La Reine Victoria.

Victoria (née Alexandrina Victoria le 24 mai 1819 au palais de Kensington, à Londres et morte le 22 janvier 1901 à Osborne House sur l’île de Wight) fut reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du 20 juin 1837 jusqu’à sa mort. À partir du 1er juillet 1867, elle fut également reine du Canada, ainsi qu’impératrice des Indes à compter du 1er mai 1876, puis enfin reine d’Australie le 1er janvier 1901.

Victoria était la fille du prince Édouard-Auguste, duc de Kent et de Strathearn, le quatrième fils du roi George III. Le duc et le roi moururent en 1820 et Victoria fut élevée par sa mère d’origine allemande, la princesse Victoire de Saxe-Cobourg-Saalfeld. Elle monta sur le trône à l’âge de 18 ans après la mort sans héritiers légitimes des trois frères aînés de son père. Le Royaume-Uni était déjà une monarchie constitutionnelle dans laquelle le souverain avait relativement peu de pouvoir politique. En privé, Victoria essaya d’influencer les politiques gouvernementales et les nominations ministérielles. En public, elle devint une icône nationale et fut assimilée aux normes strictes de la morale de l’époque.

Victoria épousa son cousin le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha en 1840. Leurs neuf enfants épousèrent des membres de familles royales et nobles européennes diverses, ce qui valut à Victoria le surnom de « grand-mère de l’Europe ». Après la mort d’Albert en 1861, Victoria sombra dans une profonde dépression et se retira de la vie publique. En conséquence de ce retrait, le républicanisme gagna temporairement en influence mais sa popularité remonta dans les dernières années de son règne grâce à ses jubilés d’or et de diamant qui donnèrent lieu à de grandes célébrations publiques.

Son règne de 63 ans et sept mois est le deuxième plus long de toute l’histoire du Royaume-Uni après celui d’Élisabeth II. Connu sous le nom d’époque victorienne (bien que cette époque eût commencé en 1832), il marque une période de profonds changements sociaux, économiques et technologiques au Royaume-Uni et une rapide expansion de l’Empire britannique. Elle fut le dernier monarque britannique de la maison de Hanovre, qui régnait sur les Îles Britanniques depuis 1714, car son fils et héritier Édouard VII appartenait à la lignée de son père, la maison de Saxe-Cobourg et Gotha.


Victoria décrit plus tard son enfance comme « plutôt triste ». Sa mère était extrêmement protectrice et Victoria fut en grande partie élevée à l’écart des autres enfants sous le dit « système de Kensington et son ambitieux et dominateur contrôleur de gestion, John Conroy, dont la rumeur courait qu’il était son amant. Ce système empêchait la princesse de rencontrer des personnes que sa mère et Conroy jugeaient indésirables (dont la plus grande partie de la famille de son père) et était conçu pour la rendre faible et dépendante. La duchesse évitait la cour car elle était scandalisée par la présence des enfants illégitimes du roi et est peut-être à l’origine de la morale victorienne en insistant pour que sa fille ne fût pas exposée à l’inconvenance sexuelle. Victoria partageait sa chambre avec sa mère chaque nuit, étudiait avec des tuteurs privés selon un emploi du temps précis et passait ses heures de jeu avec ses poupées et son King Charles Spaniel, Dash. Elle apprit le français, l’allemand, l’italien et le latin mais elle parlait uniquement anglais à la maison.

