Domingo Faustino Sarmiento, écrivain, militaire et homme d’état.

Domingo Faustino Sarmiento (San Juan, 1811 ― Asuncion, 1888) était un militant, intellectuel, écrivain, militaire et homme d’État argentin, et le septième président de la République argentine. Ses écrits couvrent un large éventail de genres et de thèmes, allant du journalisme à l’autobiographie, et de la philosophie politique à l’historiographie. Il faisait partie d’un groupe d’intellectuels, connu sous l’appellation Génération de 1837, qui eut une grande influence sur l’Argentine du XIXe siècle. Mais c’est aux questions d’instruction publique que Sarmiento lui-même s’intéressait au premier chef, à telle enseigne qu’on le surnomme parfois le maître d’école de l’Amérique latine. Comme écrivain, son influence fut également considérable sur la littérature de cette partie méridionale de l’Amérique du Sud.

Sarmiento grandit dans une famille peu fortunée, mais instruite et politiquement engagée, qui lui prépara ainsi la voie à son action future. De 1843 à 1850, il se trouva souvent en exil, et ses écrits virent le jour tant en Argentine qu’au Chili voisin. Son chef-d’œuvre est l’épopée biographique Facundo, long réquisitoire contre le dictateur Juan Manuel de Rosas, que Sarmiento rédigea pendant son exil au Chili, tandis qu’il collaborait au journal El Progreso. Au-delà de ses qualités littéraires, le livre témoigne aussi des efforts menés par son auteur contre les dictatures et de l’énergie qu’il mit à les combattre, spécialement celle de Rosas ; tout en exposant la vie du redoutable caudillo, l’ouvrage s’applique à analyser les maux dont souffrait la jeune société argentine après l’indépendance et à cet effet met en opposition, d’une part, la « civilisation », incarnée par l’Europe des Lumières, soucieuse, à ses yeux, de démocratie, de services sociaux et de rationalisme, et par la capitale Buenos Aires, où œuvrent les unitaires, partisans d’une démocratie d’orientation européenne, libérale, parlementaire, à gouvernement fortement centralisé, et d’autre part, la « barbarie » des normes régnant dans les campagnes reculées, où règnent les caudillos, rudes potentats de l’Argentine du xixe siècle, appuyés par leurs montoneras (troupes de gauchos). Quoique cette dichotomie ne rende compte que médiocrement de la réalité historique, cet ouvrage, mélange de réflexions sociologiques, historiques et  psychologiques, et de descriptions de paysages et de mœurs, constitue un des points culminants de la littérature latino-américaine du XIXe siècle.

Sarmiento, carte maximum, Argentine.

Durant sa présidence de l’Argentine entre 1868 et 1874, Sarmiento se fit l’avocat infatigable de la rationalité et de l’instruction publique — impliquant la scolarisation des enfants et la formation des femmes — et de la démocratie pour l’Amérique latine. Il mit à profit son mandat pour développer et moderniser le réseau ferroviaire, le système postal, et d’autres infrastructures, et pour mettre en place un système éducatif de grande envergure. Il assuma pendant de longues années des fonctions ministérielles et diplomatiques tant au niveau fédéral qu’à celui des États fédérés, ce qui le conduisit à voyager à l’étranger et à étudier d’autres systèmes éducatifs.

Il est aujourd’hui une figure respectée, tant comme homme de lettres que comme innovateur politique.


En 1826, une assemblée élut Bernardino Rivadavia président des Provinces-Unies du Río de la Plata. Cet acte, ayant suscité l’ire des provinces, fut à l’origine de la guerre civile. S’y affrontaient deux camps opposés : d’une part le parti unitaire, composé de partisans riches et instruits, pour la plupart établis à Buenos Aires, dont ultérieurement Sarmiento lui-même, et qui était pro-nord-américain ; et d’autre part les fédéralistes, favorables à une fédération plus lâche laissant davantage d’autonomie aux différentes provinces, qui tendaient à rejeter les mœurs européennes, avaient leur base principalement dans les zones rurales et comptaient dans leurs rangs des figures telles que Juan Manuel de Rosas et Juan Facundo Quiroga.

