La méduse.

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Le terme méduse est un nom vernaculaire désignant les formes libres de nombreux groupes de cnidaires et qui s’opposent donc aux formes polypes, sessiles. En apparence, ces animaux gélatineux sont très frustes. Ils sont dépourvus de squelette, de cerveau et de poumon mais, en réalité, leur structure est complexe, et ils peuvent posséder des structures sensorielles très élaborées comme des ocelles, rassemblées au sein de rhopalies.

Les méduses sont généralement des prédatrices, elles paralysent leurs proies grâce à leurs cnidocystes. Certaines appartenant à la classe des Cubozoa peuvent être mortelles pour l’Homme.

Les méduses sont par ailleurs considérées — au vu des résultats récents de phylogénie moléculaire — comme un caractère propre à l’un des deux groupes de cnidaires, appelé en conséquence Medusozoa (composé des classes : Cubozoa, Scyphozoa et Hydrozoa), l’autre groupe étant celui des Anthozoa1. Cependant l’origine évolutive exacte de la forme méduse est encore mal comprise, le génome de nombreuses espèces n’étant pas encore séquencé.

Dans le cycle de vie de certains groupes de cnidaires, la forme méduse peut alterner avec la phase polype généralement sessile et benthique, mais d’autres vivent uniquement à l’état de méduse. La forme libre est assimilée au zooplancton car si les contractions musculaires assurent la propulsion, les mouvements natatoires lents font que les méduses se laissent généralement entraîner par les courants. Les Scyphozoaires sont les vraies méduses, sans véritable stade polype fixé, qui vivent dans les eaux salées, en haute mer ou dans les régions néritiques. Les Staurozoaires, les Cubozoaires et les Hydrozoaires, caractérisés par l’alternance successive de formes polypes (asexués) et de formes méduses (sexuées), ont également des espèces essentiellement marines à l’exception de l’ordre des Hydroida qui vit en eau douce.

Il existe environ 1 500 espèces de méduses répertoriées au début du XXIe siècle, essentiellement des hydroméduses.

Malgré l’équivocité des émotions qu’elles suscitent, entre dégoût, effroi et fascination, une mauvaise réputation accompagne le plus souvent les méduses, en raison de leur caractère urticant et envahissant, de leur mucus gluant, et par le fait qu’elles rappellent la peur ancestrale liée aux profondeurs abyssales de l’océan. Cette perception souvent négative a longtemps entravé l’évaluation des services écosystémiques rendus par ces animaux.


Les méduses sont apparues sur Terre il y a environ 650 millions d’années pendant l’Édiacarien (fossiles représentés par un disque, sur lequel est fixé un rameau strié pourvu d’un axe médian) et figurent probablement parmi les premiers métazoaires. Les fossiles, très rares, sont favorisés par des blooms. Le site paléontologique de Cerin montre comment peut s’opérer la fossilisation d’un animal aussi mou : très tôt après leur mort, les méduses échouées sur une plage se retrouvent enfoncées dans le sable qui pénètre dans leur cavités internes, formant une empreinte (en creux) ou une contre-empreinte (en relief). La finesse et la mollesse du sédiment associées à son caractère anoxique permettent la conservation de l’empreinte un certain temps du fait de la lenteur de la décomposition bactérienne, et son recouvrement par les sédiments ultérieurs. De plus, les bactéries qui recouvrent les méduses peuvent les protéger en produisant du mucilage sous forme de gangue.

Pendant des siècles, les méduses sont largement méconnues des zoologistes qui, en raison de la simplicité de leur structure proche de certaines plantes, utilisent volontiers pour les décrire un vocabulaire emprunté au monde végétal et les incluent dans l’embranchement des zoophytes (littéralement plante-animal). Ainsi, dans sa première édition (1735) du Systema Naturae, Linné, en bon botaniste, place les méduses dans l’ordre des Zoophyta, désignant les tentacules comme les étamines des méduses (Stamina Medusarum), leurs bras oraux comme les pistils (Pistilla). Les méduses sont classées dans ce taxon jusqu’au XIXe siècle, comme le montre la collection du Règne animal de Georges Cuvier en 1817.

