Franjo Tuđman, homme d’état.

Franjo Tuđman (souvent orthographié Franjo Tudjman), né le 14 mai 1922 et mort le 10 décembre 1999, est un homme d’État croate, premier président de la République de la Croatie indépendante, pendant les années 1990.

En 1990, après que son parti politique, l’Union démocratique croate (HDZ), a remporté les premières élections post-communistes et multipartites, il est désigné président de la République par le Parlement. Un an plus tard, il décrète l’indépendance de la Croatie. Il est élu au suffrage universel en 1992 et réélu en 1997, restant ainsi au pouvoir jusqu’à sa mort.

Avec Slobodan Milošević, il est un des principaux artisans de la disparition de la Yougoslavie et du renouveau du nationalisme.


Franjo Tuđman est né à Veliko Trgovišće, un village de la région croate du Zagorje, au nord de la Croatie. Son frère aîné sera tué dans les rangs des partisans au printemps de 1943.

Jeune communiste, il rejoint les délégués croates au sein du Quartier général de l’armée populaire yougoslave de libération en janvier 1945. À la libération, il intègre la nouvelle armée de Tito et est affecté au bureau du personnel du Quartier général.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Tuđman se bat du côté des partisans de Tito. C’est là qu’il rencontre sa future femme Ankica Tuđman. Il devient dans les années 1950 l’un des plus jeunes généraux de l’Armée populaire yougoslave. Il existe une polémique au sujet de ses qualités militaires, certains estimant qu’il doit son grade à sa région d’origine (le Zagorje) dont peu de partisans étaient originaires, d’autres réfutent ces accusations et estiment que Tuđman était certainement un des généraux de Tito les plus éduqués. Son livre, Rat protiv rata (La guerre contre la guerre) de 1957, couvrant différents événements militaires d’Hannibal aux partisans en passant par Napoléon, fut le sujet d’étude de nombreux futurs généraux de l’Armée populaire yougoslave.

Tudman, carte maximum, Croatie, 1999.

Tuđman quitte le service actif en 1961 et fonde l’Institut pour l’histoire du mouvement des travailleurs croates (Institut za historiju radničkoga pokreta Hrvatske) dont il est le directeur jusqu’en 1967.

En plus de son livre sur la guérilla, Rat protiv rata, Tuđman écrit un certain nombre d’articles critiquant le Parti communiste de Yougoslavie dont il est exclu. Son œuvre la plus importante de cette époque est Velike ideje i mali narodi (Grandes idées et petites nations) à propos de l’histoire politique et le dogme de l’élite politique yougoslave.

En 1971, il est condamné à deux ans de prison pour sa participation au printemps croate (il est libéré après neuf mois). Le printemps croate est un mouvement réformiste prônant de plus grands droits et une plus grande reconnaissance de la Croatie au sein de la République fédérative socialiste de Yougoslavie. La contestation est réprimée par la police et l’armée.

À cette période, Tuđman critique le rôle du centralisme en Yougoslavie et aussi l’idéologie à la base de l’État. L’idée romantique de nation panslave née au XIXe a été, selon lui, pervertie dans l’État yougoslave par la prépondérance serbe au niveau de la culture, de l’économie, de l’administration et de l’armée. Il critique aussi le dénombrement des victimes du camp de concentration de Jasenovac, ce qui constitue le début d’une longue polémique divisant les historiens nationalistes serbes et croates.

À propos du communisme et de l’idée de parti unique, Tuđman reste cependant dans la ligne du parti.

Tuđman est condamné à trois ans de prison, en 1981, pour activités nationalistes après un entretien donné à une télévision suédoise dans lequel il parle de la position de la Croatie au sein de la République fédérale socialiste de Yougoslavie. Il est libéré après onze mois de détention.

Plusieurs personnalités juives, dont le prix Nobel de la paix Elie Wiesel, ont dénoncé le négationnisme de Franjo Tuđman. Israël n’a jamais envoyé d’ambassadeur en Croatie tant que Franjo Tuđman fut chef de l’État croate2, malgré les excuses de celui-ci.

En 1989, Tuđman publie son livre le plus connu Les Horreurs de la guerre, dans lequel il remet en question le nombre de victimes en Yougoslavie pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce livre, qui mélange méditations sur le rôle de la violence dans l’histoire du monde et expérience personnelle, dénonce une hyperinflation du nombre de victimes serbes dans l’État indépendant de Croatie (NDH).

Selon Tuđman les historiens annonçaient que le nombre de Serbes tués dans le camp de concentration de Jasenovac se situait entre 500 000 et 800 000. Comme les recherches du Croate Vladimir Šerjavić, dont les résultats concordent avec ceux du Serbe Bogoljub Kocovic, l’ont montré, ces chiffres sont inexacts et auraient été utilisés par la propagande pour dénoncer les Oustachis, un des ennemis de la Seconde Guerre mondiale, vaincus par les partisans communistes. Franjo Tuđman affirme que ces chiffres, clamés comme scientifiques, notamment par l’intelligentsia serbe, avaient pour but de justifier la domination serbe sur la Yougoslavie post-Tito. Tuđman affirme que le nombre de l’ensemble des victimes du camp de Jasenovac (Serbes, Juifs, Tsiganes, Croates, et autres) se situait entre 30 000 et 60 000, ce qui était bien inférieur aux chiffres officiels et déclenche alors de grandes polémiques. D’après Le Monde diplomatique, sous la présidence Tuđman, la Croatie commence à s’éloigner de l’héritage de la résistance antifasciste de la Seconde Guerre mondiale et à réhabiliter les Oustachis.

