François-Joseph Ier, Empereur d’Autriche.

François-Joseph Ier (en allemand Franz Joseph I.), né le 18 août 1830 à Vienne et mort le 21 novembre 1916 dans la même ville, est empereur d’Autriche et roi apostolique de Hongrie. Membre de la maison de Habsbourg-Lorraine, il règne sur l’Autriche et la Hongrie du 2 décembre 1848 au 21 novembre 1916. Du 1er mai 1850 au 24 août 1866, il occupe également la fonction de président de la Confédération germanique.

Il détient le plus long règne en tant que souverain d’Autriche et de Hongrie, ainsi que le quatrième plus long règne de tous les pays de l’histoire européenne, après le roi de France Louis XIV, le prince Jean II de Liechtenstein et la reine Élisabeth II du Royaume-Uni, soit près de 68 ans.

En décembre 1848, à la suite du Printemps des peuples et de la révolution autrichienne, l’empereur Ferdinand Ier abdiqua le trône, dans le cadre du plan du ministre-président Felix zu Schwarzenberg visant à mettre fin aux révolutions de 1848 en Hongrie. Cela permit à François-Joseph, neveu de Ferdinand, d’accéder au trône. Largement considéré comme un réactionnaire, François-Joseph a passé son règne à résister au constitutionnalisme dans ses domaines. L’Empire autrichien fut contraint de céder son influence sur la Toscane et l’essentiel de ses prétentions sur le royaume de Lombardie-Vénétie au royaume de Piémont-Sardaigne, à la suite de la deuxième guerre d’indépendance italienne en 1859 et de la troisième en 1866. Malgré la défaite de l’Empire après la guerre austro-prussienne, l’Autriche, avec la paix de Prague signée le 23 août 1866, ne céda aucun territoire au royaume de Prusse, mais dut abandonner ses prétentions à l’unification de l’Allemagne sous l’égide de la maison de Habsbourg.

Le règne de François-Joseph a été troublé par le nationalisme dans plusieurs de ses territoires. Il conclut le compromis austro-hongrois de 1867, accordant une plus grande autonomie à la Hongrie et transformant l’empire autrichien en une double monarchie austro-hongroise. Il régna pacifiquement pendant 45 ans, mais il subit personnellement les tragédies de l’exécution de son frère, l’empereur Maximilien Ier du Mexique en 1867, de la mort dans des conditions mystérieuses de son fils et héritier, le prince Rodolphe en 1889, de l’assassinat de sa femme, l’impératrice Élisabeth (« Sissi ») en 1898, et de l’assassinat de son neveu et héritier présomptif, l’archiduc François-Ferdinand, en 1914.

Après la guerre austro-prussienne, les intérêts de Autriche-Hongrie se sont portés vers les Balkans, point chaud de la tension internationale en raison de conflits d’intérêts avec l’Empire russe. La crise en Bosnie est le résultat de l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par François-Joseph en 1908. Celle-ci était occupée par les troupes autrichiennes depuis le Congrès de Berlin en 1878.

Le 28 juin 1914, l’assassinat à Sarajevo de l’archiduc François-Ferdinand, son neveu et héritier présomptif, aboutit à la déclaration de guerre au royaume de Serbie, allié de l’Empire russe. Cela déclenche le système d’alliances qui débouche sur la Première Guerre mondiale.

François-Joseph décède le 21 novembre 1916, après avoir régné sur l’Autriche pendant près de 68 ans. Son petit-neveu Charles lui succéda.


En février 1848 éclate une révolution des patriotes italiens. La révolution gagne alors tout l’empire. La Hongrie et la Bohême bougent tandis que le 13 mars — jour anniversaire de la naissance de l’empereur Joseph II, révéré par les révolutionnaires — , une émeute bourgeoise, étudiante et ouvrière à Vienne provoque le renvoi de Metternich. L’empereur Ferdinand convoque une assemblée constituante qui émet une constitution inspirée de la Joyeuse entrée belge le 25 avril ; mais elle ne satisfait pas les populations révoltées.

En avril, François-Joseph, 17 ans, est nommé gouverneur de Bohême, mais sa mère préfère l’envoyer en Italie où il est laissé aux soins de l’armée. Aux côtés du général Radetzky, il connaît son baptême du feu à la bataille de Santa Lucia le 6 mai. Mais il est assez vite rappelé auprès de la famille impériale, à Innsbruck puis à Vienne. Comme sa mère, il est un farouche partisan de l’écrasement de la révolution par l’armée.

