La Piraterie.

La piraterie ou forbannerie est une forme de banditisme pratiquée sur mer par des marins appelés pirates ou forbans, mais aussi sur terre. Les pirates ne se limitent pas aux pillages de navire, ils ravagent également les petites villes côtières et les arrière-pays parfois loin des côtes en remontant les cours d’eau, ce qui conduit l’historien Hubert Deschamps à définir la piraterie comme étant du « brigandage par mer ».


Le mot « pirate » vient du latin pirata (« celui qui tente la fortune, qui est entreprenant ») — attesté depuis Cicéron —, qui s’est imposé devant le terme praedo maritimus. Pirata est un emprunt au grec πειρατής (peiratês), c’est-à-dire « brigand, bandit qui court les mers pour attaquer les navires », mot avec spécialisation de sens dérivé du verbe πειράω (peiráō) signifiant « s’efforcer de », « essayer de », « tenter sa chance à l’aventure » qui est aussi à l’origine du nom « Pirée ». Cicéron déclare les pirates de l’Antiquité « ennemis communs à tous » (communis hostis omnium) car ils échappent aux catégories habituelles du droit. Au Moyen Âge, la signification du terme « pirate » se restreint pour désigner plus spécifiquement des bandits qui parcourent les mers pour piller des navires marchands.

Le forban (de fors et ban, « hors du ban », « hors de la loi ») est un  synonyme de pirate.

Les pirates se distinguent des corsaires, qui sont des civils faisant la guerre sur mer avec l’autorisation de leur gouvernement (grâce aux lettres de marque), selon les lois de la guerre, avec un statut équivalent aux militaires mais sans être soumis à l’autorité d’un état-major et au contraire d’une façon indépendante. La confusion entre pirates et corsaires résulte de plusieurs faits : jusqu’à la fin du Moyen Âge, les termes de corsaire et pirate, synonymes, étaient employés indifféremment (pour les distinguer, il faut qu’un État souverain délivre une lettre de marque – or l’État souverain n’apparaît en Europe qu’au cours des XVIe et XVIIe siècles) ; les corsaires faisaient la guerre aux

nations ennemies en s’attaquant à leur commerce mais, sans ressources en temps de paix, ils devenaient pirates (comme Francis Drake ou Jean Ango). Cette apparence ne doit pas faire oublier qu’ils respectaient en général les vies et les biens personnels ; seul le navire et le fret faisaient l’objet de la prise, une enquête établissait si la prise avait été légitime et le bien était rendu si tel n’avait pas été le cas. Notons toutefois qu’un corsaire autorisé par un État particulier était qualifié de pirate par les États ennemis. Tout corsaire, donc, est un pirate du point de vue d’un État tiers. L’épisode de la prise du navire portugais Santa Catarina en 1603 par un corsaire hollandais, accusé de piraterie par les Portugais, illustre bien l’ambiguïté de la distinction entre corsaire et pirate – cet incident  diplomatique est d’ailleurs à l’origine de la rédaction par le célèbre juriste Hugo Grotius du traité sur « La Liberté des Mers ». Anne Pérotin-Dumon résume bien la situation en écrivant que « savoir si quelqu’un ou non doit être qualifié de pirate est une question dont la réponse appartient à celui qui a le pouvoir ».

La piraterie a connu plusieurs périodes fastes, à la fin du Ier siècle av. J.-C. en Méditerranée, et au XVIIIe siècle dans les Antilles et l’océan Indien puis peu à peu disparu de ces régions, du fait du quadrillage des marines d’État. Le mot pirate est utilisé aussi dans différents contextes autres que maritime : le « pirate de la route », que l’on appelait autrefois « voleur de grand chemin », le « pirate informatique », qui désigne un individu s’introduisant illégalement dans un système informatique. On parle parfois de « pirates » dans le cas de détournement d’avions : c’est le cas des pirates de l’air.  Toutefois, il s’agit ici d’une déformation du sens de pirate car il s’agit d’actions terroristes, politiques et non de crimes de droit commun. Plus récemment, on évoque le cas des « biopirates », qui manipulent le vivant en dehors de tout cadre légal, souvent dans des laboratoires clandestins, afin de modifier certaines caractéristiques des espèces vivantes ou d’en créer de nouvelles. Alors que le Moyen Âge et l’époque moderne ont repris une formule de Cicéron selon laquelle le pirate est « l’ennemi commun à tous », la Convention des Nations unies sur le droit de la mer a donné en 1982 une définition plus restrictive du pirate qui est selon le droit international un criminel de droit commun intervenant en haute mer à partir d’un bâtiment.

