Harry S. Truman, 33ème Président des Etats-Unis.

Harry S. Truman, né le 8 mai 1884 à Lamar (Missouri) et mort le 26 décembre 1972 à Kansas City (Missouri), est un homme d’État américain, 33e président des États-Unis en fonction de 1945 à 1953.

Élu comme vice-président de Franklin D. Roosevelt en 1944, il lui succède à sa mort le 12 avril 1945. Truman préside à la fin de la Seconde Guerre mondiale et lors de la montée des tensions avec l’Union soviétique qui se transforme en guerre froide.

Il passe la plus grande partie de sa jeunesse dans la ferme familiale. Durant la Première Guerre mondiale, il combat en France en tant qu’officier d’artillerie dans une unité de la garde nationale. Après la guerre, il possède brièvement une mercerie et rejoint la machine politique démocrate de Tom Pendergast à Kansas City dans le Missouri. Il est d’abord élu à des fonctions dans l’État avant de remporter un siège de sénateur fédéral en 1934. Il accède à la notoriété nationale durant la guerre en tant que président du comité Truman qui enquête sur les gaspillages, les fraudes et la corruption dans les contrats militaires.

Harry S. Truman, carte maximum, USA 1973.

Alors que l’Allemagne capitule quelques semaines après l’accession à la présidence de Truman, il prend la décision d’autoriser les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki. Sa présidence marque un tournant dans la politique étrangère des États-Unis, le pays adoptant une volonté interventionniste en conjonction avec ses alliés européens. Travaillant étroitement avec le Congrès, Truman participe à la fondation des Nations unies, applique la doctrine Truman et fait voter le plan Marshall pour reconstruire l’Europe. L’alliance avec l’Union soviétique durant la guerre se transforma en une opposition ouverte dite guerre froide. Il supervise le pont aérien vers Berlin en 1948 et la création de l’OTAN en 1949. Lorsque la Corée du Nord envahit la Corée du Sud en 1950, il envoie immédiatement des troupes américaines et obtient l’approbation des Nations unies pour la guerre de Corée. Après des succès initiaux, les forces des Nations unies sont repoussées par une intervention chinoise et le conflit entre dans une impasse qui dure jusqu’à la fin de la présidence de Truman.

Harry Truman parvient à remporter de justesse l’élection présidentielle de 1948 au terme d’une bonne campagne. Cependant, devenu très impopulaire et devancé dans le New Hampshire lors de la primaire démocrate en vue de l’élection présidentielle de 1952, il renonce à se représenter pour un troisième mandat malgré sa populaire politique de Fair Deal instaurée dans la continuité du New Deal de son prédécesseur. La corruption de son administration, liée à certains membres du cabinet et du personnel de la Maison-Blanche, est une question centrale de la campagne présidentielle, à l’issue de laquelle le candidat démocrate, Adlai Stevenson, est battu par le républicain Dwight D. Eisenhower. Truman quitte ses fonctions le 20 janvier 1953.


Harry S. Truman est né le 8 mai 1884 à Lamar dans le Missouri. Il est le premier des trois enfants de John Anderson Truman (1851-1914) et de Martha Ellen Young Truman (1852-1947). Ses parents choisissent le prénom Harry d’après le frère de sa mère, Harrison « Harry » Young (1846-1916). En désaccord sur le second prénom, ils choisissent l’initiale « S » d’après ses deux grands-pères, Anderson Shipp Truman et Solomon Young. Le « S » n’est donc pas l’initiale d’un nom, ce qui était une pratique courante chez les Américains d’ascendance irlando-écossaise. Harry a un frère, John Vivian (1886-1965) et une sœur, Mary Jane (1889-1978).

John Truman était agriculteur et marchand de bétail. La famille vit à Lamar jusqu’à ce qu’Harry soit âgé de dix mois, puis s’installe dans une ferme près de Harrisonville. Elle déménage ensuite à Belton, puis en 1887 dans la ferme de 240 ha de ses grands-parents à Grandview. Lorsque Truman a six ans, ses parents déménagent à Independence pour qu’il puisse participer à l’école dominicale de l’église presbytérienne. Truman n’est pas allé à l’école traditionnelle avant d’avoir huit ans.

Durant sa jeunesse, Truman s’intéresse à la musique, la lecture et l’histoire sous l’impulsion de sa mère de laquelle il est resté très proche (durant sa présidence, il lui demande des conseils tant politiques que personnels). Il se lève chaque matin à cinq heures pour s’exercer au piano qu’il étudie deux fois par semaine jusqu’à ses quinze ans. Grâce à des relations de son père actives dans le parti démocrate, Truman est garçon d’honneur à la convention démocrate de 1900 à Kansas City.