Après les émeutes sanglantes du 6 octobre, la famille et la cour impériale quittent Vienne pour Olmütz. C’est alors que le général Windischgrätz, auréolé par la reprise de Prague, propose aux Habsbourg de mettre un terme à la révolution en marchant sur Vienne. Ceci fait, Ferdinand Ier, trop compromis avec les révolutionnaires et inapte à gouverner, serait remplacé par son jeune neveu François-Joseph. L’empereur, pressé par l’impératrice-consort Marie-Anne de Sardaigne, accepte l’accord. Son père François-Charles, poussé quant à lui par Sophie, renonce à ses droits au trône au profit de son fils.

Le 31 octobre, après un court siège, Windischgrätz et Jellačic investissent Vienne. Le 21 novembre, le prince Felix zu Schwarzenberg forme un gouvernement réactionnaire.

Le temps de l’avènement est venu pour François-Joseph. La passation de pouvoir entre lui et son oncle a officiellement lieu le 2 décembre 1848 dans la grande salle du palais archiépiscopal d’Olmütz (Moravie). Le nouvel empereur, acceptant ses nouvelles charges, aurait dit « Adieu, ma jeunesse ». Il a 18 ans et prend le nom de François-Joseph Ier (et non François II comme attendu, le prénom Joseph rappelle Joseph II, empereur réformateur). Il choisit comme devise Viribus unitis (avec nos forces unies), ce qui est de circonstance au moment où l’empire est au bord de la désagrégation. Il fait son entrée dans Vienne le 5 mai 1849, une fois les troubles matés.

Le nouvel empereur prend immédiatement en main les affaires de l’État, et dévoile au passage une force de travail impressionnante. Ce jeune homme de dix-huit ans est cependant alors sous l’influence de trois personnes essentielles : sa mère, l’archiduchesse Sophie de Bavière ; le Premier ministre Schwarzenberg, artisan de la restauration du pouvoir impérial ; et son premier aide de camp, le baron von Grünne, qui a la haute main sur les affaires militaires. Après avoir rejeté le projet de constitution du Reichstag de Kremsier, jugé trop libéral, François-Joseph promulgue la Constitution du 4 mars 1849, conservatrice et centralisatrice. L’empereur et Schwarzenberg souhaitent en effet unifier l’empire plutôt que d’accorder l’autonomie aux minorités. Le Reichstag est dans le même temps dissous.

Reste à écraser les Hongrois. Ces derniers remportent en avril 1849 des succès en repoussant une offensive autrichienne. François-Joseph, qui doit livrer une autre guerre en Italie du Nord, demande l’aide de l’empereur Nicolas Ier de Russie. L’alliance écrase finalement la rébellion en août 1849. S’ensuit une terrible répression encouragée par l’empereur et organisée sur place par le général Haynau, chef de l’armée autrichienne en Hongrie, déjà rendu célèbre par les tueries qu’il a commises dans le nord de l’Italie et qui lui ont valu le surnom de « Hyène de Brescia ». La Hongrie disparaît en tant qu’entité politique et est absorbée dans l’Autriche.

En Italie, une trêve a été conclue avec les Piémontais fin 1848, mais les hostilités reprennent le 2 mars 1849. Cependant, après la victoire autrichienne de Novare, le roi Charles-Albert est contraint de demander l’armistice puis d’abdiquer. Avec la paix signée le 6 août, le gouvernement piémontais doit verser 75 millions de francs d’indemnité à l’Autriche. Quant à la population italienne, la répression qui s’abat sur elle est moins lourde que celle subie par les Hongrois.

L’Empire doit parallèlement lutter avec la Prusse pour la suprématie en Allemagne. Frédéric-Guillaume IV souhaite en effet prendre la direction d’une Union allemande dont l’Empire d’Autriche serait exclu. Schwarzenberg propose, lui, une solution « grande-autrichienne » qui regrouperait l’Allemagne et toutes les possessions habsbourgeoises. Lorsque la Hesse-Cassel demande l’aide en octobre 1850 de la Confédération germanique dominée par l’Autriche contre la Prusse, la guerre semble inévitable. Finalement, les Prussiens doivent renoncer à leur projet, c’est la « reculade d’Olmütz ». François-Joseph est conforté dans sa position de premier prince allemand, même si la question allemande n’est pas tranchée.

