Jules Mazarin, homme politique.

Jules Raymond Mazarin (Giulio Raimondo Mazzarino,  Mazarino, Mazarini ou Mazzarinia), connu sous son titre de cardinal Mazarin, né à Pescina, dans les Abruzzes, royaume de Naples, le 14 juillet 1602 et mort à Vincennes le 9 mars 1661, est un prélat, diplomate et homme politique français  d’origine italienne, d’abord au service de la Papauté, puis des rois de France Louis XIII et Louis XIV. Il succède à Richelieu en tant que principal ministre d’État de 1643 à 1661.


La jeunesse de Mazarin est relativement peu connue, du fait de son origine sociale modeste. Deux sources existent : un témoignage anonyme non daté d’un soi-disant « ami d’enfance », récit riche en anecdotes vivantes mais aussi en invraisemblances, et les souvenirs publiés par l’abbé Elpidio Benedetti, un proche du cardinal, devenu son secrétaire en août 1635 puis son homme d’affaires à Rome ainsi que son rabatteur d’antiquités. L’essentiel n’est d’ailleurs pas là, mais dans la formidable ascension sociale d’un personnage que rien ne prédestinait aux fonctions qu’il a occupées. À la veille de sa mort, et sans grande conviction, il demanda à des généalogistes de lui inventer une ascendance glorieuse. Les hypothèses les plus farfelues furent étudiées, mais le cardinal mourut avant l’achèvement des recherches.

Giulio Raimondo Mazzarini est le fils de Pietro Mazzarini, secrétaire et intendant du prince Philippe Colonna, grand connétable du royaume de Naples, et d’Hortensia Buffalini. Il nait le 14 juillet 1602 à Pescina, dans les Abruzzes, dans le Centre-Est de l’Italie où demeurait l’abbé Buffalini, qui convia sa sœur Hortensia, enceinte, à venir passer les dernières semaines de sa grossesse loin des miasmes de l’été romain. Elle accoucha de son premier fils, qui naquit « coiffé » et doté de deux dents. On pensait alors que de tels signes présageaient d’une haute fortune. Plus tard, le cardinal s’en prévalut souvent. Il passa son enfance à Rome, où demeuraient ses parents.

La famille Mazzarini était d’origine génoise. Le grand-père de Mazarin, Giulio, avait quitté Gênes pour s’installer en Sicile et s’établir à Palerme, en tant que simple citoyen, non noble. Ses deux fils, l’oncle Hieronimo et le père du cardinal, Pierre Mazzarini, naquirent donc en Sicile. La relative réussite de la famille dans l’artisanat ou le commerce, les sources sont imprécises, permirent de les faire étudier à l’école. À quatorze ans, Pietro fut envoyé à Rome afin de terminer ses études, muni de lettres de recommandation pour Filippo Colonna, connétable du royaume de Naples. Le jeune homme entra à son service sans qu’on sache exactement à quelle fonction. C’est comme proche de la famille Colonna que le père de Mazarin put progresser socialement. Mazarin fut d’ailleurs toujours reconnaissant envers la famille Colonna, répétant toujours que sa fortune lui était venue de la faveur de cette maison. Par sa conduite habile et prudente, Pietro se vit proposer en 1600 par son maître de réaliser un beau mariage avec Hortensia Buffalini, filleule du connétable, appartenant à une famille noble mais désargentée de Città di Castello en Ombrie. La jeune fille avait une réputation de beauté et de vertu. Le couple eut deux fils et quatre filles, ou deux fils et cinq filles.

Bien qu’elle demeure peu documentée, l’enfance de Mazarin laisse déjà deviner un garçon doué, remarqué dès son plus jeune âge pour son habileté à séduire et son aisance intellectuelle. C’est là ce qui fera tout au long de sa jeunesse la force du futur cardinal : une étonnante capacité à plaire et à savoir se rendre indispensable.

À sept ans, le petit prodige entra au Collège romain tenu par les jésuites. Élève brillant, il eut à soutenir sa thèse de fin d’études sur la comète qui provoqua tant de polémiques en 1618 sur l’incorruptibilité des cieux et conduisit Galilée à publier le célèbre Saggiatore, L’Essayeur. Mazarin sut manifestement éviter les nombreux pièges que le sujet comportait et obtint l’approbation unanime du jury.

