Gabriele D’Annunzio, écrivain.

Gabriele D’Annunzio ou d’Annunzio, prince de Montenevoso, est un écrivain italien, né à Pescara le 12 mars 1863 et mort à Gardone Riviera le 1er mars 1938.

Héros de la Première Guerre mondiale, il soutient le fascisme à ses débuts et s’en éloigne par la suite. Principal représentant du décadentisme italien, il reste aujourd’hui célèbre pour deux de ses sept romans, L’Enfant de volupté (1889) et Les Vierges aux rochers (1899).


Son père, Francesco Paolo Rapagnetta, est un riche propriétaire terrien, un temps maire de Pescara ; il fait ajouter « D’Annunzio » à son nom en 1851 à la suite de son adoption par sa tante (sœur de sa mère) qui en deuxième noce se marie avec Antonio D’Annunzio à la naissance de son fils Gabriele, celui-ci est inscrit sur le registre de l’état civil sous le seul nom de « D’Annunzio ».

Gabriele est élève au lycée Cicognini, à Prato, en Toscane. À l’âge de seize ans, il publie son premier recueil poétique, intitulé Primo Vere (1879) ; il est influencé par les Odi barbare de Giosuè Carducci, mais aussi par le poète Lorenzo Stecchetti, alors à la mode pour son ouvrage Postuma.

En 1881, il entre à l’université de Rome « La Sapienza », où il fréquente différents cercles littéraires, dont celui de la revue Cronaca Bizantina, et écrit des articles de critique littéraire pour la presse locale.

Il publie Canto Nuovo (1882), Terra Vergine (1882), L’Intermezzo di Rime (1883), Il Libro delle Vergini (1884) et la plupart des nouvelles, ensuite recueillies sous le titre San Pantaleone (1886). La critique littéraire voit très vite en lui un enfant prodige. Son premier roman, Il Piacere (Le Plaisir traduit en français sous le titre de L’Enfant de volupté), paru en 1889, est suivi en 1891 par L’Innocente (traduit en français sous le titre L’Intrus, puis L’Innocent) et Giovanni Episcopo en 1892.

Ces trois romans font une forte impression sur le public. L’Innocente, traduit en français par Georges Hérelle, est encensé par les critiques littéraires étrangers.

En 1882, il publie un recueil de poèmes intitulé Elegie romane qui est une réponse aux Élégies romaines de Goethe, une œuvre qui raconte le voyage de l’auteur allemand en Italie (1786 – 1788). Elles sont traduites en latin par le médiéviste Annibale Tenneroni, son ami de quarante ans que d’Annunzio appelait son « frère candide ».

Il épouse en 1883 Maria Hardouin di Gallese (1864-1954) qui lui donne trois fils. Antonio de La Gandara fit d’elle un portrait remarquable, image fidèle de la beauté du modèle. D’Annunzio et Maria Hardouin divorcent en 1891. D’Annunzio commence trois ans plus tard une liaison tumultueuse avec l’actrice Eleonora Duse, qu’il fait jouer dans ses pièces, notamment La Città morta (La Ville morte, 1898) et Francesca da Rimini (1901) ; ils rompent en 1910. En 1897, D’Annunzio est élu à la Chambre des députés pour un mandat de trois ans. Il y siège parmi les indépendants.

D’Annunzio, carte maximum, Italie, 2013.

Au tournant du siècle, il publie des poèmes dont l’importance — avec ceux de Pascoli — sera déterminante pour la nouvelle poésie italienne du XXe siècle (en particulier : Alcyone, dont J.-Ch. Vegliante a procuré quelques traductions en français).

Le 3 mars 1901, il inaugure avec Ettore Ferrari, grand maître de la franc-maçonnerie italienne du Grand Orient d’Italie, l’Université populaire de Milan, où il donnera par la suite plusieurs conférences culturelles. L’amitié avec Ferrari l’a rapproché de la franc-maçonnerie, où il a atteint le 33e degré du Rite écossais ancien et accepté. À partir de 1920 D’Annunzio figure comme membre de la loge Italia-XXX ottobre, de la Grande Loge d’Italie, appelée de « Piazza del Gesù » qui, en 1908, avait fait scission du Grand Orient d’Italie.