En 1830, la duchesse de Kent et Conroy emmènent Victoria dans le centre de l’Angleterre pour visiter les collines de Malvern. Ils s’arrètent dans de nombreuses résidences aristocratiques sur le trajet. D’autres voyages similaires furent organisés en Angleterre et au pays de Galles en 1832, 1833, 1834 et 1835. Au grand agacement du roi Guillaume IV, Victoria est accueillie avec enthousiasme à chacune de ses étapes. Guillaume IV compare les voyages à des Joyeuses Entrées et s’inquiète de voir Victoria présentée comme une rivale plutôt que comme son héritière présomptive. Victoria appréciait peu ces déplacements ; les constantes apparitions publiques la fatiguaient et elle avait trop peu de temps pour se reposer. Malgré ses plaintes, appuyées par la désapprobation du roi, sa mère refuse d’interrompre ces déplacements. À Ramsgate en octobre 1835, Victoria développe une forte fièvre, ce que Conroy ignore d’abord en considérant qu’il ne s’agissait que d’un caprice enfantin. Pendant la maladie de Victoria, Conroy et la duchesse tentent sans succès de la convaincre de prendre Conroy comme secrétaire particulier. À l’adolescence, Victoria résiste encore aux tentatives répétées de sa mère et de Conroy pour que ce dernier soit officiellement nommé dans son entourage. Devenue reine, elle le bannit de la cour, mais il demeura dans la résidence de sa mère.

En 1836, le frère de la duchesse, Léopold, devenu roi des Belges en 1831, espère marier sa nièce avec son neveu, Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. Comme Léopold, la mère de Victoria et le père d’Albert (Ernest Ier de Saxe-Cobourg et Gotha) sont frères et sœur ; Victoria et Albert sont cousins germains. En mai 1836, Léopold organise une réunion de ses proches appartenant à la famille Saxe-Cobourg et Gotha avec la mère de Victoria dans l’objectif de présenter Albertà Victoria. Guillaume IV est cependant peu favorable à une union avec les Saxe-Cobourg et Gotha et préférait le parti d’Alexandre des Pays-Bas, le second fils du prince d’Orange. Victoria était consciente des nombreux projets matrimoniaux la concernant, et elle évaluait de manière critique les différents candidats. Selon son journal, elle apprécia la compagnie d’Albert dès leur première rencontre. Après sa visite, elle écrivit « [Albert] est extrêmement beau ; ses cheveux sont de même couleur que les miens ; ses yeux sont grands et bleus et il a un beau nez et une bouche très douce avec de belles dents ; mais le charme de sa contenance est son atout le plus délicieux ». À l’inverse, Alexandre était jugé « très quelconque ».

Victoria écrivit à son oncle Léopold, qu’elle considérait comme son « meilleur et plus gentil conseiller », pour le remercier « de la perspective de l’immense bonheur que vous avez contribué à me donner en la personne de ce cher Albert… Il possède toutes les qualités qui pourraient être désirées pour me rendre parfaitement heureuse. Il est si raisonnable, si gentil et si bon et si aimable aussi. Il a en plus l’apparence et l’extérieur les plus plaisants et les plus délicieux qu’il vous est possible de voir ». À 17 ans, Victoria, bien qu’intéressée par Albert, n’est cependant pas prête à se marier. Les deux parties ne s’accordent pas sur un engagement formel mais supposent que l’union se ferait en temps et en heure.

Victoria fête ses 18 ans le 24 mai 1837, âge qui lui permet de régner seule. L’épouvantail d’une régence — politiquement toujours instable — se dissipe.

Le roi Guillaume IV meurt un mois plus tard le 20 juin 1837, à l’âge de 71 ans, et Victoria devient reine du Royaume-Uni.

Dans son journal, la jeune souveraine écrivit : « J’ai été réveillée à 6 h pile par Mamma qui me dit que l’archevêque de Canterbury et Lord Conyngham étaient là et qu’ils voulaient me voir. Je suis sortie du lit et me suis rendue dans mon salon (en ne portant que ma robe de chambre) et « seule », je les ai vus. Lord Conyngham m’informa alors que mon pauvre oncle, le roi, n’était plus et avait expiré à 2 h 12 ce matin et que par conséquent « Je » suis « Reine » ». Les documents officiels préparés le premier jour de son règne la nommaient Alexandrina Victoria, mais le premier prénom est retiré à sa demande et n’est plus utilisé.

Depuis 1714, le Royaume-Uni était en union personnelle avec le royaume de Hanovre en Allemagne, mais, d’après la loi salique, les femmes étaient exclues de la succession au trône hanovrien. Victoria hérite donc des territoires et de toutes les colonies britanniques, et le trône de Hanovre passe au plus jeune frère de son père, l’impopulaire duc de Cumberland et Teviotdale qui devient roi sous le nom d’Ernest-Auguste Ier de Hanovre. Il était l’héritier présomptif de Victoria jusqu’à ce qu’elle ait un enfant.

