James Ensor, peintre, graveur et anarchiste.

James Sidney Edouard, baron Ensor, né le 13 avril 1860 à Ostende (Belgique) et mort dans cette ville le 19 novembre 1949, est un artiste peintre, graveur et un anarchiste belge.

Ensor adhère aux mouvements d’avant-garde du début du XXe siècle, et laisse une œuvre expressionniste originale. En 1883, il est un des membres fondateurs du groupe bruxellois d’avant-garde Les Vingt.


De père anglais et de mère flamande, James Ensor est né dans une famille de la petite-bourgeoisie d’Ostende, rue Longue no 444. Ensor quitte peu sa ville natale ; il y mourra. Commentant sa naissance lors d’un banquet offert en son honneur, il s’exprime en ces termes :

« Je suis né à Ostende, le 13 avril 1860, un vendredi, jour de Vénus. Eh bien ! chers amis, Vénus, dès l’aube de ma naissance, vint à moi souriante et nous nous regardâmes longuement dans les yeux. Ah! les beaux yeux pers et verts, les longs cheveux couleur de sable. Vénus était blonde et belle, toute barbouillée d’écume, elle fleurait bon la mer salée. Bien vite je la peignis, car elle mordait mes pinceaux, bouffait mes couleurs, convoitait mes coquilles peintes, elle courait sur mes nacres, s’oubliait dans mes conques, salivait sur mes brosses. »

Ensor, carte maximum, Belgique, 1974.


Son père, James Frederic Ensor, un ingénieur anglais, sombre dans l’alcoolisme et l’héroïne. Sa mère, Maria Catherina Haegheman, de souche flamande, tient un magasin de souvenirs, coquillages et masques de carnaval. Les heures passées près d’elle, dans un décor coloré et fantastique, influencent son inspiration.

À treize ans, Ensor suit des cours de dessin chez deux artistes locaux, Edouard Dubar (Ostende 1803-1879) et Michel Van Cuyck (Ostende 1797-1875). Dans la biographie du catalogue raisonné James Ensor, Xavier Tricot indique qu’il montre davantage d’intérêt pour le dessin que pour les cours donnés par ses professeurs du collège de Notre-Dame.

En 1877, il s’inscrit à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles, dirigée par Jean-François Portaels où il se lie d’amitié avec Fernand Khnopff et Willy Finch et fait la connaissance de la famille Rousseau (Ernest, professeur de physique à l’ULB, et son épouse, la mycologue Mariette Rousseau) qui l’introduit dans les milieux artistiques et intellectuels de la capitale. Ses professeurs sont Joseph Stallaert (Merchtem, 1825-1903) et Joseph van Severdonck (Bruxelles, 1819–1905). Mais il s’insurge contre l’académisme — « Je sors et sans façon de cette boîte à myopes » (il quitte l’Académie en 1880) — et décide de retourner s’installer chez sa mère.

Dans la maison familiale où, célibataire convaincu, il vivra jusqu’en 1917, Ensor s’installe un cabinet dans les combles et commence à peindre des portraits réalistes ou des paysages inspirés par l’impressionnisme. À cette époque, il écrit : « Mes concitoyens, d’éminence molluqueuse, m’accablent. On m’injurie, on m’insulte : je suis fou, je suis sot, je suis méchant, mauvais… » Il entame alors une de ses périodes les plus créatrices.

En 1883, Octave Maus fonde le cercle artistique d’avant-garde « Les XX » et Ensor peint son premier tableau de masques, et un autoportrait auquel il ajoutera plus tard le « chapeau fleuri ». En 1889, L’Entrée du Christ à Bruxelles est refusée au Salon des XX et il est question de l’exclure du Cercle dont il est pourtant l’un des membres fondateurs. Le groupe se sépare quatre ans après pour se récréer sous le nom de La Libre Esthétique.

À 33 ans, Ensor est déjà un homme du passé. Le pointillisme et le symbolisme semblent l’emporter. Les premières demeures de Victor Horta symbolisent un nouvel art de vivre. Il n’est plus le nain Hop-Frog, bouffon d’Edgar Allan Poe, moins encore le Christ martyr.

