La variole.

La variole ou petite vérole était une maladie infectieuse d’origine virale, très contagieuse et épidémique, due à un poxvirus. Le mot variole vient du latin variola, -ae (qui signifie « petite pustule », avec l’influence du mot varius, « varié, bigarré, tacheté, moucheté »). En effet, la variole se caractérise en quelque sorte par un « mouchetage de pustules ». La variole a été responsable jusqu’au XVIIIe siècle de dizaines de milliers de morts par an rien qu’en Europe.

La variole a été déclarée éradiquée en 1980, grâce à une campagne de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) combinant des campagnes de vaccination massive, dès 1958, avec une « stratégie de surveillance et d’endiguement », mise en œuvre à partir de 1967. Au XXIe siècle, seuls des échantillons de ce virus sont conservés à des fins de recherche par des laboratoires habilités par l’OMS.

La variole est surnommée « petite vérole », et c’est en référence à cette maladie que la syphilis a été surnommée « grande vérole », mais les deux maladies n’ont rien en commun étiologiquement.


La variole se présente sous l’aspect d’une dermatose pustuleuse, qui peut ressembler à une forme grave de varicelle, mais qui évolue en une seule poussée (toutes les lésions sont identiques, étant de même âge). La variole était un fléau redouté. Elle tuait un malade sur cinq (chez les adultes, près d’un malade sur trois). Quand elle ne tuait pas, elle laissait souvent un visage grêlé, marqué à vie. Elle est toujours restée hors de portée d’un traitement efficace.

La forme classique ou variole régulière dite aussi ordinaire (80-90 % des cas) connaît trois sous-types : la forme confluente (éruption cutanée sur tout le corps), la forme semi-confluente (éruption cutanée presque exclusivement sur le visage) et la forme discrète (pustules très clairsemées).

Silencieuse, la période d’incubation est en moyenne de 12 jours (extrêmes 7 à 17 jours).

La phase d’invasion est brutale et aiguë, durant trois jours. Elle comporte une fièvre très élevée, à 40 °C ou plus, de grands frissons, un syndrome douloureux (maux de têtes, douleurs dorsales), des nausées et vomissements fréquents.

Une éruption précoce transitoire (rash) de divers types, généralisée ou localisée, peut survenir durant cette phase de début. En dehors d’un contexte épidémique, le diagnostic clinique n’est pas possible à ce stade.

Au début de cette phase, lors de l’apparition de l’éruption définitive, la fièvre et les autres symptômes s’atténuent le plus souvent.

Vers le quatrième jour de la maladie, un exanthème érythémateux (taches rouges) apparaît à la face (front et tempe) et aux extrémités des membres (notamment aux poignets). Il s’étend en une seule poussée éruptive : tous les éléments sont au même stade évolutif dans un même territoire cutané. L’extension se fait du visage et des extrémités (mains et pieds), où les éléments sont les plus nombreux, vers le tronc. Cette distribution est dite centrifuge, elle se fait en deux ou trois jours.

Cet exanthème peut s’accompagner, ou être précédé, d’un énanthème (langue, pharynx) évoluant vers des vésicules rapidement érodées avec ulcérations douloureuses.

Chaque élément éruptif est d’abord une macule, puis une papule de 2 à 3 mm, devenant une vésicule de 2 à 5 mm au troisième jour de l’éruption. Ces vésicules sont enchâssées dans le derme comme une « perle dans un chaton », elles sont très dures à la palpation, donnant l’impression d’un grain de plomb. Elles sont emplies d’une sérosité claire.

À partir du cinquième jour de l’éruption, le liquide des vésicules se trouble. Les vésicules évoluent en pustules, de 4 à 6 mm, reposant sur une base très inflammatoire. Elles tendent à se déprimer en leur centre (ombilication). Le stade de pustule ombiliquée était historiquement la phase critique, celle où la fièvre et les douleurs revenaient, et où la mort pouvait survenir.

À partir du huitième jour de l’éruption, les pustules se dessèchent, soit par rupture (croûte jaunâtre d’aspect mielleux), soit sans rupture (croûte noire ou brune). Cette phase s’accompagne d’une chute définitive de la fièvre pour se terminer entre le 15e et le 30e jour de l’éruption. La convalescence est longue. Chaque élément laisse une cicatrice déprimée, blanche et définitive (indélébile).

