La bataille des Ardennes (1944-45).

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La bataille des Ardennes est le nom donné à l’ensemble des opérations militaires qui se sont déroulées en Ardennes pendant l’hiver 1944-1945. Le théâtre des opérations se déroule presque exclusivement en Belgique orientale, principalement en Ardenne belge avec, pour objectif final, la reconquête du port d’Anvers, mais l’offensive allemande sera stoppée avant même d’atteindre la Meuse. La bataille commence le 16 décembre 1944 par une attaque surprise allemande, à laquelle on a donné le nom d’« offensive von Rundstedt ». Le Generalfeldmarschall von Rundstedt y était opposé : il estimait que l’objectif était trop ambitieux.

Les Allemands l’appellent opération Wacht am Rhein (en référence au tableau de Lorenz Clasen et de la célèbre chanson), et les Anglo-Américains Battle of the Bulge (la « bataille du Saillant ») prenant en considération la forme de « coin » que la ligne de front avait prise lorsque la pénétration allemande fut arrêtée.

La bataille des Ardennes se termine fin janvier 1945, après le refoulement des Allemands au-delà de leur ligne de départ.


Depuis l’écroulement du front de Normandie au début du mois d’août 1944, les cercles militaires dirigeants du Reich, sur une consigne de Hitler en personne, préparent une réédition de la campagne de 1940 : une offensive dans les Ardennes. Hitler lui-même expose aux commandants des unités engagées dans cette action sa vision de ce que doit être l’offensive à venir quatre jours avant le déclenchement des opérations : faire prendre conscience aux alliés occidentaux, par une action offensive de grande ampleur, de la vanité de défaire le Reich dans un délai court, tout en créant les conditions, une fois l’offensive couronnée de succès, d’une paix à l’Ouest.

Le Reich tente aussi de profiter du calme relatif du front de l’Est durant l’automne et de la fatigue des troupes alliées engagées sur le front occidental, harassées par plusieurs mois de durs combats à travers la France, par l’ampleur des pertes et par la longueur des lignes de communication alliées.

Le 16 septembre 1944, peu de temps après le retour de Gerd von Rundstedt sur le front de l’Ouest, et après une conférence tenue à l’Oberkommando der Wehrmacht, Hitler charge un état-major restreint sous le contrôle du général Jodl de préparer une offensive en Ardennes. Cette opération reçoit le nom de « Wacht am Rhein » (allusion à l’hymne Garde au Rhin).

Reportée plusieurs fois, l’offensive se concentre sur la forêt des Ardennes, et le port d’Anvers, pour aboutir à un nouveau Dunkerque, dans un contexte d’incursions alliées sur le territoire du Reich. Peu de commandants de troupes estimaient réalisables les plans visant à rééditer la campagne de 1940 : Model et Rundstedt eux-mêmes, en dépit des proclamations publiées dans les jours qui précèdent l’offensive, doutent des chances de succès des plans grandioses imaginés par Hitler et ses proches conseillers, Alfred Jodl et Wilhelm Keitel. Les deux responsables de la mise en œuvre de cette opération, Model et Rundstedt, défendent une petite solution, consistant à neutraliser, puis repousser les forces alliées stationnées entre Aix-la-Chapelle et la Meuse. Ce doute est partagé à tous les échelons supérieurs de la hiérarchie militaire allemande, malgré des bouffées d’optimisme, liées au discours de Hitler devant les commandants des unités destinées à être engagées dans cette opération, les 11 et 12 décembre 1944.

Malgré ces réserves, Hitler, conforté par Jodl et Keitel, maintient les objectifs grandioses qu’il a assignés à l’offensive en préparation, notamment la reconquête d’Anvers ; il finit même par convaincre les plus sceptiques, parmi lesquels Model lui-même, tandis qu’aux échelons immédiatement inférieurs, Manteuffel et Dietrich se contentent d’émettre de solides réserves sur les chances de succès de la solution proposée par Hitler, puis, une fois ces réserves écartées, de faire le maximum pour assurer le succès de l’opération.

Le secret entoure la préparation de l’opération, aidé en cela par des mesures draconiennes pour le préserver. Les maréchaux von Rundstedt et Model sont informés le 24 octobre. Parmi les dirigeants du Reich, Albert Speer est l’un des rares à être tenu informé de la préparation et de la mise en œuvre de cette offensive.