En 1898, il est l’un des instigateurs du bal du Rat mort qui a lieu à la fin du carnaval d’Ostende. Ensor doit attendre le début du siècle suivant, alors qu’il a donné le meilleur, pour assister à la reconnaissance de son œuvre : expositions internationales, visite royale, anoblissement — il est fait baron —, Légion d’honneur. Il est désormais surnommé le « prince des peintres », mais il a une réaction inattendue face à cette reconnaissance trop longtemps attendue et trop tard venue à son goût : il abandonne la peinture et consacre les dernières années de sa vie exclusivement à la musique contemporaine.

Il décède le 19 novembre 1949 à l’hôpital du Sacré-Cœur d’Ostende et est inhumé quatre jours plus tard dans le cimetière Notre-Dame des Dunes à Mariakerke, près d’Ostende.

Si la vie privée d’Ensor reste mal connue, c’est parce que l’artiste l’a désiré ainsi. Le peintre s’est construit une existence de beauté, de vérité et de veine poétique.

La maison où il vécut, à Ostende, est devenue un musée.

Avec son retour chez sa mère, Ensor est fasciné par la lumière de la cité balnéaire qui lui inspire des pâleurs secrètes. Ensor sculpte la lumière et est fasciné par le pouvoir de recréer les choses ou de les vider de leur contenu familier : « La lumière déforme le contour. Je vis là-dedans un monde énorme que je pouvais explorer, une nouvelle manière de voir que je pouvais représenter. » Ses tableaux, Le Nuage blanc et Les Toits d’Ostende,  rappellent ceux de Turner, entre modernité et avant-garde.

Ensor, carte maximum, Belgique.

Dans la Mangeuse d’huîtres (1882), une nappe immaculée éblouit l’avant-plan et tombe quasi en dehors des limites du cadre. Malgré les tableaux prestigieux que celui-là rappelle (toute la tradition flamande  du XVIIe siècle), mais aussi Vuillard, on le refuse au Salon d’Anvers. L’année suivante, toutes ses toiles sont rejetées du salon de Bruxelles et il est mis à l’écart du Cercle des Vingt. Ulcéré, Ensor bascule dans la déraison. Désormais, seul contre tous, il couvre et balafre ses toiles de couleurs rougeoyantes symbolisant son exaspération.

C’est entre 1887 et 1893 qu’il peint ses plus beaux tableaux : la gamme chromatique prend feu au milieu des nacres translucides des ciels et des marines. Contemporaine des van Gogh et des toiles d’Edvard Munch, son œuvre contient les futures révolutions du fauvisme au mouvement Cobra.

Il va donc mettre en évidence les aspects grotesques des choses, rehaussés de manière surréelle, et s’orienter vers une vision du monde radicale, sarcastique et insolente. Comme chez Pieter Brueghel l’Ancien ou Jérôme Bosch, l’inanimé respire et crie. Ses obsessions et ses peurs jouent un rôle manifeste dans les traits menaçants qu’il attribue aux objets utilitaires, aux revenants et aux masques. Ces derniers, à partir des années 1880, dominent son inspiration et renvoient au carnaval, ce « monde à l’envers »,  anarchique où les rapports sociaux sont démontrés par l’absurde. La foule considérée comme une menace, un cauchemar, sera le thème de nombreuses toiles. Il entretient avec elle des rapports ambivalents : solidarité envers les revendications des défilés contre l’Église et le roi mais aussi, crainte bourgeoise d’un homme retiré du monde.

Artiste pluraliste, il l’est également dans son style et ses techniques : toile, bois, papier, carton, couteau à palette, pinceau fin ou spatule… : « Chaque œuvre devrait présenter un procédé nouveau », écrit-il à André de Ridder (nl). Il s’est aussi lancé dans la gravure : « Je veux survivre, et je songe aux cuivres solides, aux encres inaltérables ».

Dans un but purement alimentaire, il édite des eaux-fortes, les fameux « biftecks d’Ensor », œuvres purement commerciales mais qui ont fait alors la fierté des marchands de souvenirs. Il réalise aussi des caricatures, laissant libre cours à sa verve gouailleuse, avec un trait racé, canaille et pourfendeur à la manière de Bruegel et de Bosch. Ses scènes de baigneurs fesses à l’air dans des postures hilarantes sont des chefs-d’œuvre du genre.

Par sa prédilection pour les personnages masqués, les squelettes, qui, dans ses tableaux, grouillent dans une atmosphère de carnaval, Ensor est le père d’un monde imaginaire et fantastique qui annonce le surréalisme.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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