L’étendue de l’éruption est variable, présumant de l’évolution (une éruption de plus grande ampleur est un critère de gravité). Les dernières lésions à persister sont celles de la paume des mains et de la plante des pieds.

Les complications les plus courantes étaient les surinfections bactériennes cutanées, pulmonaires et oculaires, ainsi que le sepsis généralisé.

Les principaux organes atteints étaient les reins, les articulations, le cœur (myocardite) et le système nerveux (encéphalite, neuropathies…). L’encéphalite de la variole survient dans environ 1 cas sur 500.

Chez la femme enceinte, la variole entraine l’avortement ou l’accouchement prématuré, l’enfant pouvant naitre infecté et porteur de lésions cutanées.

Les séquelles les plus communes étaient les cicatrices du visage, présentes chez 65 à 80 % des survivants, puis la cécité par atteinte oculaire (1 % des survivants), et les déformations des membres par lésion articulaire ou cutanée (2 % des enfants survivants).

Selon les données génomiques disponibles, la variole humaine regroupe deux types de souches dites majeures (hautement pathogènes) et mineures.

Les virus « majeurs » semblent originaires d’Asie, certains isolats humains ayant toutefois une origine africaine.

Les virus mineurs proviendraient d’Amérique du Sud et d’Afrique de l’Ouest. Tous ces virus auraient divergé assez récemment (16 000 ans à 68 000 ans) à partir d’un ancêtre commun, poxvirus, dont les hôtes supposés auraient été des rongeurs africains. On ignorait encore en 2010 si le virus mineur est un mutant du virus majeur, ou si au contraire le majeur en est une forme plus pathogène apparue ensuite, ou si ces deux virus proviennent d’une autre souche disparue.

Sur les mêmes bases (génomique du virus), les virologues ont estimé que, d’après son taux moyen de mutation (d’environ 10−6 substitutions nucléotidiques par site et par an), selon ce chiffre, le virus humain aurait commencé à évoluer de façon indépendante il y a environ 3 400 (± 800) ans.

L’ancêtre commun aux orthopoxvirus actuels est inconnu, mais pourrait être apparenté aux souches actuelles de virus de la variole bovine (ou la vaccine) ou cowpox.

En mars 2004, des échantillons de virus variolique furent découverts à Santa Fe dans une enveloppe insérée entre les pages d’un livre de médecine datant de la guerre de Sécession ; ces échantillons font l’objet d’analyse par le CDC pour comprendre l’histoire de la variole au cours des siècles.

En novembre 2012, le virus est détecté dans le corps gelé d’une femme morte dans les années 1730 en Sibérie. L’intérêt pour la recherche est notamment de montrer la rapide évolution du virus.

Le virus de la variole fait partie des poxvirus. Il en existe deux variantes humaines, Variola minor et Variola major (cette dernière étant communément appelée Variole classique ou encore Variole asiatique) difficilement distinguables en laboratoire, mais présentant pourtant des taux de létalité très différents (respectivement 1 et 30 %) ce qui a pu faire douter de l’unicité des maladies. L’existence de deux formes de variole était pressentie depuis l’époque d’Edward Jenner au XIXe siècle, mais ce n’est qu’à partir de 1929 que le terme de Variola minor s’impose. Pour Variola minor, on distingue encore Variola alastrim, propre à l’Amérique du Sud, du Variola minor trouvé en Afrique : il fut un temps proposé d’y voir deux espèces différentes mais cela ne fut pas retenu. S’il y a de légères différences de formes cliniques entre les infections par variole mineure et variole majeure, ces dernières ne peuvent être véritablement distinguées que par la constatation des taux de létalité ou par des analyses de laboratoire. La variole majeure, qui prédominait dans le monde jusqu’à la fin du XIXe siècle, laissant la place à la variole mineure, ne subsistait plus qu’en Asie en 1971. Le virus est très stable et peut subsister des années dans des croûtes. Dans la plupart des conditions naturelles toutefois, le virus, s’il subsiste, ne conserve son pouvoir pathogène guère plus que quelques semaines.