Bureau de Mazarin, carte maximum, France.

Mazarin grandit avec les enfants de la famille Colonna, ce qui lui permit, sans qu’il en fît partie, de fréquenter le grand monde et ses palais. Il semble que, dès son adolescence, Giulio ait développé une passion pour le jeu et les femmes qui ne l’ont jamais quitté. Sans doute le vice du jeu lui offrit d’abord un moyen de gagner ce que l’on appellerait aujourd’hui de l’« argent de poche ». Pour « l’enlever à ses mauvaises habitudes » dans la capitale romaine, son père décida de l’envoyer à l’étranger.

Il est établi que le futur cardinal passa trois ans en Espagne (1619-1621 ?) pour accompagner Jérôme-Girolamo Colonna (créé cardinal le 30 août 1627 par Urbain VIII) et qu’il y termina ses études de droit civil et canon à l’université d’Alcalá de Henares. De cette expérience, Mazarin tira une maîtrise parfaite de l’espagnol qui devait s’avérer très utile tout au long de sa carrière. Les légendes sont nombreuses quant à la vie du jeune homme en Espagne. Une chose est certaine, il dut rentrer en Italie car son père, accusé de meurtre, avait été contraint de se tenir à l’écart de Rome pendant quelque temps. Cet épisode fit basculer Mazarin dans le monde des adultes : il était à présent tenu de soutenir sa famille. Il s’engagea alors dans des études de droit canon, qu’il termina en avril 1628, renonçant à une carrière artistique pour laquelle il présentait pourtant des dispositions. Comme la plupart des jeunes Romains, il s’engagea ensuite au service du pape et devint secrétaire du nonce apostolique à Milan, voie qui lui offrait les meilleures perspectives.

Durant la guerre de Trente Ans, un conflit opposa la France à l’Espagne au sujet de la vallée de la Valteline dans les Grisons. Le pape Urbain VIII envoya des troupes en tant que force d’interposition. Mazarin se vit offrir une commission de capitaine d’infanterie au sein du régiment équipé par la famille Colonna. Il fit, avec sa compagnie, quelques séjours à Lorette et à Ancône. Sans jamais avoir à mener de combat, il montra dans l’exercice de ses fonctions, et notamment dans la gestion des troupes et des vivres, la supériorité de son esprit et un grand talent pour discipliner les soldats. Il se fit alors remarquer par le commissaire apostolique Jean-François Sacchetti. Le traité de Monzón en 1626 régla temporairement la situation sans que les troupes du pape ne fussent intervenues.

En 1627 éclata en Italie du Nord le conflit appelé guerre de Succession de Mantoue. Il opposait d’une part, l’empereur Ferdinand II, le duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier et la maison des Gonzague de Guastalla, représentée par Ferdinand II de Guastalla, candidat des Habsbourg au duché et, d’autre part, le roi de France Louis XIII, venu secourir Charles Gonzague, duc de Nevers, candidat français à l’héritage de la branche aînée des Gonzague. Une légation papale fut envoyée à Milan afin d’apaiser le conflit qui menaçait de dégénérer. Elle fut conduite par Jean-François Sacchetti, en tant que nonce extraordinaire. Mazarin l’accompagna en qualité de secrétaire.

La légation arriva trop tard et surtout Sacchetti dut rentrer rapidement à Rome. Une autre légation fut programmée, dirigée cette fois par le neveu du pape Urbain VIII, Antonio Barberini, mais elle tarda à se mettre en place. Ce fut la chance de Mazarin resté à Milan, poursuivant le travail entrepris, sachant parallèlement provoquer en sa faveur une réelle campagne de publicité à Rome, relayée par sa famille, les Sacchetti et les Colonna. Il bombarda le Saint-Siège de rapports, espérant attirer la bienveillance pontificale. En préparation de l’arrivée de la nouvelle légation, Mazarin fut finalement chargé en septembre 1629 de sonder les vues des parties prenantes.