Au moment de son accession au trône, le gouvernement est mené par le Premier ministre whig Lord Melbourne et ce dernier exerça une influence importante sur la reine politiquement inexpérimentée. L’écrivain Charles Greville suggère que Lord Melbourne, veuf et sans enfants, « était aussi attaché à elle que si elle avait été sa fille » et Victoria le considérait probablement comme une figure paternelle. Son couronnement fut organisé le 28 juin 1838 et elle devint le premier souverain à résider au palais de Buckingham. Elle hérita des revenus des duchés de Lancastre et de Cornouailles et reçut une liste civile annuelle de 385 000 £ (28,5 millions de livres de 2011). Financièrement prudente, elle remboursa les dettes de son père.

Victoria était populaire au début de son règne, mais sa réputation fut ternie par une intrigue de cour en 1839 lorsque l’une des dames d’honneur, Flora Hastings, développa une rondeur abdominale dont la rumeur disait qu’il s’agissait d’une grossesse hors mariage liée à une relation avec John Conroy ; Victoria considérait que les rumeurs étaient véridiques. Elle détestait Conroy et méprisait « cette odieuse Lady Flora » car elle avait participé avec Conroy et la duchesse de Kent au « système de Kensington ». Lady Hastings refusa initialement de se faire examiner avant d’accepter au milieu du mois de février et il se révéla qu’elle était vierge. Conroy, la famille de Hastings et les tories appartenant à l’opposition organisèrent une conférence de presse accusant la reine de propager de fausses rumeurs au sujet de Flora Hastings. Lorsqu’elle mourut en juillet, l’autopsie révéla une importante tumeur hépatique qui avait distendu son abdomen. Lors des apparitions publiques, Victoria fut sifflée et conspuée comme étant « Mme Melbourne ».

En 1839, Lord Melbourne démissionna après que les radicaux et les tories (que Victoria détestait) eurent voté contre une loi suspendant la constitution en Jamaïque. La législation supprimait les pouvoirs politiques des planteurs qui s’opposaient aux mesures associées à l’abolition de l’esclavage. La reine chargea un tory, Robert Peel, de former un nouveau gouvernement. À l’époque, il était de coutume pour le Premier ministre de nommer les « dames de la chambre à coucher » qui servaient de domestiques dans les résidences royales et étaient généralement des épouses de membres du parti au pouvoir. De nombreuses dames étaient des épouses de whigs et Peel souhaitait les remplacer par des épouses de tories. Dans ce qui fut appelé la « crise de la chambre à coucher », Victoria, conseillée par Lord Melbourne, s’opposa à leur renvoi. Peel refusa de gouverner selon les conditions imposées par la reine et offrit sa démission, ce qui permit à Lord Melbourne de revenir au pouvoir.

Même si elle est devenue reine, Victoria reste une jeune femme célibataire et les conventions sociales de l’époque lui imposent de vivre avec sa mère malgré leurs différends sur son éducation et la confiance que la duchesse de Kent continuait d’accorder à Conroy.

La duchesse de Kent était consignée dans un appartement isolé du palais de Buckingham et Victoria refusait souvent de la rencontrer. Lorsque Victoria se plaignit à Lord Melbourne que la proximité de sa mère promettait des « souffrances pendant de nombreuses années », ce dernier compatit mais répondit que cela ne pouvait être évité que par un mariage, ce que Victoria qualifia « d’alternative choquante ». Elle montra de l’intérêt pour l’éducation d’Albert en vue de son futur rôle d’époux mais elle résista aux pressions qui la poussaient à se marier.

