Denise Glaser, productrice et animatrice de télévision.

Denise Glaser, née le 30 novembre 1920 à Arras (Pas-de-Calais) et morte le 7 juin 1983 à Paris, est une productrice et présentatrice de télévision française, particulièrement connue pour l’émission musicale Discorama.


Denise Glaser naît dans une famille de commerçants qui tient à Arras le magasin Les rideaux bleus (robes, pantalons, tissus). Son grand-père, Simon Glaser, est un tailleur venu de Russie. Yvonne Stein (morte en 1972), sa mère, est la fille des créateurs du magasin, très connu des Arrageois de l’époque. Son père, Roger Glaser (mort en 1957), grièvement blessé durant la Première Guerre mondiale, a reçu la Croix de guerre à la fin du conflit. Elle a un frère, Jean, qui deviendra médecin. Denise grandit dans une famille heureuse, avec ses deux cousines du côté des Stein, Simone et Réjane.

Vers l’âge de 15 ans, Denise rêve de devenir pianiste et se découvre une vocation pour la musique classique.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, en raison de leur judéité, ses parents voient le magasin confisqué et aryanisé : de 1942 à 1944, il devient le siège de la Deutsche Werbestelle, office qui gère le Service du travail obligatoire. Réfugiée à Clermont-Ferrand en 1943 et 1944, Denise étudie la philosophie. Elle fait là une rencontre capitale, celle du couple d’enseignants et résistants Dominique et Jean-Toussaint Desanti, qui plus tard la présenteront à Frédéric Rossif à l’ORTF. Elle rejoint alors leur réseau de résistance, le Mouvement national contre le racisme et y fait bonne figure. Ce groupe de résistants est d’orientation communiste, ce qui sera reproché par les détracteurs de Denise à partir des années 1960. En 1943, elle se réfugie à l’hôpital psychiatrique de Saint-Alban dirigé par le docteur Lucien Bonnafé et François Tosquelles, où se cachaient de nombreux juifs et résistants, et y rencontre Paul Eluard1. Denise Glaser restera à jamais marquée par la Shoah, déclarant en 1964 : “Les fours crématoires, j’y pense continuellement.”

En 1945, ses parents exigent qu’elle travaille au magasin familial ou, à défaut, à l’usine. Denise Glaser refuse de leur obéir, car elle souhaite se diriger vers une carrière dans le spectacle : journalisme, mode, ou un autre métier tournant autour, qui reste toutefois à définir.

Il en résulte une brouille avec ses parents, qui refusent de voir leur fille devenir une « saltimbanque », avec des emplois précaires. Pour eux, l’aventure de la télévision, qui en est encore à ses balbutiements, est un pari risqué, qui risque de conduire leur fille vers la misère. La brouille va durer une dizaine d’années. Denise Glaser se réconciliera avec eux seulement vers 1954-1955. Le regard de ses voisins est tout aussi difficile : ils ne comprennent pas cette femme solitaire et célibataire, qui ne travaille pas à l’usine. Les accrochages, altercations et disputes sont fréquents. C’est une époque difficile pour elle.

Elle travaille d’abord comme journaliste pour plusieurs journaux, tout en poursuivant des études de philosophie, obtenant une licence de philosophie3.

Elle travaille ensuite à la radio, auprès de Jean Guignebert, apprenant le métier d’illustratrice sonore, puis entre au journal télévisé, engagée par Pierre Sabbagh4. Elle recherche alors des fonds sonores pour les producteurs d’émissions de radio et de télévision. Elle travaille aussi avec Frédéric Rossif pour son émission “Éditions Spéciales”.

De 1944 à 1954, elle côtoie surtout des journalistes, des artistes (chanteurs, peintres, etc.) ou des gens de lettres. À cette époque, elle rencontre Boris Vian et Jacques Canetti, grand découvreur de talents, qui a lancé Jacques Brel, Georges Brassens, Léo Ferré et Gilbert Bécaud. Elle réalisera plus tard son rêve, en invitant à Discorama ses idoles Louis Armstrong et Duke Ellington, entre autres.

Au milieu des années 1950, Jean d’Arcy, patron de la Radiodiffusion-télévision française, finit par accepter sa proposition d’animer une émission sur les chanteurs. C’est ainsi que naît Discorama, selon un canevas élaboré par Denise en 1957. Elle apparaît d’abord en association avec Jean-Pierre Darras ou Philippe Noiret (et aussi Jean Desailly), avant que ceux-ci ne partent (1962), absorbés par leur carrière de comédiens. Denise Glaser décide alors d’animer seule l’émission.