Lorsque le légat pontifical arriva dans le Montferrat, pour traiter de la paix entre la France et l’Espagne, Giulio resta attaché à la légation au titre de secrétaire. Le légat apostolique négociait la paix avec grand zèle. Mazarin, comme secrétaire, allait d’un camp à l’autre, pour hâter la conclusion d’un traité. Le jeune homme avait l’avantage d’avoir pris la mesure des  évolutions en Europe : le rêve papal d’un retour à l’unité de l’Église n’aboutirait pas et la paix en Europe ne pourrait reposer que sur un équilibre des puissances. À court terme, il ne mit pas longtemps à s’apercevoir que le marquis de Santa-Cruz, représentant la couronne d’Espagne, avait une peur violente de perdre son armée, et un ardent désir d’arriver à un accommodement. Comprenant tout le parti qu’il pouvait tirer de cette faiblesse, il pressa le général espagnol, lui représentant avec exagération la force des Français. Pour éviter les conflits, Mazarin lança son cheval au galop entre les deux armées, et agitant son chapeau, criait : « Pace ! Pace ! ». Cette intervention empêcha la bataille. Après le « coup » de Casale, en octobre 1630, la tâche du diplomate pontifical qu’est devenu Mazarin consiste à faire respecter les trêves conclues entre Espagnols, Impériaux, Français et Savoyards, puis à jeter les bases d’un traité de paix,  spécialement entre Louis XIII et son beau-frère de Turin.

Les négociations de Mazarin comme ambassadeur extraordinaire en Savoie d’Abel Servien aboutirent le 6 avril 1631 au traité de Cherasco par lequel l’empereur et le duc de Savoie reconnaissaient la possession de Mantoue et d’une partie du Montferrat à Charles Gonzague et surtout l’occupation française de la place forte de Pignerol, porte de la vallée du Pô. Elles apportèrent à Louis XIII et au cardinal de Richelieu une telle satisfaction que celui-ci en regarda l’auteur comme un homme inépuisable en ressources, fécond en ruses et stratagèmes militaires et qu’il en conçut le vif désir de le connaître personnellement. Il le manda à Paris, où Mazarin se rendit avec un plaisir inexprimable. Richelieu l’accueillit avec de grandes démonstrations d’affection, l’engagea par les plus belles promesses, et lui fit donner une chaîne d’or avec le portrait de Louis XIII, des bijoux et une épée d’une valeur considérable.

Pendant ce séjour en France, Mazarin obtint de devenir chanoine à Saint-Jean-de-Latran pour bénéficier des revenus attachés à cette fonction, ce qui l’obligea à accepter, à contre-cœur, d’être tonsuré. La cérémonie se déroula le 18 juin 1632 à Sainte-Ménéhould lors d’un voyage du roi de France en Lorraine. Mazarin devint ainsi clerc à part entière et abandonna l’état laïc avec regrets. Toutefois il ne reçut par la suite ni les ordres mineurs, ni les ordres majeurs.

Il est d’abord vice-légat d’Avignon (1634), puis nonce à Paris (1634-1636), où il déplut par ses sympathies pour l’Espagne, ce qui le fit renvoyer en Avignon (1636) et l’empêcha, malgré les efforts de Richelieu, de devenir cardinal.

Richelieu, se sentant accablé par l’âge, bien qu’il fût infatigable au travail, pensa que Mazarin pouvait être l’homme qu’il cherchait pour l’aider au gouvernement. Dès son retour en France après un bref voyage à Rome, il retint Mazarin près de lui et lui confia plusieurs missions dont il s’acquitta fort honorablement, puis il le présenta au roi qui l’aima beaucoup. Mazarin s’établit alors dans le Palais-Royal.

Toujours très habile au jeu, un jour qu’il gagnait beaucoup, on accourut en foule pour voir la masse d’or qu’il avait amassée devant lui. La reine elle-même ne tarda pas à paraître. Mazarin risqua tout et gagna. Il attribua son succès à la présence de la reine et, pour la remercier, lui offrit cinquante mille écus d’or et donna le reste aux dames de la cour. La reine refusa d’abord, puis finit par accepter, mais quelques jours après, Mazarin reçut beaucoup plus qu’il n’avait donné.