C’est Linné qui le premier en 1746 leur assigne le nom générique de méduse alors que ce nom mythologique avait d’abord été donné par des amateurs d’histoire naturelle à des astéries du genre Euryale. Le savant suédois leur donne ce nom à cause de leurs tentacules qui s’étirent puis se rétractent comme la reptation ondulatoire des serpents couvrant la tête de Méduse, l’une des trois Gorgones de la mythologie grecque, n’utilisant le terme de « méduse » que pour un seul genre, classé parmi les vers, dans lequel il range les dix-huit espèces connues à l’époque. L’analogie avec la Gorgone porte aussi sur l’habitat, le naturaliste François Péron pensant que la disparition saisonnière des méduses est liée à leur migration dans les ténèbres abyssales où se réfugient les trois Gorgones. L’élève de Linné, Pehr Forsskål, décrit une vingtaine d’espèces collectées lors de son périple en Méditerranée et en mer Rouge, toutes incluses dans ce grand genre Medusa. Réaumur qui étudie une méduse bleue sur les côtes de La Rochelle l’appelle « gelée de mer » en 1710, d’où le terme anglais de jellyfish (littéralement « poisson-gelée ») pour désigner l’ensemble des méduses et l’expression gélification des océans. Le zoologue Georges Cuvier crée en 1800 le deuxième genre, Rhizostoma (signifiant littéralement bouche en forme de racines), pour une méduse des côtes françaises atlantiques.

La Révolution française et son nouvel univers mental où dominent rationalisme et laïcité, ont contribué au développement de l’histoire naturelle, et notamment à l’essor des études sur les méduses. Lamarck décrète en 1809 que la vie commence dans les masses gélatineuses qui dérivent dans l’océan. Avec son soutien, les naturalistes François Péron et de Charles Alexandre Lesueur dénombrent jusqu’à 70 espèces différentes de méduses à la suite de l’expédition Baudin dans les Terres australes, Péron attribuant à ces spécimens des noms gravitant autour des Gorgones : ses Phorcynia et ses Cetosia sont dédiées aux parents des Gorgones ; les rayons dorés de Chrysaora rappellent l’épée d’or de Chrysaor, fils de Poséidon et de Méduse ; les six tentacules de Geryonia évoquent les six bras du géant Géryon, fils de Chrysaor. La monographie ultérieure de ces deux naturalistes en 1810 décrit 122 espèces de méduses qu’ils partagent en 39 genres. Dans sa monumentale monographie Das System der Medusen: erster Theil einer Monographie der Medusen (1880), Ernst Haeckel fait constamment référence aux textes de Péron et aux planches de Lesueur. En 1899, Haeckel publie son célèbre Formes artistiques de la nature dont les planches de travail inspirent les maîtres de l’Art Nouveau comme le sculpteur Constant Roux qui réalise le lustre-méduse exécuté par la Maison Baguès en 1904 pour le Musée océanographique de Monaco. À Iéna, le biologiste et philosophe allemand nomme sa maison la Villa Medusa (la), en l’honneur de ces invertébrés et décore les plafonds de sa résidence avec ces animaux.

Alors que la description naturaliste se révèle particulièrement difficile au XIXe siècle, en raison de la fragilité des spécimens récoltés, les expéditions scientifiques du siècle suivant continuent à découvrir de nouvelles espèces, leur recensement s’appuyant sur les publications scientifiques et la description par les chercheurs. Au XXIe siècle, les méduses continuent de livrer leurs secrets, notamment sur le fonctionnement de leurs nématocystes ou leurs cycles de vie qui restent inconnus pour la plupart. L’étude de leur biologie, de l’anatomie au fonctionnement des cellules, montre que ces animaux considérés comme « primitifs » préfigurent les systèmes circulatoires des vertébrés (sens de circulation des fluides vitaux chez Aurelia), leurs yeux (concentration des organes des sens et des neurones sensitifs qui évoquent une ébauche de céphalisation) et leurs muscles (cellules musculaires striées). Les chercheurs y reconnaissent également des caractères évolués comme la segmentation du corps par strobilation, la production d’hormones pour la nidation des œufs, la symétrie bilatérale chez quelques espèces (les genres Amphinema et Solmundella n’ont que deux tentacules diamétralement opposés), et même du collagène de type humain.