L’ensemble des forces allemandes participant à la bataille des Ardennes font partie du groupe d’armée B sous les ordres du Generalfeldmarschall Walter Model.

Deux cent mille hommes répartis en 5 divisions de Panzers et treize divisions de Volksgrenadier participent à la première vague de l’offensive et sont principalement répartis entre la 6e armée blindée SS, commandée par Sepp Dietrich et la 5e armée blindée, placée sous le commandement de Hasso Von Manteuffel, chargées de porter les coups les plus durs aux troupes alliées ; ces deux armées sont épaulées par la 7e armée allemande, chargée de la protection du flanc sud. Ces unités comptent ensemble environ 600 chars et 1600 canons d’assaut, mais dans leurs rangs se trouvent des unités harassées par les combats de l’automne ou inexpérimentées ; de plus, les deux tiers de ce qui reste des chasseurs allemands forment le soutien aérien pour les troupes au sol. Malgré ces faiblesses, la Wehrmacht dispose dans les premiers jours de l’offensive d’une supériorité numérique importante sur la partie du front où doit se dérouler l’offensive.

Initialement, les unités alliées impliquées dans la bataille des Ardennes font partie de la 1re armée américaine (général Hodges). À partir du 20  décembre, sur ordre d’Eisenhower, une réarticulation des forces  comprenant plusieurs divisions britanniques et canadiennes (soit plus de 50 000 hommes) est effectuée, certains régiments belges et le 2e régiment de chasseurs parachutistes SAS français étaient aussi présents.

Les positions avant l’attaque des Ardennes le 16 décembre 1944 : la 6e armée blindée SS compte neuf divisions, la 5e armée blindée sept et la 7e armée onze.
Dès 5 h 30, une importante préparation d’artillerie est déclenchée. À 6 h, des patrouilles de combat allemandes s’infiltrent entre les points d’appui américains afin de s’emparer de quelques passages obligés.

En fin d’après-midi, Eisenhower et Bradley qui sont en réunion à Versailles, sont informés de l’attaque. Ils n’en mesurent pas encore l’ampleur. Le mauvais temps empêche les reconnaissances aériennes.  Néanmoins, Bradley donne des ordres à la 9e et à la 3e armée pour envoyer respectivement les 7e et 10e divisions blindées américaines vers la 1re armée. Ces unités commenceront leur mouvement dans la nuit.

Vers 3 h, des avions Junkers 52 larguent un millier de Fallschirmjäger (parachutistes allemands) sous le commandement du colonel von der Heydte sur le plateau des Hautes Fagnes au nord de Malmedy, avec pour objectif le carrefour du mont Rigi (opération Stösser). La dispersion est extrême, la Luftwaffe ne disposant plus que de jeunes pilotes inexpérimentés et ayant reçu pour mission de voler de nuit et par un temps exécrable. Sur les 800 paras de von der Heydte, un tiers seulement est dropé sur la zone, entre Spa et Monschau. La coupure de l’axe Eupen/Malmedy devient impossible : von der Heydte tente de rejoindre les lignes. les colis avec l’armement lourd seront rarement retrouvés ce qui amoindrira l’efficacité de l’action. Beaucoup d’hommes seront capturés assez rapidement. Isolés, les derniers se rendront aux Américains le 23 décembre, dont von der Heydte, épuisé, le bras fracturé.

Le Waffen-SS Otto Skorzeny et ses commandos (150e brigade) affublés d’uniformes américains et utilisant des véhicules de capture lancent l’opération Greif (griffon) coupent les lignes téléphoniques, changent les panneaux routiers, organisent de faux plantons aux carrefours et créent la confusion, surtout dans les mouvements américains. Censés monter une “brigade” de langue anglaise, Skorzeny et son adjoint, von Koelkersam devront se contenter d’une dizains de soldats parlant sans aucun accent. Il n’obtiendront qu’un dixièmes du matériel allié promis8. Ils n’auront toutefois pas dans la durée tout l’effet perturbateur escompté. L’idée avait été reprise par Hitler s’inspirant des américains en septembre devant Aix la Chapelle8. Sous un faux uniforme, ils risquent la mort par exécution s’ils sont pris, ce qui sera le cas pour nombre d’entre eux.

