La bataille de Verdun (1916).

La bataille de Verdun est une bataille qui s’est déroulée du 21 février au 18 décembre 1916 dans la région de Verdun en Lorraine, durant la Première Guerre mondiale. Elle a opposé les armées françaises et allemandes.

Conçue par le général von Falkenhayn, commandant en chef de l’armée allemande, d’après la version qu’il en donne dans ses mémoires, comme une bataille d’attrition pour « saigner à blanc l’armée française » sous un déluge d’obus dans un rapport de pertes de un pour deux, elle se révèle en fait presque aussi coûteuse pour l’attaquant :

elle fait plus de 700 000 pertes (morts, disparus ou blessés), 362 000 soldats français et 337 000 allemands, une moyenne de 70 000 victimes pour chacun des dix mois de la bataille. On peut noter que selon les travaux historiques récents, notamment ceux de l’historien allemand Holger Afflerbach, l’objectif allemand était plus simplement de prendre le saillant de Verdun, la version d’une bataille d’attrition étant une justification inventée après coup par Falkenhayn pour masquer son échec.

Parallèlement, de juillet à novembre, les armées britannique et française sont engagées dans la bataille de la Somme, encore plus sanglante. De plus, du 4 juin au 20 septembre, l’Armée russe est engagée dans l’offensive Broussilov, la plus grande offensive sur le front de l’Est de l’armée tsariste de toute la guerre : elle contraint l’état-major allemand à retirer des divisions sur le front de l’Ouest pour les envoyer à l’Est, ce qui contribue à alléger la pression allemande sur Verdun.

Alors que, côté allemand, ce sont pour l’essentiel les mêmes corps d’armée qui livrent toute la bataille, l’armée française fait passer à Verdun, par rotation, 70 % de ses poilus, ce qui contribue à l’importance symbolique de cette bataille et à la renommée du général Pétain. C’est au général Nivelle, qui remplace Pétain à parti du 1er mai, que revient le mérite de la récupération définitive de tout le terrain perdu, depuis le 21 février, par l’offensive allemande (juin-juillet 1916), puis de la reconquête du terrain perdu entre octobre et novembre 1916, avec la récupération du fort de Douaumont, aidé en cela par son subordonné le général Mangin. La bataille se termine par un retour à la situation antérieure le 18 décembre 1916. Bien qu’elle n’ait pas été décisive, ses conséquences stratégiques, militaires et politiques étant mineures, la mémoire collective en a rapidement fait une victoire défensive de l’armée française, jugée a posteriori par les Allemands comme de même nature que la victoire de l’Armée rouge dans la bataille de Stalingrad.

C’est la plus longue bataille de la Première Guerre mondiale et l’une des plus dévastatrices, ce qui a donné lieu au mythe de Verdun, la « mère des batailles », une des plus inhumaines auxquelles l’homme se soit livré : l’artillerie y cause 80 % des pertes. Le discours mémoriel typique brosse le portrait de soldats dont le rôle consiste surtout à survivre — et mourir — dans les pires conditions sur un terrain transformé en enfer, tout cela pour un résultat militaire nul, ce qui en fait le symbole de la futilité de toute guerre industrielle.

Bataille de Verdun, épreuve d’artiste.

Verdun est, comme la Somme, une terrible leçon que certains théoriciens militaires allemands, analysant les causes de la défaite de 1918, sauront comprendre. L’immobilité du front, malgré les moyens engagés, est due à l’absence de forces mécanisées : à l’inverse, en 1940, soumise au feu motorisé des panzers, Verdun tombe en 24 heures. La théorie du blitzkrieg (guerre éclair) triomphe sur la guerre de positions surestimée par les théoriciens français à la suite de la victoire de 1918.