Victoria continua de faire l’éloge d’Albert après sa seconde visite en octobre 1839. Albert et Victoria ressentaient de l’attrait l’un pour l’autre et la reine le demanda en mariage le 15 octobre 1839, juste cinq jours après qu’il fut arrivé à Windsor. Ils se marièrent le 10 février 1840 dans la Chapel Royal du palais Saint James à Londres. Victoria était follement éprise d’Albert et elle passa la nuit après son mariage alitée avec une migraine, mais qu’elle décrivit avec extase dans son journal :

« JAMAIS, JAMAIS, je n’oublierai une telle soirée !!! MON TRÈS TRÈS CHER Albert… sa passion et son affection excessives m’ont offert des sensations d’amour et de bonheur divins que je n’aurais jamais espéré ressentir auparavant ! Il m’a serrée dans ses bras et nous nous sommes embrassés encore et encore ! Sa beauté, sa douceur et sa gentillesse ; vraiment comment pourrais-je jamais être reconnaissante d’avoir un tel mari ! […] d’être appelée par des noms de tendresse que je n’avais encore jamais entendus auparavant ; le bonheur était incroyable ! Oh ! Ce fut le plus beau jour de ma vie ! »

Si le prince était le meilleur des maris, il devint également un influent conseiller politique de la reine et succéda à Lord Melbourne comme figure dominante de la première moitié de sa vie. La mère de Victoria est expulsée du palais vers Ingestre House à Belgrave Square. Après la mort de la princesse Augusta-Sophie en 1840, la mère de Victoria reçut les résidences de Clarence et de Frogmore. Grâce à la médiation d’Albert, les relations etre mère et fille s’améliorèrent progressivement.

Durant la première grossesse de Victoria en 1840, Edward Oxford, âgé de 18 ans, tente d’assassiner la reine alors qu’elle se trouvait dans une calèche avec le prince Albert lors d’un déplacement pour rendre visite à sa mère. Oxford tire deux fois mais les deux balles manquèrent leur cible ou, comme il l’avança par la suite, les pistolets ne fonctionnent pas. Il est jugé pour haute trahison et reconnu coupable mais est acquitté pour raisons mentales ; il est cependant interné pendant une trentaine d’années. La popularité de Victoria augmenta fortement après l’agression et cela apaise le mécontentement résiduel au sujet de l’affaire Hastings et de la crise de la chambre à coucher. Sa fille, également appelée Victoria, naît le 21 novembre 1840. La reine détestait être enceinte, considérait l’allaitement avec dégoût et pensait que les nouveau-nés étaient laids. Albert et elle eurent néanmoins huit autres enfants.

Le foyer de Victoria était largement géré par son ancienne gouvernante, la baronne Louise Lehzen, originaire du Hanovre. Lehzen avait eu une profonde influence sur Victoria et l’avait défendue contre le « système de Kensington ». Albert considérait cependant que Lehzen était incompétente et que sa mauvaise gestion menaçait la santé de sa fille. Après une violente dispute entre Victoria et Albert à ce sujet, Lehzen fut limogée, ce qui mit un terme à sa relation étroite avec Victoria.

Le 28 mai 1842, Victoria descend The Mall dans une calèche quand John Francis tente de lui tirer dessus, mais le pistolet ne fonctionne pas ; il parvient à s’échapper. Le lendemain, Victoria emprunte le même trajet plus rapidement et avec une plus grande escorte avec l’objectif délibéré de pousser Francis à attaquer à nouveau afin de le capturer. Comme prévu, Francis tire sur la calèche mais il est arrêté par des policiers en civil et est condamné pour haute trahison. Le 3 juillet, deux jours après que la condamnation à mort de Francis a été commuée en déportation à vie, John William Bean tente également de tirer sur la reine mais son pistolet n’avait pas la puissance espérée. Edward Oxford considère que ces tentatives étaient encouragées par son acquittement en 1840. Bean est condamné à 18 mois de prison70. À nouveau en 1849, un chômeur irlandais, William Hamilton, tire sur la calèche de la reine alors qu’elle passe dans Constitution Hill. En 1850, la reine est blessée par un ancien policier peut-être dément, Robert Pate. Alors que Victoria se trouve dans une calèche, Pate la frappe avec une canne, écrase son chapeau et la blesse au front. Hamilton et Pate sont tous deux condamnés à sept ans de déportation.