Mazarin envoya à son père, à Rome, une grosse somme d’argent et une cassette de bijoux pour doter ses trois sœurs et s’affermit dans l’idée de servir la Couronne, dont la faveur, pensait-il, était le plus sûr moyen  d’obtenir la pourpre, qui seule lui permettrait d’accéder aux responsabilités auxquelles il aspirait (étant sans naissance). Mais Richelieu, qui l’estimait beaucoup et le jugeait digne du chapeau de cardinal, n’avait pas hâte de le combler. Un jour, il lui offrit un évêché avec trente mille écus de rente. Mazarin, craignant de se voir tenu loin de Paris et des affaires, ne voulut pas courir le risque d’arrêter là sa fortune et refusa aimablement. Il attendit encore longtemps puis, las d’attendre, rentra en Italie en 1636, pensant qu’à Rome, au service du cardinal Antonio Barberini, neveu du pape, il serait plus en mesure d’avoir la pourpre.

Passée au service de la diplomatie pontificale, qui a apprécié son talent, Mazarin s’emploie, par des déplacements incessants et des flots de paroles, à ramener dans l’Italie du Nord cette paix que souhaite tant le pape. Les affaires compliquées de la Valteline de la succession de Mantoue et du Montferrat opposent, à travers plusieurs candidats à l’héritage, les Hasbourg qui veulent sauvegarder le passage entre terres espagnoles (Milanais) et terre d’Empire, la France qui souhaite les bloquer en prenant comme gages quelques forteresses (Mantoue, Casal, Saluces, Pignerol) et la Savoie qui désire conserver les deux dernières et se garantir à l’est comme à l’ouest. Cette situation inextricable permit à Mazarin de montrer son ingéniosité et de rencontrer des personnages importants et utiles. Il connut d’illustres généraux, le Génois Spinola, l’illustre vainqueur de Breda, les maréchaux français, Créqui, Toiras ; également le vieux duc de Savoie Charles-Emmanuel et sa belle-fille Madame Chrétienne, sœur de Louis XIII : bien accueilli à Turin, il s’y plut, y revint et contribua à rapprocher le duché du royaume.

Il rencontra surtout Richelieu, puis Louis XIII. La prodigieuse destinée de Mazarin naît à Lyon le 28 janvier 1630, quand le cardinal-duc et l’émissaire pontifical se rencontrent pour la première fois ; parlant plus de deux heures, signifiant que le jeune cavalier (il a vingt-sept ans) a réussi à intéresser l’impressionnant ministre. Mazarin déclarera plus tard que, dès ce jour, il s’est donné à Richelieu « per genio ». Il n’avait jamais rencontré de personnalité de cette trempe, et les dix années qui suivirent montrent qu’il ne renonça jamais à son choix, quoi qu’il pût lui en coûter – et il lui en coûta.

En avril 1639, naturalisé français, il retourne à Paris et se met à la disposition de Richelieu. En décembre 1640, il fait un heureux début en gagnant à la cause française les princes de Savoie ; un an plus tard, le pape lui accordait le chapeau de cardinal. Lors de la conspiration de Cinq-Mars et du duc de Bouillon, le pape n’obtint la grâce du duc qu’en livrant la principauté de Sedan, Mazarin signa la convention et vint occuper Sedan.

Au consistoire du 16 décembre 1641, Mazarin est élevé à la pourpre cardinalice : le pape Urbain VIII le crée cardinal-diacre voire cardinal-prêtre. Cardinal sans toutefois avoir reçu les ordres majeurs, ni même les ordres mineurs : à défaut d’être prêtre ou même diacre, Mazarin était néanmoins clerc, et n’était donc plus laïc ; Louis XIII lui remet lui-même le bonnet et la barrette à Valence, le 26 février 1642. Il ne participera ni au conclave de 1644 ni à celui de 1655.

Le 5 décembre 1642, lendemain de la mort de Richelieu, Mazarin est nommé principal ministre d’État, comme l’avait recommandé Richelieu qui voyait en lui son digne successeur. Louis XIII le choisit comme parrain du dauphin, futur Louis XIV.

Mazarin, carte maximum, Italie.

