Joseph Kentenich, prêtre catholique pallotin.

Joseph Kentenich, né à Gymnich (Allemagne) le 18 novembre 1885 et décédé le 15 septembre 1968 à Schoenstatt (Allemagne) est un prêtre catholique pallotin fondateur du Mouvement de Schoenstatt, mouvement catholique fondé en 1914 au lieu-dit de Schoenstatt, ville de Vallendar, près de Coblence, Allemagne.

En 2020, l’ouverture des archives du pontificat de Pie XII met au jour des documents relatifs à des abus sexuels du Père Kentenich sur des sœurs.


Né le 18 novembre 1885 à Gymnich, près de Cologne, Joseph est le fils de Catherine Kentenich et de Joseph Koep. Très pauvre, pieuse malgré la relation qu’elle a eue hors mariage, et dont son fils est né, celle-ci transmet à Joseph sa profonde dévotion mariale. Toutefois, sa situation d’extrême précarité, avec une grand-mère vieille et épuisée, lui mènent à conduire son fils de huit ans à l’orphelinat Saint-Vincent d’Oberhausen en 1894.

À l’arrivée, Catherine accroche au cou d’une statue de Notre-Dame un des rares objets précieux qu’elle possède, une chaînette en or à laquelle pend une croix ; elle demande à la Mère de Jésus d’assurer désormais l’éducation de son fils ; puis elle met cette croix au cou de Joseph.

Ces années d’orphelinat seront dures pour l’enfant, qui fera deux fugues et de nombreuses facéties. Mais il remportera de bons succès scolaires, et surtout restera profondément marqué par sa consécration à Marie.

En 1897, Joseph exprime pour la première fois le désir de devenir prêtre. Deux ans plus tard, il est admis au petit séminaire d’Ehrenbreitstein, tenu par les Pères Pallottins. En 1904, il entre au noviciat des Pallottins de Limburg an der Lahn. Dans son journal, il formule ainsi sa démarche spirituelle: «Dieu est mon seul but, Il doit être aussi l’étoile qui guide ma vie.» Cependant, le novice rencontre de grandes difficultés provenant de son caractère intellectualiste. La question philosophique primordiale: «Existe-t-il une vérité, et comment la connaître?» tourmente son intelligence. Il a un vif désir de perfection, mais ressent une grande insensibilité, une sorte d’incapacité à aimer Dieu et le prochain. La dévotion mariale lui permet de surmonter cette crise et de découvrir l’amour personnel que Dieu, Jésus-Christ et la Vierge Marie lui portent, un amour qui n’est pas une idée abstraite, mais une réalité vivante.

Admis à la profession religieuse en 1909, Joseph  Kentenich est ordonné prêtre à Limburg an der Lahn, le 8 juillet 1910. Jeune, il rêve de convertir les païens. Une atteinte tuberculeuse l’empêche de réaliser son rêve de partir en Afrique comme missionnaire.

Il fut d’abord professeur au Petit Séminaire d’Ehrenbreistein, puis, de 1912 à 1919, directeur spirituel au Petit Séminaire des Pères Pallotins à Vallendar-Schoenstatt, près de Coblence (Allemagne), sur le Rhin. Son charisme d’éducation se manifesta dès les premières années de son sacerdoce.

En effet, une tempête agite le foyer d’étudiants-séminaristes de Vallendar-Schoenstatt : les grands élèves protestent contre un règlement intérieur qu’ils jugent trop sévère; des graffitis contestataires s’étalent sur les murs. Les deux prêtres chargés de la direction spirituelle démissionnent. Dans l’urgence, un jeune Père, Joseph Kentenich, est chargé de les remplacer pour rétablir la confiance.

