La guerre des Malouines (1982).

  • Auteur/autrice de la publication :
  • Post category:Histoire
  • Commentaires de la publication :0 commentaire
  • Temps de lecture :32 min de lecture

La guerre des Malouines ou guerre de l’Atlantique Sud (Falklands War en anglais, Guerra de las Malvinas en espagnol) est un conflit opposant l’Argentine au Royaume-Uni dans les îles Malouines et dans la Géorgie du Sud-et-les îles Sandwich du Sud. Il commence le 2 avril 1982 avec le débarquement de l’armée argentine. Il se termine le 14 juin 1982 par un cessez-le-feu. Il se conclut sur une victoire britannique qui permet au Royaume-Uni d’affirmer sa souveraineté sur ces territoires. C’est la seule guerre conventionnelle entre deux puissances occidentales (d’un niveau militaire assez proche) depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, cette guerre a donc été l’occasion de tester en condition réelle les armes modernes et a été riche en enseignement.

Le conflit est causé par la volonté de la dictature militaire argentine de faire valoir par la force ses positions sur la souveraineté de ces archipels, placés par les Nations unies sur la liste des territoires contestés. Ce conflit s’inscrit dans la continuité des controverses qui commencent dès la découverte de ces îles qui ont été occupées successivement par la France, l’Espagne puis le Royaume-Uni.

Sur le plan humain, le bilan de cette guerre est de 907 tués soit 649 militaires argentins, 255 militaires britanniques et trois insulaires. Politiquement, la déroute argentine a de lourdes conséquences puisqu’elle précipite la chute de la junte militaire qui gouvernait jusqu’alors le pays. Elle est remplacée par un gouvernement démocratiquement élu. De son côté, le gouvernement de Margaret Thatcher sort renforcé de cette victoire et le parti conservateur remportera les élections en 1983.

En 2012, l’Argentine vote la Déclaration de Ushuaia demandant le respect des résolutions de l’ONU.

Malgré trois décennies passées et les tentatives répétées de pacification du conflit, l’Organisation des nations unies considère toujours les archipels comme des territoires non-autonomes, dont la souveraineté n’a pu être départagée entre l’Argentine et le Royaume-Uni.


Les îles apparaissent sur des portulans dès 1502. Le 7 avril 1502, Americo Vespucci passe par un archipel qui semble être les Malouines. La première carte complète des îles est réalisée en 1520 par Andrés de San Martín, lors de l’expédition de Magellan. Le 4 février 1540, un bateau espagnol dirigé par Alonso de Camargo accoste les Malouines et y reste jusqu’au 3 décembre de la même année.

Cinquante ans plus tard, les îles sont « découvertes », en 1592, par le navigateur anglais John Davis qui voyage sur le Desire (en). John Strong explore ces îles en 1690 et baptise le détroit Falklands sound. Des Malouins fréquentent l’archipel de 1700 à 1716 puis en 1749, un amiral britannique, Lord Anson, publie un récit de son voyage dans l’archipel et évoque leur position stratégique. Une expédition est conduite par le capitaine de vaisseau français Bougainville qui débarque dans Port Louis en 1764, suivi l’année suivante de celle de l’anglais John Byron qui débarque à Port Egmont.

La souveraineté sur ces îles, qui figurent aujourd’hui sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU, est depuis lors disputée. La France est la première à les revendiquer. Mais en 1765, la Cour d’Espagne, informée de la colonisation de ces îles situées dans sa zone d’influence, fait valoir ses droits auprès de la Cour de France. En 1766, le ministre des Affaires étrangères français Choiseul confie une mission diplomatique à Bougainville pour se rendre en Espagne et essayer de conserver les îles ou, à défaut, de les remettre à l’Espagne à la condition que ces îles soient physiquement occupées, pour que les Anglais ne puissent pas les reprendre et de ce fait contrôler la route de la mer du Sud. Finalement la France les cède à l’Espagne en 1767 qui les renomme Malvinas. L’année précédente l’Espagne avait créé une vice-royauté du Rio de la Plata en Uruguay dont le territoire englobait le Nord actuel de la future Argentine, les deux tiers de la future Bolivie, le Nord du Chili, le Paraguay et l’Uruguay.

Les guerres d’indépendance américaine, la Révolution française, les campagnes napoléoniennes, aboutissent à la naissance de nations sud-américaines indépendantes dont l’Argentine indépendante de l’Espagne en 1810. Celle-ci reprend alors à son compte les revendications sur l’archipel. Une révolution éclate en Uruguay avec l’arrivée en mai d’une junte qui décide d’évacuer les îles Malouines qui demeurent inoccupées jusqu’en novembre 1820, avec l’arrivée de la frégate argentine La Heroína commandée par le colonel corsaire David Jewett qui hisse le pavillon argentin sur les ruines de Port Louis.