Diplômé du lycée d’Independence en 1901, Truman travaille comme chronométreur sur le chemin de fer de Santa Fé et dort dans les campements de vagabonds près des voies ferrées. Il travaille ensuite dans des bureaux et est brièvement employé dans le bureau de tri du journal Kansas City Star. Il retourne à la ferme de Grandview en 1906 où il reste jusqu’à son entrée dans l’armée en 1917. Durant cette période, il courtise Bess Wallace. Il la demande en mariage en 1911, mais elle refuse. Truman dit qu’avant de la demander à nouveau, il voulait gagner plus d’argent qu’un simple fermier.

Truman fut le dernier président américain à ne pas avoir de diplôme universitaire. Tandis que ses amis de lycée s’inscrivent à l’université de l’État en 1901, Truman s’inscrit pour sa part à l’école de commerce Spalding’s Commercial College de Kansas-City, mais n’y reste qu’un semestre. En 1923-1925, il prend des cours du soir pour obtenir un diplôme de droit à la faculté de Kansas City mais abandonne, après avoir perdu son travail de fonctionnaire.

Truman avait été refusé à l’académie militaire de West Point, ce qui était un rêve d’enfance, car son acuité visuelle est mauvaise (4/10 à droite et 5/10 à gauche). Il s’enrôle dans la Garde Nationale du Missouri où sa candidature est initialement rejetée en raison de sa mauvaise vue15. Il est accepté la seconde fois car il avait mémorisé le tableau en 1905 et y reste jusqu’en 1911.

À l’entrée en guerre des États-Unis dans la Première Guerre mondiale en avril 1917, Truman rejoint la Garde Nationale. Avant son déploiement en France, il est envoyé s’entraîner au camp Doniphan, près de Lawton dans l’Oklahoma. Il y gère la cantine du camp avec Edward Jacobson, un marchand de tissu juif de Kansas City. Dans la base voisine de Fort Sill, il rencontre le lieutenant James M. Pendergast, neveu de Thomas Joseph (Tom) Pendergast, un « boss politique » de Kansas City, un lien qui a une influence profonde sur la vie de Truman.

Truman devient officier, puis commandant d’une batterie dans un régiment d’artillerie en France. Son unité, la batterie D du 129e régiment d’artillerie de la 60e brigade de la 35e division d’infanterie, est connue pour ses problèmes de discipline. Durant une soudaine attaque allemande dans les Vosges, des soldats commencent à s’enfuir. Truman parvient à ramener l’ordre avec des vulgarités qu’il avait « apprises alors qu’il travaillait sur le chemin de fer de Santa Fe ». Sous le commandement de Truman, la batterie ne perd aucun homme. Elle fournit également un soutien à la brigade blindée de George Patton durant l’offensive Meuse-Argonne de 1918. Le 11 novembre 1918, l’unité de Truman tire certains des derniers coups de la Première Guerre mondiale contre des positions allemandes avant l’entrée en vigueur de l’armistice à 11 h24. La guerre est une expérience importante qui développe les qualités de chef de Truman et son passé militaire rend possible sa carrière politique dans le Missouri.

À la fin de la guerre, Truman est nommé capitaine et il retourne à Independence où il épouse Bess Wallace le 28 juin 191926. Le couple a un enfant, Mary Margaret (17 février 1924 – 29 janvier 2008).

Peu avant le mariage de Truman, Jacobson et lui ouvrent une mercerie à Kansas City. Malgré des débuts encourageants, le magasin fait faillite lors de la récession de 1921. Truman n’a terminé de rembourser la dette contractée avec ce magasin qu’en 1934 avec l’aide d’un sympathisant. Jacobson et Truman restèrent des amis proches et les conseils de Jacobson sur le sionisme jouèrent par la suite un rôle dans la décision du gouvernement américain de reconnaître Israël. En 1922, avec l’aide de la machine politique démocrate de Kansas City menée par Tom Pendergast, Truman est élu juge de la cour du comté de Jackson, fonction administrative et non judiciaire.

Truman, battu en 1924 par un républicain lors de la lame de fond menée par le président Calvin Coolidge, passe les deux années suivantes à vendre des adhésions à une association automobile. Cela le convainc qu’une carrière de fonctionnaire est plus sûre pour un homme approchant l’âge mur, qui n’a jamais été prospère dans le secteur privé. Avec le soutien de la machine de Pendergast, Truman est élu juge président de la cour du comté, et réélu en 1930. Truman supervise alors le Ten Year Plan qui transforme la physionomie du comté de Jackson et de Kansas City avec des travaux publics tels la création d’un réseau routier important, la construction du nouveau bâtiment de la cour du comté et l’inauguration de douze monuments Madonna of the Trail honorant les femmes pionnières.