Après la mort de Louis XIII, il crée la surprise en obtenant le soutien de la régente. Longtemps opposée à Richelieu et estimée comme favorable à un rapprochement avec l’Espagne (étant elle-même espagnole), Anne d’Autriche fait volte-face à la surprise de la plupart des observateurs de l’époque. En réalité, le rapprochement entre Mazarin et la régente est antérieur à la mort de Louis XIII et de son principal ministre. Le souci de préservation de la souveraineté de son fils et la conscience des dommages qu’aurait causés pour celle-ci un rapprochement avec Madrid, ont été des arguments de poids dans sa décision de poursuivre la politique du feu roi et du cardinal de Richelieu – et donc d’appuyer Mazarin. Les inestimables compétences de ce dernier en politique extérieure sont un prétexte pour justifier ce soutien. Séducteur jusqu’à l’obséquiosité, Mazarin sait par la suite très vite se rendre indispensable à la régente, se chargeant habilement de compléter son éducation politique et l’incitant à se décharger  entièrement sur lui du poids des affaires.

Même s’il ne porte pas expressément le titre de principal ministre, Mazarin en remplit maintenant la fonction, à la satisfaction de Louis dont il dépend exclusivement. Le 6 mars 1643, le nonce apostolique Grimaldi le confirme : « Tout démontre que le cardinal Mazarin progresse chaque jour davantage dans la confiance du roi. » Le choix royal ne peut qu’être approuvé par les autres créatures de Richelieu (François Sublet de Noyers, Chavigny, Pierre Séguier, Claude Bouthillier), puisque le nouveau venu est obligé, faute de réseau propre, de les maintenir à leurs postes.

Ainsi, à partir de 1643, à la mort de Louis XIII, alors que Louis XIV n’est encore qu’un enfant, la régente Anne d’Autriche nomme Mazarin Principal ministre d’État. Disposant de cette charge, il dirige le Conseil de conscience, que la régente Anne d’Autriche préside et dont Vincent de Paul est le rapporteur. En mars 1646, il devient également « surintendant au gouvernement et à la conduite de la personne du roi et de celle de Monsieur le duc d’Anjou ».

À peine au pouvoir, il doit affronter l’hostilité des « Grands » du Royaume dans l’affaire dite de la « cabale des Importants » (1643) où un complot pour l’assassiner fut déjoué.

Malgré les succès militaires et diplomatiques mettant enfin un terme à la guerre de Trente Ans (traité de Westphalie en 1648), les difficultés financières s’aggravèrent, rendant les lourdes mesures fiscales de Mazarin de plus en plus impopulaires. Ce fut l’une d’elles qui déclencha la première Fronde, la Fronde parlementaire (1648-1649).

Dans un arrêté du 8 janvier 1649, le Parlement déclare Mazarin « auteur de tous les désordres de l’état et du mal présent » et lui « enjoint de se retirer […] dans huitaine hors du Royaume ». Puis, le 21 janvier, dans ses remontrances au roi et à la reine régente le Parlement dénonce celui qui a usurpé l’autorité aux dépens des souverains.

Paris est assiégée par l’armée royale, qui ravage les villages de la région parisienne : pillages, incendies, viols… N’obtenant pas la soumission de la capitale, les partis concluent la paix de Saint-Germain le 1er avril 1649, qui ne sera qu’un répit. Le prince Louis II de Bourbon-Condé, menant les troupes royales et soutenant la reine mère Anne d’Autriche permit d’abord la signature de la paix de Rueil le 11 mars 1649. Néanmoins, en 1649, par rivalité avec Mazarin qu’il considérait comme un usurpateur étranger, il sympathise avec la cause de la Fronde. Remportant toutes les batailles entre 1643 à 1648, il réclama pour lui l’amirauté et pour ses amis tous les postes de responsabilité dans l’armée.

Mazarin s’enfuit de Paris le 6 février 1651 et se réfugie provisoirement à Saint-Germain où Anne d’Autriche et le jeune roi devaient le rejoindre. Un nouvel arrêt de bannissement du Parlement est promulgué. Le roi et la reine sont retenus prisonniers au Palais-Royal et pour faire taire les rumeurs d’une nouvelle fuite, Louis XIV (12 ans) est exhibé en train de dormir devant la foule (nuit du 9 février 1651 au 10 février 1651). Anne d’Autriche accepte de libérer Condé, Conti et Longueville (retour triomphal le 16 février 1651). Un mariage entre le prince de Conti et mademoiselle de Chevreuse (la maîtresse du coadjuteur de Paris) est projeté.