On (Jean D’Arcy, Frédéric Rossif, Pierre Tchernia, Pierre Desgraupes) regarde un peu ce qui se fait aux États-Unis, mais lancer de grands spectacles télévisés, à la manière de Frank Sinatra, est coûteux à la fin des années 1950. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 1960 que la télévision française sera en mesure d’en programmer plus souvent. On mise sur un programme plutôt consacré à la chanson, mais le cinéma, la littérature ou l’art ne seront pas absents. Pour motiver l’attention du spectateur, un intervenant posera des questions à l’invité, pour mieux le découvrir et entrer dans son univers. C’est ce plan que va élaborer Denise Glaser en 1962 : presque tout est en place, et l’émission évoluera naturellement jusque vers 1975. Au début, le son est mono, le son stéréo n’arrivant qu’en 1971.

Denise Glaser, carte maximum, Paris, 18/10/2013.

Si Denise Glaser n’est pas très portée sur les yéyés, elle les invite tout de même à son émission, ne souhaitant pas être sectaire, et se voulant ouverte à tous les styles musicaux, même s’il n’y a pas une grande originalité. Car le répertoire des chansons des interprètes yéyés est composé d’adaptations de chansons américaines, alors que le but de Discorama était de montrer de la création musicale, et des univers singuliers, en cherchant à montrer le plus possible des auteurs-compositeurs. Denise Glaser va aussi aider des chanteurs dits « inclassables » comme Boby Lapointe, qui interviendra souvent à Discorama.

Mais ce sont surtout les maisons de disques qui font pression, à une époque où il n’y avait qu’une seule chaine de télévision. Chacune d’entre elles souhaite avoir sa part du gâteau et promouvoir ses nouveaux talents. Même si on impose parfois à l’époque à Denise Glaser de recevoir des artistes yéyés sur son plateau, celle-ci estime que leur place est davantage dans l’émission “Âge tendre et tête de bois” d’Albert Raisner. Cependant, pour Denise, des interprètes sortent du lot, et s’avèrent pour elle singuliers. Ainsi, elle appréciera plutôt Michel Polnareff, Françoise Hardy, Hugues Aufray ou Salvatore Adamo, et qui possèdent un univers musical.[réf. souhaitée] D’ailleurs, par la suite, d’eux-mêmes, ils vont se démarquer du mouvement yéyés, pour s’afficher dans leurs univers propres et singuliers.

En revanche, elle n’appréciera pas des artistes comme Frank Alamo, Sheila, Ringo, Richard Anthony, Johnny Hallyday ou Claude François, même si elle recevra la plupart d’entre eux sur son plateau. Pour illustrer cette désapprobation, une émission de Discorama montrera par exemple Johnny Hallyday seul, répondant aux questions d’une Denise Glaser qui semble être dans une autre pièce, mais qui n’est pas face à lui. Une telle scène, qui montrait des tensions évidentes avec une maison de disques, ne se reproduira plus par la suite, car Discorama existait en grande partie grâce aux disques, et surtout, au public des vedettes.

Denise Glaser se montrera aussi ouverte aux nouvelles musiques, ou formes musicales dites « expérimentales », où elle recevra notamment le musicien Vangelis, Xénakis, Klaus Schulze ou le groupe Magma, tout comme elle se montrera ouverte aux autres formes musicales du monde, ce qu’on appelle de nos jours la world music : musiques tziganes et manouches (Manitas de Plata), musiques traditionnelles africaines, comme Miriam Makeba…

Cependant, le grand défaut de l’émission Discorama sera de diffuser et d’intégrer des play-backs, la plupart du temps. La raison était que diffuser un artiste en play-back revenait moins cher à la production. Les artistes qui chantaient en direct étaient cependant tout aussi présents, et à défaut d’orchestre ou de musiciens, la vedette passait avec une bande son. Discorama sera l’une des premières émissions de l’ORTF à passer des artistes en play-back. Bien entendu, Denise Glaser souhaitait au maximum la présence d’instruments. Un piano était disponible sur le plateau de l’émission, généralement utilisé pour cadrer un artiste chantant en play-back ; le piano contribuant à l’ambiance, et au décor. À l’époque, on avait beaucoup critiqué Denise Glaser, à propos du play-back. Mais ce genre qui venait des émissions et shows américains allait devenir indispensable pour promouvoir des artistes, par la suite, surtout dans les années 1970 et 1980. Il sera en partie responsable du déclin et des chutes d’audiences des émissions de variétés, surtout à la fin des années 1980.

Aussi, avec les exigences des maisons de disques, Denise Glaser va avoir de plus en plus de mal à consacrer des sujets aux autres thématiques de Discorama : comme la peinture, où elle recevra Salvador Dali, ou la mode, l’architecture, la littérature, etc. Car Discorama était avant tout une émission télévisée culturelle, même si elle privilégiait l’actualité du disque. Le thème d’une émission était choisi en équipe, puis soumis à la direction des programmes de l’ORTF.