Une autre polémique concerne le supposé antisémitisme de Tuđman. Dans son livre, s’appuyant sur les chiffres de l’historien allemand Weitlinger, il affirme que le nombre de victimes juives de la Shoah se situe aux alentours de 4 millions, et non entre 5 et 6 millions, chiffre fréquemment cité. Le 22 avril 1993, le New York Times annonce que Tuđman affirmerait que seulement 900 000 Juifs ont péri dans l’Holocauste. D’autres passages de son livre sont interprétés comme antisémites, dont une courte description du rôle des Juifs dans l’histoire, et un passage, fondé sur le livre de Ante Ciliga Sam kroz Evropu u ratu (1939-1945) (trad. fr. Seul à travers la guerre en Europe (1939-1945)) décrivant la vie d’un détenu au camp de Jasenovac et ses relations avec son compagnon de chambrée juif. Il décrit les Juifs comme la « nation la moins heureuse du monde, toujours victime de ses ambitions et de celles des autres », et ajoute que « quiconque essaie de montrer qu’ils sont la source même de leur tragédie est rangé parmi les antisémites et est l’objet de haine de la part des Juifs ». Plus tard, Tuđman émet l’idée d’exhumer les restes d’Oustachis et de les placer dans le camp de concentration de Jasenovac, pour forcer une réconciliation des victimes avec leurs bourreaux et en 1990, Tuđman déclare : « Dieu merci, je suis content que ma femme ne soit ni serbe, ni juive ». Il est d’ailleurs par la suite considéré comme un écrivain révisionniste minimisant les crimes croates de la Seconde Guerre mondiale.

En 1998, l’arrestation en Argentine de Dinko Sakic, l’ancien commandant du camp de concentration de Jasenovac, a suscité l’embarras du gouvernement croate, ce dernier étant réticent à en demander l’extradition vu que cela irait à l’encontre de sa politique de réhabilitation des Oustachis.

Les liens de Tuđman avec la diaspora croate lui permettent de créer l’Union démocratique croate (« Hrvatska demokratska zajednica » ou HDZ) en 1989, parti qui restera au pouvoir jusqu’en 2000. Le parti est un mouvement nationaliste revendiquant la tradition historique et culturelle croate et prônant les valeurs liées au catholicisme. Le but est alors de créer un État-nation croate et de gagner l’indépendance. Il annonce vouloir rétablir la Croatie dans ses frontières naturelles et historiques, qui aurait inclus la Bosnie-Herzégovine et se serait étendu jusqu’à la rivière Drina.

Le HDZ remporte plus de 60 % des sièges du Sabor (voir Élection parlementaire croate de 1990) et à la suite de la modification de la constitution, Tuđman est élu président de la République le 30 mai 1990. Il forme un gouvernement non communiste avec à sa tête Stjepan Mesić. Les républiques de Slovénie et de Bosnie-Herzégovine élisent aussi des gouvernements non communistes, tandis que les communistes gardent le pouvoir en Serbie-et-Monténégro.

En octobre 1990, la Croatie comme la Slovénie propose de transformer l’État fédéral en confédération d’États souverains coiffée d’un parlement consultatif, menaçant de faire sécession si cela ne se produit pas. Le 21 décembre 1990, la Croatie adopte une nouvelle Constitution, lui conférant le droit de faire sécession.

Le 31 mars 1991, les premiers incidents éclatent au Parc national des lacs de Plitvice entre les milices serbes de la Krajina et les forces croates. Le 12 mai un référendum illégal est organisé en Krajina. Les Serbes se prononcent pour un rattachement à la République de Serbie si la Croatie fait sécession. Le 19 mai, la République de Croatie organise un référendum. Près de 95 % des votes sont pour un État souverain et indépendant, libre de s’associer aux autres républiques de la fédération yougoslave. Le référendum obtient une participation de 70 % ; il est boudé par la minorité serbe (11 % de la population). Ces évènements, ainsi que la déclaration de la région de la Krajina proclamant son rattachement à la république de Serbie, plongent la Croatie dans la guerre.

Tudman, entier postal, Croatie.

Tuđman se révélera être un fin stratège sur le plan diplomatique et militaire et arrivera à créer une armée croate. Il profite des cessez-le-feu pour faire passer l’armée croate de 7 à 64 brigades après vingt cessez-le-feu, et ceci malgré un embargo sur les armes. Lors de la guerre en Bosnie Tuđman rencontre 47 fois Slobodan Milošević en dix ans pour s’accorder sur le partage de la Bosnie et la réoccupation de la République serbe de Krajina par la Croatie, point qui mènera certains membres du HDZ à quitter le parti. En 1994, Stjepan Mesić quitte le HDZ pour former un nouveau parti, les Démocrates indépendants croate (HND).

En août 1995, à l’approche de la fin de la guerre de Croatie, il déclenche l’opération « Tempête » afin que le pays reconquière la République serbe autoproclamée de Krajina. D’une durée de quatre jours, l’opération aboutit à un nettoyage ethnique des Serbes de la région.

Tuđman mène une politique de privatisation de l’économie croate. Il lui est reproché d’avoir « bradé » les entreprises croates à des profiteurs de guerre.

Il est élu deux fois au suffrage universel : en 1992 (57 % des voix au premier tour) et 1997 (61 % des voix au deuxième tour).

Atteint d’un cancer dès 1993, il meurt d’une hémorragie interne dans la nuit du 9 au 10 décembre 1999.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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