Au nord de la pénétration, la colonne Peiper qui a déjà fait de nombreux prisonniers, s’empare vers 7 h d’un dépôt américain à Bullange et peut faire le plein de carburant alors qu’ils étaient presque en panne (un PZ VI consomme5l d’essence au km, pour une autonomie de 60 km). Elle reprend ensuite sa progression vers l’ouest. La 7e division blindée américaine qui descend vers Saint-Vith passe quelques kilomètres devant la tête de la colonne allemande.

À 12 h 30, Peiper capture, à Baugnez près de Malmedy, une centaine d’artilleurs de la colonne de la division américaine. Ceux-ci sont rassemblés dans une prairie mais, vers 14 h, avec les troupes SS qui suivent, un officier déclenche la tuerie des prisonniers. Plusieurs peuvent s’enfuir et pour certains même rejoindre leurs lignes. L’information du « massacre de Baugnez » parviendra rapidement aux unités américaines (principalement via un article du Stars and Stripes du 22 décembre) qui, au lieu d’être terrorisées, penseront surtout à venger leurs camarades. Le soir, la 1re SS Panzer Division rejette vers le nord la jeune 99e division d’infanterie américaine et la colonne Peiper arrive devant Stavelot.

Au centre, soumis à l’attaque de la 5e Panzer Armee :

à Saint-Vith, la 106e division d’infanterie américaine, composée de jeunes recrues, résiste. Presque encerclée, elle attend avec impatience le renfort des mille véhicules de la 7e division blindée américaine dont les premiers éléments arrivent vers 16 h.
en avant de Clervaux, la 28e division d’infanterie américaine, unité expérimentée et commandée par le major general Cota (célèbre depuis son action à Omaha Beach) est déployée sur un large front. Ils sont attaqués et encerclés mais leur résistance freine la progression allemande. Au sud, le flanc de la pénétration allemande est contenu sur la ligne Echternach-Diekirch.

À Reims, vers 20 h 30, les 82e et 101e divisions aéroportées reçoivent leurs ordres de mouvement et partent dans la nuit.

Avec les renforts qui arrivent, le commandant de la 1re armée américaine organise sa ligne de défense de la région d’Elsenborn vers le sud-ouest.
Le 18, la colonne Peiper prend Stavelot mais ne peut s’emparer d’un dépôt américain sur la route en direction de Francorchamps, qui est incendié par des éléments de l’armée belge qui en avaient la garde. Il en résulte un manque de carburant qui va ralentir les mouvements de la colonne lorsque celle-ci s’engage dans la vallée encaissée de l’Amblève, prend La Gleize et s’avance vers Stoumont. Elle est alors immobilisée par une attaque aérienne, ce qui permet au génie américain de faire sauter un pont devant les premiers chars, les obligeant à faire demi-tour. Dès le 19, des unités américaines dont la célèbre 82e division aéroportée qui vient d’arriver, la stoppent à Stoumont et attaquent même ses arrières.
Au centre :

Dans la région de Saint-Vith, isolés, deux des trois régiments de la 106e division d’infanterie ont été faits prisonniers mais la 7e division blindée tient fermement une position en forme de fer à cheval. Elle oblige les Allemands à adapter leurs plans et à engager prématurément des renforts, alors qu’ils affrontent de constants problèmes de ravitaillement en carburant.

Du nord de Clervaux à Diekirch, les points d’appui de la 28e division américaine luttent jusqu’à l’extrême. Les rescapés des deux régiments nord s’exfiltreront vers Saint-Vith et Bastogne où ils continueront le combat.
À Bastogne, le 18 à 16 h, le groupement blindé B de la 10e division blindée américaine et un bataillon antichar se sont déployés. À partir de 22 h 30, venant de Reims, la 101e division aéroportée les rejoint. Le lendemain, ils subiront les premières attaques puissantes.
Au sud :

Le 109e régiment de la 28e division, commandé par le colonel Rudder (le chef des rangers de la pointe du Hoc) mène le combat retardateur depuis Diekirch. Il tiendra jusqu’à l’arrivée des renforts.

Le 19, Eisenhower réunit les commandants des groupes d’armées. Il prescrit à Devers d’étendre le front de son 6e groupe d’armées vers le nord afin de permettre à Patton de regrouper des unités en vue d’une attaque sur le flanc sud du saillant. Il charge Bradley d’agir de manière similaire au nord. Ces directives du commandant en chef auront pour effet le déplacement de centaines de milliers d’hommes. Lorsque Ike demande à Patton le temps qui lui sera nécessaire pour tourner son armée de l’est vers le nord, ce dernier répond promptement 3 jours. Ce délai irréaliste fait sourire les généraux présents ; surtout Monty qui prévoyait 6 jours pour une manœuvre similaire venant du nord. Ce qu’ils ignorent, c’est qu’avant de recevoir les  instructions de Ike, Patton a déjà donné des ordres pour préparer le mouvement. Malgré les routes gelées, la célérité de la 3e armée sera surprenante : l’attaque de Patton aura lieu dans les 3 jours annoncés.