Lors de l’élection présidentielle de 1932, Pendergast donne le vote de Kansas City à Franklin D. Roosevelt et, en échange, reçoit la possibilité de placer quelques-uns des hommes de sa machine à des postes importants. En 1933, Truman est ainsi nommé directeur du programme fédéral de ré-emploi dans le Missouri (appartenant à la Civil Works Administration) à la demande du Postmaster General James Aloysius Farley. Ce choix confirme le contrôle de Pendergast sur le clientélisme dans le Missouri et marque l’apogée de son pouvoir politique. Il offre également à Truman une relation avec l’assistant de Roosevelt, Harry Hopkins et garantit le soutien indéfectible de Truman pour le New Deal.

Après son mandat de juge, Truman veut se lancer dans la campagne pour la fonction de gouverneur ou pour un poste au Congrès, mais Pendergast rejette ces idées. Truman pense donc devoir achever sa carrière dans une sinécure bien payée au niveau du comté. Cependant, après le refus de quatre autres personnes, Pendergast rappelle Truman à contre-cœur comme candidat démocrate pour le poste de sénateur du Missouri en 1934. Durant la primaire démocrate, Truman bat deux congressistes, John J. Cochran et Jacob L. Milligan, grâce au soutien du comté de Jackson et à ses contacts au niveau de l’État créés durant son mandat dans le comté. Il défait ensuite le républicain en fonction, Roscoe C. Patterson, avec près de 20 points d’avance.

Truman prend ses fonctions avec la réputation de « sénateur de Pendergast » mais même s’il confie la nomination des fonctionnaires à Pendergast, il vote avec équité. Il défend ensuite les choix clientélistes en avançant qu’en offrant un peu à la machine politique, il épargnait beaucoup. Durant son premier mandat de sénateur, Truman se prononce contre l’avidité des entreprises, les dangers des spéculateurs de Wall Street et l’influence disproportionnée d’intérêts particuliers fortunés dans les affaires nationales. Il est largement ignoré par Roosevelt qui ne le prend pas au sérieux à ce moment et a du mal à échanger avec la Maison-Blanche.

Lors de l’élection sénatoriale de 1940, le procureur fédéral Maurice Milligan et l’ancien gouverneur Lloyd C. Stark défient Truman lors de la primaire démocrate. Truman, politiquement affaibli par la condamnation de Pendergast pour évasion fiscale en 1939, lui reste loyal, en affirmant que les juges républicains et non l’administration Roosevelt était responsable de la chute du boss. Le soutien du chef du parti démocrate de Saint-Louis, Robert E. Hannegan, se révèle décisif pour Truman ; c’est lui qui, par la suite, trouva l’accord qui plaça Truman sur le ticket présidentiel. Finalement, Stark et Milligan se partagent le vote anti-Pendergast et Truman remporte la primaire avec 8 000 voix d’avance. Lors de l’élection de novembre 1940, Truman bat le républicain Manvel H. Davis avec 51 % des voix contre 49 %.

À la fin de l’année 1940, Truman se rendit dans différentes bases militaires. Les gaspillages et la corruption qu’il vit le poussèrent à utiliser sa fonction de président du Comité sur les Affaires militaires pour enquêter sur les abus alors que la nation se préparait à la guerre. Un comité séparé chargé de mener une enquête formelle fut constitué sous la direction de Truman et cette proposition fut soutenue par l’administration plutôt que de prendre le risque d’une enquête plus hostile menée par la Chambre des représentants. La présidence de ce qui fut appelé le « comité Truman » le fit connaître au niveau national. Le comité Truman enquêta sur un grand nombre d’abus allant de la construction de mauvaise qualité de bâtiments pour les ouvriers de l’industrie de guerre dans le New Jersey à la critique de la politique d’embauche du gouvernement. Au cours de la guerre, le comité est crédité d’avoir permis d’économiser près de 15 milliards de dollars et Truman fit la couverture du magazine Time du 8 mars 1943. Selon les comptes rendus historiques du Sénat, en dirigeant le comité, « Truman effaça son ancienne image de garçon de course pour les politiciens de Kansas City » et « aucun sénateur n’a retiré autant de bénéfices politiques de la présidence d’un comité d’enquête spécial qu’Harry Truman du Missouri ».

Le vice-président Henry Wallace, bien que populaire auprès des électeurs démocrates, était jugé trop à gauche par certains des conseillers de Roosevelt. Sachant que Roosevelt ne vivrait peut-être pas jusqu’à la fin de son quatrième mandat, le président et plusieurs de ses proches cherchèrent à remplacer Wallace. Parmi ceux-ci, le président sortant du comité national démocrate, Frank C. Walker, son remplaçant, Robert E. Hannegan, le trésorier du parti, Edwin W. Pauley, le maire de Chicago, Edward Joseph Kelly, le stratège Edward J. Flynn et le lobbyiste George E. Allen voulaient tous exclure Wallace du ticket. Roosevelt dit aux chefs du parti qu’il accepterait soit Truman soit le juge de la Cour suprême, William O. Douglas. Les chefs des partis aux niveaux locaux préféraient largement Truman et Roosevelt accepta. Truman ne fit personnellement pas campagne pour la vice-présidence et il accueillit l’offre comme une preuve qu’il était devenu plus que le « sénateur de Pendergast ».