La colonisation argentine commence en 1823 et un gouverneur est nommé trois ans plus tard. En 1833, des colons britanniques débarquent de la frégate Clio, expulsent les colons argentins et rétablissent la souveraineté britannique. Depuis 1833, l’Argentine maintient sa revendication territoriale.

Le conflit diplomatique est discuté à l’ONU dès 1960 après l’adoption par l’Assemblée générale, de la « déclaration sur la garantie d’indépendance des pays et peuples colonisés ».

Dans la deuxième moitié du xxe siècle, marquée par plusieurs coups d’État successifs en Argentine, une junte militaire s’arroge de plus en plus de pouvoir et finit par prendre officiellement le pouvoir en 1966. Cependant un accord est conclu en 1971 pour la construction par les Anglais d’un aéroport et la création d’une ligne aérienne permanente entre les Malouines et l’Argentine, permettant ainsi aux 1 800 insulaires britanniques d’accéder aux écoles et aux hôpitaux argentins. Juan Perón revient au pouvoir en 1972 et le conflit pour la souveraineté sur les îles malouines est à nouveau soumis aux Nations unies par l’Argentine. En mai 1976, un rapport rédigé par Lord Shackleton confirme les potentialités de développement économique des îles Malouines et de leur environnement naturel (pêche, pétrole, traitement industriel des algues…), après qu’en février et dans les eaux britanniques le destroyer argentin Almirante Storni a ouvert le feu sur le navire de recherches RRS Shackleton de l’expédition et tenté sans succès de l’arraisonner. En conséquence de cet incident, la Royal Navy détache temporairement à Port Stanley la frégate HMS Chichester et diffère le désarmement de l’aviso HMS Endurance.

En mars 1976, une nouvelle junte d’officiers généraux des trois armées chasse du pouvoir Isabel Martínez de Perón, veuve de l’ancien président Perón et établit une dictature militaire dont la politique est de plus en plus autoritaire et répressive, avec à son actif plus de 30 000 assassinats. L’Argentine fait face à des problèmes économiques graves et lorsque le général Leopoldo Galtieri parvient au pouvoir en 1981, l’inflation est de 140 % par an. Le gouvernement est très impopulaire et en avril 1982, pour redorer son blason, le général Galtieri ordonne à son armée d’envahir les îles Malouines et ainsi déclarer la guerre au Royaume-Uni, l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, membre de l’OTAN et quatrième puissance nucléaire mondiale.

Du côté britannique, le gouvernement conservateur, dirigé par la « Dame de fer » Margaret Thatcher, refuse tout compromis. Le tempérament de la Première Ministre n’explique pas tout car le parti souhaite une réélection aux élections législatives qui doivent avoir lieu l’année d’après.

Les relations entre la junte militaire argentine et le gouvernement de Margaret Thatcher sont pourtant amicales dans un premier temps. Des membres de la junte sont invités à Londres, dont l’ancien chef de la marine Emilio Massera, responsable de centaines de disparitions, ou le ministre argentin des Finances, José Martínez de Hoz, qui défend des conceptions économiques proches du thatcherisme. Margaret Thatcher met fin à un programme d’aide aux réfugiés latino-américains fuyant les persécutions, qui avait été introduit par le précédent gouvernement travailliste. Les ventes d’armes à l’Argentine ont augmenté avec l’arrivée au pouvoir des conservateurs. Quatre jours seulement avant l’invasion des Malouines par l’Argentine, le gouvernement britannique tentait de vendre des avions bombardiers à la junte.

Malgré le soutien du gouvernement américain à la junte, son armée subit un embargo sur les armes de la part des États-Unis depuis 1978. L’URSS profite de cette contradiction pour lui apporter son appui.

La Royal Navy maintient une présence militaire dans la zone sous la forme d’une section d’une quarantaine de Royal Marines connu comme le groupe naval Naval Party 8901 et de l’aviso HMS Endurance. Des négociations essentiellement formelles continuent entre les deux pays mais les mêmes arguments sont ressassés en permanence.

Les revendications historiques des Argentins sont partagées par l’ensemble de la classe politique y compris par la gauche péroniste. La junte militaire compte ainsi consolider sa légitimité en unissant le pays confronté à la crise. Pour cela, les militaires argentins développent le concept d’une « Argentine bicontinentale », qui comprend une partie du continent Antarctique, dotée de nombreuses ressources en matières premières. La possession des îles Malouines aurait été ainsi la première étape pour établir des « Antilles antarctiques » (îles Malouines, îles de Géorgie du Sud, les Orcades du Sud, les Sandwich du Sud, les Shetland du Sud), trait d’union maritime avec des territoires que l’Argentine aurait souhaité annexer en Antarctique. Pour les militaires au pouvoir, l’« Argentine bicontinentale » n’est pas seulement un rêve, mais une mission patriotique qui doit être accomplie un jour.