Depuis le 19 et jusqu’au 22, la couverture nuageuse et les brouillards empêchent toute action importante de l’aviation.

Au nord Peiper est coupé de ses arrières. À Stoumont, le 20 et le 21, la bataille est féroce. La nuit, il y a des combats corps à corps entre les parachutistes et les SS. Peiper doit se replier sur La Gleize.
La 6e SS Panzer Armee est définitivement arrêtée et les Américains ont repris Stavelot.
À Saint-Vith, les Allemands attaquent en force et prennent la ville le 21 vers minuit. La 7e division blindée se rétablit à l’ouest mais reçoit l’ordre de se replier. Sa remarquable défense de Saint-Vith a brisé la marée allemande et a surtout permis aux autres unités américaines de venir former la digue nord du saillant.

Entre Saint-Vith et Bastogne, les 116e et 2e Panzer Division de la 5e Panzer Armee, après avoir été retardées par les ravitaillements en carburant qui suivent difficilement, atteignent le 22 respectivement Hotton et Marche. Elles se heurtent à la 84e division américaine qui y a pris position la veille.
À Bastogne, dès le 20, les « Panzer » allemands contournent par le nord et par le sud. Ils ont ordre de ne pas prendre la ville et d’assurer l’objectif : la Meuse, mais plus tard, l’effet de surprise perdu, quand Hitler aura changé d’avis8, cela deviendra impossible. La nuit du 21 au 22, la ville est complètement encerclée. Les Allemands mènent successivement mais infructueusement plusieurs attaques pour s’emparer de ce nœud routier particulièrement important. La place est défendue par 18 000 Américains comprenant la 101e division aéroportée, un groupement blindé de la 10e division blindée, un bataillon antichars, deux bataillons d’artillerie et des rescapés de la 9e division blindée et de la 28e division. La 101e division est normalement commandée par le général Taylor mais il est aux États-Unis. C’est le brigadier général Anthony McAuliffe qui assure l’intérim. On lui a confié le commandement de toutes les unités encerclées. Officier d’artillerie, il utilise de manière remarquable le feu des sept bataillons d’obusiers dont il dispose (cinq organiques, deux en renfort). Le 22 à 12 h, les Allemands exigent la reddition de la ville sous menace de destruction. La réponse de McAuliffe est ferme et brève : « Nuts » (traduite dans ce contexte par « Des clous » dans le sens « Hors de question, non catégorique… »).
Le 21, l’unité du colonel Hogan de la 3e division blindée américaine (400 hommes), sous les ordres du général Maurice Rose, a été envoyée trois jours plus tôt en reconnaissance sur La Roche. Après s’être retirée de Marcourt, elle se retrouve encerclée à Marcouray (actuelle commune de Rendeux, sur l’Ourthe) à la suite de l’arrivée des Allemands à Beffe, qui lui coupent désormais la retraite vers Hotton.

Au sud le 22, la Panzer Lehr Division qui a contourné Bastogne par le sud, s’empare de Saint-Hubert.

Depuis le 20, la 4e division blindée américaine s’est déployée dans la région d’Arlon. Le 22 à 6 h, sans attendre l’arrivée de toutes ses unités, Patton démarre sa contre-attaque en direction de Bastogne.

Au haut commandement allié le 20 décembre, Eisenhower décide de confier le commandement temporaire des unités US nord du saillant, soit la 9e armée et la 1re armée (sauf son VIIIe corps), à Montgomery. Vu la situation, Ike juge que ces forces échappent désormais au contrôle de Bradley. Il estime aussi que c’est la meilleure manière d’obtenir un engagement franc du XXXe corps britannique, seule grande réserve tactique disponible.

Le XXXe corps se porte en effet rapidement vers le sud afin de garantir d’abord la sûreté des passages sur la Meuse. La décision de « Ike » sera mal accueillie par Bradley et d’autres généraux américains qui n’apprécient pas l’orgueilleux maréchal britannique.