Au long de sa carrière de Premier Ministre, Mazarin s’enrichit. À sa mort, il dispose d’un actif d’environ trente-cinq millions de livres (dont 8,7 millions de livres en argent liquide et 4,4 millions en bijoux et objets précieux). Il s’agit de la plus grosse fortune du XVIIe siècle, correspondant à vingt-deux tonnes d’or et qui provient des largesses du roi, de ses nombreuses fonctions au gouvernement mais surtout des revenus et prébendes issus de 21 abbayes qu’il dirige (en premier lieu, l’abbaye Saint-Denis) et lui rapportent annuellement 572 000 livres à la fin de sa vie. Cela lui procura une grande souplesse financière, qui se révéla vite indispensable pour remplir ses objectifs politiques. Progressivement, Mazarin abandonne la gestion de sa fortune personnelle à Nicolas Fouquet et Jean-Baptiste Colbert, issu de la clientèle de Michel Le Tellier et qui venait d’épouser une Charron (cent mille livres de dot). Ils sont les véritables artisans de la démesure de sa fortune après la Fronde.

Bien que les sommes en question, en raison de la virtuosité du concerné et de ses aides (Fouquet et Colbert), dépassent de loin tout ce qui pouvait se voir à cette époque, il est nécessaire de relativiser le caractère exceptionnel de telles pratiques financières. Mazarin, aussi peu populaire chez les nobles dont il sapait l’autorité que dans le peuple dont il prolongeait les  souffrances issues de la guerre, souffrit d’une large hypocrisie sur ce point. Postérieurement à la Fronde, période où il put mesurer toute la fragilité de sa position, Mazarin ne cessa pas de consolider sa position. N’ayant aucun quartier de noblesse, son pouvoir était assujetti au bon vouloir d’une régente disposant elle-même d’un pouvoir contesté. Seule sa dignité de cardinal (d’ailleurs révocable) lui permettait de prétendre aux fonctions qu’il occupait. Sans une situation financière solide, une disgrâce aurait tôt fait de le faire descendre au bas de l’échelle sociale. Ce point explique en partie l’acharnement de Mazarin à s’enrichir de manière exponentielle.

La réussite de Mazarin constitua un véritable outrage à l’ordre social de son époque. La formidable réussite d’un homme sans naissance et de condition modeste ne pouvait que s’attirer les foudres d’une noblesse censée seule avoir été dotée par Dieu des vertus et qualités propres au commandement. Le souci de Mazarin de renforcer l’autorité royale attisa le ressentiment des nobles, et celui de poursuivre une guerre mal comprise celui du peuple. Les mazarinades diffusées pendant son ministère, ainsi que la qualité littéraire de nombre d’entre elles, contribuèrent à ruiner durablement sa réputation. Ses origines étrangères ne plaidèrent pas non plus en sa faveur. Ainsi, en dépit des indéniables réussites que compta sa politique, Mazarin ne laissa pas un bon souvenir dans la mémoire du peuple français, les mémorialistes préférant mettre en avant ses pratiques financières douteuses plutôt que ses victoires politiques.

Tourmenté par la goutte, les jambes décharnées, couvertes d’ulcères que les médecins soignent en lui appliquant des cataplasmes de crottin de cheval. Cet homme qu’on transportait le plus souvent sur une chaise, un fauteuil, bientôt sur un matelas tenu par quatre valets, cet homme devenu fluet et apparemment quasi mourant bien que seulement quinquagénaire (c’était alors le seuil de la vieillesse), ce cardinal en imposante robe rouge n’avait cependant rien perdu de son intelligence, de sa subtilité, de sa patience, de sa faculté à suivre dix intrigues en même temps, d’écrire ou dicter jusqu’à quarante lettres par jour. En dehors des grandes affaires, ne s’occupait-il pas aussi des problèmes posés par les voyages, les logements, la nourriture, les costumes de parade ou de cérémonie et même des musiciens (souvent italiens) pour les festivités civiles et religieuses ? Étonnante vitalité de l’esprit qui domine les misères du corps, et les jugulera jusqu’aux dernières heures de mars 1661.