L’opinion au sein du gouvernement Rivadavia était divisée entre ces deux idéologies. Pour les unitaires comme Sarmiento, la présidence de Rivadavia était une expérience positive. Il fonda une université dont les chaires étaient occupées par des Européens et établit un programme d’instruction publique pour les enfants masculins en zone rurale. Il apporta son soutien à des troupes de théâtre et d’opéra, à des maisons d’édition et à un musée. Ces contributions, si elles furent considérées par les unitaires comme des actions propres à civiliser le pays, avaient toutefois pour effet de courroucer le camp fédéraliste. Les ouvriers virent leurs salaires plafonnés par le gouvernement, et les gauchos furent arrêtés par Rivadavia pour  vagabondage et contraints de travailler dans des chantiers publics, en général sans rémunération.

En 1827, le pouvoir des unitaires était de plus en plus contesté par les forces fédéralistes. Après la démission de Rivadavia, Manuel Dorrego fut installé comme gouverneur de la province de Buenos Aires. Il fit promptement la paix avec le Brésil, mais, de retour en Argentine, fut renversé et exécuté par ses propres troupes. Le général unitaire Juan Lavalle prit sa place16. Lavalle cependant ne put se maintenir au pouvoir longtemps : il fut bientôt renversé à son tour par des milices principalement composées de gauchos et menées par Rosas et Estanislao López. À la fin de 1829, l’ancienne assemblée législative que Lavalle avait dissoute était de nouveau en place et désigna Rosas gouverneur de Buenos Aires.

En 1827, l’oncle de Sarmiento, José de Oro, qui avait combattu à la bataille de Chacabuco sous le général San Martín, fut forcé, en raison de des activités militaires, de quitter San Juan pour San Francisco del Monte, dans la province voisine de San Luis, et Sarmiento l’y accompagna. Il passa beaucoup de temps à apprendre avec son oncle et commença même à enseigner dans une petite école des Andes. Plus tard cette même année, sa mère lui écrivit, demandant qu’il voulût rentrer. Sarmiento refusa, à quoi son père répliqua qu’il viendrait le chercher, puisqu’il avait réussi à persuader le gouverneur de San Juan d’envoyer Sarmiento à Buenos Aires pour y faire des études au Collège des Sciences morales.

Peu après son retour, la guerre civile fit irruption dans la province de San Juan et Facundo Quiroga envahit la ville natale de Sarmiento. L’historien William Katra décrivit comme suit cette « expérience traumatisante » : À l’âge de seize ans, comme il se trouvait devant le magasin qu’il gardait, il put observer l’entrée dans San Juan de Facundo Quiroga et de ses quelque 600 cavaliers montonera. Ils constituaient une présence inquiétante (…). Cette vision, avec toutes ses associations abondamment négatives, laissa une empreinte indélébile dans sa conscience naissante. Pour le jeune homme impressionnable, l’ascension de Quiroga à un rôle de décideur politique dans les affaires de la province s’apparentait au viol de la société civilisée par le mal incarné.

Empêché, en raison de la tourmente politique, de fréquenter les cours à Buenos Aires, Sarmiento résolut de combattre Quiroga et rallia l’armée unitaire comme combattant. Après que Quiroga se fut finalement emparé de San Juan à l’issue de la bataille de Pilar, Sarmiento fut assigné à résidence, mais, remis en liberté, alla rejoindre les forces du général Paz, figure centrale du camp unitaire.