L’enjeu des îles Malouines n’est pas anodin pour les deux pays, car elles sont une ouverture vers le continent Antarctique encore inexploité. Selon le spécialiste en géopolitique sud-américaine Carlos Alberto Pereyra Mele, ni l’Argentine ni le Royaume-Uni ne peuvent se permettre de perdre les Malouines : « L’Argentine a besoin du pétrole de l’archipel puisque, selon les statistiques de 2009 de son Secrétariat de l’énergie, 86,6 % de l’énergie consommée dans le pays provient du pétrole et du gaz, tandis que les réserves argentines pour ces deux ressources seront épuisées  respectivement dans neuf et sept ans. Or, entre 2003 et 2010, l’utilisation du pétrole et de ses dérivés a cru de 37,3 % tandis que celle du gaz a cru de 23 %. Pour combler le déficit, l’Argentine a multiplié par sept ses importations de combustibles qui sont passées d’une valeur annuelle de 549 millions de dollars à 4,5 milliards de dollars américains.

Pour les Britanniques, l’archipel des Malouines, qui inclut les îles Sandwich du Sud et Géorgie du Sud, forme un vaste territoire maritime de 350 milles nautiques qui recèle de grandes richesses. Si on tient compte de l’Antarctique tout proche, la dispute entre le Royaume-Uni et l’Argentine concerne plus de trois millions de kilomètres carrés de plate-forme continentale ». Les îles et les eaux territoriales s’y rattachant permettraient aux deux nations de s’approprier les matières premières disponibles dans le continent Antarctique. Ce conflit pour l’instant non-armé est donc encore pertinent et d’actualité au XXIe siècle. Pour ce qui est du Royaume-Uni, la réplique militaire du gouvernement était certaine. Margaret Thatcher ne pouvait se permettre de perdre la face si proche d’une élection. L’inaction aurait ôté toute crédibilité à la Première ministre.

La junte argentine espère détourner l’attention portée par l’opinion publique sur la crise économique et les infractions aux droits de l’homme qu’elle commet, par une victoire militaire rapide dans les Malouines. Dans un premier temps, une pression est exercée sur l’Organisation des Nations unies (ONU) avec une menace subtile d’invasion : les Britanniques n’y font pas attention et continuent à négocier. Les positions britanniques sont quelque peu dispersées et incohérentes car elles tiennent compte d’intérêts spéciaux et d’administrations diverses. La dernière unité de la Royal Navy présente sur place est prévue pour être retirée en 1981 dans le cadre d’une réduction globale de la flotte. En outre, la loi sur la nationalité britannique de 1981 retire la nationalité complète aux résidents des Îles Malouines. Ces éléments conduisent les observateurs extérieurs à des erreurs d’appréciation. Les Argentins n’hésitent pas à interpréter les  atermoiements de la politique britannique comme un désengagement. Margaret Thatcher en avait été prévenue.

Le plan d’invasion est conçu par l’amiral Jorge Anaya, amiral notoirement anti-britannique de la marine argentine. Après l’échec des négociations en janvier 1982, les plans sont finalisés et l’invasion est prévue pour le mois d’avril. Le 25 mars, le navire de patrouille pour l’Antarctique de la Royal Navy HMS Endurance reçoit l’ordre d’expulser des ferrailleurs civils argentins venus démonter une installation de chasse à la baleine sur l’île de Géorgie du Sud, et accusés par Londres d’être des militaires argentins10. Il en est toutefois empêché par trois vaisseaux de guerre argentins et n’insiste pas. Buenos Aires qualifie par la suite cet acte d’agression10. Le 30 mars, malgré la preuve supplémentaire que la marine argentine embarque des troupes depuis la Base navale de Puerto Belgrano, le comité interarmées de renseignement du Royaume-Uni pour l’Amérique latine déclare que l’« invasion n’était pas imminente. »

Lorsque les relations diplomatiques bilatérales sont rompues, les diplomates péruviens à Londres représentent les intérêts diplomatiques argentins auprès du gouvernement britannique. Les diplomates suisses représentaient la couronne britannique auprès des autorités argentines.

Le 26 mars 1982, le général Leopoldo Galtieri décide d’envahir l’île de Géorgie du Sud, située à quelques centaines de kilomètres (480 km) des îles Malouines mais dépendantes, politiquement, de celles-ci. Baptisée « Operación Georgias », l’opération est dirigée par l’amiral Jorge Anaya et le capitaine de vaisseau Alfredo Astiz.