Les révoltes étant réprimées, François-Joseph peut se concentrer sur les affaires intérieures. Inspiré par Schwarzenberg, il tente d’unifier politiquement et administrativement l’empire afin d’empêcher de nouvelles révolutions nationalistes.

Pour cela, il ne tolère aucun contre-pouvoir. C’est ainsi que la Constitution du 4 mars 1849 est peu à peu vidée de sa substance pour être finalement abrogée. L’empereur concentre désormais tous les pouvoirs entre ses mains, assisté d’un Conseil de l’Empire (Reichsrat) dirigé par un de ses affidés, le baron von Kübeck (de). Les ministres deviennent de simples exécutants de la volonté impériale. François-Joseph bénéficie alors de plus de pouvoir encore que ses prédécesseurs du Vormärz. Ce n’est toutefois pas un retour à l’ordre ancien puisque l’abolition du système féodal est confirmée ; on qualifie donc ce régime de néo-absolutiste.

Après la mort de Schwarzenberg en 1852, François-Joseph s’appuie sur des ministres talentueux et relativement dociles comme Karl Ludwig von Bruck (en) au ministère de la Justice, Karl von Buol-Schauenstein aux Affaires étrangères et surtout Alexander von Bach à l’Intérieur. Ce dernier procède à une importante modernisation de l’administration, qui est peu à peu centralisée à Vienne.

Le régime s’appuie sur une puissante bureaucratie, unifiée par l’utilisation de l’allemand comme seule langue officielle et chargée de tracer la voie vers une Autriche unitaire. Les institutions régionales comme les diètes sont mises à l’écart. La Croatie et surtout la Hongrie sont divisées en districts soumis à l’administration viennoise. Toujours dans le souci d’unifier l’empire, l’allemand est favorisé au détriment des autres langues. Cette politique visant à étouffer les nationalismes engendre l’hostilité des minorités, comme le montre l’attentat de Libenyi du 18 février 1853, lorsqu’un exalté hongrois manque de peu d’assassiner l’empereur.

L’armée et surtout l’Église catholique sont les autres grands soutiens du régime. Afin de s’assurer le soutien du clergé, le régime lui redonne un poids important dans la société, et négocie un concordat avec le Saint-Siège qui est signé le 18 août 1855.

François-Joseph souhaite également faire de Vienne une grande métropole européenne, au même titre que Londres et Paris. Il ordonne ainsi en 1857 la destruction des remparts de la ville.

Les années 1850 sont marquées par une croissance économique importante. L’État adopte le libéralisme économique en abaissant les droits de douane ; de plus, la fiscalité est unifiée pour tout l’empire.

L’agriculture se modernise après le remembrement des terres au profit des grands propriétaires. L’industrie se développe tandis que de grandes banques d’affaires apparaissent. L’économie autrichienne connaît donc un essor incontestable mais encore insuffisant et inégal selon les régions. Sur le plan culturel, le ministre de l’Éducation Leo von Thun crée l’Université autrichienne.

Au début de son règne, le jeune empereur vit quelques relations amoureuses épisodiques, notamment avec sa cousine Élisabeth de Habsbourg-Hongrie, une jeune veuve qui, bien des années plus tard, plaira énormément à son gendre, le roi Alphonse XII d’Espagne. Plus sérieusement, sa mère l’archiduchesse Sophie, faute d’avoir pu fiancer son fils à la princesse Anne de Prusse, nièce du roi de Prusse, décide de lui faire épouser Hélène en Bavière, fille du duc Maximilien en Bavière.

La rencontre entre les deux futurs époux est organisée dans la résidence impériale d’été de Bad Ischl, le 18 août 1853, pour le vingt-troisième anniversaire de François-Joseph. Hélène est accompagnée de sa mère et de sa jeune sœur Élisabeth dite « Sissi ». Or, à la surprise générale, l’empereur tombe immédiatement amoureux de cette dernière, qui est sa cousine germaine et n’a que 15 ans. Dès le lendemain de l’entrevue, il annonce son intention de l’épouser.

François-Joseph épouse Élisabeth à Vienne le 24 avril 1854. Le début du mariage n’est pas heureux, Sissi souffrant de la pesante étiquette habsbourgeoise tout comme de l’influence qu’exerce sa belle-mère sur son époux. Si celui-ci adore sa femme, ses obligations le tiennent éloigné d’elle comme tout monarque de l’époque. Au fil du temps, l’impératrice affichera un dégoût de plus en plus net pour la vie de couple, surtout après la mort en bas âge de leur première fille Sophie en 1857.