Des corpuscules furent observés par John Brown Buist en 188719 puis de nouveau par Enrique Paschen en 190619 tandis qu’Amédée Borrel avait observé des corpuscules semblables dans des tissus d’oiseaux infectés de variole aviaire en 1904. En 1903, il était encore question de « streptocoque variolique ». Eugène Woodruff et Ernest William Goodpasture montreront en 1929 que ces inclusions contenaient des virus de la variole.

La maladie serait apparue de façon sporadique, dans les villages du néolithique, à partir de la domestication ou d’une proximité animale (ancêtre commun du virus humain et d’autres animaux, comme celui du monkeypox (singe), cowpox (bovin), ou camelpox (chameau).

Une population minimale de 200 000 habitants serait nécessaire pour maintenir une circulation permanente de virus variolique (variole endémique ou épidémique). Cette densité humaine a été atteinte par plusieurs civilisations antiques, d’abord en Égypte et au Moyen-Orient.

La variole serait donc apparue vers le IVe millénaire av. J.-C. selon les données épidémiologiques et historiques et il y a 3 400 (± 800) ans selon les données d’horloge moléculaire.

Deux origines géographiques sont possibles, l’Inde et l’Égypte . L’origine égyptienne est la plus probable, les données de phylogénie indiquant qu’un orthopoxvirus ancestral devait exister chez des rongeurs africains. La première mention écrite de la variole vient d’un médecin d’Alexandrie, Aaron, vers le VIIe siècle.

Des traces de cicatrices trouvées sur les visages de momies égyptiennes ont été considérées comme l’indice qu’une ou plusieurs formes de variole sévissaient au Moyen-Orient il y a plus de 3 000 ans. La variole est probablement exportée vers l’Inde par voie commerciale au cours du premier millénaire avant J-C. La maladie aurait été introduite en Chine en l’an 49 de notre ère (selon des descriptions d’éruptions pustuleuses laissées par des auteurs chinois du IVe siècle).

Il n’existe pas de terme original grec ou latin pour désigner la variole, bien que la maladie soit très caractéristique. Il est probable que les grandes épidémies qui ont frappé l’Empire romain au IIe siècle et au IVe siècle soient la variole. La peste antonine vers l’an 165 de notre ère, pourrait aussi avoir été une épidémie de varicelle ou de rougeole ou d’un type différent de la variole moins mortelle, et qui aurait depuis disparu, selon Hendrik Poinar (de l’Université McMaster d’Hamilton, au Canada).

À partir du Ve siècle, des épidémies probables de variole sont signalées en Europe. Saint Nicaise, évêque de Reims, survécut à une épidémie et devint le saint patron des victimes de la variole, avant d’être martyrisé par les Huns vers 451. De telles épidémies sont mentionnées au vie siècle par Grégoire de Tours et Marius d’Avenches. Durant le même siècle, une épidémie de variole aurait décimé, près de la Mecque en 572, une armée éthiopienne conduite par le prince chrétien Abraha. La variole serait mentionnée de façon allégorique dans le Coran « Dieu envoya des volées d’oiseaux qui firent pleuvoir des pierres sur les assaillants ». La variole atteint le Japon vers 730, qui perd environ un tiers de sa population, ou de façon moins certaine dès 585, à partir de la Corée.

La maladie accompagne les conquêtes musulmanes en Afrique du nord et dans la péninsule ibérique. Le médecin persan Rhazes, dans son fameux traité, est le premier à distinguer cliniquement la rougeole et la variole vers 910. La variole est présente chez les enfants, sous forme d’épidémies saisonnière au Moyen-Orient et en Asie centrale. C’est une étape décisive dans la connaissance des fièvres éruptives.

Vers l’an mille, la variole s’est établie par la guerre ou le commerce, d’une part sur le littoral méditerranéen, et d’autre part dans les parties de l’Eurasie les plus densément peuplées (Route de la soie, Inde, Chine, Corée, Japon). Toutefois, il reste de nombreuses régions indemnes en Europe centrale et du nord, qui seront plus ou moins touchées après les retours des Croisades.

Au XVe siècle, la variole est signalée comme une maladie des enfants à Paris, en Espagne et en Italie, mais sous une forme de gravité intermédiaire entre la variole mineure et majeure. En revanche, quand la variole touche pour la première fois des populations insulaires isolées, elle peut être explosive et meurtrière, comme celle de l’Islande en 1241, qui perd près d’un tiers de sa population.