Mazarin affronte la vieillesse et la maladie dans l’hôtel de Beauvais, le palais du Louvre, son hôtel particulier et enfin le château de Vincennes. La décoration des appartements prévus pour lui dans le pavillon de la Reine du château n’est pas terminée lorsqu’il y meurt le 9 mars 1661 dans un petit appartement aménagé provisoirement au rez-de-chaussée du pavillon du Roi52. Diplomate madré, il laisse une Europe pacifiée après la fin de la guerre franco-espagnole et de la Première Guerre du Nord, ainsi qu’un royaume de France agrandi par les traités de Westphalie et des Pyrénées. Louis XIV ne protégera pas cet héritage de Mazarin, bien au contraire : soucieux d’affirmer sa grandeur par de vastes conquêtes, le roi trouvera dans les traités de paix, si difficilement obtenus par le Cardinal, les prétextes qui justifieront ses innombrables guerres.

Confronté à de nombreuses rumeurs sur l’acquisition illicite de sa fortune, Mazarin fit venir un notaire près de son lit le 3 mars 1661 et lui dicta un testament, par lequel il reconnaissait que tous ses biens, provenant de Louis XIV, devraient être restitués à ce dernier ; mais le roi, au bout de plusieurs jours de réflexion, refusa cette donation testamentaire, ne pouvant accepter l’humiliation d’un tel cadeau, de l’un de ses sujets. Mazarin prévit ce refus et enregistra un nouveau testament le 6 mars 1661, par lequel il lègue la plus grande partie de sa fortune à sa nièce Hortense Mancini et son mari le duc de La Meilleraye, neveu de Richelieu, probablement pour rendre un dernier hommage au grand ministre qui avait été « son bienfaiteur ». En outre, Mazarin lègue au souverain des diamants (le Sancy et 18 diamants qui portent dès lors son nom, les Mazarins) et laisse des pensions à des gens de lettres, « ce qui était un excellent moyen de faire célébrer sa mémoire ».

À sa mort, Mazarin souhaite être inhumé, comme son prédécesseur le cardinal de Richelieu le fut à la Sorbonne, dans la chapelle du collège des Quatre-Nations. Sa dépouille est déposée dans un caveau provisoire de la chapelle du château de Vincennes avant d’être transportée en grande pompe, le 6 septembre 1684, dans les caveaux qui s’étendent sous la chapelle du collège dont la construction n’est pas encore finie. Le tombeau de Mazarin, destiné à trôner sous la coupole du Collège des Quatre-Nations, est sculpté par Antoine Coysevox, aidé par Étienne Le Hongre et Jean-Baptiste Tuby, et n’est achevé qu’en 1693. Dans cette chapelle-mausolée, le sarcophage de marbre noir veiné, soutenu par des consoles, est surmonté d’une statue en marbre blanc représentant le cardinal agenouillé sur un coussin, dans un geste d’offrande de sa personne (la main gauche sur le cœur, la main droite en avant). Mazarin est dans sa chape prélatice largement drapée qui recouvre le sarcophage et enveloppe à demi son chapeau cardinalice à glands tandis qu’un angelot funèbre, à califourchon sur la traîne de la grande cape, tient dressé le faisceau de licteur du blason cardinalice, qui rappelle opportunément le bilan civique de l’action du ministre. Sur les marches en marbre du socle sont assises, accoudées, trois figures féminines de bronze qui sont des allégories de Vertus (la Prudence à gauche, la Paix au centre et la Fidélité à droite).

À la Révolution française en 1793, sa tombe est profanée, les cendres du cardinal sont jetées à la voirie et son mausolée détruit comme de nombreux emblèmes de la monarchie. Alexandre Lenoir, conservateur des  monuments, récupère le tombeau, le dépose dans l’ancien couvent des Petits-Augustins où il le fait reconstituer. Par la suite, il rejoint le musée du Louvre jusqu’en 1964, date à laquelle il retrouve la chapelle du collège des Quatre Nations. Ce mausolée n’est donc plus qu’un simple cénotaphe.

Source : Wikipédia.

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