Bientôt, les combats et la guerre reprirent, et Quiroga vainquit un à un les principaux alliés du général Paz, y compris le gouverneur de San Juan, contraignant Sarmiento à fuir pour le Chili en 1831. Il ne devait plus retourner en Argentine pendant cinq ans. À cette époque, le Chili était réputé pour sa bonne gestion publique, pour ses institutions politiques et pour la liberté, alors rare, de critiquer le gouvernement. Aux yeux de Sarmiento, le Chili connaissait « la sécurité de la propriété, la pérennité de l’ordre, et, s’ajoutant à ces deux conditions, l’amour du travail et l’esprit d’entreprise qui permettent l’accroissement de la richesse et la prospérité ».

Empressé d’exercer sa liberté d’expression, Sarmiento se mit à rédiger des commentaires politiques. En plus d’écrire, il commença aussi à enseigner dans la ville chilienne de Los Andes. Cependant, sa façon innovante d’enseigner le mit en conflit avec le gouverneur de la province ; il répliqua en fondant sa propre école à Pocuro, petit village à peu de distance de Los Andes. Dans le même temps, il s’éprit d’une femme et eut avec elle une fille illégitime nommée Ana Faustina, qui devait à son tour donner naissance à Augusto Belín, et que Sarmiento ne reconnut que lorsqu’elle eut résolu de se marier.

En 1836, Sarmiento revint à San Juan, gravement malade de la fièvre typhoïde ; sa famille et ses amis le crurent condamné, mais il se rétablit et fonda une revue anti-fédéraliste intitulée El Zonda. Le gouvernement de San Juan n’apprécia guère les critiques de Sarmiento et censura la revue en imposant sur l’achat de chaque exemplaire une taxe rédhibitoire, et contraignant ainsi Sarmiento de faire cesser la publication du magazine en 1840. Au même moment, il fonda une école secondaire préparatoire pour jeunes filles, dénommée Colegio de Pensionistas de Santa Rosa. Il déploya en outre une intense activité artistique, créant une société littéraire (la Sociedad Literaria, 1838), s’affiliant à la Sociedad Dramática Filarmónica et entretenant des contacts avec le groupe Generación del 37. Ce dernier groupe, fondé en 1837 et composé de littérateurs activistes tels que Esteban Echeverría, Juan Bautista Alberdi et Bartolomé Mitre, s’efforçait, dans la période allant des années 1830 aux années 1880, de provoquer, au moyen de l’agitation politique, des changements de société dans le sens du républicanisme, du libre échange, de la liberté d’expression et du progrès matériel. Quoique le groupe fût implanté à San Juan, Sarmiento n’eut aucune part à sa fondation initiale, mais, après avoir écrit à Alberdi en 1838 pour obtenir son avis, il en devint au fil du temps un des plus fervents appuis.

En 1840, à la suite de son arrestation et face aux accusations de conspiration portées contre lui, Sarmiento fut à nouveau forcé de s’exiler au Chili. C’est en route vers le Chili qu’il traça, dans une gorge du Zonda, près du lieu Los Baños de Zonda, le fameux graffiti « On ne tue point les idées », phrase qu’il placera ultérieurement en exergue de son livre Facundo. Une fois de l’autre côté des Andes, il se mit en 1841 à écrire pour le quotidien de Valparaíso El Mercurio, tout en travaillant en même temps comme éditeur pour le compte de la Crónica Contemporánea de Latino América. En 1842, Sarmiento fut nommé directeur de la première école normale d’Amérique du Sud, l’École de précepteurs de Santiago, et fonda cette même année encore le quotidien El Progreso. C’est à cette époque qu’il fit transférer sa famille de San Juan vers le Chili. En 1843, il publia Mi Defensa, tout en poursuivant son activité d’enseignant26 et en proposant une réforme de l’orthographe de l’espagnol, qui inspire la réforme orthographique chilienne promulguée en 1844. En mai 1845, El Progreso entama la publication en feuilleton de la première édition de son célèbre ouvrage Facundo, et en juillet, Facundo parut en volume.