La présence de la variole en Espagne est à la source de l’introduction de la variole en Amérique du Sud par les conquistadors.

Au XVIe siècle, un nouveau variant du virus apparait, d’origine  possiblement zoonotique ou dû à une mutation dans une souche en circulation. Il s’est ensuite répandu dans le monde conjointement à des formes parfois bénignes, parfois effroyablement mortelles, source d’une pandémie responsable de dizaines de millions de morts.

Une étude récente (2016) publiée dans Current Biology porte sur l’ADN viral d’une souche de variole découverte dans une momie occidentale d’enfant du milieu du XVIIe siècle trouvée dans la crypte de l’église dominicaine du Saint-Esprit de Vilnius. Cet échantillon a été séquencé et c’est le plus ancien virus séquencé connu en 2016. Il était génétiquement très proche des souches récentes, ce qui laisse penser que la forme la plus mortelle de la variole était le variant embarqué par les explorateurs du Nouveau Monde qui a décimé les Amérindiens. Les auteurs ont construit un arbre généalogique de 49 souches modernes et anciennes connues, et retracé leur évolution depuis un ancêtre commun qui aurait surgi entre 1530 et 1654, un siècle environ avant la mort de l’enfant momifié.

C’est durant cette période que les Français appellent « grosse vérole », la syphilis, pour la distinguer de la variole dite « petite vérole ». Les Anglais font de même, la variole étant dite small pox et la syphilis great pox. Les épidémies de variole deviennent plus fréquentes avec l’urbanisation croissante. La pandémie qui démarre en Europe et au Proche Orient en 1614 est probablement responsable de l’introduction de la variole en Amérique du Nord (colonies françaises et britanniques). De la même façon, à la même époque, l’exploration et la conquête de la Sibérie par les Russes s’accompagne d’épidémies dévastatrices de variole dans les populations sibériennes.

À partir du XVIIe siècle, plusieurs pays européens inaugurent un système d’enregistrement statistique des cas de variole et des décès par variole. Au XVIIIe siècle, environ 95 % de la population française est touchée par cette maladie, et un décès sur dix est dû à celle-ci. Les enfants en sont les premières victimes : 90 % des morts par variole en Angleterre sont âgés de moins de 5 ans, 10 % des enfants meurent chaque année de variole en Suède, un enfant sur sept meurt de variole en Russie…

La variole n’épargne pas les maisons royales, tuant entre autres la reine Marie II d’Angleterre (1694), l’empereur Joseph Ier d’Autriche (1711), le roi Louis Ier d’Espagne (1724), le prince Léopold d’Anhalt-Köthen (1728), le tsar Pierre II de Russie (1730), la reine Ulrique-Éléonore de Suède (1741), le roi Louis XV de France (1774), ce qui incite les souverains à promouvoir la variolisation.

La dernière grande épidémie européenne de variole a lieu en 1972 en Yougoslavie. Un jeune Kosovar revenant d’un pèlerinage à la Mecque et en Irak déclare la variole. L’épidémie frappe 38 personnes, dont 6 meurent. Le régime titiste déclare alors la loi martiale, impose la quarantaine et entreprend une campagne massive de re-vaccination de la population, avec l’aide de l’OMS et de l’équipe de Henderson. L’épidémie est endiguée en deux mois. Quelques années auparavant, un autre foyer d’infection s’était déclaré en Suède (mai-juillet 1963), éradiqué via des mesures de quarantaine et de vaccination. Le dernier cas spontané de la forme la plus grave de variole (Variola major) est enregistré au Bangladesh, en octobre 1975, chez une petite fille de deux ans, Rahima Banu. À partir de cette date, la variole est considérée comme éradiquée de la quasi-totalité du globe, à l’exception de la Corne de l’Afrique. En effet, la pauvreté des infrastructures sanitaires et routières d’Éthiopie et de Somalie rendent très difficile la vaccination de masse qui est un succès ailleurs. S’y ajoutent les conflits armés, les famines et les migrations de réfugiés qui compliquent encore la tâche. Néanmoins, par une intensification des mesures de vaccination, de surveillance, de confinement, au début de 1977, le dernier cas de variole contracté de manière naturelle est diagnostiqué à Merca en Somalie, le 26 octobre 1977.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

 

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