Au début des années 1860, la Prusse devient peu à peu la première puissance allemande aux dépens de l’Autriche. Les nationalistes préfèrent en effet la solution petite-allemande centrée sur la Prusse à une solution grande-allemande intégrant l’empire multiculturel des Habsbourg. La politique prussienne, dirigée à partir de 1862 par Otto von Bismarck, n’a de cesse de saper l’influence autrichienne en Allemagne. Ainsi le traité de libre-échange franco-prussien de 1862 donne-t-il à la France des allègements tarifaires préférentiels inacceptables pour l’empire habsbourgeois. En ratifiant ce traité peu après, les États allemands excluent l’Autriche du Zollverein.

Pour contrer la Prusse sur le plan politique, François-Joseph réunit un Congrès des princes à Francfort le 16 août 1864. Il s’agit d’entériner une réforme conservatrice et antiprussienne de la constitution de la Confédération germanique. Mais par son absence, la Prusse rend nulles les décisions du congrès qui se termine donc par un échec.

En 1864 éclate aussi l’affaire des duchés. Pour l’occasion, François-Joseph accepte l’alliance prussienne contre le Danemark, mais il n’est pas suivi dans sa démarche par les autres États allemands. Ainsi, si la guerre est un facile succès militaire, c’est aussi un nouvel échec politique pour l‘empire, comme le souhaitait Bismarck. Toutefois, François-Joseph croit naïvement à un retour de la Sainte-Alliance et accepte un partage des duchés, recevant le Holstein (pacte de Gastein).

Après la guerre des Duchés, Bismarck prépare l’offensive finale contre l’empire d’Autriche. Il s’assure de la neutralité de la France et conclut une alliance avec le royaume d’Italie, qui recevrait en échange la Vénétie.

Sentant la menace, François-Joseph tente d’empêcher le conflit et accepte même la cession de la Vénétie sur une proposition de Napoléon III. De plus, afin de reprendre l’avantage auprès de ses alliés allemands, il propose un vote d’autodétermination populaire sur l’avenir du duché de Holstein. Mais il précipite ainsi le conflit qui éclate le 14 juin 1866. Officiellement, l’empire d’Autriche peut compter sur le soutien de la Confédération germanique, mais seul le royaume de Saxe la soutient fermement.

Dépassées par la modernité de l’armée prussienne, les troupes autrichiennes reculent rapidement et finissent par être écrasées à la bataille de Sadowa le 3 juillet 1866.

François-Joseph est alors contraint de demander la paix, qui est conclue par les traités de Prague et de Vienne. L’Italie y gagne la Vénétie. La Confédération germanique disparaît et laisse place à une confédération de l’Allemagne du Nord, dirigée par le royaume de Prusse. L’Autriche se retrouve définitivement exclue d’Allemagne.

Au milieu des années 1890, la santé de l’impératrice Élisabeth se dégrade sérieusement, ce qui inquiète au plus haut point François-Joseph.

Début septembre 1898, l’impératrice est à Genève où elle séjourne comme à son habitude sous un nom d’emprunt afin d’éviter les réceptions officielles. Elle est cependant reconnue par un jeune anarchiste italien, Luigi Luccheni. Celui-ci la suit pendant plusieurs jours. Le 10 septembre 1898, alors que suivie par sa dame d’honneur, l’impératrice presse le pas sur l’embarcadère de peur de rater l’heure de départ du bateau, le jeune homme se jette sur elle avec un poinçon avant de s’enfuir. Se croyant indemne, l’impératrice embarque mais alors que le bateau s’éloigne du quai, elle s’évanouit. Ramenée à quai, transportée à son hôtel, elle meurt peu après.

Ce nouveau drame porte un coup terrible à l’empereur qui confie au comte Paar en parlant de son épouse : « Nul ne sait combien nous nous sommes aimés. »

Pour atténuer son chagrin, il se réfugie alors dans le travail et dans l’amitié que lui apporte Katharina Schratt. Celle-ci, de vingt-trois ans la cadette de son souverain, était comédienne au Burgtheater de Vienne. L’empereur n’était pas indifférent à sa fraîcheur et en avait fait part à son épouse. C’est l’impératrice, culpabilisant de laisser son mari si seul, qui lui présenta la comédienne en 1885 et les engagea à devenir amis. Rien ne permet de dire que Katharina Schratt ait été la maîtresse de l’empereur.