Après 1975, Denise Glaser prête sa voix à diverses publicités. On la retrouve en voix publicitaire pour Reader’s Digest, ou Monoprix. Elle prête aussi sa voix à quelques annonces de la SNCF, mais au fil du temps, les petits emplois deviennent de plus en plus rares. Dans le film Le Pion de Christian Gion (1978), elle interprète son propre personnage. De même, quelques rares relations du monde du spectacle ou de la télévision lui font faire de la figuration dans des téléfilms, ou la font participer à des courts-métrages. En proie à de nombreuses dettes, elle doit se résoudre à vendre une grande partie de sa collection de disques, dont certains sont rares et dédicacés (par des stars de la chanson qui sont passés à Discorama, ce sont des disques dits collectors). Très soucieuse de rester digne et conforme à son image publique, elle refuse en 1978 le soutien et l’assistance de l’association « La Roue Tourne », de Janalla Jarnach, qui vient en aide aux artistes déchus du show business. Denise Glaser espérait un retour à la télé, surtout entre 1975 et 1981 : sa traversée du désert est d’autant plus dure. Elle voit une grande partie de ceux qui avaient travaillé avec elle l’éviter désormais. Quant aux animateurs et producteurs des années 1970, ils la méprisent.

De plus, elle demanda une audience au nouveau président, Valéry Giscard d’Estaing, pour s’expliquer, et lui demander son soutien, mais celui-ci refusa de la recevoir, invoquant un agenda très chargé, tout comme le nouveau ministre de la culture. Ce fut le temps de cruelles désillusions, qui annonçaient une mise au placard. Elle qui était jadis vue de tous, était maintenant presque recluse en son appartement.

Le temps ou elle fréquentait les salles de spectacles était terminé. Le prix d’un simple billet en fond de salle à l’Olympia lui est désormais trop cher et inaccessible. De plus, elle n’a droit à aucune réduction ou traitement de faveur. Elle se contentera alors de voir des concerts, les prestations des chanteurs ou chanteuses à la télévision ou de regarder des chanteurs ou musiciens marginaux dans le métro Parisien. Exceptionnellement, en 1981, elle assistera au concert triomphe de Barbara, à Pantin.

Denise Glaser apprend qu’elle est malade (ou plutôt tout indique sa dépression ; ou son état dépressif ) : la reconnaissance du monde du spectacle arrive au moment où on lui annonce un cancer du poumon (Denise était connue pour être une grande fumeuse). Pendant ses longs silences, lors du déroulement de nombreux Discorama, il n’était pas rare de voir Denise Glaser, assise sur une chaise face à son invité, une cigarette à la main. Parfois, les deux protagonistes de l’émission du jour fumaient. Malgré ses interventions unanimement saluées, Denise Glaser, en proie à la maladie, n’apparaît plus en public dès la fin de 1982. Elle participe, du 29 novembre au 3 décembre 1982 à 5 numéros du jeu télévisé L’Académie des neuf de Jean-Pierre Foucault qui n’hésite pas à lui montrer la porte de la sortie, ne souhaitant pas lui-même subir le même sort que Danièle Gilbert, animatrice classée à droite et limogée moins d’un an avant, tout comme son ami Guy Lux, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir. La participation de Denise Glaser à ce jeu avait des raisons purement financières, et alimentaires, et celle-ci était là à contrecœur, pour ensuite se retirer, écœurée du monde du show-business, du spectacle, et de la culture. Désormais, son retour à la télé n’était plus qu’un échec, et un lointain souvenir. Elle rend néanmoins hommage à la création de la fête de la musique, à la veille de sa mort (le 7 juin 1983), et se félicite dans un communiqué de sa réédition (pour le 21 juin suivant). Elle voyait en cette manifestation l’occasion de faire connaître au grand public de jeunes artistes, ou voir confirmer d’autres par leur talent. La maladie a aussi pour effet de la plonger dans l’oubli, ce qui est vécu très difficilement par l’ancienne animatrice. Ses derniers mois furent vécus dans un état de stress intense, dans la solitude presque complète, recluse, et dans une grande souffrance psychologique, quand elle décida de se retirer dans son appartement de la rue du Pot-de-Fer, à Paris, où elle passait son temps à écouter de la musique, surtout du piano. Ce sont ses voisins qui, le 7 juin 1983, signalèrent que quelque chose d’inhabituel se passait. Le tourne-disque avait cessé de tourner… définitivement. Les pompiers et le SAMU furent alors avertis. Ils ne purent malheureusement que constater le décès de Denise Glaser, d’un infarctus, consécutif à la souffrance engendrée par son cancer du poumon, et à son état d’affaiblissement généralisé, sans oublier aussi sa solitude. La grande dame du disque est donc morte discrètement, au milieu de ses disques qui reflétaient l’image de ce qu’elle fut jadis.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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