Au cours de son premier entretien, il se présente ainsi à ses étudiants : « Je me mets à votre entière disposition avec tout ce que je suis et tout ce que j’ai: mon savoir et mon ignorance, ma compétence et mon incompétence, mais surtout mon cœur… nous allons apprendre à nous éduquer nous-mêmes sous la protection de Marie, pour devenir des hommes de caractère ferme, libre, sacerdotal. »

Avec quelques-uns de ses élèves, le 18 octobre 1914, le Père Kentenich posait le premier jalon de la fondation de l’œuvre de Schoenstatt. Dans la vieille chapelle de Saint-Michel, jusqu’alors désaffectée et utilisée comme cabane à outils et cédée par ses supérieurs, il réunit une vingtaine de séminaristes, où il scella avec la Mère de Dieu une alliance qu’il se plaisait à appeler « Alliance d’amour ». Ce qui rend singulière leur démarche, c’est que cette « Alliance » est conçue non pas comme un pieux symbole, mais un contrat bilatéral liant les deux parties contractantes. De plus, par la voix du jeune Prêtre, la Sainte Vierge est sollicitée de bien vouloir établir son trône dans la chapelle pour y répandre ses trésors. Chaque membre du groupe s’engage à s’abandonner désormais entièrement à la Mère de Dieu, et à se laisser guider très concrètement par Elle à travers l’existence. Le groupe de jeunes fonde une Congrégation mariale.

En effet, profondément convaincu de l’Amour de Marie pour tous les hommes, il la supplia, par la prière et le sacrifice de se laisser toucher pour que cette petite chapelle devienne un lieu privilégié de grâces et qu’elle puisse y attirer des multitudes d’hommes et de les instruire en vue de l’œuvre du Royaume de Dieu. L’allocution qu’il prononça en cette circonstance est considérée comme l’Acte de Fondation du Mouvement de Schoenstatt.

Les jeunes que dirigeait le Père comprirent d’emblée ses intentions et témoignèrent de leur esprit de sacrifice pendant les dures années de la première guerre mondiale. Quelques-uns d’entre eux, au milieu des dangers du front, firent le sacrifice de leur vie pour servir la cause de Schoenstatt. Parmi ces derniers, le Serviteur de Dieu Joseph Engling se distingua particulièrement : séminariste fervent, partisan de la paix entre les nations et apôtre parmi ses camarades soldats, il offre sa vie à la Mère trois fois admirable pour le développement de l’œuvre. Le 4 octobre 1918, il est tué par un obus dans le nord de la France, vers Thun-Saint-Martin; le fondateur le présentera en modèle. Son procès de Béatification est en cours.

En 1915, un professeur fait don au Père Kentenich d’une gravure de la Vierge à l’Enfant. Malgré la faible valeur artistique de l’œuvre, le fondateur est séduit par la tendresse du geste de Marie qui serre Jésus sur son cœur; il place l’icône au-dessus de l’autel. Vénérée sous le nom de Mater ter admirabilis (Mère trois fois admirable), elle figurera dans toutes les fondations de Schoenstatt. En pleine guerre, une revue placée sous le même patronage est envoyée aux jeunes qui combattent au front.

Le projet, purement local au départ, s’étend rapidement au lendemain de la première guerre mondiale. Il englobe peu à peu, sans plan préconçu, de nombreuses catégories ; jeunes, prêtres, femmes, sœurs, pèlerins. Elles se structurent conformément au génie allemand : unions, ligues, et plus tard les instituts séculiers, suivant le degré d’engagement des uns et des autres.

Le Père Kentenich parcourt l’Allemagne, l’Autriche, la Tchécoslovaquie, la Suisse, pour prêcher des retraites et animer des sessions de formation. On accourt aux retraites de cet être de feu. De 1928 à 1935, ce sont chaque année plus de 2000 prêtres qui en bénéficient, parmi bien d’autres retraitants laïcs.

Le P. Kentenich observe avec inquiétude la montée du nazisme, qu’il classe parmi les produits foisonnants de ce qu’il nomme « la pensée idéaliste et mécaniste », qui a submergé l’Europe depuis le XIXe siècle comme une marée noire.

En 1933, lorsque les nazis eurent pris le pouvoir en Allemagne et fermèrent les couvents les uns après les autres, il ne se fit pas prier pour envoyer des groupes de religieuses en Afrique du Sud, au Brésil, en Argentine, au Chili et en Uruguay, afin de permettre au mouvement d’y survivre si la persécution de l’Église en Allemagne se durcissait encore.

Son opposition au nazisme lui attire la persécution. Le P. Kentenich dit au sujet de la croix gammée : « Nous, c’est à la Croix du Christ que nous tenons ferme. ». Au sujet du nazisme, il dit « Je ne vois aucune place sur lui où pourrait couler l’eau du baptême. ».