Bien que cette bataille ait montré les fautes stratégiques et tactiques des état-majors belligérants, et qu’elle ne soit pas la plus meurtrière ni la plus décisive de la Première Guerre mondiale, elle a donné lieu dans l’histoire officielle française à une mythologie sacralisant cette bataille de défense du territoire national. Verdun est devenu le lieu de mémoire par excellence de la Première Guerre mondiale alors que l’historiographie institutionnelle allemande a privilégié la construction mémorielle de la bataille de la Somme, liée au sentiment des soldats allemands d’avoir participé à une bataille défensive. Malgré ces enjeux mémoriels concurrentiels qui participent à la fabrication du « roman national » avec ses batailles et ses héros, s’est opéré un changement de « régime de mémoire » depuis les années 1970 qui se traduit dans la réconciliation franco-allemande et l’image symbolique de la poignée de main de François Mitterrand et Helmut Kohl à Douaumont en 1984. Cette évolution se traduit également dans les études historiographiques sur la Grande Guerre, qui à l’origine s’intéressaient essentiellement à la question des responsabilités et aux opérations militaires. À notre époque, elles ont replacé l’humain au centre de cette histoire et ont mis l’accent sur l’histoire des représentations à travers la culture de guerre (corps et état d’esprit des soldats de Verdun passés du statut de héros à celui de victime, vision de la bataille à l’arrière et chez les civils, survivance de la bataille dans la culture nationale).

Le lundi 21 février 1916 à 4 heures du matin, un obus de 380 mm explose dans la cour du palais épiscopal de Verdun. Ce n’est qu’un réglage de tir, le véritable déluge de feu commençant à 7 h 15 avec un obus de 420 mm. C’est le début de l’opération baptisée Gericht (mot allemand qui signifie tribunal, jugement et, assez fréquemment, lieu d’exécution) par les Allemands et d’une bataille qui va durer dix mois et faire plus de 300 000 morts et 700. 000 victimes.

Sur la partie centrale, longue de 15 kilomètres, les Allemands ont installé quarante batteries de 800 canons qui pilonnent les tranchées françaises, sur un front d’environ 30 kilomètres, jusqu’à 16 heures. Au bois des Caures durant cette journée, 80 000 obus tombent en 24 heures. Le bombardement est perçu jusque dans les Vosges, à 150 km.

À 16 heures, le même jour, 60 000 soldats allemands passent à l’attaque sur un front de six kilomètres au bois des Caures, croyant s’attaquer à des troupes à l’agonie, totalement désorganisées mais ils se heurtent à une résistance inattendue. Le 7e corps d’armée (Allemagne) commandé par le général Johann von Zwehl, le 18e corps d’armée (Allemagne) commandé par le général Dedo von Schenck et le 3e corps d’armée (Allemagne) commandé par le général Ewald von Lochow effectuent une progression limitée, aménageant immédiatement le terrain afin de mettre l’artillerie de campagne en batterie. La portée ainsi augmentée, les canons allemands menacent directement les liaisons françaises entre l’arrière et le front.

Bataille de Verdun, carte maximum, 3/03/1956.

 

Les forces françaises sont écrasées par cette pluie d’acier. Le lieutenant-colonel Driant trouve la mort le 22 février dans le bois des Caures. Avec lui, 1 120 hommes tombent. Il n’y aura que 110 rescapés parmi les 56e et 59e bataillon de chasseurs à pied. Sur le reste du secteur, les défenses sont broyées, disloquées, écrasées. En quelques heures, les massifs forestiers disparaissent, remplacés par un décor lunaire. Les massifs de Haumont, de Herbebois et des Caures sont déchiquetés, hachés, nivelés. Derrière le feu roulant, le 7e corps rhénan, le 18e hessois et le 3e brandebourgeois avancent lentement.

Le fort de Douaumont, qui n’est défendu que par une soixantaine de territoriaux, est enlevé dans la soirée du 25 février 1916 par le 24e régiment brandebourgeois. Ce succès fut immense pour la propagande allemande et une consternation pour les Français. Par la suite, 19 officiers et 79 sous-officiers et hommes de troupes de cinq compagnies différentes occupent Douaumont qui devient le point central de la défense allemande sur la rive droite de la Meuse. Par cette prise, les Allemands ne se retrouvent plus qu’à 5 km de la ville de Verdun, se rapprochant inexorablement.

Malgré tout, la progression allemande est très fortement ralentie. En effet, la préparation d’artillerie présente des inconvénients pour l’attaquant. Le sol, labouré, devient contraignant, instable, dangereux. Bien souvent, la progression des troupes doit se faire en colonne, en évitant les obstacles.

Vignette de distributeur Lisa

Contre toute attente, les Allemands trouvent une opposition à leur progression. Chose incroyable, dans des positions françaises disparues, des survivants surgissent. Des poignées d’hommes, souvent sans officiers, s’arment et ripostent, à l’endroit où ils se trouvent. Une mitrailleuse suffit à bloquer une colonne ou la tête d’un régiment. Les combattants français, dans un piteux état, résistent avec acharnement et parviennent à ralentir ou à bloquer l’avance des troupes allemandes.