Entre 1845 et 1847, Sarmiento voyagea en Uruguay, au Brésil, en France, en Espagne, en Algérie, en Italie, en Arménie, en Suisse, en Angleterre, au Canada, à Cuba et aux États-Unis à l’effet d’examiner les différents systèmes d’enseignement, les niveaux d’instruction et l’état des communications. Il tira de ces voyages la matière de son livre Viajes por Europa, África, y América, qui parut en 1849.

En 1848, Sarmiento partit volontairement pour le Chili une nouvelle fois. Cette même année, il fit la rencontre de la veuve Benita Martínez Pastoriza, et l’épousa, en adoptant son fils, Domingo Fidel, dit Dominguito, lequel sera tué au combat en 1866 comme soldat dans la Guerre de la Triple-Alliance, lors de la bataille de Curupaytí. Poursuivant la mise en œuvre de son idéal de la liberté de la presse, Sarmiento lança deux nouvelles revues, intitulées La Tribuna et La Crónica, qui attaquaient vigoureusement Manuel de Rosas. Ses essais rédigés pendant ce séjour au Chili visaient de même avec une violence accrue Juan Manuel de Rosas. Le gouvernement argentin réagit en tentant d’obtenir l’extradition de Sarmiento du Chili vers l’Argentine, ce que déclinèrent les autorités chiliennes.

En 1850, il fit paraître coup sur coup Argirópolis et Recuerdos de Provincia (Souvenirs de province). Après que le régime de Rosas eut finalement été renversé en 1852, Sarmiento s’impliqua dans la discussion sur la nouvelle constitution du pays.

En 1854, Sarmiento fit une brève visite à la ville de Mendoza, située juste de l’autre côté de la frontière, dans l’ouest de l’Argentine, mais fut arrêté et emprisonné. Remis en liberté, il retourna au Chili26. Mais en 1855, il résolut de mettre un terme à ce qui lui apparaissait dorénavant comme un exil « imposé à lui-même par lui-même » au Chili : il fit son entrée à Buenos Aires, pour devenir peu après rédacteur en chef du quotidien El Nacional. Il fut désigné conseiller communal en 1856, et siégea au sénat provincial entre 1857 et 1861.

Ce fut en 1861, peu après que Bartolomé Mitre fut devenu président de la république argentine, que Sarmiento quitta Buenos Aires et retourna à San Juan, où il fut élu gouverneur, mandat qu’il assuma à partir de 1862. C’est dans le cadre de ce mandat qu’il fit adopter la loi statutaire sur l’instruction publique, rendant obligatoire pour les enfants la fréquentation de l’école primaire, et prévoyant l’ouverture d’un série d’institutions, y compris des écoles secondaires, des écoles militaires et une école de filles. Pendant son mandat de gouverneur, il fit construire des routes et d’autres  infrastructures, fit ériger des bâtiments publics et des hôpitaux, encouragea l’agriculture et permit à l’industrie minière de se développer en Argentine. Il reprit par ailleurs son activité d’éditeur de El Zonda. En 1863, Sarmiento s’opposa au pouvoir du caudillo de La Rioja et se trouva en conflit avec Guillermo Rawson, ministre de l’Intérieur du gouvernement du général Mitre. Sarmiento se démit comme gouverneur de San Juan, mais échoua en 1864 à accéder au poste de président de la république d’Argentine face à son adversaire le général Mitre. En revanche, il se vit confier la charge de ministre plénipotentiaire aux États-Unis, où il fut envoyé en 1865, peu après l’assassinat du président Abraham Lincoln. Touché par le parcours de Lincoln, Sarmiento vint alors à écrire son livre Vida de Lincoln. Ce fut également au cours de ce voyage qu’il se vit décerner un doctorat honoris causa de l’université du Michigan. Un buste le représentant se trouve toujours dans le bâtiment des Langues modernes, de même qu’une statue à l’Université Brown. Pendant ce même voyage encore, il fut sollicité de se porter une nouvelle fois candidat à la présidence. Il sortit gagnant cette fois, et prit ses fonctions le 12 octobre 1868.