En 1908, lors d’un voyage en Italie, Victor Goloubew et sa femme Natalia Cross sont présentés à Gabriele D’Annunzio. Le 18 septembre, cette dernière s’offre à D’Annunzio, qui accepte, mais n’apprécie pas son don pathétique ainsi qu’il le conte dans son journal intime qui deviendra « Solus ad Solam ». Elle quittera pourtant son mari fin 1908, à la demande du poète, finalement conquis, pour une liaison qui durera jusqu’en 1916.

D’Annunzio, dans la nuit du 2 au 3 février 1909, achève les cinq actes de sa Fedra (Phèdre), composée pour Natalia. Elle en commence immédiatement la traduction.

En 1910, il fuit en France, à Arcachon5, pour échapper à ses créanciers. Il y collabore avec Claude Debussy et Léon Bakst pour Le Martyre de saint Sébastien (1911), écrit pour Ida Rubinstein et chorégraphié par Michel Fokine6. L’œuvre s’attire les foudres de l’archevêque de Paris, Mgr Amette, qui menaça d’excommunication tout catholique qui assisterait au spectacle.

Nonobstant l’ire de l’archevêque, en reconnaissance de sa francophilie, le gouvernement français honorera les dettes de D’Annunzio.

D’Annunzio écrit en 1912 le roman “Leda senza Cigno”, dont l’héroïne est à nouveau inspirée de Natalia Cross.

Le 3 août 1914, il est à Chantilly, grisé par un goût de sang et de mort à l’idée de la campagne prochaine. Il ne songe pas une minute à quitter la France menacée mais, en nationaliste exalté, rêve surtout à la gloire de sa patrie. Il publie quatre sonnets d’amour pour la France dans Le Figaro en 1915, reprenant dans l’un d’eux un vers de Victor Hugo :« France, France, sans toi le monde serait seul ». Il rejoint l’Italie début mai 1915 et arrache par ses éclatants discours historiques l’entrée en guerre de son pays.

Peu après le déclenchement de la Première Guerre mondiale, il retourne en Italie, et fait de nombreux discours publics en faveur de l’entrée en guerre de l’Italie dans le camp allié. D’Annunzio s’engage volontairement dans l’aviation, et perd l’usage d’un œil dans un accident de vol.

En février 1918, il prend part à un raid sur le port austro-hongrois de Bakar (aujourd’hui en Croatie) pour rehausser le moral des Italiens, au plus bas après le désastre de Caporetto.

À bord d’une MAS (Motobarca Armata SVAN, vedette lance-torpille ultra rapide produite par le chantier vénitien SVAN), commandée par Costanzo Ciano (le père de Galeazzo, futur gendre de Mussolini), il pénètre de nuit dans le port militaire austro-hongrois de Bakar (Buccari en italien). Les torpilles, mal réglées, exploseront dans le quai sans causer de dégâts militairement significatifs, mais le génie propagandiste de D’Annunzio sait exploiter médiatiquemement cette incursion audacieuse, qu’il baptisera La beffa di Buccari (Le camouflet de Bakar).

D’Annunzio conserve la MAS 96 qui servit au raid et l’utilisera comme yacht personnel (avec tout l’équipement militaire resté à bord, torpilles comprises) sur le lac de Garde ; elle est exposée dans sa maison-musée du Vittoriale degli italiani.

Le 9 août 1918, à la tête de la 87e escadrille de chasse, il effectue un vol de plus de mille kilomètres avec son compagnon de vol Aldo Finzi pour larguer au-dessus de Vienne des tracts bilingues rédigés par l’écrivain Ugo Ojetti incitant les Autrichiens à demander l’armistice.

De façon caractéristique, l’État-major italien avait approuvé et planifié le vol, mais rejeté le texte du tract écrit par D’Annunzio, un long poème jugé trop complexe et intraduisible en allemand ; finalement, seul l’avion de D’Annunzio emporta et largua quelques milliers d’exemplaires de ce texte.

La Première Guerre mondiale renforce ses idées nationalistes et  irrédentistes, et il fait ouvertement campagne pour que l’Italie devienne une puissance européenne de premier plan. Aventurier, il s’empare notamment de la ville de Rijeka (Fiume en italien) qu’il offre à l’État italien.