Le soutien à Lord Melbourne au sein de la Chambre des communes s’affaiblit dans les premières années du règne de Victoria et les whigs furent battus lors des élections générales de 1841. Peel devint Premier ministre et les dames de la chambre à coucher les plus associées avec les whigs furent remplacées.

En 1845, l’agriculture irlandaise est touchée par le mildiou de la pomme de terre. Dans les quatre années qui suivent, un million d’Irlandais meurent de faim et un million d’autres émigrèrent dans ce qui est appelé la Grande famine. En Irlande, Victoria est surnommée The Famine Queen (« la reine famine »). Elle donne personnellement 2 000 £ (162 000 £ de 2011) pour lutter contre la famine, plus que tout autre donateur individuel et soutient également une aide à un séminaire catholique en Irlande malgré l’opposition des protestants. L’histoire selon laquelle elle n’aurait donné que 5 £ d’aide aux Irlandais et qu’elle aurait donné le même jour une somme similaire à l’organisation de protection des animaux, Battersea Dogs Home, est un mythe créé vers la fin du XIXe siècle.

En 1846, le gouvernement de Peel affronta une crise liée à l’abolition des Corn Laws. De nombreux tories, alors appelés conservateurs, étaient opposés au rejet mais Peel, certains tories (les « Peelites »), la plupart des whigs et Victoria y étaient favorables. Peel démissionna en 1846 après que l’abolition eut été votée de justesse et il fut remplacé par Lord Russell.

Au niveau international, Victoria s’intéresse particulièrement à l’amélioration des relations entre la Grande-Bretagne et la France. Elle réalise et accueille plusieurs rencontres entre la famille royale britannique et la maison d’Orléans qui étaient liées par mariage via les Cobourg. En 1843 et 1845, Albert et elle rejoignent le roi Louis-Philippe Ier au château d’Eu en Normandie ; elle est ainsi le premier souverain britannique ou anglais à rencontrer son homologue français depuis Henri VIII et François Ier au camp du Drap d’Or en 1520. Lorsque Louis-Philippe Ier réalise le voyage inverse en 1844, il devient le premier roi français à se rendre en Grande-Bretagne. Louis-Philippe Ier fut déposé lors de la révolution française de 1848 et partit en exil en Angleterre. Alors que les soulèvements se propageaient à toute l’Europe, Victoria et sa famille quittèrent Londres en avril 1848 pour la plus grande sécurité d’Osborne House, une résidence privée sur l’île de Wight qu’elle a achetée en 1845. Les manifestations des chartistes et des nationalistes irlandais ne se transforment pas en soulèvements et la crainte d’une révolution s’éloigne. La visite de Victoria en Irlande en 1849 est un succès en termes de relations publiques mais elle n’eut pas d’impact sur la croissance du nationalisme irlandais.

Le gouvernement de Lord Russell, bien que dominé par les whigs, n’est pas apprécié par la reine. Elle déteste particulièrement le secrétaire d’État des Affaires étrangères, Lord Palmerston, qui agissait souvent sans consulter le Cabinet, le Premier ministre ou la reine. Victoria se plaint à Russell que Palmerston ait envoyé des dépêches officielles à des chefs d’États étrangers sans l’informer mais Palmerston reste en poste et continue d’agir de sa propre initiative malgré les remontrances répétées. Ce n’est qu’en 1851 que Palmerston est limogé après avoir annoncé que le gouvernement britannique approuvait le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en France sans avoir consulté le Premier ministre. L’année suivante, le président Bonaparte devient l’empereur Napoléon III, et le gouvernement de Russell est remplacé par un gouvernement minoritaire mené par Lord Derby.