Le gouverneur des îles Malouines, Rex Hunt, est informé par le gouvernement britannique de la possibilité d’une invasion argentine le 31 mars. Il prépare la défense avec les majors Mike Norman et Gary Noot, à la tête de 67 Royal Marines. La garnison (Naval Party 8901) est normalement composée de 40 hommes. Cependant, elle se trouve à cet instant renforcée par des troupes de relève supplémentaires.

L’effectif à terre est réduit à 55 quand 12 Royal Marines embarquent à bord du patrouilleur HMS Endurance (A171) pour observer des soldats d’infanterie de la marine argentine qui occupent la Géorgie du Sud depuis le 29 mars. Le HMS Endurance, armé de deux canons de 20 mm, embarque deux hélicoptères légers Westland Wasp. Il est le seul bâtiment de la Royal Navy présent dans les environs.

Vingt-trois volontaires de la Force de défense des îles Malouines (Falkland Islands Defence Force) se joignent à la garnison et sont déployés pour observer les points stratégiques. La caserne de Moody Brook est abandonnée. Le major Norman suppose que le principal débarquement se fera à proximité de l’aérodrome et sera suivi par une progression vers Port Stanley. Il divise son effectif en quatre groupes, chacun retranché le long de la route aérodrome–Stanley, et en mesure de se désengager pour se replier sur le PC situé à la résidence du gouverneur à Stanley. Une section est placée à l’est de Sapper Hill entre Stanley et Lake Point. Des postes d’observation sont établis au nord de l’aérodrome et à l’ouest de Sapper Hill entre Mullet Creek et Stanley. Tôt le 2 avril, les hommes prennent position. Le petit navire marchand côtier Forrest de la Falkland Islands Company sort de Port William pour une surveillance radar.

La force navale d’invasion argentine est dénommée Task Force 40. Elle est composée de deux frégates de la classe Sheffield (Type 42) ARA Santísima Trinidad (D-2) (en) et ARA Hércules (B-52) (en), de deux frégates de la classe Drummond ARA Drummond (P-31) (en) et ARA Granville (P-33) (en), du sous-marin de la classe Balao (1942–1946) ARA Santa Fe (S-21) (en), du navire de débarquement de chars ARA Cabo San Antonio (Q-42) (en), du brise-glace ARA Almirante Irízar (Q-5) et du cargo ARA Isla de los Estados (en). La force d’invasion composée des compagnies D et E du deuxième bataillon d’infanterie de marine comprend 904 hommes. Parmi les 91 membres des forces spéciales de la marine argentine qui prennent part à l’opération, 76 sont du groupement de commandos amphibies (Agrupación de Comandos Anfibios) et huit du groupement de plongeurs tactiques (Agrupación de Buzos Tácticos).

L’Operación Rosario17 débute au soir du jeudi 1er avril 1982, lorsque la frégate argentine ARA Santísima Trinidad (D-2) (en) de la Task Force 40 s’arrête à 500 mètres de Mullet Creek (en) au sud de Stanley et débarque une unité de forces spéciales de la marine argentine (Agrupación de Buzos Tácticos) pour l’occuper.

Tôt le matin du 2 avril, un autre petit groupe de forces spéciales est débarqué du sous-marin ARA Santa Fe pour reconnaître Yorke Bay (en), la principale plage de débarquement au nord-ouest de l’aérodrome et au nord-est de Stanley. À 4 h 30, les derniers des 92 commandos des forces spéciales de la marine qui prennent part à l’opération sont héliportés par des SH-3D Sea King18, à Mullet Creek depuis le brise-glace ARA Almirante Irízar. À 5 h 45, le gros des forces débarquées à Mullet Creek a atteint la caserne de Moody Brook et se met en garde en vue de donner l’assaut. Le reste des commandos est en position pour attaquer la résidence du gouverneur (Government House). Durant leurs approches, les frégates de la Task Force 40 prennent position pour appuyer de leurs feux les troupes à terre, et le navire de débarquement de chars se dirige vers une plage non défendue de Yorke Bay.

Les assauts sont déclenchés juste après 6 h. Les Argentins lancent un puissant assaut contre la caserne de Moody Brook en utilisant des armes lourdes et des grenades au phosphore. Ils s’en emparent et font leurs premiers prisonniers britanniques. À 6 h 30, le navire de débarquement de chars ARA Cabo San Antonio commence le débarquement à Yorke Bay de vingt engins d’assaut amphibie Gémini des compagnies D et E du Deuxième bataillon d’infanterie de marine. À 6 h 45, des troupes se posent à l’aérodrome, héliportées depuis le ARA Almirante Irízar.