Le choix de Truman, surnommé le « second compromis du Missouri » est bien accueilli et le ticket de Roosevelt et Truman remporte facilement l’élection présidentielle de 1944 face à celui formé par le gouverneur de l’État de New York Thomas Dewey et le gouverneur de l’Ohio John Bricker. Truman prête serment le 20 janvier 1945.

La brève vice-présidence de Truman est relativement peu mouvementée. Roosevelt le rencontre rarement même pour l’informer des décisions importantes ; le président et le vice-président ne se rencontrent en tête à tête que deux fois. Il a rarement échangé sur les affaires internationales ou intérieures avec Roosevelt et ignore certaines initiatives liées à la guerre comme le projet Manhattan destiné à produire la première bombe nucléaire. Dans l’une de ses premières actions en tant que vice-président, Truman provoque une controverse en assistant aux funérailles de Pendergast. Il repousse les critiques en avançant simplement, « il a toujours été mon ami et j’ai toujours été le sien ».

Truman est vice-président depuis seulement 82 jours lorsque le président Roosevelt meurt le 12 avril 1945. Durant l’après-midi, Truman se trouve au Sénat qu’il présidait comme à son habitude. Il venait juste d’ajourner la séance pour la journée et se préparait à prendre un verre dans le bureau du président de la Chambre des représentants Sam Rayburn lorsqu’il reçoit un message lui enjoignant de se rendre de toute urgence à la Maison-Blanche. Truman suppose que Roosevelt voulait le rencontrer mais Eleanor Roosevelt l’informe que son époux venait de succomber à une hémorragie cérébrale. La première inquiétude de Truman est pour Eleanor : il lui demande s’il pouvait faire quelque chose pour elle, ce à quoi elle répondit, « Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous? Vous êtes celui en difficulté maintenant ! ».

Peu après avoir prêté serment, Truman déclara à des journalistes :

« Les gars, si vous priez, priez pour moi. Je ne sais pas si une botte de foin vous est déjà tombée dessus mais lorsqu’ils m’ont dit ce qui est arrivé hier, j’ai l’impression que la Lune, les étoiles et toutes les planètes me sont tombées dessus. »

Lors de sa prise de fonction, Truman demanda à tous les membres de l’administration Roosevelt de rester en place, leur dit qu’il était ouvert à leurs suggestions mais exposa le principe central de son administration : il serait celui qui prendrait les décisions et ils devraient le soutenir. Même si Truman avait été rapidement informé dans l’après-midi du 12 avril que les Alliés disposaient d’une nouvelle arme extrêmement puissante, le Secrétaire à la Guerre Henry Lewis Stimson ne lui exposa les détails que le 25 avril. Truman profita d’un état de grâce à la suite de la mort de Roosevelt et des succès alliés en Europe. Il fut ravi de pouvoir annoncer la capitulation allemande le 8 mai 1945, le jour de son 61e anniversaire.

À la suite de la victoire alliée, Truman se rendit en Europe pour la conférence de Potsdam où il apprit que l’essai Trinity de la première arme nucléaire le 16 juillet avait été couronné de succès. Il indiqua à Joseph Staline que les États-Unis étaient sur le point d’utiliser un nouveau type d’arme contre les Japonais. Même si c’était la première fois que les Soviétiques étaient officiellement informés de l’existence de la bombe atomique, Staline était déjà au courant du projet Manhattan grâce à l’espionnage avant même que Truman ne le soit.

En août, après le refus du gouvernement impérial japonais d’accepter les demandes de capitulation, Truman autorisa les bombardements atomiques du Japon. Même si l’importance des dévastations et des effets des bombes atomiques étaient mal connus, Truman, comme la plupart des Américains, était peu enclin à la clémence envers les Japonais après les longues années de guerre. En témoigne l’entrée de son journal rédigé à Potsdam le 25 juillet 1945 : « Même si les Japonais sont des sauvages, impitoyables, impitoyables et fanatiques, nous, dirigeants du monde pour le bien commun, ne pouvons pas laisser tomber cette terrible bombe sur le vieux Capitol [Kyoto] ou sur le nouveau [Tokyo] » — il y précise avoir demandé à son secrétaire à la guerre (Henry Lewis Stimson) que les objectifs soient militaires, et non civils. Truman a toujours affirmé que sa décision de bombarder le Japon a sauvé de nombreuses vies des deux côtés : les estimations militaires pour une invasion de l’archipel japonais envisageaient un an de combats et la mort d’entre 250 000 et 500 000 soldats américains. Il savait également que le projet Manhattan avait coûté deux milliards de dollars et il n’était donc pas enclin à renoncer à une alternative qui pourrait mettre rapidement fin à la guerre. Hiroshima fut bombardé le 6 août, Nagasaki le 9 et le Japon capitula le 14 août.

