Emile Driant, offcier de carrière.

Émile Driant (Neufchâtel-sur-Aisne, 11 septembre 1855 – Beaumont-en-Verdunois, 22 février 1916) est un officier de carrière français. Il est le gendre du général Boulanger. « Jules Verne militaire » sous le pseudonyme de Danrit ou capitaine Danrit, député de Nancy, il reprend le service au début de la Première Guerre mondiale. Il meurt à Verdun à la tête des 56e et 59e bataillons de chasseurs, en février 1916.

Émile Driant naît le 11 septembre 1855, à Neufchâtel-sur-Aisne, où son père est juge de paix. Élève au lycée de Reims, il obtient le premier prix d’histoire au Concours général. Contrairement au souhait de son père de le voir lui succéder, Émile désire être soldat, marqué par la défaite de 1871 et le passage des troupes prussiennes. Après avoir obtenu une licence ès-lettres et en droit, il intègre Saint-Cyr à vingt ans, en 1875. Sorti quatrième deux ans plus tard, il entame une carrière militaire des plus méritantes : « petit, mais solide, santé à toute épreuve, très actif et toujours prêt ; monte fort bien à cheval et a un goût très prononcé pour l’équitation, très intelligent a devant lui le plus bel avenir » écrira un de ses supérieurs. À sa sortie, le sous-lieutenant Driant choisit l’infanterie.

En mai 1884, il devient en Afrique officier d’ordonnance du général Georges Boulanger, qui commandait la division d’occupation en Tunisie. Il reste au service du général pendant plusieurs années et le suit aux mêmes fonctions lorsque Boulanger devient ministre de la Guerre en 1886.

Le 29 octobre 1887, il épouse à Paris Marcelle Boulanger, une des filles du général Boulanger, alors que celui-ci venait juste d’être mis assez brutalement à la retraite au mois de mars précédent. Driant regagne alors la Tunisie en tant que Capitaine au 4e Zouaves en garnison à Tunis. Il ne prendra jamais part aux activités politiques du courant Boulangiste. Fin 1892, il prend toutefois huit jours d’arrêts pour avoir défendu la mémoire de son beau-père dans Le Figaro après la chute et le suicide de celui-ci.

Nommé chef de bataillon depuis 1896, le commandant Driant est nommé en juillet 1899 chef de corps du 1er bataillon de chasseurs à pied en garnison à Troyes. Il exerce son commandement avec mérite relatent ses subordonnés et la presse locale, et fait du premier bataillon, un bataillon d’élite bientôt connu dans toute l’armée française sous le nom de « Bataillon Driant ».

Promis aux plus hauts postes de la hiérarchie militaire, trois affaires successives lui en enlèvent tout espoir. L’affaire des fiches, en 1904, provoque un scandale. De 1900 à 1904, un système de hiérarchie parallèle illustre la lutte entre le socialisme et la franc-maçonnerie d’un côté et le catholicisme au sein de l’armée. Le ministère avait fait établir pour chaque officier une fiche de renseignements politiques et confessionnels indépendante des notes attribuées par les supérieurs hiérarchiques, bloquant l’avancement des officiers de confession catholique. Émile Driant crée 2 ligues après l’affaire des fiches : la ligue antimaçonnique, ne comprenant que des hommes, et la ligue de Jeanne d’Arc, réservée aux femmes. Ces deux ligues fusionnent en 1906 avec l’Union française antimaçonnique, dirigée par Paul Copin-Albancelli. La nouvelle entité prend alors le nom de Ligue française anti-maçonnique. Mais elle éclate en 1909 et Copin-Albancelli fonde la Ligue de défense nationale contre la franc-maçonnerie.

Colonel Driant, carte maximum, Neufchatel-sur-Aisne, 21/02/1956.

Certes le général André, ministre de la Guerre, démissionne, mais Driant manifeste haut et fort devant ses officiers son indignation. Il fait aussitôt l’objet d’un rappel à l’ordre de la part du ministre qui, par ailleurs, l’écarte du tableau d’avancement pour l’année suivante.

Député à l’entrée de la guerre, il a 59 ans. Son mandat de député et son âge l’écartent facilement de toute obligation militaire. Cet anglophobe (La Guerre Fatale) demande pourtant à reprendre du service contre l’Allemagne et obtient, le 14 août 1914, le commandement des 56e et 59e bataillons de chasseurs à pied. C’est à l’automne 1915 qu’il prend en charge le secteur du bois des Caures, devant Verdun.

Fin 1915, sans préjuger encore d’une attaque sur Verdun qu’on n’imagine pas, Driant alarme les élus, et même le président de la République, sur la très grande insuffisance des moyens de défense de la zone. Le 1er décembre, il en fait état auprès de la Commission de l’Armée de la Chambre. Gallieni, ministre de la Guerre écrit, le 16 suivant, à Joffre, qui prend mal la chose et ne trouve pas autre chose que d’offrir sa démission.