Un semblant de front est reconstitué. Les 270 pièces d’artillerie françaises tentent de rendre coup pour coup. Deux divisions françaises sont envoyées rapidement en renfort, le 24 février 1916, sur ce qui reste du front. Avec les survivants du bombardement, elles arrêtent la progression des troupes allemandes. Joffre fait appeler en urgence le général de Castelnau à qui il donne les pleins pouvoirs afin d’éviter la rupture des lignes françaises et une éventuelle retraite des troupes en catastrophe. Le général donne l’ordre le 24 février de résister sur la rive droite de la Meuse, du côté du fort de Douaumont, au nord de Verdun. La progression des troupes allemandes est ainsi stoppée grâce aux renforts demandés par le général de Castelnau jusqu’au lendemain, jour de la prise du fort de Douaumont.

C’est la fin de la première phase de la bataille de Verdun. Manifestement, les objectifs de Falkenhayn ne sont pas atteints. Un front trop limité, un terrain impraticable et la hargne du soldat français semblent avoir eu raison du plan allemand.

Le 24 février 1916, à la suite des recommandations du général de Castelnau, Joffre décide de l’envoi à Verdun de la IIe armée, qui avait été placée en réserve stratégique, et dont le général Pétain, en poste à Noailles, était le commandant depuis le 21 juin 1915.

Bernard Serrigny, le chef de cabinet de Pétain, raconte dans ses mémoires, que lorsque le télégramme de nomination du GQG arrive à Noailles, Pétain est absent sans avertir personne. Serrigny connaissant les habitudes de son chef, le retrouve avec sa maîtresse Eugénie Hardon-Dehérain dans l’hôtel Terminus, face à la gare du Nord à Paris. Le général averti par son ordonnance de son affectation, la rejoint aussitôt, il trouve le front stabilisé par le général de Castelnau.

Philippe Pétain, fantassin de formation, n’ignore pas que « le feu tue », comme il le répète sans cesse. Pour lui, la progression de l’infanterie doit s’effectuer avec l’appui de l’artillerie. L’année précédente, la justesse de sa tactique a été démontrée. Il est économe des efforts de ses hommes et veille à adoucir au maximum la dureté des épreuves pour ses troupes.

Dès son arrivée, le 25 février 1916, à minuit le général Pétain, tombe malade, en effet le 26 février il se réveille grelottant avec une toux vive, bronchite diront les uns où pneumonie diront les autres, Pétain doit garder le lit, il réapparaît, guérit, le 3 mars, et réorganise la défense en traçant lui-même les limites de cinq secteurs, disposant chacun d’une bonne voie d’accès. Dans chaque secteur, un chef prend le commandement absolu des troupes qui s’y trouvent et la responsabilité de la défense. Ces chefs sont de gauche à droite : sur la rive gauche de la Meuse Bazelaire, sur la rive droite de la Meuse Guillaumat, Balfourier, Baret et Duchêne. Considérant que le contrôle de la rive droite de la Meuse est conditionné par la conservation de la dernière ligne de hauteurs Froideterre – Souville – Tavannes, il prescrit, pour la seule fois au cours de la guerre, de ne pas reculer et de défendre les positions à tout prix. Il fait néanmoins évacuer préventivement la bourgade de Fresnes-en-Woëvre dont la situation avancée est périlleuse et gênante. Il confie à son état-major le soin de proposer toutes les mesures qui permettront, dans les jours qui suivent, de remettre de l’ordre dans les unités et de rétablir les liens organiques.

Une artillerie renforcée dans la mesure des disponibilités couvre les unités en ligne. Les forts sont réarmés. Pour ménager ses troupes, il impose le « tourniquet » ou « noria ». Les troupes se relaient pour la défense de Verdun. En juillet 1916, 70 des 95 divisions françaises ont participé à la bataille, soit un million cinq cent mille hommes, les soldats restant quatre ou cinq jours en premières lignes, puis la même durée en secondes lignes et dans les villages de l’arrière-front (alors que les soldats allemands restent sur place et voient leurs effectifs complétés au fur et à mesure des pertes).

Dans un second temps, il réorganise avec le généralissime Joffre, la logistique. La seule voie de ravitaillement possible consiste en une voie ferrée sinueuse doublée d’une route départementale. La route ne fait que sept mètres de large et se transforme en bourbier dès les premières pluies. Sur ces 56 km de piste, il fait circuler une succession ininterrompue de camions roulant jour et nuit.