Des soldats américains de la 101e division aéroportée surveillent la route qui mène à Bastogne.

Dès le 23, le temps s’éclaircit et l’aviation alliée passe à l’attaque. Le 24, il y a 5 000 sorties alliées contre seulement 1 000 sorties allemandes.

Au nord la ligne de défense alliée est fermement installée. Le 24, avant l’aube, Peiper, en panne de carburant et abandonné, fait sauter ses véhicules et s’exfiltre à travers bois. Il laisse à La Gleize ses blessés et des prisonniers américains. Tous ses chars sont perdus, la 1re SS Panzer Division est brisée.

Bastogne subit de violentes attaques. Les défenseurs guident par radio l’appui et le soutien aérien. Chaque jour, plus de cent tonnes d’approvisionnement (surtout des médicaments et des munitions d’artillerie) leur sont parachutées. À Marcouray, à court de carburant pour revenir vers les lignes américaines, le colonel Hogan demande à bénéficier d’un largage de fuel par parachute. Effectué le 23 et le 24, les colis tombent cependant derrière les lignes ennemies. Encerclés par trois divisions allemandes, une reddition leur est proposée le 24 après-midi. Le refus américain est catégorique. Ils s’exfiltrent la nuit même à pied vers leurs lignes distantes d’une dizaine de kilomètres, après avoir saboté leurs véhicules. Ils atteignent Soy après 14 heures de marche, et participeront, une fois rééquipés, à la contre offensive à partir du 3 janvier. Plus à l’ouest, les blindés allemands ont progressé dans la trouée entre Marche et Dinant mais avec lenteur car ils manquent de carburant et subissent sur leur flanc nord le harcèlement d’une brigade blindée britannique. Le 24, la 2e Panzer Division prend Celles (8 km à l’est de Dinant) ; la Meuse est en vue. Hasard d’appellation, en face se trouve la célèbre 2e division blindée américaine surnommée « Hell on wheels » (« l’enfer sur roues »), déjà combattue en Normandie et renforcée par une brigade blindée britannique. Une légende persiste depuis cette époque, expliquant que Marthe Monrique, propriétaire d’un café (Le Pavillon Ardennais) au carrefour de Celles, après que le char de tête (toujours visible aujourd’hui) a sauté sur une mine, a expliqué aux Allemands que la route était minée jusqu’à Dinant. Les Allemands se seraient alors réfugiés dans les bois sans tenter de prendre cette route. La vérité est sans doute plus complexe, même s’il est possible que ce mensonge ait été dit.

Lorsque les Allemands arrivent à Celles par le petit chemin de Conjoux, ils sont exténués et à court de carburant. Une partie de la division fonce vers le carrefour de Celles et une avant-garde est envoyée vers Foy-Notre-Dame.
Le soir du 24 décembre, une Jeep fonce vers Dinant par le chemin du Froidveau. À son bord, trois soldats allemands habillés de vêtements américains. Ils tentent de forcer le passage du rocher Bayard. Ils ne s’arrêtent pas aux injonctions des gardes et un cordon de mines est tiré en travers de la route. La Jeep saute et les trois Allemands sont tués. Pourquoi cette reconnaissance ? On peut imaginer que les Allemands devaient s’assurer que les chars pouvaient passer par le goulet formé par le rocher Bayard et la falaise avant de risquer de descendre sur Dinant par ce chemin. Or, il faut savoir que ce passage est de 2,7 mètres et que les plus petits chars allemands avaient une largeur de 3,2 mètres. Il eut donc été impossible d’atteindre Dinant par le Froidveau !
Cette nuit du 24 au 25, le baron Jacques de Villenfagne de Sorinnes est persuadé de pouvoir faire une reconnaissance de nuit des positions allemandes. Il demande l’autorisation au Major John Watts du 3rd Tank Battalion qui accepte. Avec son ami Philippe le Hardy de Beaulieu, ils parviennent à recueillir assez d’éléments pour indiquer aux Anglais les positions sur lesquels un tir d’artillerie doit être dirigé. Le lendemain matin, le ciel est clair et l’aviation alliée peut sortir et attaquer les positions allemandes. Conjointement, l’artillerie pilonne les endroits désignés par le Baron de Villenfagne. Également, la 2e division blindée américaine lance une attaque depuis Ciney et les Britanniques attaquent depuis Sorinnes. Les Allemands ne peuvent résister et sont contraints d’abandonner la majorité de leurs véhicules faute de carburant, pénurie à laquelle la plupart des unités allemandes ont été confrontées durant toute l’opération. Aussi, certains se rendent-ils tandis que d’autres, isolés, tentent de rejoindre le gros de leurs troupes à Buissonville.
Les unités de Patton attaquent et la 4e division blindée pousse sur la route Martelange – Bastogne. Le 24, elle est bloquée à 10 km au sud de Bastogne et doit effectuer un débordement par l’ouest. Elle ne pourra pas atteindre Bastogne pour Noël comme espéré.