Sarmiento, entier postal, Roumanie.

À l’initiative du colonel Lucio V. Mansilla, un groupe de personnalités politiques du pays mit en avant et appuya la candidature de Sarmiento à la présidence de la Nation argentine. Alors qu’il se trouvait aux États-Unis, Sarmiento fut élu président aux élections nationales d’avril 1868 et entra en fonction le 12 octobre 1868.

La présidence de Sarmiento était la deuxième de la série des présidences dites historiques de l’Argentine, c’est-à-dire celles qui furent fondatrices de l’Argentine politique moderne, Sarmiento ayant en effet œuvré pour la réalisation de ces trois objectifs politiques : la nation, la constitution et la liberté — la nation devant s’entendre comme l’union définitive des provinces argentines en une entité supérieure aux parties qui la composent ; la constitution, comme la base des droits de la personne et du pouvoir politique ; et la liberté, comme principe du libéralisme, capable de conduire à la « civilisation » et de repousser la « barbarie ».

Deux jours après l’investiture présidentielle, le Congrès se réunit pour une brève session extraordinaire, lors de laquelle fut approuvé le budget de l’année suivante, lequel, afin de financer la poursuite de la guerre de la Triple-Alliance, comportait un crédit de quatre millions de pesos et une hausse des droits de douane.

Ainsi Domingo Faustino Sarmiento, devenu président en dépit de toutes les manœuvres de son prédécesseur Bartolomé Mitre, présida-t-il aux destinées de la république d’Argentine de 1868 à 1874. Selon le biographe Allison Bunkley, sa présidence « marque l’avènement des classes moyennes et de la classe des propriétaires fonciers comme pivot du pouvoir dans le pays. L’ère du gaucho prit fin, et l’ère du commerçant et de l’éleveur commença ». Sarmiento s’attacha à instaurer les libertés fondamentales, et à assurer la sécurité civile et le progrès pour tous. Le séjour qu’il avait fait aux États-Unis, plus particulièrement entre 1865 et 1868, au titre d’ambassadeur d’Argentine, lui avait procuré nombre d’idées nouvelles sur la politique, la démocratie, et sur la structure de la société. Il note que la Nouvelle-Angleterre, spécifiquement la zone Boston-Cambridge, fut la source d’une grande part de ses influences, allant jusqu’à écrire dans un journal argentin que la Nouvelle-Angleterre était « le berceau de la république moderne, l’école de l’ensemble de l’Amérique ». Il décrivit Boston comme « la ville pionnière du monde moderne, la Sion des antiques Puritains… L’Europe entrevoit dans la Nouvelle-Angleterre la puissance appelée à la supplanter dans le futur ». Non seulement Sarmiento fit-il évoluer les idées politiques, mais opéra-t-il des changements structurels en faisant basculer l’Argentine d’une économie essentiellement agricole vers une économie tournée vers les villes et l’industrie.

L’historien David Rock souligne qu’une des principales réalisations politiques de Sarmiento, outre d’avoir mis un terme au caudillismo, concerne ses efforts pour promouvoir instruction publique. Comme le note cet historien, « entre 1868 et 1874, les subventions d’éducation de la part du gouvernement central à destination des provinces quadrupla ». Il fonda 800 établissements d’enseignement et institutions militaires, et ses améliorations du système scolaire permirent à 100 000 enfants de se faire scolariser. Il établit l’École navale, l’École militaire, l’École d’agronomie et de sylviculture dans les provinces de San Juan, Mendoza, Salta et Tucumán.

