Gustave Courbet, peintre.

C’est à Ornans, petite ville située au coeur de la Franche-Comté, que Gustave Courbet voit le jour en 1819. Il est l’aîné et l’unique garçon d’une fratrie de quatre enfants. Sa famille est unie et aisée, grâce à l’important patrimoine terrien du père.

Toute sa vie, Courbet témoigne de l’affection qu’il porte aux siens. Il a laissé d’eux de nombreux portraits, parfois au milieu des personnages de ses grandes compositions. Le même attachement le relie à sa région natale qui sert de décor pour nombre de ses tableaux. Au cours de sa vie, Courbet visite les pays du Nord où il est apprécié, il habite Paris, se rend en Saintonge, berceau de son ami Castagnary, en Normandie avec le peintre américain Whistler ou encore à Montpellier à l’invitation de Bruyas, l’ami et mécène, mais il revient toujours vers la Franche-Comté.

C’est avec une “inébranlable confiance en lui-même et une indomptable tenacité” (Castagnary) que Courbet se lance dans une carrière artistique prolifique qui s’articule autour de quatre périodes clefs.

Vers l’âge de quatorze ans, Gustave Courbet est sensibilisé à la peinture par le père Baud, un professeur d’Ornans qui fut un élève de Gros. Installé à Besançon à partir de 1837, le jeune homme y poursuit sa formation chez un émule de David.

Courbet a vingt ans lorsqu’il arrive à Paris pour s’inscrire à la faculté de droit. Le jeune homme se détourne bien vite de cette voie et préfère fréquenter les ateliers de Steuben et du père Suisse. Il copie les maîtres du Louvre comme Rembrandt, Hals, Rubens, Caravage ou Titien. Dans la “galerie espagnole” de Louis-Philippe, il découvre Vélasquez ou Zurbaran qu’affectionnera également Manet. Parmi ses concitoyens, Courbet admire Géricault et Delacroix, deux maîtres romantiques qui utilisèrent les grands formats pour peindre des épisodes de l’histoire contemporaine.

Au cours de cette période, Courbet se cherche encore. A diverses reprises, il se met en scène avec emphase (Le désespéré, 1841 ; L’homme au chien noir, 1842 ; L’homme blessé, 1844-1854, L’homme à la ceinture de cuir. Portrait de l’artiste, 1845-1846).
Au-delà des influences des maîtres du passé et des romantiques, il affirme déjà l’ambition de jouer dans l’histoire de l’art un rôle de premier plan grâce à une peinture personnelle et sincère.

En 1848, Courbet, qui a jusqu’alors peu exposé au Salon, peut enfin y présenter une dizaine de toiles. Remarqué, il noue une relation d’amitié avec le critique Champfleury et bénéficie désormais d’une reconnaissance publique, confirmée l’année suivante avec l’achat par l’Etat d’Une après-dînée à Ornans (Lille, musée des Beaux-Arts). La médaille de seconde classe obtenue à cette occasion le dispense désormais de son envoi au jury jusqu’en 1857, année où les règles changent.

Avec d’autres oeuvres en revanche, Courbet se heurte à l’incompréhension et provoque le scandale. C’est le cas en 1849 avec Les casseurs de pierres (oeuvre détruite) puis avec Un Enterrement à Ornans au Salon de 1850-1851. En cette seconde moitié de XIXe siècle, selon la tradition académique, les tableaux de grand format sont réservés aux sujets historiques, bibliques, mythologiques ou allégoriques. Courbet maltraite cette convention en peignant un monde familier, domestique, sur de très grandes toiles. Il estime que l’histoire contemporaine, fût-elle celle des gens du peuple, mérite ces grands formats. En affirmant que “L’art historique est par essence contemporain”, Courbet exprime son désir de réformer la peinture d’histoire. Le titre original de l’Enterrement, Tableau historique d’un enterrement à Ornans, est de ce point de vue emblématique.

Gustave Courbert, carte maximum, Ornans, 7/06/1958.

Au cours de cette période, Courbet fait une rencontre décisive pour la suite de sa carrière. Alfred Bruyas (1821-1877), un riche collectionneur originaire de Montpellier, achète Les Baigneuses. Il va dès lors devenir un véritable mécène pour l’artiste, qui peut ainsi vivre de sa peinture en toute indépendance. La reconnaissance vient également de l’étranger. Dès 1854, on se dispute à Berlin et à Vienne l’honneur d’exposer Courbet.

Cette période trouve son apogée dans L’Atelier du peintre (1854-1855), véritable tableau-manifeste dans lequel Courbet affirme ses choix artistiques et politiques. Courbet donne d’ailleurs à cette oeuvre de près de quatre mètres sur six le sous-titre évocateur de Allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique et morale.