Truman, piquage à cheval, USA.

Les défenseurs de la décision de Truman ont avancé que, étant donné la défense japonaise acharnée des îles périphériques, les bombardements atomiques ont sauvé des centaines de milliers de vies qui auraient été perdues lors d’une invasion du Japon. En 1954, Eleanor Roosevelt déclara que Truman « a pris la seule décision qu’il pouvait » et que l’emploi de la bombe était nécessaire « pour éviter l’immense sacrifice de vies américaines ». D’autres ont avancé que l’usage d’armes nucléaires était inutile et profondément immoral. Truman écrivit plus tard dans sa vie, « je savais ce que je faisais lorsque j’ai arrêté la guerre… Je n’ai aucun regret et, dans les mêmes circonstances, je le referais ».

La fin de la Seconde Guerre mondiale est suivie par un difficile retour à une économie de paix. Les planificateurs envisageaient que la guerre contre le Japon allait durer encore un an et pensaient donc qu’ils auraient le temps de faire des propositions pour transformer l’économie. La fin soudaine de la guerre et la rapide démobilisation montrèrent que peu avait été fait pour organiser efficacement la transition vers la production de biens de consommation et éviter le chômage de masse des vétérans. Les représentants du gouvernement n’étaient pas d’accord sur la politique économique à appliquer. De plus, Roosevelt ne s’était pas préoccupé du Congrès dans ses dernières années et Truman dut affronter un rassemblement de républicains et de démocrates conservateurs du Sud.

Le président est également confronté au retour des conflits sociaux qui avaient été mis en sommeil durant la guerre, à de sévères pénuries de biens de consommation et au mécontentement lié à l’inflation qui atteignit 6 % en juillet 1946. Une vague de grèves commença également dans les grandes industries et les réponses de Truman furent généralement jugées inefficaces. L’arrêt du contrôle de l’économie entraîna une hausse des prix et les ouvriers demandèrent une augmentation des salaires. Une grève dans l’industrie sidérurgique en janvier 1946 impliqua 800 000 ouvriers, la plus grande de l’histoire du pays, et elle fut suivie par une grève de l’industrie charbonnière en avril et dans le secteur ferroviaire en mai. L’opinion publique était ulcérée et une majorité dans les sondages demandait l’interdiction du droit de grève pour les fonctionnaires et un moratoire d’une année sur les actions sociales. Truman proposa une législation pour enrôler les grévistes dans les forces armées et dans une apparition théâtrale devant le Congrès, il annonça le règlement de la grève dans le secteur ferroviaire. Sa proposition fut adoptée par la Chambre des représentants mais échoua au Sénat. Pour les produits dont le contrôle des prix était maintenu, les producteurs étaient souvent réticents à vendre à des prix artificiellement bas : les agriculteurs refusèrent de vendre des céréales pendant plusieurs mois en 1945 et 1946 jusqu’à ce que les prix soient significativement augmentés même si les céréales étaient désespérément nécessaires, non seulement pour le marché intérieur mais également pour lutter contre la famine en Europe.

Même si les luttes sociales s’apaisèrent après le règlement de la grève dans le secteur ferroviaire, elles continuèrent tout au long de la présidence de Truman. Les taux d’approbation passèrent de 82 % en février 1946 à 52 % en juin. Ce mécontentement des politiques de l’administration Truman entraîna une large victoire républicaine lors des élections de mi-mandat en novembre 1946 et les démocrates perdirent le contrôle du Congrès qu’ils possédaient depuis 1930. Le nouveau Congrès comprenait de nouveaux politiciens républicains qui devinrent influents dans les années qui suivirent comme le sénateur du Wisconsin, Joseph McCarthy, et le représentant de la Californie, Richard Nixon. Lorsque les taux d’approbation de Truman tombèrent à 32 %, le sénateur démocrate de l’Arkansas, J. William Fulbright, suggéra la démission de Truman ; le président répondit qu’il ne se préoccupait pas de ce que le sénateur « Halfbright » disait.