La piraterie existait déjà dans l’Antiquité. Toutes les civilisations anciennes ayant possédé une marine l’ont connue, les Phéniciens comme les Mycéniens, la mer étant considérée comme un espace libre où règne la « loi du plus fort ». Lorsque les États deviennent plus puissants, à la piraterie s’ajoute la guerre de course.

Jules César dut lui-même affronter la piraterie. Lors d’un voyage vers l’Orient entre les années 75 av. J.-C. et 74 av. J.-C., il fut capturé par ceux-ci, à hauteur de l’île de Pharmacuse, à proximité de la ville de Milet en Asie Mineure. Dès sa libération contre rançon, il entreprit de se venger. Après avoir réuni en toute hâte une flottille, il surprit et captura les pirates qu’il fit exécuter et, en partie, crucifier. Pompée se rendit célèbre en nettoyant la Méditerranée des pirates ciliciens.

Les Vikings furent des pirates mais aussi des explorateurs, qui dévastèrent l’Europe occidentale de la fin du VIIIe au début du XIe siècle.

Les Narentins sont des pirates slaves païens qui depuis leurs bases  installées en actuelle Croatie, attaquèrent les navires marchands en mer Adriatique du ixe au xie siècle avant d’être éliminés par les Vénitiens. En 928, les musulmans de Sicile recrutèrent ces pirates pour piller la Calabre, la Sardaigne et la Corse.

La piraterie connaît son âge d’or dans les années 1660, lorsque Français, Anglais et Hollandais attaquent les navires pleins d’or de la couronne espagnole. À partir de 1690, de nouveaux groupes opèrent dans l’océan Indien. Les pirates sont alors encouragés par les Anglais car ils rapportent de l’argent aux Antilles anglaises et en Angleterre. Mais ce n’est plus le cas à partir de 1700, où le commerce se mondialise. Entre 1716 et 1726 apparaît un mouvement pirate spontané, de 1 800 à 2 400 individus. Il n’a pas de soutien de la part de classes dirigeantes. Britanniques et Français vont coopérer pour le réduire, et ils pendront les pirates par centaines.

Dans le domaine du droit international la piraterie est généralement  considérée comme le plus ancien exemple d’utilisation du principe de juridiction universelle. Piller les navires en haute mer, bloquer les routes commerciales ou mettre en danger les communications maritimes était considéré par les États souverains comme étant hostis humani generis (ennemi de l’humanité). Puisque la piraterie, par définition, est pratiquée en dehors des juridictions nationales, les poursuites engagées par des États souverains contre des pirates constituent une situation juridique  exceptionnelle. Cicéron expliquait déjà dans son traité De officiis que, en tant qu’« ennemi de tous » (communis hostis omnium), le pirate ne devait pas être considéré comme un ennemi légitime, envers lequel on est tenu de respecter certains devoirs : ainsi, d’après le philosophe romain, l’obligation de tenir parole et d’honorer ses serments ne s’appliquait pas au cas où l’on a affaire aux pirates.

En raison de la situation stratégique de cet archipel espagnol en tant que carrefour des routes maritimes et pont commercial entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique, c’était l’un des endroits sur la planète avec la plus grande présence de pirates.

Dans les îles Canaries, on distinguait : les attaques et le pillage continu des corsaires berbères, anglais, français et hollandais; et d’autre part la  présence de pirates et de corsaires de cet archipel, qui ont fait leurs incursions dans les Caraïbes. Des pirates et des corsaires tels que François Le Clerc, Jacques de Sores, Francis Drake, Pieter van der Does, Murat Rais et Horatio Nelson ont attaqué les îles. Parmi ceux qui sont nés dans l’archipel se distingue surtout Amaro Pargo, que le monarque Philippe V d’Espagne bénéficié fréquemment et l’a autorisé à construire un navire à destination de Campeche, qui était armé comme un navire corsaire.