Le 3 avril, Rex Hunt et le major Norman décident de capituler, suivis le lendemain par la section du caporal York. Après la reddition, les Royal Marines et les volontaires sont rassemblés sur des terrains de sport. Ils sont photographiés, ce qui révolte l’opinion publique britannique. Les Royal Marines sont emmenés en Argentine à Comodoro Rivadavia en C-130 Hercules, puis en avion de ligne en Uruguay pour être rapatriés au Royaume-Uni.

Les Argentins envahissent dans le même temps la Géorgie du Sud, mais pensant n’avoir affaire qu’à des scientifiques du British Antarctic Survey, ils n’envoient qu’un navire de transport escorté d’une seule frégate de la classe Drummond. Ils tombent en fait sur un détachement de Royal Marines qui, avec leurs lance-roquettes, obligent la frégate à se mettre à l’abri et abattent un hélicoptère Puma. Mais, croulant sous le nombre, ils se rendent peu de temps après aux troupes argentines.

À Buenos Aires, de grandes foules envahissent la place de Mai en entendant les nouvelles.

La moitié de la flotte britannique mène alors son grand exercice de printemps « Springtrain » au large de Gibraltar sous les ordres de l’amiral John « Sandy » Woodward. Celui-ci est nommé chef de la force opérationnelle aéronavale qui doit traverser les 12 800 km entre le Royaume-Uni et les Malouines pour la reconquête et que la Royal Navy réussit à constituer en une semaine : « À cette époque de la guerre froide, nous étions prêts pour la Troisième Guerre mondiale sous 48h, ce n’était pas un problème ». Cette force aéronavale est constituée autour des porte-aéronefs HMS Hermes (R12) et HMS Invincible (R05) (le prince Andrew d’York y sert alors comme pilote d’hélicoptère). Une seconde composante est la force d’assaut amphibie sous les ordres du commodore M. C. Clapp embarquée sur le paquebot réquisitionné SS Canberra.

Un dispositif de rappel des équipages est aussitôt effectué. Beaucoup d’ouvriers de chantiers navals viennent de recevoir une lettre les informant de leur licenciement pour des restrictions de budget militaire et plusieurs arsenaux dont celui de Gibraltar savent qu’ils vont être fermés. La réactivation des arsenaux redonne de l’espoir aux ouvriers qui se mobilisent et travaillent sept jours sur sept, permettant au reste de la force navale d’appareiller le 5 avril. Le HMS Invincible et le HMS Hermes embarquent six hélicoptères Sea King pour le premier et huit pour le second, plus huit avions Sea Harrier pour l’Invincible et douze pour le Hermes alors que leur dotation habituelle est de cinq Sea Harrier chacun. La force aérienne est de quatorze hélicoptères et vingt avions. Les deux porte-aéronefs doivent donc naviguer suffisamment proches l’un de l’autre pour pouvoir déployer une bulle de protection antiaérienne (seul l’Invincible dispose de missiles antiaériens) et anti sous-marine efficace tout en s’autorisant de lancer des attaques contre les forces argentines. Le groupe aéronaval est constitué des deux porte-aéronefs, des frégates HMS Alacrity (en), HMS Yarmouth et HMS Brilliant, du pétrolier-ravitailleur RFA Olmeda (en) (A124) et du ravitailleur d’escadre RFA Resource (A480).

Les troupes terrestres débarquées sont sous le commandement du brigadier général Julian Thompson (en) (commandant de la Troisième brigade commando). Elles comprennent principalement trois bataillons des Royal Marines Commandos et deux bataillons du Parachute Regiment. L’ensemble des forces des trois armes (Task Force 317), soit 28 000 militaires, est placé sous le commandement opérationnel de l’amiral John Fieldhouse (en) qui coordonne depuis le centre de commandement de la Royal Navy à Northwood près de Londres.

Cette opération reçoit le nom de code Corporate. La presse la baptise « l’Empire contre-attaque ».

Le soutien des États-Unis à la Grande-Bretagne comprend la fourniture de la plus récente version L des missiles AIM-9 Sidewinder et de renseignements collectés par les satellites espions ainsi que la mise à disposition de satellites de communications militaires. En remerciement, Caspar Weinberger et Ronald Reagan seront faits chevaliers de l’Empire britannique (MBE) par la reine Élisabeth II.

