La reliure : entre art et technique.

C’est avec l’apparition du codex, au Ier siècle, que la reliure naît et crée l’objet-livre que nous connaissons encore aujourd’hui. Le codex est en effet un livre constitué d’un ensemble de feuilles pliées formant des cahiers, qui sont ensuite reliés, ce qui le différencie du volume ou livre en rouleau. Étape nécessaire à la réunion des cahiers écrits et donc à leur lecture, moment indispensable pour la conservation de ces textes, la reliure est un élément fondamental du livre. Elle s’oppose au brochage, qui se caractérise par une couverture directement collée ou cousue au dos du livre, qui n’offre pas la même solidité dans le temps. La reliure peut se résumer techniquement à la

couture des cahiers, à la pose de plats rigides ou flexibles, qui ne sont pas solidaires du corps d’ouvrage, et d’un matériau de couvrure des plats. Ce n’est qu’au XVIIe siècle que le terme de reliure prend le sens de « manière dont un livre est relié » : dans ce sens, la reliure donne alors à voir son histoire, ses évolutions techniques, ses multiples ressorts artistiques, ses originalités de matériaux ou de décors, et ses styles, souvent liés au renom des relieurs.La reliure reste

une réponse à des contraintes, et en premier lieu celle de la commande. En effet, le commanditaire indique au relieur ses désirs de matériaux, de formes et surtout de prix ; le relieur doit répondre à ses demandes à partir de cahiers écrits. Le commanditaire devenu libraire ou éditeur a aussi à cœur de donner envie d’acheter et de donner une identité propre à ses collections, défi supplémentaire pour le relieur. L’objet-livre, qu’il soit ordinaire ou précieux, et que nous conservons dans nos bibliothèques, si belles lorsque le dos de nos livres présentent une cohérence esthétique, naît de la technique et de l’art du relieur. La reliure est aussi un art à contempler, quitte à être parfois aujourd’hui dans sa propre contradiction en protégeant « les exemplaires les plus rares d’une enveloppe si précieuse que le lecteur appréhende de s’en emparer et de les ouvrir et envisage encore moins de les lire ».

Les relieurs reproduisent depuis des siècles les mêmes gestes techniques minutieux et suivent un processus lent, dû en particulier aux temps de séchage et de mise en presse. Il existe de nombreuses variantes d’une même technique, autant que de relieurs qui recherchent des solutions originales en fonction de leur habileté et de leur ingéniosité. Les techniques mises en œuvre pour la confection des reliures sont des indices de datation ou de provenance d’un livre. La reliure emploie un vocabulaire spécifique qui peut la faire apparaître aux novices comme un art complexe.

Cette opération sert à préparer le corps d’ouvrage à la couture. Cette étape est importante car elle détermine la qualité finale de la reliure, en particulier la facilité d’ouverture du livre. Elle peut durer parfois plusieurs jours. Il faut préparer le montage, en particulier placer les gardes ; il est

évidemment indispensable de vérifier le placement des cahiers dans le bon ordre. On effectue ensuite une première mise en presse en « battée » (en plusieurs parties). Il faut alors parfois ébarber les cahiers à l’aide d’une cisaille biseautée ou simplement râper les extrémités dans un fût à rogner. La couture. La couture est l’élément maître de la reliure qui permet d’unir les différents cahiers ou feuillets. En reliure artisanale, il existe plusieurs techniques de couture : on peut réaliser une couture sur ficelles, sur rubans

ou sur nerfs.Pour la couture sur ficelles, il faut d’abord grecquer le dos des cahiers. On place ensuite les ficelles tendues sur le cousoir (objet utilisé à partir du XIe siècle) dans les sillons du dos. Dans le cas des coutures sur rubans ou sur nerfs, on place les rubans ou nerfs simplement le long du dos des cahiers. Puis on pique le dos d’un cahier par l’intérieur avec une aiguille et un fil de lin ou de chanvre et on enroule ou contourne ce fil autour des ficelles, rubans ou nerfs.On pratique un point de chaînette en tête et en queue pour passer au cahier suivant et reprendre la couture en sens inverse. On termine parfois cette étape en brodant les tranchefiles en tête et en queue du dos. Les tranchefiles permettent de consolider l’assemblage des cahiers, et surtout les coiffes, souvent soumises à un rude traitement lorsqu’un livre est retiré d’une étagère de bibliothèque, tout en ayant une fonction ornementale et esthétique.On coud aussi parfois le signet à la tranchefile de tête. Ce signet sera très utile à la lecture et à l’étude du livre.

Les opérations entre la couture et la couvrure permettent de travailler sur le corps d’ouvrage cousu avant de lui donner sa parure. Cette étape permet de créer l’endossure au marteau et donc le cintrage du dos et de former les mors. Ensuite il faut préparer les plats. Et de nouveau un passage en presse est nécessaire, qui entraîne un rognage des tranches. La couvrure est le moment du contrecollage de la matière de recouvrement du livre, d’emboîtage du corps dans la couverture, de confection de la coiffe et parfois de la pose de coins ou de bandes. Il existe deux types principaux de reliure déterminés par la couvrure : la reliure pleine ou pleine peau (une pièce d’un seul tenant sert de couvrure aux plats et au dos) et la demi-reliure ou demi-peau (seul le dos, parfois aussi les coins, sont recouverts de

La reliure, épreuve d’artiste.

peau ; les plats sont habillés de papier ou de toile). D’abord, on apprête le dos : on colle, au dos, les tranchefiles, le signet (sous la tranchefile de tête) ; on effectue le ponçage du dos ; éventuellement on monte un faux dos et parfois des faux nerfs. Ensuite, pendant l’apprêture des cartons, les plats sont poncés, la matière de recouvrement est taillée aux bonnes dimensions ; éventuellement quand on utilise de la peau, il faut la parer (l’amincir). Les matériaux de couvrure peuvent être très variés : papiers, toiles contrecollées sur un papier fin (pour éviter que la colle passe à travers la toile et la tache), latex ou vinyles, cuirs, peaux…

Edition et reliure, carte maximum, Paris 6/05/1954.

Etape finale de la reliure, la finissure comprend toutes les manipulations nécessaires à la perfectibilité de l’objet-livre : pose des coins de renforcement, garniture des plats si nécessaire, élagage intérieur des plats, contrecollage et ébarbage des gardes, rectification des gardes et des gouttières, berçage* des feuillets collés par la dorure éventuelle des tranches, polissage du cuir Une dernière mise en presse termine alors le travail du relieur.

Source : BNF.