À la différence de la politique étrangère où ils coopérèrent étroitement, Truman affronta la forte opposition des chefs républicains en politique intérieure. L’influence des syndicats fut sévèrement limitée par la loi Taft-Hartley qui fut approuvée malgré le veto de Truman. Truman mit son veto à deux reprises sur des lois visant à réduire l’impôt sur le revenu en 1947. Les deux vetos furent cependant annulés par le Congrès dans une loi de baisse des impôts en 1948. Les partis coopérèrent sur plusieurs questions ; le Congrès adopta le Presidential Succession Act (en) de 1947 qui faisait du président de la Chambre des représentants, le troisième dans l’ordre de succession présidentiel à la place du secrétaire d’État. Alors qu’il se préparait à l’élection de 1948, Truman montre clairement qu’il est un démocrate s’inscrivant dans la tradition du New Deal en défendant une assurance maladie nationale, l’abrogation de la loi Taft-Hartley et un programme avancé en faveur des droits civiques. Ensemble, ces mesures formaient un programme législatif qui fut appelé Fair Deal81. Les propositions de Truman ne furent pas très bien accueillies par le Congrès même avec des majorités démocrates après 1948. Deux mesures importantes du Fair Deal seulement furent adoptées. Ce fut d’abord en 1948 l’abrogation de la ségrégation raciale dans l’armée : désormais les unités militaires blanches et noires devaient être amalgamées. Ensuite ce fut le Housing Act de 1949. D’un autre côté, les grands programmes du New Deal encore en cours ne furent pas abrogés et certains furent même légèrement améliorés et étendus.

Au printemps 1948, les taux d’approbation de Truman étaient de 36 % et le président était très largement considéré comme incapable de remporter l’élection de novembre. Les tenants du New Deal au sein du parti démocrate dont le fils de Roosevelt, James Roosevelt (en), tentèrent de convaincre le parti de choisir le général Dwight D. Eisenhower, une personnalité très populaire dont les affiliations politiques étaient cependant inconnues. Eisenhower refusa avec véhémence et Truman s’attaqua à ses adversaires pour la nomination.

Durant la convention nationale démocrate de 1948, Truman tenta d’unifier le parti en ajoutant une vague revendication pour les droits civiques dans le programme du parti ; l’objectif était d’apaiser les conflits internes entre les branches nordistes et sudistes du parti. Les événements balayèrent cependant les efforts de compromis du président. Dans un discours sévère, le maire Hubert Humphrey de Minneapolis et plusieurs boss politiques locaux convainquirent la convention d’adopter un programme engagé sur la voie des droits civiques. Truman approuva l’initiative avec enthousiasme mais tous les délégués de l’Alabama et une partie de ceux du Mississippi quittèrent la convention pour marquer leur désaccord101. Imperturbable, Truman fut élu avec 71 % des voix des délégués et délivra un discours d’acceptation agressif attaquant le Congrès que Truman surnomma le Do Nothing Congress (« le Congrès qui ne fait rien ») et promit de remporter l’élection et « faire aimer ça à ces républicains ».

Durant les deux semaines de la convention, Truman délivre l’ordre exécutif 9981 mettant un terme à la ségrégation raciale dans les forces armées américaines. Truman prend un risque politique considérable en soutenant les droits civiques et de nombreux démocrates aguerris craignaient que la perte du Dixiecrat, désignant les démocrates ségrégationnistes du Sud, n’entraîne la désintégration du parti. Cette peur semblait réelle car Strom Thurmond, gouverneur de la Caroline du Sud, annonça sa candidature à la présidence comme un candidat dissident du parti démocrate défendant les droits des États du Sud à maintenir la ségrégation. Cette révolte sur la droite du parti fut suivie par un acte similaire à la gauche lorsqu’Henry Wallace présenta sa candidature sur un ticket progressiste. Immédiatement après cette première convention suivant la mort de Roosevelt, le parti démocrate était en cours de désintégration et la victoire de Truman en novembre semblait peu probable du fait de la présence de deux dissidences du parti. Après le refus du juge William O. Douglas de la Cour suprême de devenir son colistier, Truman accepta le choix du sénateur du Kentucky, Alben William Barkley, pour briguer la vice-présidence.

Au cours de la campagne présidentielle, le président sillonna les États-Unis en train sur près de 35 290 km. Ses discours depuis la plateforme arrière du wagon d’observation Ferdinand Magellan finirent par symboliser sa campagne. Ses apparitions combatives enflammaient l’opinion et attiraient de larges foules. Six arrêts dans le Michigan rassemblèrent une foule combinée d’un demi-million de personnes et un million de personnes assistèrent à une ticker-tape parade à laquelle participa Truman et son colistier.