La veille de Noël, une tragédie s’accomplit à Bande (commune de Nassogne, à 10 km de Marche-en-Famenne). Le 24 décembre, des troupes chargées de représailles à la suite d’actions de résistance du mois de septembre font leur apparition dans le village. Ces troupes ont déjà sévi à Noville-lez-Bastogne les jours précédents et n’ont rien à voir avec la 2e Panzer Division qui occupe le village.

Ce dimanche matin, ces troupes spéciales arrêtent des hommes du village dont une partie à la sortie de la messe. Ils les rassemblent dans une scierie abandonnée le long de la route Nationale 4 et les interrogent un par un. Dans le courant de l’après-midi, ils en libèrent une partie mais en gardent 33 dont le plus jeune, André Gouverneur, a fêté ses 17 ans le mois précédent. Pendant une partie de l’après-midi, ces jeunes hommes doivent rester debout, en rang et les bras levés par un froid glacial. Puis un premier homme est emmené par un garde vers la maison Bertrand (maison qui a été incendiée en septembre lors de précédentes représailles). Un coup de feu retentit puis un deuxième homme est emmené et le scénario se renouvelle avec les autres. Quand vient le tour de Léon Praile, celui-ci frappe violemment le garde et s’enfuit en courant à travers champs dans la pénombre du jour qui tombe. Il entend siffler les balles autour de lui et parvient jusqu’aux bois où il se cache un certain temps avant de trouver refuge dans un fenil de la ferme de son oncle. Il s’y cache jusqu’au 11 janvier, date à laquelle les Britanniques entrent dans Bande. Léon Praile indiquera le lieu où le massacre fut commis. Aux 32 fusillés du 24 décembre se rajoutèrent les corps des frères Malempré de Roy le lundi 25 portant le nombre de victimes à 34.

Les 23, 24 et 25 décembre, la ville de Malmedy est bombardée, par erreur, par des avions alliés. Il y a plusieurs centaines de tués parmi la population belge et les militaires américains.

Chaque jour, l’aviation alliée fait des milliers de sorties. Le 26, Saint-Vith considéré comme un objectif capital est complètement détruit. Les sorties allemandes sont de moins en moins nombreuses ; elles dépassent rarement quelques centaines.

Dix divisions alliées sont en ligne et deux en réserve. Le XXXe corps britannique peut intervenir à bref délai et la 6e division aéroportée britannique est arrivée à Dinant.
À Bastogne, les ravitaillements par air continuent. Plusieurs planeurs atterrissent dont un amenant une équipe de chirurgiens.
Le 26 à 16 h 45, l’avant-garde de la 4e division blindée américaine parvient à réaliser la jonction. Le couloir est extrêmement étroit et les combats seront âpres pour l’élargir.
Le 27, un convoi d’ambulances peut évacuer des blessés. Le général Taylor a rejoint sa division. Après avoir remercié et félicité MacAuliffe, il reprend le commandement.
Les jours suivants, munitions, équipements chauds, cigarettes et même, avec un peu de retard, dindes de Noël arrivent à Bastogne.
À Saint Hubert, Les américains reprennent St Hubert le 31 décembre.
À Celles, La 2e Panzer Division, encerclée par la 2e division blindée américaine, laisse 1 500 prisonniers et de nombreux véhicules.
À l’OKW,

Le 28, Hitler finit par admettre qu’Anvers ne peut être atteint et change la mission : détruire les forces alliées dans les Ardennes.
Le 30, la 5e armée de Hasso von Manteuffel lance une attaque importante pour essayer de couper le corridor vers Bastogne.