La France participe de manière importante à la préparation britannique30. Le président français François Mitterrand demande aux services de renseignement de transmettre aux Britanniques des informations concernant les avions Mirage III et les missiles Exocet vendus auparavant par Paris à Buenos Aires31. Des exercices ont lieu au large de la Bretagne entre les deux armées et des informations confidentielles sont transmises par le directeur général de la Sécurité extérieure Pierre Marion sur la position et les caractéristiques des Super-Étendard et Exocet vendus à l’Argentine ainsi que des contre-mesures aux missiles. De plus, les avions britanniques peuvent faire escale à Dakar grâce aux Français. L’étendue de l’aide française est telle que John Nott, secrétaire à la Défense de l’époque, a qualifié dans ses mémoires la France de « meilleur allié » lors de la guerre des Malouines[réf. nécessaire]. Au début de la guerre, une équipe technique française de AMD-BA se trouve en Argentine où elle travaille à rendre opérationnels les cinq premiers Super-Étendard et les remettre à une seconde équipe de la SNIAS fabricant des missiles Exocet AM39 qui doit effectuer le câblage final. Un embargo a été immédiatement décrété par la France et la mission de l’équipe SNIAS est annulée. Malheureusement personne ne pense à prévenir les techniciens de Dassault qui ne reçoivent aucun ordre pour stopper leur travail. Le conseiller François Heisbourg du ministre de la Défense français avouera « nous avons fait une énorme connerie… les décrets-lois sur l’embargo de la livraison de matériel militaire ne concernent jamais les volets d’assistance technique… si je l’avais réalisé nous aurions pris d’autres mesures immédiatement selon la volonté du président de la République. » Les techniciens de Dassault continuent donc leurs tâches comme ils le doivent, sous la menace des Argentins qui les surveillent jusque devant leur hôtel. Finalement quatre des cinq Super-Étendard sont déclarés « bons de vol ». Les techniciens argentins qui connaissent le câblage des Exocet MM38 utilisés sur leurs destroyers T42 depuis plus d’un an réussissent à faire le câblage des Exocet AM39 sur les quatre Super-Étendard « bons de vol ».

Dès le 1er avril, un pont aérien est mis en place depuis des bases aériennes du Sud de l’Angleterre à destination de Gibraltar et de l’île de l’Ascension, pour ravitailler la flotte (RNAS Culdrose (HMS Seahawk) (en) à Helston, RNAS Portland (HMS Osprey) (en) à l’île de Portland, RNAS Yeovilton (HMS Heron) (en) de Yeovil, RAF Lyneham (en) de Lyneham, RAF Brize Norton). Des Vickers VC-10 et Lockheed C-130 Hercules font jusqu’au 11 juillet des vols vers l’Ascension. Ils utilisent comme escale l’aéroport de Gibraltar, l’aéroport international de Dakar au Sénégal et l’aéroport international de Banjul en Gambie.

Le 3 avril, alors que la Géorgie du Sud-et-les îles Sandwich du Sud sont occupées par les Argentins, les premiers avions de transport britanniques arrivent à l’île de l’Ascension.

Une fois débarqués, les quelque 10 000 hommes du corps expéditionnaire bénéficient de 40 largages effectués par des Hercules.

Les équipages vont dépasser 9 000 personnes et 50 navires de commerce vont compléter la flotte de la Royal Fleet Auxiliary. Ils vont approvisionner 30 000 tonnes de munitions, ravitaillement, provisions et 480 000 tonnes de carburant (aucun des navires de la force navale et surtout des porte-aéronefs ne dispose de propulsion nucléaire et ils seront ravitaillés tous les trois jours). La consommation hebdomadaire est de 600 tonnes de nourriture et 1 500 tonnes d’eau douce.

À partir du 2 avril, du ravitaillement arrive par route de l’ensemble des dépôts de Grande-Bretagne sur les bases aériennes, bases navales et ports de commerce d’où part l’expédition. Soixante-dix navires de support dont vingt-cinq pétroliers accompagnent les navires de guerre et les transports de troupes. Ces derniers partent de HMNB Devonport à Plymouth  (Royaume-Uni) et de HMNB Portsmouth à Portsmouth. Les troupes bénéficient d’une escale à Freetown au Sierra Leone avant que l’ensemble des navires ne se regroupe sur l’île de l’Ascension à 7 830 km de leurs bases de départ et à 6 950 km des Malouines. Le 5 avril, le gros de la force d’intervention britannique (porte-avions et transporteurs de troupe), rassemblée et préparée en moins de cinq jours, quitte Portsmouth pour l’Atlantique sud. Trois jours plus tard, les frégates HMS Broadsword (F88) et HMS Yarmouth (F101) quittent Gibraltar.

Le 9 avril, le paquebot SS Canberra quitte Southampton avec 2 000 hommes. Le lendemain, le premier groupe de destroyers (HMS Antrim) arrive à l’île de l’Ascension. Mi-avril, l’escadre navale britannique, soutenue par des bombardiers Vulcan et des ravitailleurs Victor, atteint l’île de l’Ascension, escale obligatoire considérée comme point de non-retour dans l’engagement armé.