Cette artère vitale pour le front de Verdun est appelée « La Voie sacrée » terme grandiloquent, par Maurice Barrès. Il y circule plus de 3 000 camions, un toutes les quinze secondes. 90 000 hommes et 50 000 tonnes de munitions sont transportés chaque semaine.

Des carrières sont ouvertes dans le calcaire avoisinant. Des territoriaux et des civils empierrent en permanence la route. Des milliers de tonnes de pierres sont jetées sous les roues des camions qui montent et descendent du front. Les deux files font office de rouleau compresseur et dament les pierres.

Un règlement draconien régit l’utilisation de cette route. Il est interdit de stationner. Le roulage se fait pare-chocs contre pare-chocs, de jour comme de nuit. Le flot ne doit s’interrompre sous aucun prétexte. Tout véhicule en panne est poussé au fossé.

Falmme Daguin de Verdun 12/11/1933.

La voie ferrée existante est une voie métrique. Elle est intensément exploitée à partir du matériel roulant d’origine (celui du « Petit Meusien ») mais comme cela ne suffit pas, l’armée utilise aussi des locomotives, voitures et wagons en provenance de toute la France. Alors que le réseau n’est pas dimensionné pour absorber un tel trafic, aucun accident n’est à déplorer. Dans le même temps, les sapeurs construisent une nouvelle voie de chemin de fer, à voie normale cette fois, pour desservir Verdun : la ligne 6 bis. Construite en un temps record, elle contribue à la victoire française, en particulier en évitant les transbordements.

Enfin, Pétain réorganise l’artillerie. L’artillerie lourde restante est récupérée. Un groupement autonome est créé et directement placé sous ses ordres. Cela permet de concentrer les feux sur les points les plus menacés. Ces changements apportés à cette partie du front font remonter le moral de la troupe qui sent en Pétain un véritable chef qui la soutient dans l’effort et la souffrance.

Pour la première fois depuis le début de la guerre, l’aviation intervient de manière véritablement organisée avec la création de la première grande unité de chasse, chargée de dégager le ciel des engins ennemis, et de renseigner le commandement sur les positions et les mouvements de l’adversaire : « Je suis aveugle, dégagez le ciel et éclairez-moi », leur dira-t-il. Les Allemands sont arrêtés à quatre kilomètres de leurs positions de départ, avance très faible eu égard aux moyens qu’ils ont engagés.

Le Kronprinz supplie Falkenhayn d’attaquer la rive gauche pour faire taire les canons français. Les Allemands attaquent autour du Mort-Homme, du côté de la rive gauche, du bois des Bourrus, du bois de Cumière et du bois des Corbeaux. Puis ils attaquent sur la rive droite autour du fort de Vaux, de la côte du Poivre, etc. Ce sont à chaque fois des boucheries pour les deux camps. En ces lieux, tant du côté français qu’allemand, ces hommes ont fait preuve tout à la fois de courage, de désespoir, de sacrifice et d’abnégation.

Sur ces positions, les armées françaises et allemandes sont impitoyablement usées et saignées à blanc. Nombreuses sont les unités qui doivent être entièrement reconstituées à plusieurs reprises ou qui disparaissent.

Le 6 mars 1916, les Allemands pilonnent et attaquent le Mort-Homme sur la rive gauche. Mais le feu français les arrête. Cette « bataille dans la bataille » va durer jusqu’au 15 mars. Au cours de ces 10 jours, le secteur est transformé en désert. Les combattants des deux bords y connaissent toutes les souffrances.

Simultanément, le 7 mars, les Allemands lancent une offensive sur la rive droite, à partir de Douaumont. Cette partie du front fut le secteur le plus durement touché de la bataille. Le fort de Souville (aujourd’hui totalement en ruine), l’ouvrage de Thiaumont (totalement rayé du paysage), l’ouvrage de Froideterre (qui a bien résisté, bien que les différents organes du fort ne soient pas reliés par des souterrains) permirent à l’armée française de s’accrocher sur la dernière position haute dominant la ville de Verdun. Le village de Fleury-devant-Douaumont fut le théâtre de combats particulièrement intenses, il fut pris et repris seize fois. Mais les Allemands n’iront pas plus loin. Ce village, qui fait aujourd’hui partie des six communes mortes pour la France (qui ont un maire, mais n’ont plus d’habitants), a représenté l’avance extrême de l’armée allemande devant Verdun. Le saillant de Verdun se transforme en une innommable boucherie où la sauvagerie l’emporte sur toute sorte de compassion.