En 1853, Victoria donne naissance à son huitième enfant, Léopold, avec l’aide d’un nouvel anesthésiant, le chloroforme. Victoria est tellement impressionnée par son efficacité qu’elle l’utilise à nouveau en 1857 pour la naissance de son neuvième et dernier enfant, Béatrice, malgré l’opposition du clergé qui considérait que cela s’opposait aux commandements bibliques (Genèse) et des médecins qui le considéraient comme dangereux. Victoria a peut-être été victime de dépression post-partum après ses nombreuses grossesses. Dans ses lettres à Albert, Victoria se plaint parfois de sa perte de sang-froid. Un mois après la naissance de Léopold, Albert écrit une lettre à Victoria pour se plaindre de son « hystérie continue » au sujet de « misérables broutilles ».

Au début de l’année 1855, le gouvernement de Lord Aberdeen, qui a remplacé Derby en décembre 1852, démissionne du fait des critiques concernant la mauvaise gestion de la guerre de Crimée. Victoria approche Derby et Russell pour qu’ils forment un gouvernement mais aucun n’a suffisamment de soutiens et elle est obligée de nommer Palmerston au poste de Premier ministre.

Napoléon III, l’allié le plus proche du Royaume-Uni depuis la guerre de Crimée95, se rend à Londres en avril 1855 et Victoria et Albert font le trajet inverse du 17 au 28 août de la même année98. L’empereur français accueille le couple à Dunkerque et les accompagne à Paris où ils visitèrent l’exposition universelle, une réponse à l’exposition londonienne de 1851 imaginée par Albert, et la tombe de Napoléon Ier aux Invalides, dont les cendres avaient été rapatriées en 1840. Ils sont également les invités d’honneur à un bal de 1 200 invités au château de Versailles.

Le 14 janvier 1858, un Italien réfugié en Grande-Bretagne appelé Felice Orsini tente d’assassiner Napoléon III avec une bombe fabriquée au Royaume-Uni100. La crise diplomatique qui suivit déstabilisa le gouvernement : Palmerston démissionna et Derby redevint Premier ministre101. Victoria et Albert assistent à l’inauguration d’une nouvelle cale sèche dans le port militaire français de Cherbourg le 5 août 1858. À son retour, Victoria réprimande Derby pour le mauvais état de la Royal Navy par rapport à la marine française. Le gouvernement de Derby ne survit pas longtemps et Victoria rappelle Palmerston en juin 1859.

Le 25 janvier 1858, la fille aînée de Victoria épouse le prince Frédéric-Guillaume de Prusse à Londres. Ils étaient fiancés depuis septembre 1855 alors que la princesse Victoria n’avait que 14 ans et le mariage est repoussé par la reine et le prince Albert jusqu’à ce que la mariée eût 17 ans. Victoria et Albert espéraient que leur fille et leur gendre auraient une influence libérale sur la Prusse en pleine ascension. Victoria voit partir sa fille pour l’Allemagne « la mort dans l’âme » ; elle lui écrit dans l’une de ses nombreuses lettres, « cela me fait vraiment frissonner quand je regarde vos sœurs douces, joyeuses et inconscientes et que je pense que je devrais les abandonner également, une par une ». Presque un an plus tard, la princesse Victoria donne naissance au premier petit-enfant de la reine, Guillaume.

En mars 1861, la mère de Victoria meurt avec sa fille à ses côtés. En lisant les documents de sa mère, Victoria découvre que sa mère l’aimait profondément ; elle a le cœur brisé et blâme Conroy et la baronne Lehzen pour l’avoir « diaboliquement » éloignée de sa mère. Pour soulager son épouse pendant cette période de deuil, Albert assume une grande partie de ses fonctions bien qu’il souffre de problèmes digestifs chroniques. En août, Victoria et Albert rendent visite à leur fils, le prince de Galles, qui assiste à des manœuvres militaires près de Dublin et passent quelques jours à Killarney. En novembre, les rumeurs selon lesquelles son fils aurait eu une relation avec une actrice en Irlande arrivent aux oreilles d’Albert qui, choqué, se rend à Cambridge où Edward étudiait pour le réprimander.