Boucaniers : les pirates qui sévissaient dans la mer des Caraïbes étaient  parfois appelés abusivement boucaniers. À l’origine soit aventuriers, soit déserteurs des différentes nations européennes, les boucaniers vivaient sans chef, et s’occupaient surtout du ravitaillement en viande fumée (« boucanées », d’où leur nom) des équipages de passage quels qu’ils soient. Ils élevaient des bœufs et chassaient les petits cochons sauvages. Ils se trouvaient dans le nord-ouest de Saint-Domingue et dans la baie de Campêche, mais ils avaient souvent leurs comptoirs à la Tortue. À  l’occasion, il leur arrivait de se mêler à une expédition, mais ce n’était pas leur activité principale.

Flibustiers : le mot « flibustier » est dérivé du néerlandais vrijbuiter (« qui fait du butin librement »). Certaines sources citent comme origine le mot flibot (« sorte de petit bateau »), d’autres préfèrent free booter (« libre pillard »). Le mot apparaît lorsque les Hollandais révoltés contre la domination espagnole avaient armé des navires corsaires pour lutter contre l’Espagne. Mais les Pays-Bas n’existant pas en tant qu’État indépendant reconnu avant 1648, leur statut de corsaire n’était pas reconnu. Les Espagnols les considéraient comme pirates pendant que les alliés des Hollandais les voyaient comme des corsaires. Toute une population va naître à mi-chemin entre piraterie, aventure, guerre de course. Le flibustier est un aventurier qui peut se louer en tant que corsaire au plus offrant en temps de guerre, qui peut naviguer comme marin de commerce comme s’adonner à la piraterie.

Corsaire : une personne qui est (le plus souvent l’armateur, le capitaine ou le membre de l’équipage d’un navire civil armé) autorisée par une lettre de marque (également appelée « lettre de commission » ou « lettre de course ») à attaquer en temps de guerre, tout navire battant pavillon d’États ennemis (notamment l’Angleterre à l’époque) , et particulièrement son trafic marchand, laissant à la flotte de guerre le soin de s’attaquer aux objectifs militaires. Les corsaires ne doivent donc pas être confondus avec les pirates puisqu’ils exercent leur activité selon les lois de la guerre, uniquement en temps de guerre et avec l’autorisation de leur gouvernement. Capturés, ils ont droit au statut de prisonnier de guerre.

Contrairement à l’image répandue par les fictions cinématographiques, du fait même de leur mode de vie, peu de pirates mangeaient à leur faim ou devenaient riches, la plupart mouraient jeunes au combat, lors de luttes intestines ou pendus. Les pirates élisaient leurs dirigeants : le capitaine (pour son savoir-faire, son audace, son autorité lors des batailles) et le quartier-maître (pour exercer un contre-pouvoir et faire régner l’ordre). En assemblée, chaque homme avait le droit à la parole et chaque membre de l’équipage, hormis les mousses et les marins pas encore totalement intégrés, avait une voix dans le vote tout comme le capitaine : c’était une forme de démocratie[réf. nécessaire]. Dans certains équipages pirates, il y avait un conseil : une assemblée où uniquement les officiers et artisans pouvaient siéger avec quelques marins expérimentés.

Le quartier-maître élu pouvait aussi faire entamer un procès contre le capitaine. Si le capitaine refusait le procès, il était reconnu coupable et était maronné sur une île le plus souvent. De nombreux groupes de pirates partageaient les butins obtenus en suivant un schéma préalable. Les pirates blessés au cours d’une bataille recevaient parfois une prime spéciale. Le butin pouvait être partagé de manière que le capitaine reçoive tout au plus 1,5 fois ou 2 fois plus que les autres, mais jamais plus. Cependant, ces pratiques égalitaires ne se limitaient qu’à très peu des aspects de la vie des pirates, et n’atténuaient pas réellement la rudesse de leurs mœurs.

La torture chez les pirates est relatée par plusieurs auteurs comme Alexandre-Olivier Exquemelin dans Histoire d’avanturiers (1678) ou le capitaine Charles Johnson dans l’Histoire générale des plus fameux pirates (1724).