Son action, du reste, tendait à la modernisation de façon générale, par l’installation de 5 000 km de lignes télégraphiques à travers tout le pays pour améliorer les communications, par la modernisation du système postal et du réseau ferroviaire qu’il jugeait propices à l’intégration économique interrégionale et nationale, ainsi que par la construction d’une ligne ferroviaire destinée à acheminer les marchandises vers Buenos Aires dans le but de faciliter les échanges avec la Grande-Bretagne, laquelle ligne atteignit les 1 330 km vers la fin de son mandat présidentiel. En 1869, il effectua le premier recensement national en Argentine. Il ordonna une révision des codes militaire et de commerce, et sous sa présidence fut achevée la rédaction du code civil. À son instigation se tint à Córdoba l’Exposition nationale, consacrée aux ressources agricoles et équipements industriels. Il fut à l’origine de la Comptabilité nationale (Contaduría Nacional), du registre statistique, du journal officiel (Boletín Oficial), du premier service de tramways, du jardin zoologique et du jardin botanique. Toutes ces actions seront examinées plus avant dans les sections qui suivent.

Quoique Sarmiento soit aujourd’hui une figure respectée, bien connue historiquement, il n’était pas à son époque un président aimé. En effet, l’historien David Rock estime que « son gouvernement fut, globalement, décevant ». Sous sa présidence, l’Argentine mena une guerre impopulaire contre le Paraguay ; mais dans le même temps, le peuple lui tenait rancune de ne s’être point battu pour le détroit de Magellan contre le Chili. S’il accrut la productivité, il augmenta aussi les dépenses, ce qui se répercuta défavorablement sur sa popularité. L’éruption de la fièvre jaune à Buenos Aires et le risque de guerre civile fut imputée à l’arrivée massive d’immigrants européens. De plus, durant sa présidence, le pays continua d’être affecté par la rivalité persistante entre Buenos Aires et les provinces. Le fils adoptif de Sarmiento, Dominguito, fut tué dans la guerre contre le Paraguay ; Sarmiento en resta ulcéré, et donna l’impression de ne plus être le même.

En août 1873, Sarmiento fut la cible d’un attentat ― manqué ―, où deux frères anarchistes Italiens, aux gages du caudillo fédéraliste Ricardo López Jordán, firent feu sur son coche. Un an après, en 1874, il termina son mandat et se retira de la présidence, cédant la place à Nicolás Avellaneda, son ancien ministre de l’Instruction publique.

En 1875, au terme de son mandat présidentiel, Sarmiento devint directeur général des écoles de la province de Buenos Aires, et la même année, sénateur pour San Juan, poste qu’il occupa jusqu’à 1879. Cette même année 1879, il accepta la charge de premier ministre, mais remit bientôt sa démission, à la suite d’un conflit avec le gouverneur de Buenos Aires, Carlos Tejedor. Il assuma alors la fonction de surintendent général des écoles au service du ministère de l’Éducation nationale sous le président Roca et fit paraître El Monitor de la Educación Común, qui constitue la référence fondamentale en matière d’instruction publique en Argentine. En 1882, Sarmiento réussit à faire sanctionner la loi sur l’instruction gratuite prévoyant que la scolarité fût gratuite, obligatoire et affranchie des écoles religieuses.

En mai 1888, Sarmiento quitta l’Argentine pour le Paraguay. Il était accompagné de sa compagne Aurelia Vélez et de sa fille Ana. Il fut foudroyé d’une crise cardiaque à Asuncion le 11 septembre 1888, et inhumé à Buenos Aires. Son tombeau au cimetière de la Recoleta se trouve au pied d’une sculpture, représentant un condor sur une stèle, dessinée par lui-même et exécutée par le sculpteur Victor de Pol. Pedro II de Alcântara, empereur du Brésil et grand admirateur de Sarmiento, envoya pour le cortège funèbre une couronne de fleurs verte et or ornée d’un message écrit en espagnol rappelant les moments forts de sa vie : « Civilisation et Barbarie, Passage du Tonelero, Bataille de Caseros, Petrópolis, Instruction publique. Souvenir et hommage de la part de Pedro de Alcântara ».

Source : Wikipédia.

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