Une fois au pouvoir, les nazis ne tardent pas à classer Schoenstatt parmi les principaux adversaires à abattre. Au terme de vexations sans fin, le 20 septembre 1941, le Père Kentenich est convoqué par la Gestapo; on lui cite une de ses paroles, prononcée à huis clos, mais rapportée par une indicatrice: «Ma mission consiste à faire apparaître le vide intérieur du national-socialisme, afin d’arriver par là à le vaincre.» La police emprisonne le religieux un mois dans une pièce sans aération, afin de briser sa volonté2. Il est jeté dans un réduit bas en béton, sans autre ouverture qu’une porte blindée. La « Police secrète d’état » y brise les têtes fortes. Le Père Kentenich est maintenu pendant quatre semaines dans ce bunker noir et sans air, qui avant était le coffre-fort d’une succursale du Reichsbank5. Il en sort physiquement très éprouvé, mais calme et paisible comme à l’entrée4. Il est enfermé dans une cellule de la prison de Coblence, un ancien couvent de Carmélites. Il y passe 5 mois. Puis c’est l’enfer de Dachau.

Kentenich, carte maximum, Allemagne, 1985.

En mars 1942, le Père Kentenich part au camp de concentration de Dachau, au moment même où les conditions de vie s’y aggravent. Parmi les 12000 détenus, on compte 2600 prêtres. Il est le détenu n. 293925. Les Allemands sont regroupés dans une baraque où ils ont le droit d’assister chaque jour à la Messe célébrée par l’un d’entre eux; c’est seulement le 19 mars 1943 que le Père Kentenich pourra célébrer sa première Messe au camp. Il adresse chaque soir une conférence spirituelle à ses compagnons de détention grâce à la protection du « kapo » (détenu chef de baraque) Guttmann, un communiste au caractère très violent, mais fasciné par le comportement du Père: il l’a vu partager son maigre pain quotidien et sa soupe avec un détenu plus nécessiteux. Guttmann va sauver la vie du fondateur de Schoenstatt, promis à l’extermination en chambre à gaz en raison de sa mauvaise santé: le jour de la visite de sélection d’un médecin S.S., le kapo cache le Père Kentenich; affecté au commando de désinfection, celui-ci peut désormais circuler dans le camp.

Le 16 juillet 1942, ont été créées à Dachau deux nouvelles branches de Schoenstatt, sous la responsabilité de deux déportés laïcs: l’Institut séculier des Familles et celui des Frères. Transféré dans divers blocs, le fondateur recommence chaque fois son apostolat malgré le risque personnel qu’il encourt. Au cours des trois derniers mois de 1944, le durcissement du régime nazi et les épidémies provoquent la mort de dix mille détenus à Dachau. C’est à ce moment que, dans un étonnant acte de foi plein d’espérance, posé au sein d’un lieu infernal, le Père Kentenich fonde avec un groupe de disciples l’Œuvre internationale qui étend la fondation de Schoenstatt au monde entier. Il y rédige, dans des conditions matérielles inimaginables, et au péril de sa vie, des traités de spiritualité, des prières, un poème didactique de plus de 20 000 versets. En décembre, Monseigneur Gabriel Piguet, un évêque français prisonnier, ordonne prêtre dans le plus grand secret un séminariste schoenstattien, le bienheureux Karl Leisner. Tuberculeux et très affaibli, celui-ci ne pourra célébrer qu’une Messe avant de mourir; il sera béatifié par Jean-Paul II le 23 juin 1996.

Le 6 avril 1945, à l’approche des Américains, les détenus sont libérés. Le 20 mai, jour de la Pentecôte, le Père Kentenich est de retour à Schoenstatt. Il se remet aussitôt à la tâche; il s’agit d’établir une digue contre un double péril que le fondateur discerne avec lucidité: le communisme à l’Est, le matérialisme pratique à l’Ouest. L’expérience de la déportation l’aidera à enseigner à ses disciples les moyens de conserver la liberté intérieure. Les Pères Albert Eise et Franz Reinisch, deux martyrs schoenstattiens, le premier mort de maladie à Dachau, le second exécuté par les nazis, seront invoqués comme protecteurs célestes par tous les membres du Mouvement.