Celle-ci imita le comportement de l’impératrice, notamment pour promouvoir sa carrière. Elle reçut du souverain quantité de bijoux et une maison dans la Gloriettegasse, près du palais impérial.

Tous les matins, l’empereur se rendait chez « la dame » prendre un petit déjeuner dans le plus pur style viennois. Cependant, les relations de l’empereur et de Katharina se dégradèrent deux ans après la mort de l’impératrice. Katharina, dont la cinquantaine approchait, n’avait plus l’âge de jouer les jeunes premières mais ne se résolvait pas à abandonner ces rôles qui lui avaient valu tant de succès. Elle aurait également voulu devenir directrice du Burgtheater. Déçue de n’avoir pas reçu de l’empereur le soutien qu’elle attendait, elle s’éloigna de 1900 à 1901, avant de se réconcilier, pour le plus grand bonheur du vieux souverain, de plus en plus envahi par la solitude.

Depuis la mort de Rodolphe en 1889, l’héritier du trône est l’archiduc Charles-Louis, frère de l’empereur. Mais personne ne songe un instant à lui confier la couronne, et c’est son fils François-Ferdinand qui apparaît comme le successeur désigné de son oncle. En 1896, la mort de Charles-Louis fait de François-Ferdinand l’héritier officiel des couronnes impériale et royale. Cependant celui-ci, qui n’est toujours pas marié, décide d’épouser Sophie Chotek, fille d’un aristocrate tchèque. L’empereur refuse énergiquement de consentir à cette union qu’il considère comme une mésalliance. Le règlement de 1839 impose à un membre de la maison impériale d’épouser une femme de sang royal sinon celui-ci perd ses titres, dignités et fonctions, doit renoncer pour lui et ses descendants à ses droits au trône, est exclu de la famille impériale et doit changer de nom.

Si François-Ferdinand s’entête, il devra céder ses droits à son frère cadet Otto. Plus cynique que son frère, celui-ci s’est marié très jeune à la fille du roi de Saxe dont il a eu deux fils, mais mène ouvertement une vie de débauche émaillée de scandales. François-Joseph se refuse à voir en lui un successeur possible.

Le souverain et son héritier se disputent ainsi pendant deux ans avant que François-Joseph, sous l’influence de sa belle-sœur Marie-Thérèse de Bragance, ne cède en 1900. Tout en imposant le fait que ce mariage soit considéré comme morganatique, François-Ferdinand reste l’héritier du trône mais son épouse ne fera pas partie officiellement de la famille impériale et leurs enfants n’auront aucun droit au trône. François-Ferdinand accepte la rage au cœur, ce qui augure nombre de complications si ce dernier vient à monter un jour sur le trône.

Après la crise des années 1897 – 1900, le calme revient avec le  gouvernement d’Ernest von Koerber, qui parvient à se maintenir au pouvoir de 1900 à 1904. Koerber tente d’opposer le développement économique à la poussée nationaliste. S’il met en place un vaste programme de construction de chemins de fer et de canaux, il est cependant renversé à la suite de nouvelles agitations au Reichsrat.

Dès lors, François-Joseph se résout à enfin faire adopter le suffrage universel complet (sans système de classes). C’est la mission qu’il confie aux gouvernements de Paul Gautsch (1904 – 1906) et de Max von Beck (1906 – 1908). Bien que toujours opposé à la démocratie, l’empereur espère détourner ainsi l’attention des classes populaires vers les questions économiques et sociales.

Malgré l’opposition d’une frange de l’aristocratie menée par François-Ferdinand, la loi instaurant le suffrage universel en Cisleithanie pour les élections au Reichsrat est votée et promulguée le 20 janvier 1907. Les premières élections en mai 1907 voient le succès des chrétiens-sociaux et des sociaux-démocrates.