Les hélicoptères de transport embarqués sur les navires effectuent 2 000 navettes durant la campagne. Mais la perte de l’Atlantic Conveyor (six hélicoptères) est un coup dur pour eux.

Le 21 avril, le groupe du HMS Antrim commence ses reconnaissances autour de la Géorgie du Sud. Le 25, les forces britanniques des SAS débarquent en Géorgie du Sud dans le cadre de l’opération Paraquet. Malgré une météo difficile, l’île est reprise.

Le sous-marin argentin Santa Fe, attaqué par des hélicoptères au début de l’opération, est abandonné par son équipage a Grytviken. La petite garnison et l’équipage se rendent à 16 h. Un marin argentin sera abattu suite à une bavure, il sera la seule victime des opérations.

Le commandant Alfredo Astiz signe la reddition sans conditions de ses forces à Leith Harbour le 26 avril sans avoir tiré un seul coup de feu et il est fait prisonnier de guerre. Recherché pour la disparition forcée de deux religieuses françaises, Léonie Duquet et Alice Domon, ainsi que d’une Argentino-Suédoise, Dagmar Hagelin, Astiz fait l’objet de demandes d’extradition de la part de Paris et Stockholm, mais Londres s’y refuse, invoquant les Conventions de Genève.

Le 1er mai, les opérations contre les Malouines s’ouvrent avec les attaques de nuit par des Avro Vulcan de la Royal Air Force, basés sur l’île de l’Ascension, lors de l’opération Black Buck 1 contre l’aéroport de Port Stanley. Ces avions à rayon d’action moyen doivent être ravitaillés plusieurs fois comme leurs ravitailleurs, ce qui oblige à un effort logistique important (onze Victor). Une seule bombe touche l’objectif, mais les Argentins se rendent compte de leur vulnérabilité et décident de maintenir leurs avions à réaction sur le continent. Il est généralement admis que cette mission est un échec tactique mais une réussite stratégique.

Dès le début des opérations de débarquement, la Force aérienne argentine lance une attaque avec le Grupo 6. Quatre de ces appareils sont détruits par les Sea Harriers tandis que les combats s’engagent entre d’autres Harriers et les chasseurs Mirage III du Grupo 8. Chaque côté refuse de se battre à la meilleure altitude de l’autre, les Mirages sont contraints de descendre. L’un des Mirages est abattu et un autre, endommagé, se dirige vers Port Stanley où les défenseurs argentins, victimes de la confusion, l’abattent.

Des forces spéciales britanniques SAS et SBS sont débarquées sur les Malouines pour des missions d’observation.

Au cours de la nuit du 21 mai, les Britanniques réalisent un débarquement amphibie de 4 000 hommes à Port San Carlos (sur les plages de la côte nord des Malouines, à 100 km à l’ouest de Stanley) et s’assurent de son contrôle. Le plan vise à se rendre maître de Darwin et Goose Green avant de se tourner vers Port Stanley. Les Argentins lancent des attaques aériennes répétées : la frégate HMS Ardent (F184) est coulée, les destroyers HMS Argonaut (F56) et le HMS Brilliant sont gravement endommagés, l’Antrim reçoit deux bombes non explosées, les transports de troupes demeurent intacts. Dix-sept avions argentins et quatre hélicoptères sont détruits.

Le 23 mai, la tête de pont est consolidée, 5 000 hommes sont à terre. L’HMS Antelope (en)(F170) coule lors d’une tentative de désamorçage d’une bombe non explosée. Un Harrier est perdu en mer. Les Argentins perdent huit avions.

Le 25 mai, le MV Atlantic Conveyor, porte-conteneurs réquisitionné, est coulé par deux missiles Exocet lors d’une attaque dirigée par des Super-Étendards qui cherchaient à toucher le porte-avions Hermes. Le porte-conteneur avait une cargaison essentielle d’hélicoptères et de composants de piste. Les missiles sont passés près de la frégate HMS Ambuscade (Type 21) (F172) qui les a déviés en lançant des leurres à paillettes. Ils se sont alors dirigés vers l’Atlantic Conveyor qui n’en disposait pas et n’a pu les éviter. François Heisbourg, conseiller du ministre français de la Défense, déclarera que « si un second navire logistique comme l’Atlantic Conveyor […], rempli de conteneurs, des moyens logistiques permettant au corps expéditionnaire de fonctionner une fois débarqués, avait été coulé, il est assez peu probable que les Britanniques soient allés au bout. Le danger était massif. » Le HMS Coventry, du même type que le Sheffield, est coulé par trois bombes de 500 kg alors qu’il était avec le HMS Broadsword. Les Argentins perdent cinq avions.