Le jury du Salon de 1855 accepte plus d’une dizaine de toiles de Courbet, mais refuse son Atelier, à cause de la taille de l’oeuvre. Cette décision incite Courbet à organiser une exposition particulière, en marge de l’Exposition universelle, dans un bâtiment édifié à ses frais et qu’il nomme le “pavillon du Réalisme”.

Un tableau exposé au Salon de 1857, Les demoiselles des bords de la Seine (Paris, Petit Palais), permet à Courbet de se constituer un cercle fidèle d’amateurs et de défenseurs.
Courbet expose régulièrement au Salon, les commandes affluent. Son abondante production se développe autour de thématiques diversifiées : scène de chasse, paysages, natures mortes florales. Mais, agitateur par nature, l’artiste attire à nouveau le scandale, avec Le retour de la conférence (1863, oeuvre disparue, sans doute acquise dans le but d’être détruite par un contemporain indigné) montrant des ecclésiastiques éméchés et divagants sur une route de campagne. La toile est refusée au Salon de 1863 “pour cause d’outrage à la morale religieuse”. On lui interdit même l’entrée au Salon des Refusés !

L’année suivante c’est Vénus et Psyché (oeuvre disparue) qui est refoulée du Salon pour “indécence”. C’est au cours de cette même période que Courbet peint son oeuvre la plus provocante, L’Origine du Monde (1866), commande privée qui demeurera longtemps inconnue du public.

Lors de l’Exposition universelle qui se tient à Paris en 1867, Courbet expose cette fois neuf toiles au Salon. Cette reconnaissance ne l’empêche cependant pas d’organiser à nouveau une exposition personnelle dans un bâtiment construit place de l’Alma. Le public y peut admirer environ cent quarante de ses oeuvres.

Au cours de l’été 1869, Courbet séjourne à Etretat. Il y réalise notamment La mer orageuse et La falaise d’Etretat après l’orage. Au Salon de 1870, ces deux toiles sont accueillies par un concert de louanges. La réputation de Courbet est désormais solidement établie.

A la chute du Second Empire, Courbet est élu Président de la Fédération des artistes. Alors que Paris subit le siège des armées prussiennes et que beaucoup fuient la capitale, Courbet reste sur place. Lui qui avait déjà suivi avec intérêt les événements de 1848 garde sans doute à l’esprit le souvenir de son grand-père, sans-culotte en 1789.

Oeuvre de Gustave Courbet, carte maximum, 9/11/1962.

En février 1871, son engagement se confirme : il se présente aux élections législatives, sans succès. En avril 1871, la commission exécutive de la Commune de Paris le charge de rouvrir les musées parisiens et d’organiser le Salon.

Elu au Conseil de la Commune, Gustave Courbet n’est cependant pas garde national et ne participe donc pas aux combats. Arrêté par les versaillais le 7 juin, le peintre est condamné en septembre à 6 mois de prison et 500 francs d’amende auxquels s’ajoutent 6 850 francs de frais de procédure. La sentence est plutôt clémente au regard des peines de mort et de déportation qui frappent d’autres communards… mais ce n’est que le début des ennuis judiciaires.

La démolition, le 16 mai 1871, de la colonne Vendôme érigée par Napoléon Ier, devenue le symbole du Premier et du Second Empire, avait été votée par la Commune le 12 avril 1871. Soit, quatre jours avant l’élection de Courbet. Mais l’artiste avait eu l’imprudence de lancer en septembre 1870 une pétition dans laquelle il réclamait au gouvernement de la Défense nationale de bien vouloir l’autoriser à “déboulonner” la colonne.

En 1873, à la suite d’un nouveau procès, Courbet est jugé responsable. On le condamne à rembourser les frais de reconstruction de la colonne s’élevant à 323 091 francs. Courbet perd une grande partie de sa fortune et part s’installer en Suisse de peur d’être à nouveau emprisonné.

Durant son exil, l’Etat saisit ses biens, surveille ses amis et sa famille. L’instabilité politique des premières années de la IIIe République n’est guère favorable aux anciens communards. Courbet refuse de revenir en France avant le vote d’une loi d’amnistie générale.

Malgré l’accueil bienveillant qu’il reçoit en Suisse, Courbet sombre dans cet exil. Il se perd dans l’alcool, ne produit plus que très rarement des oeuvres dignes de son talent. Les problèmes d’argent et les procédures à mener deviennent une obsession. Il meurt le 31 décembre 1877 à la Tour-de-Peilz, quelques jours après que son atelier de Paris a été dispersé en vente publique.

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Sources : Musée d’Orsay, YouTube.