Pétain réclame des renforts à Joffre. Mais ce dernier privilégie sa future offensive sur la Somme. Cela fait dire à Pétain « Le GQG me donne plus de mal que les Boches ».

La 11e division bavaroise investit, le 20 mars, la cote 304 qui couvrait de son feu le Mort-Homme. Malgré ces succès, l’offensive générale allemande sur les deux rives de la Meuse est arrêtée par les Français. « Les assauts furieux des armées du Kronprinz ont partout été brisés. Courage… on les aura ! » dira Pétain.

Au début de la bataille, les effectifs français étaient de 150 000 hommes. En avril, ils s’élèvent à 525 000 hommes. Cette concentration humaine sur une si faible surface pourrait expliquer dans une certaine mesure le bain de sang que constitue Verdun. Cependant, les Allemands étant arrêtés, Joffre veut quelqu’un de plus offensif et sans souhait de se replier ; en effet Pétain dit au président Raymond Poincaré qu’il faut abandonner Verdun. En conséquence Joffre décide que pour diriger la bataille il faut relever rapidement Pétain de Verdun. Il informe Pétain dès le 19 avril 1916 que à la fin du mois il le remplace. Le 1er mai, il nomme Pétain chef du groupe d’armées Centre et nomme le général Robert Nivelle à Verdun.

Ce dernier charge le général Charles Mangin de reprendre le fort de Douaumont. La bataille s’engage par six jours de pilonnage du fort par les Français. L’infanterie prend pied sur le fort le 22 mai, mais en est chassée le 24.

Durant ce temps, 10 000 Français tombent pour garder la cote 304 où les Allemands sont accrochés sur les pentes.

L’artillerie, pièce maîtresse de ce champ de bataille, est toujours en faveur du côté allemand avec 2 200 pièces à ce moment-là pour 1 800 pièces côté français. On dirait que Verdun agit comme catalyseur. Les belligérants ne semblent plus pouvoir renoncer et sont condamnés à investir de plus en plus de forces sur ce champ de bataille qui a déjà tant coûté.

Falkenhayn reprend l’offensive sur la rive droite de la Meuse. Sur un front de six kilomètres, les Allemands sont à quatre contre un. Ils mettent les moyens pour emporter la décision qui tarde depuis si longtemps. À trois kilomètres au sud-est de Douaumont se trouve le fort de Vaux. Il est défendu par une garnison de 600 hommes. L’eau, les vivres et l’artillerie sont en quantité insuffisante. Après une intense préparation d’artillerie, le 1er juin 1916, l’infanterie allemande se lance à l’attaque du fort. Le 2 juin, elle pénètre dans l’enceinte. Toutefois, il faut encore « nettoyer » la place. Les combats se livrent couloir par couloir. Il faut gazer la garnison pour la réduire. Une expédition de secours est anéantie le 6 juin. Finalement, le commandant Raynal, chef de la place, capitule le 7 juin car les réserves d’eau à l’intérieur du fort sont tombées à zéro.

Les Allemands sont tout près de Verdun dont ils peuvent apercevoir les spires de la cathédrale. Falkenhayn croit la victoire à sa portée. Le 18 juin 1916, il fait bombarder le secteur avec des obus au phosgène. Mais les 70 000 Allemands doivent attendre, l’arme à la bretelle, que le gaz se dissipe pour attaquer. Ce temps précieux est mis à profit par les forces françaises pour renforcer la position. Lorsque l’assaut recommence, le 23 juin, il réussit à faire une percée de 6 kilomètres et occuper la crête de Fleury.

Le 1er juillet 1916 au matin, les Alliés ont attaqué sur la Somme. Les Russes avancent sur le front oriental et les Italiens font reculer les Autrichiens. Des troupes et de l’artillerie sont alors prélevées sur le front de Verdun ce qui complique la tache du commandement allemand sur place.