Au début du mois de décembre, Albert tombe gravement malade. William Jenner diagnostique une fièvre typhoïde et le prince meurt le 14 décembre 1861 ; Victoria est anéantie. Elle attribue la responsabilité de sa mort à la frivolité du prince de Galles, affirmant qu’Albert avait été « tué par cette affreuse affaire ». Elle reste en deuil et porte des vêtements noirs jusqu’à la fin de sa vie. Elle évite les apparitions publiques et se rend rarement à Londres dans les années qui suivent. Son retrait dans le château de Windsor lui valut le surnom de « veuve de Windsor ».

Cet isolement volontaire diminue la popularité de la monarchie et encourage le mouvement républicain. La reine continue d’assumer ses fonctions gouvernementales mais choisit de rester confinée dans ses résidences royales de Windsor, de Balmoral et d’Osborne. En mars 1864, un manifestant placarde une affiche sur les grilles du palais de Buckingham annonçant que « ces imposants bâtiments étaient à vendre en raison du déclin des affaires de l’ancien propriétaire ». Son oncle Léopold lui écrivit pour lui conseiller d’apparaître en public. Elle accepte de visiter les jardins de la Royal Horticultural Society à Kensington et de traverser Londres dans une calèche ouverte.

Durant les années 1860, Victoria se repose de plus en plus sur un domestique écossais, John Brown. Des rumeurs calomnieuses d’une relation romantique et même d’un mariage secret commencent à être imprimées dans la presse et la reine est même affublée du sobriquet de « Mme Brown ». Une peinture d’Edwin Landseer représentant la reine avec Brown est exposée à la Royal Academy et Victoria elle-même publie avec grand succès un livre, Leaves from the Journal of Our Life in the Highlands, où elle fait un vibrant éloge de son homme de confiance. L’histoire de leur relation fait l’objet du film La Dame de Windsor de 1997.

Lord Palmerston meurt en 1865 et après un bref gouvernement mené par Russell, Derby revient au pouvoir. En 1866, Victoria assiste à la cérémonie d’ouverture du Parlement pour la première fois depuis la mort d’Albert. L’année suivante, elle soutient le passage du Reform Act de 1867 qui double le nombre d’hommes ayant accès au suffrage même si elle n’était pas favorable au droit de vote des femmes. Derby démissionne en 1868 et est remplacé par Benjamin Disraeli qui charme Victoria. Il déclare « tout le monde aime la flatterie et, quand il s’agit de princes, il faut l’étendre avec une truelle ». Le gouvernement de Disraeli ne dure que quelques mois et à la fin de l’année, son rival libéral William Ewart Gladstone est nommé Premier ministre. Victoria considérait que la personnalité de Gladstone était bien moins attrayante ; elle aurait ainsi dit qu’il lui parlait comme si « elle était une réunion publique plutôt qu’une femme ».

En 1870, les idées républicaines au Royaume-Uni, alimentées par le retrait de la reine, sont renforcées par l’établissement de la Troisième République en France. Un rassemblement républicain à Trafalgar Square demande l’abdication de Victoria et les députés radicaux font des discours lui étant hostiles. En août et septembre 1871, elle tombe gravement malade et développe un abcès au bras ; Joseph Lister l’incise avec succès et désinfecta la plaie avec une pulvérisation de phénol. À la fin du mois de novembre 1871, au maximum du mouvement républicain, le prince de Galles contracte la fièvre typhoïde, la maladie qui aurait tué son père, et Victoria craint que son fils ne meure aussi. Alors que le dixième anniversaire de la mort d’Albert approche, la santé de son fils ne s’améliore pas et l’angoisse de Victoria augmente. Au grand soulagement du peuple, Edward se remet de la maladie. La mère et le fils assistent à une célébration publique à Londres et à une grand-messe d’action de grâces à la cathédrale Saint-Paul le 27 février 1872 ; le mouvement républicain est affaibli et la popularité de la monarchie remonte.

Le 28 février 1872, Arthur O’Connor, âgé de 17 ans (petit-neveu du député irlandais Feargus O’Connor), agite un pistolet non-chargé devant le cortège de Victoria à sa sortie du palais de Buckingham. Brown, qui accompagne la reine, neutralise O’Connor qui est par la suite condamné à 1 an de prison. La popularité de Victoria est encore renforcée par l’incident.