Le 27 mai, les 263 survivants du Sheffield arrivent en Grande-Bretagne. Les installations à terre de San Carlos sont attaquées pour la première fois. Les Argentins perdent deux avions.

Au total, les Argentins perdent plus de trente avions et hélicoptères dans ces attaques. Des rapports après la guerre indiquent que les dégâts auraient été bien plus importants pour les Britanniques si, le 15 mai, des commandos n’avaient pas détruit des avions au sol.

Bien qu’inférieurs en nombre (un contre trois), les parachutistes britanniques approchent et attaquent, les 27 et 28 mai, les sites de Darwin et de Goose Green tenus par le 12e régiment d’infanterie argentin. Cette bataille est la plus longue et la plus dure du conflit (l’aviation argentine utilise entre autres du napalm). Dix-sept Britanniques et deux cents Argentins perdent la vie, mille quatre cents de ces derniers sont faits prisonniers. La BBC annonce la victoire avant qu’elle ne soit effective.

Après avoir éliminé le danger de l’important contingent de Goose Green, les forces britanniques effectuent une percée vers l’est depuis la tête de pont de San Carlos, à pied ou par hélicoptère.

Le 31 mai, les troupes britanniques atteignent le mont Kent à 20 km de Stanley. L’aviation argentine perd encore deux Skyhawk lors d’attaques contre la flotte britannique.

Le 1er juin, avec l’arrivée de 5 000 soldats britanniques supplémentaires de la cinquième brigade par le paquebot Queen Elizabeth 2, le nouveau commandant de division, le major général J.J. Moore des Royal Marines, dispose d’assez de troupes pour lancer une offensive contre la garnison de Port Stanley.

Le 5 juin, le 42e bataillon de commandos des Royal Marines occupe le mont Challenger. Un hélicoptère britannique Gazelle est abattu par un tir ami effectué par un opérateur du SAS.

Pendant ces préparatifs, les attaques aériennes argentines continuent : elles font 48 morts, dont 32 Welsh Guards à bord des RFA Sir Galahad (L3005) et Sir Tristam (L3505) le 8 juin à Fitzroy. De nombreux soldats contraints de rester à bord à cause de la perte des hélicoptères de l’Atlantic Conveyor sont victimes de brûlures. Le même jour, une barge de débarquement du HMS Fearless est attaquée par quatre Skyhawk : trois avions argentins sont abattus par une patrouille de Harrier. Le HMS Plymouth est endommagé par une attaque aérienne. Un Sea Harrier est abattu près de Stanley.

Le 10 juin, une patrouille d’observation des SAS est attaquée lors de la seule action militaire sur l’île ouest des Malouines.

Dans la nuit du 11 juin, après plusieurs jours de reconnaissance difficiles et la mise en place de la logistique, les forces britanniques appuyées par l’artillerie lancent une brigade à l’attaque du mont Longdon (en), qui défend les hauteurs de Port Stanley. Treize Britanniques sont tués quand le navire HMS Glamorgan, qui fournit un appui-feu, est touché par un Exocet tiré depuis une remorque de camion dételée et aménagée en batterie improvisée. Trois civils sont tués (les seuls de tout le conflit) lorsqu’une habitation dans la banlieue de Stanley est touchée par les tirs britanniques. Au matin, les positions argentines sont enlevées après plus de 24 heures de combat, parfois au corps à corps.

La nuit du 13 juin, la seconde phase est enclenchée pour reprendre Wireless Ridge et le mont Tumbledown, neuf Britanniques et trente-deux Argentins perdent la vie. Port Stanley est complètement encerclé.

Le 14 juin, le commandant de la garnison, Mario Menéndez, présente sa reddition avec 10 254 hommes. La souveraineté britannique est restaurée sur l’ensemble des territoires des Malouines. Le 18 juin, le SS Canberra et le Norland appareillent pour Puerto Madryn pour rapatrier les prisonniers argentins.

Le 20 juin, la fin des hostilités est officiellement déclarée par les Anglais. L’amiral Woodward déclare : « si l’Argentine avait tenu une semaine de plus, les choses auraient pu tourner à leur avantage car la plupart des navires britanniques étaient au bout de leur potentiel faute d’entretien et de réparation à la suite des dégâts causés par les conditions climatiques et les attaques des Argentins. Nous avions débarqué depuis trois semaines et il neigeait depuis plusieurs jours, personne ne peut tenir plus de trois semaines dans ces conditions ».

Voir aussi cette vidéo :

Sources : Wikipédia, YouTube.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.