Cependant, des oppositions continuent à se manifester à l’encontre du Mouvement dont la solidité et l’extension engendrent des jalousies. Elles ne portent pas sur des points de doctrine, mais principalement sur des expressions utilisées dans certaines prières et sur le rôle du fondateur, jugé trop exclusif. L’évêque de Trèves, au diocèse duquel est situé Schoenstatt, ordonne une visite canonique. Globalement élogieux, le rapport du Visiteur formule cependant quelques critiques de détail auxquelles le Père Kentenich est invité à répondre. Celui-ci croit devoir élever le débat en rédigeant un long document sur l’œuvre de Schoenstatt qui est présentée comme un remède à la maladie de la pensée occidentale, l’idéalisme.

Pour le fondateur, Schoenstatt peut constituer un antidote à ce poison, parce qu’il n’est pas une théorie abstraite mais une mise en œuvre pratique de la doctrine chrétienne. Cependant, son long plaidoyer a indisposé le Visiteur apostolique, qui envoie le dossier au Saint-Office, à Rome. En 1951, le Père Tromp, jésuite hollandais, est nommé inspecteur apostolique avec des pouvoirs étendus. Déconcerté par la terminologie peu classique utilisée par le Père Kentenich, il tient celui-ci pour un exalté, un novateur et même un sectaire. Après l’avoir relevé de toutes ses fonctions à la direction de l’œuvre, il l’assigne à résidence dans le couvent des Pallottins de Milwaukee (États-Unis); tout échange de courrier avec les responsables de l’œuvre lui est interdit.

Plus de trois décennies plus tard, lorsque des témoins furent entendus pour un éventuel procès en béatification, un prêtre de 78 ans encore en fonction déclara : « Kentenich n’a jamais reçu d’acte officiel de mise en accusation. Il n’avait pas d’avocat officiel et n’a jamais été présenté à un juge, encore moins confronté à un plaignant ou à un témoin.» Son exil dura quatorze ans.

Cependant, l’exilé écrit : «Dieu ne parle-t-il pas clairement par les événements? L’Église veut mettre à l’épreuve notre obéissance, pour reconnaître en cela si l’œuvre, et le porteur de l’œuvre, sont marqués par Dieu.» En 1959, le Père Kentenich est nommé desservant de la paroisse allemande de Milwaukee, qui compte beaucoup d’émigrants de cette nation. «Il nous parlait du Père des cieux, rapporteront certains de ses paroissiens, comme jamais nous n’avions entendu personne le faire.»

En 1953, le Pape Pie XII, à qui l’on a suggéré cette mesure, refuse de dissoudre Schoenstatt. La question du statut de l’œuvre se pose : doit-elle s’intégrer à la congrégation des Pallottins ou bien prendre son autonomie? Les supérieurs de l’Ordre préconisent la première solution, mais d’autres religieux pallottins pensent avec le Père Kentenich que Schoenstatt doit être pleinement autonome sous peine de s’étioler. En 1962, sur l’intervention de plusieurs évêques, le bienheureux Jean XXIII confie le dossier à la Congrégation des Religieux

Au cours de sa dernière année sur terre, cette année 1968 marquée par l’esprit contestataire dans l’Église comme dans le monde, le Père revient constamment sur ce thème: «La tâche de Marie, c’est d’amener le Christ au monde et le monde au Christ… nous sommes convaincus que les grandes crises du temps présent ne peuvent pas être surmontées sans Marie » (12 septembre 1968).

Le 15 septembre 1968, le Père Kentenich célèbre la Messe dans la récemment inaugurée Église de l’Adoration, consacrée peu auparavant sur les hauteurs de Schoenstatt. Six cents Sœurs de Marie assistent à la cérémonie. Rentré à la sacristie pour la prière d’action de grâces juste après la messe, le célébrant a soudain un malaise cardiaque; il reçoit les derniers sacrements et expire quelques minutes plus tard.

Ses restes mortels reposent à l’endroit même où il a rendu le dernier soupir. Sur son tombeau figure, selon son vœu, l’inscription : « Dilexit Ecclesiam » (Il a aimé l’Église; Éph. 5:25). Son procès de béatification a été ouvert en 1975.

En 2020, la chercheuse Alexandra von Teuffenbach met au jour des preuves d’abus sexuels du P. Kentenich envers des sœurs de son mouvement. Ces éléments expliqueraient les décisions du Vatican sur la destitution du P. Kentenich.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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