La majorité des espèces se nourrissent de microplancton piégé par leurs tentacules marginaux ou péri-ombrellaires, filaments rétractiles attachés au bord de l’ombrelle. En étirant au maximum leurs tentacules très élastiques, les méduses augmentent considérablement le volume d’eau prospecté. Certaines espèces, comme dans l’ordre des Rhizostomeae, ont des prolongements buccaux soudés sans orifice buccal distinct, l’alimentation étant réalisée au niveau de nombreux et minuscules orifices buccaux sur les bras buccaux coalescents, et se supplémentent en sucres grâce à des algues symbiotiques qui vivent dans ces bras. D’autres se nourrissent en capturant des proies plus volumineuses (copépodes, larves et œufs de poissons, poissons de quelques cm de longueur). Certaines méduses se renversent, l’ombrelle tournée vers le haut, et attendent que le plancton qui chute vers le fond tombe dans leur cavité buccale. En cas de nourriture abondante, elles peuvent manger jusqu’à la moitié de leur poids en une journée, mais elles peuvent aussi jeûner, et même manger leurs propres gonades pour survivre en cas de disette prolongée.

Dans leur stratégie optimale de recherche de la nourriture, les méduses pratiquent aussi bien la chasse passive que la chasse à l’affût. Ces stratégies diffèrent selon la taille et la forme de l’ombrelle, le nombre, la taille et la disposition des tentacules.

Des méduses utilisent la bioluminescence pour faciliter la prédation sur des proies, telle la méduse casquée (l’émission de lumière correspond à une réaction enzymatique entre un substrat, la luciférine, et la luciférase) ou la méduse Aequorea victoria et sa protéine fluorescente verte (GFP). Sa découverte en 1962 et ses applications ont été couronnées par le prix Nobel de chimie décerné à Osamu Shimomura, Martin Chalfie et Roger Tsien le 8 octobre 2008.

Certaines méduses peuvent bourgeonner, d’autres méduses sur le rebord de l’ombrelle mais la majorité de la reproduction asexuée est effectuée à partir du polype appelé scyphistome, le plus souvent solitaire et de quelques mm de long. Ce dernier produit de jeunes méduses (éphyrules ou éphyra) par strobilation. Au moment de la reproduction sexuée, les méduses deviennent de véritables « gonades flottantes », toute leur alimentation étant engagée à produire ces glandes. Les cellules sexuelles sont différenciées dans les gonades qui se développent autour du manubrium chez les anthoméduses, le long des canaux radiaires chez les leptoméduses et trachyméduses, dans des poches génitales reliées à l’estomac chez les scyphoméduses. Elles libèrent dans la colonne d’eau les gamètes (spermatozoïdes pour les méduses mâles, ovules pour les femelles) qui se dispersent dans l’océan et fécondent les ovules : la fécondation est externe, à l’exception de Stygiomedusa gigantea ou d’Aurelia aurita qui sont vivipares. Une fois la reproduction assurée, les méduses meurent. Ce cycle de vie est une sémelparité qui est favorisée par la courte durée de la forme libre, ce qui peut correspondre à une stratégie énergétique spécifique. En dispersant les œufs, elles contribuent à la colonisation de nouvelles aires géographiques. Le développement embryonnaire est marqué par différents stades et aboutit à la formation d’une larve ciliée, la planula, à l’exception d’espèces dont la larve donne directement des bébés méduses (Pelagia noctiluca). Les polypes fixés tapissent alors le fond de l’océan. Ces polypes se développent différemment en fonction de l’espèce (polypes solitaires ou bourgeonnant). Certains ne peuvent se développer qu’après un demi-siècle. Plus généralement, il faut qu’un changement important intervienne (ex: changement de température, d’oxygène, coup de tonnerre) pour leur permettre de libérer les méduses ainsi formées.

La durée de vie des méduses va généralement de quelques jours à deux mois pour les petites espèces, un à deux ans pour les plus grandes29. Le stade pélagique des méduses est généralement éphémère car ces animaux sont sémelpares mais la méduse casquée (en) présente en Antarctique mais aussi en Arctique, peut atteindre 30 ans.