Il occupe la ville à partir du 12 septembre 1919. Vexé du refus de Rome, il y fonde la Régence italienne du Carnaro en 1920 avec son camarade syndicaliste révolutionnaire Alceste De Ambris. “Les troupes alliées quittent la ville en catimini et D’Annunzio, du haut du balcon municipal, s’adresse à la foule en discourant une à deux fois par jour. Il se proclame porte-drapeau de la nouvelle croisade anti-impérialiste et lance depuis son balcon un cri de révolte à tous les peuples opprimés par l’impérialisme anglo-saxon”.

Le 27 août 1920, à Fiume, Gabriele D’Annunzio donne une Constitution révolutionnaire à ses habitants et à ceux des environs. Le texte a été rédigé par le poète lui-même, en compagnie du syndicaliste révolutionnaire Alceste De Ambris. On peut y lire la « reconnaissance et la souveraineté de tous les citoyens, sans distinction de sexe, de race, de langue, de classe ou de religion ; une égalité absolue des sexes devant la loi, l’éligibilité des femmes à toutes les fonctions privées ou publiques, la représentation proportionnelle, les allocations en cas de maladie, de chômage ou d’accident du travail, la retraite à toute personne âgée, le salaire minimum garanti, la création de juge de travail. »

Gabriele D’Annunzio estime que « l’artiste est celui qui sait inventer sa propre vertu, pour offrir à ses frères un don nouveau. »

L’État libre de Fiume est brièvement reconnu au traité de Rapallo (1920), puis D’Annunzio déclare la guerre à l’Italie, avant que la ville ne doive se rendre en décembre 1920, après un bombardement de la marine italienne. Proche du duc d’Aoste, qui était à cette époque « la référence pour ceux qui préconis[aient] une solution autoritaire et militaire à la crise que travers[ait] le régime », D’Annunzio méprisait le roi Victor-Emmanuel III. En 1926, il déclare au journaliste Jacques Benoist-Méchin que son but était « d’obliger le “nabot pusillanime” à se démettre en faveur du duc ».

En 1921, il est élu « Membre étranger littéraire » de l’Académie Royale de langue et de littérature françaises de Belgique, et le restera jusqu’à sa mort, bien qu’il n’y ait jamais siégé.

Après l’affaire de Fiume, il se retire dans sa maison du lac de Garde. Dans la nuit du 13 au 14 août 1922, il fait une chute par une fenêtre. Mussolini prend le pouvoir peu de temps après. D’Annunzio lui-même garde le silence sur les circonstances exactes de sa chute.

Les rapports de D’Annunzio avec Mussolini sont pour le moins complexes. Le fascisme emprunte beaucoup du décorum paramilitaire créé par D’Annunzio lors de l’expédition de Fiume (chemises noires, cri de ralliement, salut romain, culte de l’héroïsme, etc.)

Quoiqu’il ait une influence notable sur l’idéologie mussolinienne, il ne s’implique jamais directement dans le gouvernement fasciste au pouvoir à partir de 1923.

Mussolini, craignant que la popularité et l’indiscutable talent de propagandiste de D’Annunzio ne lui fassent de l’ombre, le pousse à se retirer dans la magnifique villa de Gardone Riviera qui est achetée par l’État italien fasciste pour en faire un « monument aux victoires italiennes » (Vittoriale degli italiani). L’écrivain est endetté et le Duce accepte de financer le domaine, à condition qu’il soit légué à l’Italie.

Un budget très généreux est alloué par Mussolini à D’Annunzio pour les transformations de la propriété. Mussolini lui-même dira : « Quand vous avez une dent pourrie qui vous fait mal, vous pouvez soit la faire arracher, soit la remplir d’or…. dans le cas de D’Annunzio, j’ai choisi la deuxième solution ».