Avant le début des années 1900, la tension monte également en Hongrie, au sujet de l’accord décennal de 1897 et de l’armée. Le compromis de 1887 se finissant le 31 décembre 1897, il est prorogé d’une année, sous pression de l’empereur pour une année, puis pour deux, puis jusqu’en 1903. Durant l’année 1902, un accord valable jusqu’en 1907 est conclu. Les patriotes hongrois réclament en effet le passage des régiments hongrois sous l’autorité de Budapest et non plus de Vienne. Ceci entraînerait la création d’une armée nationale hongroise, ce que François-Joseph ne peut permettre, l’armée étant l’un des derniers piliers de l’unité de la double monarchie. L’empereur parvient finalement à trouver un compromis avec le gouvernement libéral de István Tisza, mais les élections de 1905 voient la défaite de ce dernier et la victoire des indépendantistes. Après un an d’affrontement, un accord est finalement conclu en 1906 : les indépendantistes entrent dans un gouvernement dirigé par Sándor Wekerle tandis que la question militaire est reportée à la négociation prévue pour l’Ausgleich de 1917.

François-Joseph parvient donc à maintenir le statu quo en Hongrie mais ne peut empêcher la politique de « magyarisation » à l’encontre des autres nationalités entreprise par le gouvernement de Budapest à partir de 1907.

La politique étrangère austro-hongroise des années 1890-1900 est marquée par le conservatisme et la recherche d’une bonne entente avec la Russie. Cependant, le système bismarckien se défait peu à peu avec l’alliance franco-russe, les accords entre la France et l’Italie de 1900 et 1902 et enfin l‘Entente cordiale de 1904. Il se crée ainsi un axe Paris-Londres-Saint-Pétersbourg opposé à la Triplice réunissant l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et une Italie peu sûre.

Dans les Balkans, l’influence autrichienne recule. L’arrivée au pouvoir en 1903 à Belgrade de Pierre Karageorgévitch marque un tournant dans les relations austro-serbes. Belgrade se convertit effectivement au panserbisme et entame un rapprochement avec la Russie. Cette dernière étant au bord d’un conflit armé avec le Japon, François-Joseph pourrait lancer une opération militaire pour rétablir l’ordre en Serbie, mais il s‘y refuse de peur de déclencher une révolte des nationalités dans son empire. En effet, les peuples slaves de Hongrie, et particulièrement les Croates, sont séduits par les projets panslavistes de la Serbie.

Pour s’opposer au gouvernement serbe, Vienne décide plutôt d’appliquer des mesures de rétorsion économique et ferme sa frontière avec la Serbie. Mais ceci n’a pas d’autre effet que de favoriser l’introduction française et britannique dans le petit royaume qui rejoint ainsi le camp de la Triple-Entente.

François-Joseph conserve une relative bonne forme jusqu’à ses 75 ans, mais voit sa santé se dégrader assez sérieusement à partir de 1907. Il ne cesse pour autant de s’astreindre aux cérémonies et voyages officiels, gages d’une popularité toujours aussi grande parmi ses peuples.

Mais en 1911, deux graves refroidissements le laissent longtemps convalescent. Après cela, les sorties officielles de l’empereur deviennent beaucoup plus rares. Sur le plan familial, François-Joseph goûte la compagnie de ses filles, particulièrement Marie-Valérie, et de ses nombreux petits-enfants. Katharina Schratt l’entoure toujours d’une tendre affection.

Ses relations avec François-Ferdinand sont en revanche exécrables, l’héritier du trône supportant de plus en plus mal l’attente de son avènement, ainsi que la supposée passivité de son oncle face aux dangers qui menacent l’empire.

C’est dans ce climat qu’est décidée en 1907, sous l’impulsion du ministre des Affaires étrangères Aehrenthal, l’annexion de la Bosnie-Herzégovine, occupée depuis 1878. La Russie n’est pas opposée à cette annexion, mais à condition que cela se fasse avec l’accord de la communauté internationale. Néanmoins l’Autriche-Hongrie passe outre et le rattachement est officialisé le 5 octobre 1908. Ceci entraîne une véritable crise internationale, la Russie et la Serbie, mais aussi la France, le Royaume-Uni et la Turquie réclamant la tenue d’une conférence internationale. De son côté, le chef de l’état-major pousse à une guerre préventive contre la Serbie.

Mais finalement, la pression allemande fait reculer Serbes et Russes qui reconnaissent l’annexion en 1909.

Cependant, la reculade russe ne doit faire oublier l’évacuation par l’Autriche des places où elle tenait garnison dans le Sandjak de Novipazar, et donc la perte d’influence vers le Sud des Balkans.

En 1910, toujours administrée par le ministre des finances communes, la Bosnie-Herzégovine se voit dotée d’une constitution qui institue un suffrage universel par classes, sur le modèle de celui en vigueur en Cisleithanie entre 1896 et 1907. Si cette crise s’achève par une victoire diplomatique de la double monarchie, elle cristallise cependant la haine des Serbes et des panslavistes à l’égard de l’État habsbourgeois et sonne le glas de la bonne entente austro-russe.