Les larges rassemblements, généralement spontanés aux arrêts du train de Truman représentaient le signe d’un changement important dans la campagne mais cette transition passa virtuellement inaperçue chez les journalistes qui continuèrent d’annoncer la victoire certaine du candidat républicain Thomas Dewey. L’une des raisons de ces projections inadéquates était que les sondages étaient essentiellement menés par téléphone à une époque où de nombreuses personnes, dont une grande partie de la base populaire de Truman, n’en avait pas. Cela biaisa les données en faveur de Dewey et contribua à la perception que Truman allait perdre. Les trois principaux instituts de sondage arrêtèrent également de sonder bien avant l’élection du 2 novembre, en septembre pour Roper et en octobre pour Crossley et Gallup et ne mesuraient donc pas dans la période où Truman sembla être passé devant Dewey. L’exemple de Harry Truman, longtemps seul vainqueur d’une élection présidentielle américaine après avoir été constamment annoncé perdant par les sondages, sera ainsi régulièrement invoqué dans l’histoire politique américaine contemporaine par les candidats annoncés en mauvaise posture.

Finalement, Truman conserve sa base progressiste du Midwest, arrive en tête dans la plupart des États du Sud des États-Unis malgré sa position sur les droits civiques et remporta des victoires serrées dans plusieurs États-clés dont l’Ohio, la Californie et l’Illinois. Le décompte final montra que Truman avait obtenu les votes de 303 grands électeurs contre 189 pour Dewey, 39 pour Thurmond et 0 pour Wallace. La victoire surprise de Truman est immortalisée par une photographie le montrant hilare avec un exemplaire du Chicago Tribune titrant Dewey Defeats Truman (« Dewey défait Truman »).

L’investiture de Truman est la première à être retransmise à la télévision au niveau national. Son second mandat est éreintant principalement du fait de la politique étrangère et des nombreuses menaces directes et indirectes contre sa politique d’endiguement. Il dut rapidement faire face à la perte du monopole américain sur l’arme nucléaire. Avec les informations obtenues grâce à son réseau d’espions aux États-Unis, le programme nucléaire soviétique avance plus rapidement que prévu et sa première bombe nucléaire explose le 29 août 1949. En réponse, Truman annonce le 7 janvier 1953 le test de la première bombe à hydrogène américaine.

En 1948, Truman ordonna une modification controversée de l’extérieur de la Maison-Blanche ; il fit ajouter un balcon au deuxième étage du portique sud qui fut appelé « balcon Truman ». L’ajout fut impopulaire, certains avancèrent qu’il gâchait l’apparence de la façade sud mais il donna plus d’espace à la première famille. Les travaux révélèrent des failles structurelles et amenèrent les ingénieurs à la conclusion que le bâtiment âgé de 130 ans était parvenu à un état de délabrement dangereux. Au mois d’août, une section du plancher s’effondra, et la propre chambre et la salle de bain de Truman furent fermées du fait du danger représenté. Le public ne fut informé des problèmes structuraux de la Maison-Blanche qu’après l’élection de 1948 et Truman fut informé que le nouveau balcon était la seule partie sûre du bâtiment. En conséquence, la famille Truman déménagea dans la Blair House à proximité de la Maison-Blanche. La nouvelle Aile Ouest et le Bureau ovale étant resté ouverts, Truman traversait Pennsylvania Avenue chaque matin et après-midi. Finalement, il fut décidé de démolir et de reconstruire l’ensemble de l’intérieur du bâtiment central de la Maison-Blanche, d’excaver de nouveaux sous-sols et de renforcer les fondations. Les travaux durèrent de décembre 1949 à mars 1952.

Le 1er novembre 1950, les indépendantistes porto-ricains Griselio Torresola (en) et Oscar Collazo (en) tentèrent d’assassiner Truman alors qu’il se trouvait dans la Blair House. Torresala blessa mortellement Leslie Coffelt, un policier de la Maison-Blanche en faction dans Pennsylvania Avenue. Avant de mourir, le policier tira et tua Torresola. Collazo fut blessé à la poitrine par un autre garde et fut condamné à mort pour meurtre en 1952. Truman commua ensuite sa peine en emprisonnement à perpétuité. L’attaque, qui aurait facilement pu coûter la vie au président, attira l’attention sur les problèmes de sécurité à la Blair House. Truman s’étant réveillé de sa sieste, il avait observé l’échange de tirs depuis la fenêtre ouverte de sa chambre jusqu’à ce qu’un passant lui crie de se mettre à l’abri. Reconnaissant l’importance de la question de l’indépendance de Porto Rico, Truman autorisa en 1952 la tenue d’un référendum pour définir le statut de l’île et ses rapports avec les États-Unis. Près de 82 % des votants se prononcèrent en faveur d’une nouvelle constitution définissant Porto Rico comme un État libre associé des États-Unis.

Après avoir quitté la présidence, Truman retourne à Independence dans le Missouri, dans la maison de la famille Wallace que Bess et lui avaient partagée pendant plusieurs années avec sa mère.