Initialement conçue en support de l’offensive des Ardennes pour supprimer la suprématie aérienne alliée , mais repoussée à cause du mauvais temps, la Luftwaffe lance le 1er janvier une attaque surprise massive; il s’agit de l’opération Bodenplatte. Volant en rase-mottes, l’aviation allemande attaque une trentaine de bases alliées : M-109, Ju-88, FW-190, M-210, soit 1100 chasseurs au total, une première. Selon certaines sources, 800 avions sont détruits ou endommagés ; 300 selon d’autres, mais pour ne pas inquiéter la population, les services d’information alliés ont minimisé les faits. Les terrains sont très endommagés. La Luftwaffe perd toutefois dans ce raid 277 avions et beaucoup de ses derniers pilotes chevronnés. Elle n’est plus en mesure de combler ses pertes et de jouer un rôle dans la fin de la guerre. Les Alliés qui n’ont presque pas perdu de pilotes dans cette opération remplacent les avions perdus en deux semaines.

Le même jour, profitant de l’affaiblissement du groupe d’armées Devers, les Allemands lancent une attaque de diversion en Alsace, l’opération Nordwind, sans aucune répercussion en Ardennes.

À Saint Hubert, le 5 janvier, la 9ème compagnie du 901e reprend St Hubert faisant 70 prisonniers américains avant d’être chassé par un coup d’audace des S.A.S. du commandant Puech Samson envoyés par Patton. Le 901e bat en retraite pour se réorganiser à Tavigny. Entre le 11 et le 15, il abandonne cinquante trois chars sabordés faute d’essence ou de pièces de rechange. Idem le 9 pour une première pièce d’artillerie. En ce mois de janvier 1945, les conditions atmosphériques sont épouvantables. Dans les Ardennes, il y a beaucoup de neige et la température est tellement basse qu’il faut faire tourner régulièrement tous les moteurs pour que l’huile ne se fige pas. C’est dans ces conditions que démarre le 3 janvier la contre-attaque de Montgomery. En fait, il s’agit de l’attaque du VIIe corps américain du général Collins qui a été relevé sur ses positions par le XXXe corps britannique. Elle démarre de la région de Hotton en direction de Houffalize. Elle est appuyée sur sa droite, à partir du 6 janvier, par des unités britanniques (division galloise et la 6e division aéroportée). La jonction avec la contre-attaque de Patton qui a commencé 12 jours plus tôt est prévue dans la région d’Houffalize. Les opérations sont lentes car les journées sont courtes et les Allemands se sont bien retranchés derrière des canons antichars et de nombreux champs de mines. Mais les bombardements lourds sont terribles et les chasseurs bombardiers pilonnent et mitraillent les fuyards sur cette unique voie de retraite encore ouverte. La jonction a lieu le 16 janvier. À la même date, le XXXe corps britannique retourne vers le front de Hollande.

Le 17 janvier, la 1re armée américaine est replacée sous le commandement de Bradley mais la 9e reste sous celui de Montgomery.

Le Commandement suprême allemand (OKW) ordonne le repli car, après trois mois d’arrêt, les Soviétiques ont repris l’offensive. Constatant l’échec définitif de cette offensive, Hitler rentre en train à Berlin le 15 janvier.

Le 24 janvier, Saint-Vith est repris et le 30, les Allemands sont repoussés au-delà des positions qu’ils occupaient lors du déclenchement de leur offensive.

La bataille des Ardennes aura des conséquences militaires majeures pour les Allemands puisqu’ils y épuiseront leurs meilleures unités. Elle aura aussi des conséquences politiques importantes car en attaquant sur le front occidental, Hitler a fait le jeu de Staline. L’Armée rouge pourra ainsi franchir rapidement l’Oder et atteindre l’Elbe. De leur côté, les armées alliées occidentales ne bénéficieront pas autant qu’elles l’auraient souhaité de l’épuisement des réserves allemandes.

Le vainqueur de la bataille des Ardennes est indéniablement le général Eisenhower qui, de nouveau, a assumé avec compétence les responsabilités qui lui étaient confiées.

Pour témoigner leur reconnaissance, les Belges ont érigé à Bastogne un énorme monument sur la colline de la ville appelée Mardasson. Au cœur de ce mémorial, on peut lire la phrase latine « Populus Belgicus memor liberatoribus Americanis » (« Le peuple belge se souvient de ses libérateurs américains »). Le 16 juillet 1950, lors de l’inauguration, le président de la cérémonie ajouta : « Puisse cette inscription dans la pierre, l’être également dans les mémoires ».

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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