Les années 1912-1913 voient un net recul de l’influence austro-hongroise dans les Balkans au profit de la Russie. C’est ainsi sous l’égide de cette dernière qu’est conclue en 1912 la Ligue balkanique contre l’Empire ottoman, mais aussi contre l’Autriche-Hongrie. Pour éviter tout affrontement avec Saint-Pétersbourg, l’empire décide de ne pas intervenir au cours des guerres balkaniques. François-Joseph se contente de menacer la Serbie lorsque cette dernière tente d’occuper l’Albanie, avec succès. Mais ceci n’empêche pas la monarchie habsbourgeoise de se retrouver presque isolée dans cette région à l’issue de ces conflits. La diplomatie dirigée par Berchtold essaie pourtant de rallier la Bulgarie, vaincue lors de la deuxième Guerre balkanique, sans grand succès, tout comme de maintenir une alliance roumaine de plus en plus fragile.

Les tensions entre les nationalités sont toujours au cœur de la vie politique du pays, comme le montrent les élections de 1911 qui voient le recul des chrétiens-sociaux au profit des partis nationalistes. La question de la Bohême reste essentielle et les conflits entre Tchèques et Allemands créent de nombreux remous au Reichsrat. Les gouvernements dirigés par Bienerth puis par Stürgkh ne bénéficient pas d’assises parlementaires solides et se contentent de gérer les affaires courantes.

En Hongrie, les libéraux de Tisza reviennent au pouvoir en 1910. Toutefois, le nouveau gouvernement poursuit la politique de magyarisation, au grand dam des minorités, notamment des Croates.

Toutefois, les passions nationalistes semblent un peu s’apaiser en 1914. Des compromis politiques sont conclus en Moravie, en Ruthénie ou encore en Bukovine. Le développement économique et la hausse du niveau de vie que connaît la double monarchie au début du xxe siècle favorisent une certaine détente.

En 1914, l’archiduc François-Ferdinand semble très proche de succéder à son vieil oncle âgé de 84 ans. Son avènement prochain préoccupe grandement la Serbie, inquiète de sa volonté d’une réconciliation austro-russe qui se ferait aux dépens des intérêts de Belgrade. L’association terroriste panslave La Main noire, manipulée directement par le chef des services secrets serbes, le colonel Dragutin T. Dimitrijevic, qui avait déjà tenté d’assassiner François-Joseph en 1910, prend l’archiduc pour cible, malgré l’opposition du Premier ministre serbe Nikola Pašić.

François-Ferdinand décide de se rendre en juin 1914 en Bosnie afin d’assister à des manœuvres militaires dans la capitale, Sarajevo. La Main noire prend alors contact avec de jeunes bosniaques panslaves afin de l’assassiner à cette occasion. Le gouvernement serbe de Nikola Pašić, bien qu’informé de l’imminence de l’attentat, ne parvient pas à trouver assez rapidement un intermédiaire fiable pour prévenir les autorités autrichiennes sans risquer d’être accusé de duplicité.

Le 28 juin 1914, l’archiduc arrive à Sarajevo. L’attentat a lieu et réussit (la présence de son épouse n’a pas permis à François-Ferdinand de bénéficier de la présence policière qui aurait été déléguée auprès d’un des membres de la Maison impériale). François-Ferdinand et son épouse sont assassinés par le jeune Gavrilo Princip, après une première tentative infructueuse. On apprendra plus tard que Gavrilo Princip a agi de son propre chef, même si son action a bien arrangé la Main noire.

Si François-Joseph n’est pas peiné par la mort de son neveu, il est en revanche décidé avec Berchtold de punir la Serbie par la force, même si aucune preuve de son implication dans l’attentat n’apparaît sur le moment. Selon lui la monarchie doit rompre avec la politique de passivité menée depuis plusieurs années et frapper le cœur des menées anti-autrichiennes. Pour cela, l’empereur s’assure du soutien allemand, mais aussi hongrois, Tisza s’étant a priori montré tiède quant à une intervention militaire.

Au cours d’une réunion tenue début juillet à Berlin, l’Autriche-Hongrie et l’Allemagne décident d’utiliser la manière forte au risque de provoquer une guerre européenne.