Le 11 juillet, Falkenhayn lance l’offensive de la dernière chance, son obstination pouvant s’expliquer par les rivalités au sommet de la Ve armée, exacerbées par la crainte de l’humiliation qu’entraînerait l’aveu d’une erreur stratégique46. Les Allemands partent à l’assaut après une préparation d’artillerie de trois jours visant le fort de Souville. Ce dernier est écrasé par les obus de très gros calibre car il est le dernier arrêt avant la descente sur la ville de Verdun. Néanmoins, l’artillerie de campagne du 6e CA ainsi que des mitrailleurs sortis des niveaux inférieurs du fort de Souville portent un coup d’arrêt définitif aux vagues d’assaut allemandes. Une cinquantaine de fantassins allemands parviennent quand même au sommet du fort mais ils sont faits prisonniers ou regagnent leurs lignes : le fort de Souville était définitivement dégagé le 12 juillet dans l’après-midi. Souville marque donc l’échec définitif de la dernière offensive allemande sur Verdun en 1916. L’attaque est bloquée à trois kilomètres de la ville. À ce moment, les Allemands perdent l’initiative et Falkenhayn doit démissionner le 26 août.

Le 13 septembre 1916, la ville de Verdun reçoit la Légion d’Honneur, la Croix de Guerre et plusieurs décorations étrangères. « M. Poincaré prononça un beau discours rappelant le rôle joué par Verdun dans la lutte générale et la préparation de l’offensive d’ensemble. Puis il épingla sur un coussin les décorations. Le général Nivelle reçut ensuite la plaque de grand officier de la Légion d’honneur. »

Du 21 au 24 octobre les Français pilonnent les lignes ennemies. Écrasés et gazés par des obus de 400 mm, les Allemands évacuent Douaumont le 23 octobre. Les batteries ennemies repérées sont détruites par l’artillerie française.

Puis, le 24 octobre, trois divisions françaises passent à l’attaque sur un front de sept kilomètres. Douaumont est repris et 6 000 Allemands sont capturés. Le 2 novembre, le fort de Vaux est évacué par les Allemands. Au 21 décembre, la plupart des positions perdues en février sont récupérées par les Français.

C’est une guerre de position, les pertes ont été considérables, pour un territoire conquis nul. Après 10 mois d’atroces souffrances pour les deux camps48, la bataille aura coûté aux Français 378 000 hommes (62 000 tués, plus de 101 000 disparus et plus de 215 000 blessés, souvent invalides) et aux Allemands 337 000. 53 millions d’obus (30 millions d’obus allemands et 23 millions d’obus français, une estimation parmi d’autres, aucun chiffre officiel n’existant) y ont été tirés, dont un quart au moins n’ont pas explosé (obus défectueux, tombés à plat, etc.) ; 2 millions par les Allemands pour le seul 21 février 1916. Si l’on ramène ce chiffre à la superficie du champ de bataille, on obtient 6 obus par mètre carré. Ainsi, la célèbre cote 304, dont le nom vient de son altitude, 304 mètres, ne fait plus que 297 mètres d’altitude après la bataille et le Mort-Homme a perdu 10 mètres. Les Allemands ont employé à cet effet 2 200 pièces d’artillerie, les Français 1 727.

Du fait du résultat militaire nul, cette bataille, ramenée à l’échelle du conflit, n’a pas de conséquences fondamentales. Elle reste un symbole de futilité mais la construction mythologique française d’après-guerre, à travers les cérémonies officielles, les défilés militaires, l’historiographie ou la littérature en a fait l’incarnation du sacrifice consenti pour la victoire.

Après la guerre, en France, de nombreuses associations d’anciens combattants évoquèrent un nombre de morts beaucoup plus élevé du côté des pertes françaises, car le nombre de morts de la bataille de Verdun (comme pour les autres batailles du conflit) évolue d’une source à une autre, avec souvent des différences de plusieurs dizaines de milliers de victimes. Aussi, les associations d’anciens combattants français dénonçaient les chiffres des pertes comme « étrangement ressemblantes à celles des Allemands ». Le chiffre de 250 000 morts français (en comptant les disparus) fut retenu par les associations d’anciens combattants français, après les derniers décomptes et estimations des années 1930.

Depuis, de nouvelles recherches ont été menées et ont abouti aux chiffres actuels, bien inférieurs aux estimations des anciens combattants. Cette différence peut être expliquée par l’impact que l’horreur de Verdun a eu sur ceux qui ont vécu la bataille et sur l’imaginaire collectif, amenant à une surévaluation des pertes françaises à l’époque.

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Sources : Wikipédia, Youtube, FR3.