Après que Mussolini a déclaré en août 1934 que « Hitler est un affreux dégénéré sexuel et un fou dangereux », que l’Allemagne nazie « représente la barbarie sauvage » et que « ce serait la fin de notre civilisation européenne si ce pays d’assassins et de pédérastes devait submerger le continent », Gabriele D’Annunzio, très antinazi, écrit à Mussolini : « Je sais que tes hésitations cèdent la place à ta sagacité virile, et que tu as si bien su repousser ce félon d’Hitler, à l’ignoble face ternie sous les taches indélébiles de peinture où il avait trempé sa mèche de clown féroce qui se prolonge jusqu’à la racine de son nez nazi. Avec son gros pinceau de barbouilleur, Hitler couvre de sang l’humain et le divin. »

Le 30 septembre 1937, D’Annunzio rencontre Mussolini qui revient d’Allemagne pour lui déconseiller de s’allier avec Hitler : « Une telle alliance ne peut que conduire l’Italie à la ruine. Notre meilleure alliée, malgré ses erreurs du passé, reste la France. » Mais Mussolini ne l’écoute pas et considère que l’Italie doit avoir l’Allemagne voisine, deux fois plus peuplée que l’Italie, comme alliée et non comme ennemie, à défaut d’avoir les Français et les Britanniques de son côté.

Il n’a par ailleurs pas beaucoup d’estime pour les fascistes, les qualifiant de « carne agglomerata » (« chair pressée »), refuse la proposition d’être candidat sur les listes du parti et ne renouvelle finalement pas sa carte des Faisceaux. Alors que le secrétaire du parti Michele Bianchi lui envoie une lettre qu’il conclut par « Vive le fascisme ! », Gabriele D’Annunzio y répond par : « Je n’ai eu, et je n’ai, je n’aurai jamais à prononcer qu’un cri : Vive l’Italie ! ».

Après l’échec de l’expédition de Fiume, D’Annunzio se consacre, outre l’édification du Vittoriale, qu’il meuble et décore luxueusement, à la promotion publicitaire de la Riviera des lacs, notamment à travers le sport motonautique.

Passionné (à l’instar de Marinetti et des futuristes) de vitesse et de sports mécaniques, et notamment de vitesse sur l’eau depuis l’expédition de Buccari, qui utilisait des bateaux à la pointe du progrès technique, équipés de très puissants moteurs Isotta Fraschini, D’Annunzio s’associe en 1927 avec Attilio Bisio (ingénieur naval, constructeur ds vedettes MAS) pour une tentative de record de vitesse à bord du racer Spalato (nom italien de la ville de Split en Croatie) qui sera couronnée de succès (127 km/h) mais vite dépassée par les surpuissants engins américains du célèbre pilote-constructeur Gar Wood ou les bolides britanniques à moteur Rolls Royce de sir Henry Seagrave.

En 1931, il crée la Coppa dell oltranza (Coupe de l’Outrance), une épreuve motonautique disputée à Gardone riviera, face au Vittoriale qui attirera les foules et les célébrités, la première édition sera remportée par l’anglais Kaye Don, sur le Miss England II, un racer à bord duquel Henry Seagrave s’était tué l’année précédente en remportant le record mondial de vitesse. D’Annunzio, adepte d’un syncrétisme religieux très personnel, fera figurer le volant tordu du Miss England II, au titre de « relique de la religion du courage » au milieu de dizaines d’artefacts de toutes les religions planétaires dans une salle du Vittoriale.

Il est fait « prince de Montenevoso » en 1924, et nommé président de l’Académie royale italienne en 1937.

Fondamentalement antinazi et détestant Adolf Hitler, il s’oppose au rapprochement de l’Italie avec l’Allemagne nazie. Dans une lettre à Mussolini datée du 9 octobre 1933, il s’oppose au rapprochement italo-allemand. Le 12 juillet 1934, D’Annunzio essaye de troubler les relations entre Hitler et Mussolini après leur rencontre à Venise, allant jusqu’à publier un pamphlet satirique contre Hitler. Le 30 septembre 1937 a lieu à Verone, dans le même but, la dernière rencontre entre d’Annunzio et Mussolini. Mussolini lui accorde cependant des funérailles nationales après son décès, survenu le 1er mars 1938, officiellement à la suite d’une hémorragie cérébrale, dans sa demeure de Gardone Riviera (devenue ensuite le mausolée du Vittoriale degli Italiani). En vérité, D’Annunzio a été empoisonné par l’Autrichienne Emy Heufler : l’antinazisme affiché de D’Annunzio était un obstacle à l’alliance italo-allemande ; peu après sa mort, la jeune femme qui était son infirmière est partie à Berlin, où elle est passée au service de Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne nazie.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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