Depuis son PC au cœur du bois des Caures, à la tête de deux bataillons de chasseurs, il mourra, comme une majorité de ses hommes, dans les premières heures de ce qui deviendra la « bataille des 300 jours ».À partir de janvier, de nombreux indices annoncent pourtant une offensive prochaine. Le 20 février 1916, à la veille du déclenchement de la bataille de Verdun, le lieutenant-colonel Driant adresse ce dernier courrier à sa femme :

« je ne t’écris que quelques lignes hâtives, car je monte là-haut, encourager tout mon monde, voir les derniers préparatifs ; l’ordre du général Bapst que je t’envoie, la visite de Joffre, hier, prouvent que l’heure est proche et au fond, j’éprouve une satisfaction à voir que je ne me suis pas trompé en annonçant il y a un mois ce qui arrive, par l’ordre du bataillon que je t’ai envoyé. À la grâce de Dieu ! Vois-tu, je ferai de mon mieux et je me sens très calme. J’ai toujours eu une telle chance que j’y crois encore pour cette fois.”

Leur assaut peut avoir lieu cette nuit comme il peut encore reculer de plusieurs jours. Mais il est certain. Notre bois aura ses premières tranchées prises dès les premières minutes, car ils y emploieront flammes et gaz. Nous le savons, par un prisonnier de ce matin. Mes pauvres bataillons si épargnés jusqu’ici ! Enfin, eux aussi ont eu de la chance jusqu’à présent… Qui sait ! Mais comme on se sent peu de chose à ces heures là. »
Le 21 février 1916, à 7 h 15, la Ve armée allemande déclenche un orage d’acier d’une puissance inouïe. Les positions de la côte de Brabant, des bois d’Haumont, des Caures, de Ville et de l’Herbevois. Le tir laboure la première et en même temps la deuxième ligne. Des obus à gaz explosent dans les ravins séparant le bois d’Haumont de Vacherauville. Les chasseurs de Driant attendent l’assaut.

Au bois des Caures, c’est le 59e Bataillon de Chasseurs qui est en ligne. La première ligne est complètement désorganisée. De nombreux chasseurs périssent ensevelis par le bombardement. À la ferme de Mormont, le 56e B.C.P. se prépare à appuyer le 59e. Vers 16 h, le feu se reporte sur l’arrière, signe de l’assaut imminent.

Les régiments du 18e Corps surgissent devant le bois des Caures et les bois voisins10. Au bois d’Haumont, il ne reste rien des deux bataillons en ligne. L’ennemi occupe le terrain sans difficulté.

Or au bois des Caures, les chasseurs de Driant sont toujours là et accueillent les Allemands10. Trois compagnies sur quatre finissent par céder. Driant fait monter en ligne le 56e B.C.P. Ses chasseurs contre-attaquent à la nuit tombée et reprennent presque toutes les tranchées perdues. Mais il faut tenir, et Driant réclame des renforts qui arrivent sous les obus allemands.

Toute la nuit du 21 au 22 février, les renforts affluent sous la neige et les obus. En pleine nuit, l’artillerie allemande redouble de violence. Au matin, elle suspend son tir et l’infanterie attaque à nouveau. Lancée en masse, elle submerge les chasseurs. Le 59e B.C.P. disparaît presque sur place.

Le lieutenant-colonel Driant, un fusil à la main, se tient sur la ligne de repli avec les survivants de ses bataillons alors que l’ennemi enveloppe ses positions.

Les trésors de la philatélie (2016).

Vers 16 h, il décide le repli vers le sud-ouest, en direction de Beaumont. Les chasseurs partent en quatre colonnes. Une seule parviendra à peu près intacte. Driant part dans les derniers, accompagné des sergents Coisne et Hacquin, sautant de trous d’obus en trou d’obus. Driant s’arrête pour faire un pansement provisoire à l’un de ses hommes, blessé au fond d’un entonnoir. Alors qu’il repart et qu’il va sauter dans un nouveau trou d’obus, une balle de mitrailleuse le frappe à la tempe. « Oh, là, là, mon Dieu » entendent les deux sergents. Driant est donc mort sur le territoire de Beaumont en Verdunois.

Le bois des Caures a été pris par les Allemands avec deux divisions contre les deux bataillons de chasseurs. Il ne reste pas le tiers des effectifs de ces unités, mais leur sacrifice est sans prix pour l’armée française : le 56e et le 59e bataillons de chasseurs ont suffisamment ralenti l’ennemi, dès son premier assaut, pour permettre aux troupes envoyées en renfort de contenir peu à peu la poussée allemande et de protéger Verdun.

Le lieutenant-colonel Driant et la plupart de ses hommes sont inhumés dans le Bois de Caures, par les Allemands à proximité des lieux de leur trépas. Ses effets sont retournés à sa veuve via la Suisse. En octobre 1922, le corps de Driant est exhumé. Un mausolée, décidé par d’anciens combattants dont Castelnau y est érigé. Sur le monument, on peut lire « Ils sont tombés, silencieux sous le choc, comme une muraille. » Chaque année, une cérémonie y est célébrée le 21 février, en souvenir du colonel Driant et de ses chasseurs tombés pour la défense de Verdun.

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Sources : Wikipédia, Youtube.