Le 7 juillet 1914, un Conseil des ministres extraordinaire décide l’envoi d’un ultimatum à Belgrade.

L’ultimatum est notifié au gouvernement serbe le 23 juillet. Ses conditions sont humiliantes pour Belgrade, demandant notamment de punir les commanditaires du meurtre, de combattre toute action anti-autrichienne et d’accepter la présence d’enquêteurs autrichiens sur le territoire serbe. Belgrade refuse ce dernier point mais accepte huit des neuf autres exigences. Ce n’est cependant pas assez pour l’Autriche-Hongrie qui rompt ses relations diplomatiques avec la Serbie. François-Joseph lance alors le processus menant à la guerre et décrète la mobilisation des troupes.

Le 28 juillet, le gouvernement austro-hongrois déclare la guerre à la Serbie. Le 31 juillet, l’Allemagne, subodorant peut-être que l’alliance franco-russe fonctionnera au profit de la Serbie, envoie un double ultimatum, sous 48 heures, à la France et à la Russie leur enjoignant de déclarer que ces deux puissances se déclareront neutres dans le conflit qui se prépare. La France répond qu’elle agira “conformément à ses intérêts”.

Le 2 août, l’Allemagne attaque le Luxembourg neutre et adresse un ultimatum à la Belgique. Le 3 août, l’Allemagne déclare la guerre à la France et attaque la Belgique le 4 août.

S’il est patent que l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie ont fait fonctionner leur pacte et ont de concert entamé les hostilités, il n’est, par contre, pas possible d’affirmer que l’alliance franco-russe a, elle, fonctionné puisque ces pays n’ont pas eu le choix de se déterminer, et que ce sont l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie qui ont décidé de les attaquer et de se les choisir comme adversaires.

Au reste, ce sera seulement le 6 août que débutera le conflit entre la Russie et l’Autriche-Hongrie par la déclaration de guerre envoyée de Vienne à Saint-Pétersbourg. Cela faisait déjà 5 jours que la guerre avait débuté.

Le Royaume-Uni, garant des traités fondateurs de la Belgique au même titre que l’Allemagne, ne peut admettre que celle-ci viole la neutralité belge. Après un ultimatum demandant à l’Allemagne de retirer ses armées de Belgique, et n’obtenant aucune réponse, le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Allemagne.

L’Italie, quant à elle, constatant que l’Allemagne et l’Autriche- Hongrie auxquelles elle s’était alliée sont les agresseurs du conflit qui commence, décide de ne pas prendre part à la guerre aux côtés de ses alliés et de rester neutre. Elle tiendra cette position jusqu’au printemps 1915, date à laquelle elle se rangera aux côtés de la France et des alliés de cette dernière.

Bien que robuste, la santé de François-Joseph s’était légèrement dégradée depuis le début de la guerre. Au début du mois de novembre 1916, le souverain est frappé par une congestion pulmonaire entraînant des poussées de fièvre et une grande fatigue, générée par le maintien du rythme de vie et des obligations officielles du monarque. La maladie évolue à partir du 15 novembre puis s’aggrave considérablement le 20 novembre. L’empereur remplit pourtant ce jour-là ses obligations au château de Schönbrunn (paraphe de dossiers, entrevue…) mais son état ne cesse d’empirer : il doit faire des pauses fréquentes et semble éprouver des difficultés à se tenir debout, selon ses proches collaborateurs. Le soir, lorsqu’il s’endort, il est au plus mal. L’archiduc Charles, héritier du trône, alors sur le front, est appelé en urgence à Vienne par son épouse, appuyée par les médecins de l’empereur.

Le 21 novembre, à huit heures et demie du matin, François-Joseph reçoit l’extrême onction. Après plus de 67 ans de règne, l’un des plus longs de l’époque contemporaine, l’empereur François-Joseph s’éteint quelques minutes plus tard à l’âge de 86 ans, au Palais de Hofburg, à Vienne. Son petit-neveu, l’archiduc Charles, lui succède sous le nom de Charles Ier à seulement trente-quatre ans.

Le 30 novembre, devant des milliers de personnes, ont lieu les obsèques officielles de François-Joseph Ier, selon le cérémonial des funérailles des Habsbourg. Son cercueil est déposé dans la crypte des Capucins à Vienne, surplombant d’environ un mètre le sarcophage de sa femme Élisabeth et celui de son fils Rodolphe.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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