de trouver de beaux objets pour le musée Impérial à Paris.

Le 15 avril 1863, les ouvriers travaillant à l’extrémité de la terrasse qui domine le sanctuaire à l’ouest, mettent au jour différentes parties d’une grande statue féminine. Les recherches continuent pour retrouver la tête et les bras, mais en vain. En revanche, de nombreux petits fragments de draperie et de plumage sont soigneusement recueillis, et permettent à Champoiseau de suggérer à juste titre qu’il s’agit d’une représentation de Victoire.

Il envoie en France la statue et les fragments, qui arrivent un an plus tard au Louvre, le 11 mai 1864. En 1866, après un minutieux travail de remise en état, le bloc principal du corps est exposé seul.

Champoiseau avait trouvé, au même endroit que la statue, les restes d’un petit édifice et, surtout, un amas de gros blocs de marbre gris qu’il laissa sur place, pensant qu’ils formaient un tombeau.

En 1875, l’architecte de la mission archéologique autrichienne fouillant le sanctuaire de Samothrace examine et dessine ces blocs ; il en conclut que, correctement assemblés, ils formaient la proue d’un navire servant de base à la statue.

Feuillet souvenir émis par le Musée du Louvre

Il fait alors le rapprochement avec des monnaies grecques datant du règne de Démétrios Poliorcète, sur lesquelles figure une Victoire debout sur la proue d’un navire.

En 1879 Champoiseau, informé de cette découverte, entreprend d’envoyer à Paris les blocs de la proue, ainsi que les dalles du socle sur lequel elle reposait : un premier essai de remontage dans une cour du Louvre est concluant.

Félix Ravaisson Mollien, le conservateur des Antiquités, envisage alors une reconstitution complète du monument en suivant le modèle proposé par les Autrichiens. Les principales interventions sur la statue sont les suivantes :

La partie droite du buste, en marbre, est replacée sur le corps, la partie gauche et la ceinture sont refaites en plâtre,

l’aile gauche, reconstituée de plusieurs fragments de marbre et consolidée à l’arrière par une armature métallique, est remise en place.

L’aile droite dont il ne reste que deux fragments est remplacée par un moulage inversé de l’aile gauche.

Seuls la tête, les bras et les pieds ne sont pas reconstitués.

La statue est placée directement sur le bateau dont les blocs sont maçonnés et les lacunes complétées, mais pas l’ornement de proue ni les éperons.

En 1884, la restauration est achevée.

Le monument est disposé de face dans l’axe de l’escalier Daru qui vient d’être achevé, produisant ainsi un effet spectaculaire. Pour amplifier encore cet effet, un bloc moderne a été ajouté à tort entre la statue et la base lors d’une campagne de travaux en 1934.

Source : Musée du Louvre

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