Le 23 septembre 1896, Victoria devient la monarque de l’histoire anglaise, écossaise, ou britannique ayant régné le plus longtemps, dépassant le record détenu jusqu’alors par son grand-père, George III. Conformément à la demande de la reine, toutes les célébrations publiques spéciales de l’événement sont retardées jusqu’en 1897 pour coïncider avec son jubilé de diamant marquant ses 60 années de règne. Le secrétaire d’État aux Colonies, Joseph Chamberlain, propose que le jubilé devienne un festival de l’Empire britannique.

Les Premiers ministres de tous les dominions autonomes sont invités et des troupes de tout l’Empire britannique participent à la procession du jubilé dans Londres. Les célébrations du soixantième anniversaire sont marquées par de grands débordements d’affection envers la reine bientôt octogénaire.

Victoria se rend régulièrement en Europe continentale pendant ses vacances. Sa ville de prédilection est Nice. Elle affectionne particulièrement la douceur des hivers sur la Côte d’Azur, où elle loue régulièrement pendant deux mois des appartements dans le grand Hôtel Régina de Nice, dans le quartier résidentiel de Cimiez, assistant même, le 21 mars 1895, à une bataille de fleurs sur la promenade des Anglais. Un monument est érigé à sa mémoire en 1910, devant l’hôtel Régina. Lorsqu’elle est en France, sa protection est assurée par le commissaire Xavier Paoli, un policier à maintien de diplomate qui sera son invité personnel lors du jubilé.

En 1889, durant un séjour à Biarritz, elle devient le premier monarque britannique à poser le pied en Espagne lorsqu’elle traverse la frontière pour une courte visite. En avril 1900, la guerre des Boers était devenue tellement impopulaire en Europe que son voyage annuel en France est jugé inopportun. Elle se rendit donc en Irlande pour la première fois depuis 1861, en partie pour reconnaître la contribution des régiments irlandais dans le conflit en Afrique du Sud. En juillet, son second fils, Alfred (« Affie ») meurt et elle écrit dans son journal « Oh, Dieu ! Mon pauvre chéri Affie est parti aussi. C’est une année horrible, rien d’autre que la tristesse et l’horreur sous une forme ou une autre »

Suivant une coutume qu’elle maintient tout au long de son veuvage, Victoria passe le réveillon de Noël 1900 à Osborne House sur l’île de Wight. Elle boite du fait de ses rhumatismes et sa vision est obscurcie par la cataracte. Durant le mois de janvier, elle se sent « faible et souffrante » et au milieu du mois, elle est « somnolente… hébétée et perdue ». Finalement, après près de 64 ans de règne, la reine Victoria meurt le 22 janvier 1901 vers 18 h 30, à l’âge de 81 ans, dans sa résidence d’Osborne House. Son fils et successeur, Édouard VII, et son petit-fils le plus âgé, Guillaume II, se trouvaient à son chevet191. Sa dernière volonté fut que son Poméranien préféré, Turri, soit posé sur son lit de mort.

En 1897, Victoria a demandé que ses funérailles soient militaires du fait de son statut de chef de l’armée et de fille de soldat et que le blanc domine par rapport au noir. Le 25 janvier, Édouard VII, roi du Royaume-Uni et le prince Arthur de Connaught aident à la porter dans son cercueil. Elle est habillée d’une robe blanche et d’un voile de mariée. Des souvenirs rappelant sa famille élargie, ses amis et ses domestiques sont placés dans le cercueil à sa demande. Un des peignoirs d’Albert est placé à son côté avec un moulage en plâtre de sa main tandis qu’une mèche de cheveux de John Brown et une photographie de lui sont placées dans sa main gauche et dissimulées à la famille par un bouquet de fleurs bien positionné. Ses funérailles sont organisées le samedi 2 février dans la chapelle Saint-Georges du château de Windsor et après deux jours d’exposition publique, elle est inhumée aux côtés d’Albert dans le mausolée royal de Frogmore dans le Grand Parc de Windsor.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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