Après avoir quitté la Maison Blanche, Truman décida rapidement de refuser toute offre du secteur privé, estimant qu’elles ne seraient motivées que par son statut d’ancien président, ce qui reviendrait à en tirer un profit économique, chose incompatible avec la grandeur de la fonction. Son seul revenu était sa retraite militaire de 112,56 $ par mois et il ne recevait aucun salaire pour son mandat de sénateur. Comme ses anciennes activités avaient été peu profitables, il ne disposait d’aucune fortune personnelle et se retrouva alors en difficulté financière. Les anciens membres du Congrès et des Cours fédérales recevaient une retraite fédérale et durant son mandat, Truman avait étendu ce soutien financier aux anciens membres du cabinet présidentiel. Cependant, en 1953, rien n’était prévu pour les anciens présidents.

Truman contracta un prêt dans une banque du Missouri peu après avoir quitté le Bureau ovale et malgré son refus de tirer parti de son ancienne fonction, il accepta néanmoins de rédiger ses mémoires. Ulysses S. Grant avait déjà surmonté des difficultés financières similaires avec ses propres mémoires mais le livre avait été publié après sa mort et il avait peu écrit sur son passage à la Maison-Blanche. Pour cette publication, Truman reçut un seul paiement de 670 000 $ et dut en reverser les deux tiers à titre d’impôt ; il calcula qu’après avoir payé ses assistants, il ne lui restait que 37 000 $. Les mémoires furent cependant un succès critique et commercial ; ils furent publiés en deux volumes en 1955 et 1956 sous les titres Memoirs by Harry S. Truman: Year of Decisions et Memoirs by Harry S. Truman: Years of Trial and Hope.

En 1957, l’ancien président dit au chef de la majorité démocrate de la Chambre des représentants, John McCormack, « si je n’avais pas été capable de vendre une partie des propriétés que mon frère, ma sœur et moi avons héritées de notre mère, j’aurais pratiquement dû faire appel aux aides sociales mais avec la vente de cette propriété, je ne suis pas financièrement gêné ». L’année suivante, le Congrès vota le Former Presidents Act accordant une retraite annuelle de 25 000 $ à chaque ancien président et il est probable que la situation financière de Truman a joué un rôle dans la promulgation de cette législation. Le seul autre président encore en vie à l’époque, Herbert Hoover, accepta également la retraite même s’il n’en avait pas besoin pour, selon certaines sources, ne pas embarrasser Truman.

Le prédécesseur de Truman, Franklin D. Roosevelt, avait organisé sa propre bibliothèque présidentielle mais la législation permettant aux futurs présidents de faire quelque chose de similaire n’existait pas encore. Truman rassembla des fonds privés pour construire une bibliothèque présidentielle, le Harry S. Truman Presidential Library and Museum, qu’il céda au gouvernement fédéral, une pratique qui fut adoptée par ses successeurs. Il témoigna devant le Congrès pour que des fonds soient accordés pour copier et organiser les documents de la présidence et fut fier de l’adoption de la loi en 1957. L’historien Max Skidmore, dans son ouvrage sur la vie des anciens présidents, nota que Truman était un homme cultivé, particulièrement en histoire. Il ajouta que la loi sur les documents présidentiels et la fondation de sa bibliothèque « furent l’apogée de son intérêt pour l’histoire. Ces deux mesures formaient l’une des plus importantes contributions à la sauvegarde du patrimoine de la République depuis sa création ».

En 1956, Truman défendit la seconde candidature malheureuse de Stevenson face à Eisenhower même s’il avait initialement privilégié la candidature du gouverneur de New York, William Averell Harriman. Il continua de faire campagne pour des candidats démocrates au Sénat pendant de nombreuses années186. Le 80e anniversaire de Truman en 1964 fut célébré lors d’une soirée à Washington et il prononça un discours devant le Sénat. Après une chute dans sa maison à la fin de l’année 1964, sa santé déclina. En 1965, le président Lyndon B. Johnson signa la loi instaurant le programme d’assurance maladie Medicare dans la bibliothèque Harry S. Truman et donna les deux premières cartes à Truman et à son épouse Bess pour honorer son combat pour le système de santé durant sa présidence.

Le 5 décembre 1972, Truman fut admis à l’hôpital de Kansas City pour une pneumonie. Son état se détériora et il mourut à 7 h 50 le 26 décembre à l’âge de 88 ans. Bess Truman choisit une cérémonie privée simple dans la bibliothèque plutôt que des funérailles nationales à Washington. Une semaine après les obsèques, les représentants étrangers et américains assistèrent à une cérémonie funèbre dans la cathédrale nationale de Washington. Après sa mort en 1982, Bess fut inhumée avec son mari dans la bibliothèque Harry S. Truman à Independence.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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