Les battements continus de l’ombrelle contractile permettent aux méduses de flotter et de se propulser. Les contractions des myofibrilles (cellules myoépithéliales endodermiques et ectodermiques) formant une nappe sous-ombrellaire accentuent la convexité de l’ombrelle et provoquent l’éjection d’eau. Le retour à la position de repos est passif et est dû à l’élasticité de la mésoglée. Lorsque les méduses se dirigent activement vers le fond, elle se retournent, l’ex-ombrelle vers le bas, de telle façon que l’éjection d’eau vers le haut assure la propulsion vers le bas. L’intensité du déplacement est liée à la puissance de la contraction de la sous-ombrelle et au degré d’occlusion du velum. Les vitesses obtenues par ce jet-propulsion varient généralement entre 5 et 15 cm par seconde. Les mouvements natatoires restent généralement lents et peu prolongés, les méduses se laissant généralement entraîner par les courants et faisant partie du macroplancton.

Des recherches en biophysique suggèrent que les méduses nagent plus efficacement que tout autre animal aquatique : les contractions de l’ombrelle créent autour de leurs corps des zones de haute et basse pression qui à la fois les aspirent (phénomène de succion) et les propulsent en avant (phénomène de poussée). La succion a pour effet qu’un tiers de leur propulsion est réalisée sans l’action musculaire. Elles consomment ainsi moins d’oxygène et d’énergie, en proportion de leur taille, que des dauphins ou des requins. Les mouvements du bord de la cloche ont pour effet de faire descendre le tourbillon annulaire (zone de basse pression) sous l’animal, ce qui fait remonter de l’eau sous pression à l’intérieur de la cloche et lui donne une seconde poussée. Cette propulsion efficace pourrait être une source de bio-inspiration pour les ingénieurs en mécanique.

Il existe des relations symbiotiques avec des crustacés minuscules qui s’abritent entre les ramifications des bras oraux et dans l’ombrelle des méduses pour se protéger et qui, en échange, les débarrassent de parasites potentiels. Il existe aussi des cas de commensalisme (alevins qui s’abritent parmi les tentacules urticants de méduses, argonautes de l’espèce Argonauta argo « chevauchant » une méduse sur son ombrelle). Ces animaux se sont au préalable enduits du mucus de la méduse qui contient une substance empêchant les cnidocytes de fonctionner. Enfin des cas de parasitisme sont observés avec des dinoflagellés, ciliés, larves d’anthozoaires, balanes pédonculées, isopodes et amphipodes qui bénéficient seuls de leurs interactions avec les méduses.

Dans les écosystèmes marins, et plus rarement en eau douce ou saumâtre (Craspedacusta sowerbyi ou Limnocnida tangany, première méduse d’eau douce connue), les méduses jouent un rôle encore mal compris, mais probablement important dans la régulation des populations de poissons et de zooplancton62, ainsi que le cycle des nutriments.

Ces écosystèmes abritent de multiples communautés benthiques. Les méduses, selon les espèces, peuvent se fixer sur des fonds rocheux, sur des coquilles (polypes épilithes) ou sur des algues, des phanérogames (épiphytes, telles les méduses fixées des stauroméduses grâce aux boutons adhésifs situés sur leurs tentacules).

On observe à intervalles plus ou moins réguliers (pseudo-cycliques) des pullulations cycliques de méduses qui parfois frappent les pêcheurs et les populations côtières ; on parle alors d’année à méduses (exemple : 2008, pour le golfe du Lion selon l’IFREMER).

Plusieurs espèces connaissent des phénomènes de multiplication massive et cyclique connus sous le nom de pullulation de méduses, comme la célèbre Pelagia noctiluca en Méditerranée. De nombreux facteurs (réchauffement climatique, surpêche, eutrophisation, pollution physique et chimique) sont donnés pour expliquer ces blooms de méduses, au point que certaines d’entre elles comme la méduse casquée deviennent des prédateurs dominants. Toutefois, les différentes espèces de méduses ont différentes réponses, et on pense qu’il existe de nombreuses autres causes encore inconnues responsables de tels phénomènes.

Les conséquences de ces invasions sont diverses. Elles peuvent poser problème pour la baignade, la plongée sous-marine, la pêche (en provoquant l’éclatement des filets et en contaminant les prises), plus rarement les fermes aquacoles, le refroidissement de porte-avions à propulsion nucléaire (cas de la méduse mosaïque) et de centrales nucléaires (en bloquant les crépines d’aspiration) ou certaines industries nécessitant de pomper de l’eau de mer comme les usines de désalinisation. Ces pullulations peuvent générer des coûts économiques et sociaux importants.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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