La pratique de la piraterie a été essentiellement masculine mais il a existé des femmes pirates. Des noms célèbres tels que Mary Read et Anne Bonny sont connus pour avoir navigué avec le pirate Jack Rackham. A contrario de nombreuses femmes, leurs présences sur le navire était de notoriété publique.

Les cosplays de Jack Sparrow prennent appui sur certains faits historiques mais sont aussi un condensé de la plupart des clichés du pirate.

Le pirate Bartholomew Roberts a les valeurs et la tenue d’un officier de la Royal Navy, ce qui remet en cause l’iconographie caricaturale du pirate.
C’est la littérature romantique du XIXe siècle (notamment L’Île au trésor de Robert Louis Stevenson en 1883) qui met en place l’image stéréotypée du pirate : homme rusé, plutôt patibulaire, qui boit du rhum et manie le sabre marin ; assoiffé d’or, il recherche un trésor caché sur une île déserte sous le soleil des Caraïbes ou des mers du Sud ; vêtu d’une chemise bouffante, d’un pantalon ample et d’un foulard, il arbore un grand anneau d’or à l’oreille gauche, un perroquet impertinent sur l’épaule qui répète les jurons de son maître, et porte les stigmates des combats (gueule balafrée, jambe de bois qui bat lugubrement sur le pont, œil borgne caché par un bandeau noir, crochet en guise de main). La piraterie comporte de nombreux risques, « d’où cette constance de la marque sur le corps du pirate : cicatrices, amputations, énucléations agissent comme des signatures indélébile de la pratique. Cette marque est aussi celle de la prothèse, qui vient machiner le corps du pirate : crochet, jambe de bois, bandeau, ce à quoi on peut aussi ajouter l’excroissance animale du corps que constitue le perroquet ».

La piraterie évoque des aventuriers de la mer sur des voiliers, constitués de bannis, rebelles et marginaux recrutés sur les docks, grâce à une copieuse quantité d’alcool qui suffit à les convaincre d’embarquer. L’imagerie classique veut qu’ils forment un équipage indiscipliné se livrant à la débauche et à l’ivrognerie. En réalité, les transgressions à la discipline sont sévèrement punies. L’équipage est nombreux, sans contraintes horaires, avec une hiérarchie moins pesante que dans la marine royale car il obéit à un « code d’honneur » et à des règles qui peuvent paraître plus démocratiques (élection du capitaine à la majorité des voix mais aussi dégradation et révocation, partage des butins…). Ce code a été instauré par le capitaine Bartholomew Roberts au XVIIIe siècle. De même est attesté le Jolly Roger (qui pourrait venir du français joli rouge), le pavillon de pirates noir ou rouge orné d’une tête de mort surmontant deux tibias entrecroisés, selon la représentation classique ; mais il y avait parfois des squelettes, des armes, des sabliers et parfois le capitaine lui-même (tel celui de Barbe Noire).

L’imagerie d’une vie de pirate remplie d’aventures, d’îles au trésor perdure encore de nos jours dans les arts visuels (cinéma, bande dessinée… et plus récemment les jeux vidéos) qui contribuent à entretenir une vision de la piraterie basée sur une iconographie simple, voire simpliste et en faire « un sujet de rêve, d’évasion sinon de fantasme ». Depuis mai 1968, quelques artistes tentent de faire évoluer cette imagerie traditionnelle, et développent la représentation du pirate comme « un révolté social, anarchiste avant la lettre, symbolisant la lutte contre une société injuste ».

La piraterie moderne est la cible d’un arsenal législatif et d’alliances de la part des États. Elle est le sujet de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies 1918, adoptée à l’unanimité en 2010. Elle est également le sujet des articles 100 et 107 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, articles approuvés en 1982. En France, la piraterie est punie de 20 ans de réclusion criminelle par l’article 224-6 du code pénal.

D’après le Bureau maritime international, organisme référence pour la lutte contre la piraterie, la région la plus touchée en 2019 est le golfe de Guinée, avec 90% des enlèvements, entre autres. Toutefois, sur l’ensemble du monde, le nombre des faits de piraterie est en régression, s’élevant à 201, contre 162 en 2018.

Source : Wikipédia.

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