Cléopâtre VII, dernière reine d’Egypte.

Cléopâtre VII Philopator (« Qui aime son père » en grec ancien Κλεοπάτρα Θεὰ Φιλοπάτωρ) puis Théa Néôtera Philopatris (« Déesse nouvelle qui aime sa patrie » en grec ancien Θεὰ Νεωτέρα Φιλοπάτριϛ) est une reine d’Égypte antiquea de la dynastie lagide née vers 69 av. J.-C. et morte le 12 août 30 av. J.-C.

Elle règne sur l’Égypte entre 51 et 30 avec ses frères-époux Ptolémée XIII et Ptolémée XIV puis aux côtés du général romain Marc Antoine. Elle est célèbre pour avoir été la compagne de Jules César puis de Marc Antoine avec lesquels elle a eu plusieurs enfants. Partie prenante dans la guerre civile opposant Marc Antoine à Octave, elle est vaincue à la bataille d’Actium en 31. Sa défaite permet aux Romains de mener à bien la conquête de l’Égypte, événement qui marque la fin de l’époque hellénistique.

Cléopâtre est un personnage dont la légende s’est emparée de son vivant même. Sa mort tragique n’a fait qu’ajouter au romanesque qui l’entoure et peut pour cette raison nuire à une approche objective de celle qui a été l’une des femmes les plus célèbres de l’Antiquité.


Les principales sources littéraires antiques (Plutarque, Suétone et Appien) n’évoquent Cléopâtre que pour sa place dans l’histoire romaine. Lorsque Cléopâtre sort de l’ombre des dirigeants romains, « elle sort de l’histoire ». C’est pourquoi il existe relativement peu d’informations sur son séjour à Rome, au lendemain de l’assassinat de César, ou sur la période passée à Alexandrie durant l’absence d’Antoine, entre 40 et 37 avant notre ère. De plus, l’historiographie antique lui est globalement défavorable car inspirée par son vainqueur, l’empereur Auguste, et par son entourage, dont l’intérêt est de la noircir, afin d’en faire l’adversaire malfaisant de Rome et le mauvais génie d’Antoine2. On observe par ailleurs que César ne fait aucune mention de sa liaison avec elle dans les Commentaires sur la guerre civile.

Le jugement que porte sur elle Flavius Josèphe au ier siècle est révélateur : « Elle fit d’Antoine l’ennemi de sa patrie par la corruption de ses charmes amoureux ». La légende noire propagée par la propagande augustéenne est relayée par les poètes (Horace, Properce, Lucain) et les historiens romains (Tite-Live, Dion Cassius, Eutrope), pour lesquels Cléopâtre incarne plusieurs dangers. C’est en effet une reine qui remet en cause les valeurs de la République romaine ; une femme de caractère et une séductrice constituant un danger pour la virilité et la virtus romaine ; une ambitieuse qui menace la liberté et une étrangère dont l’origine grecque et les mœurs orientales, associées, dans l’esprit de ses adversaires aux notions de débauche et de luxure, sont contraires à la « romanité », notamment à la vertu de pudicitia). Tous ces éléments expliquent la prudence des historiens actuels à son sujet, mais aussi l’enthousiasme qu’un tel personnage a pu susciter chez les dramaturges, les romanciers et les cinéastes occidentaux.

Cléopâtre est née au cours de l’hiver 69/68 avant notre ère probablement à Alexandrie. Elle appartient à la dynastie d’origine macédonienne des Lagides, laquelle règne sur l’Égypte depuis la fin du ive siècle. Cette dynastie a été fondée par Ptolémée Ier, l’un des généraux d’Alexandre le Grand qui s’empare de l’Égypte à la mort du conquérant.

Cléopâtre, carte maximum, Allemagne.

Cléopâtre est l’une des trois filles connues du roi Ptolémée XII Aulète, et peut-être d’une concubine, puisque Strabon affirme que Ptolémée XII n’eut qu’un seul enfant « légitime », Bérénice IV, qui a régné de 58 à 55. Il est dès lors envisageable que son père, qui se serait engagé dans la polygamie pharaonique, ait eu une deuxième épouse égyptienne, peut-être issue de la classe sacerdotale de Memphis, ce qui expliquerait que certains auteurs romains la surnomment de manière injurieuse l’« Égyptienne ». Selon l’historien Maurice Sartre, l’origine de la mère de Cléopâtre serait très vraisemblablement, non pas « égyptienne » mais gréco-macédonienne. Cléopâtre entretient d’ailleurs elle-même le mystère sur ses origines maternelles, laissant planer le doute sur une possible ascendance  égyptienne, d’autant qu’elle parle égyptien, contrairement à ses prédécesseurs.

Cependant cette éventuelle bâtardise n’est pas certaine (par exemple elle ne figure jamais dans les attaques dont la reine sera plus tard l’objet de la part des Romains). Quoi qu’il en soit, à l’époque hellénistique, être un enfant « illégitime » n’est pas un handicap politique pour accéder au trône, Ptolémée XII étant lui-même, par exemple, un bâtard de Ptolémée IX.


Il est difficile de cerner la véritable personnalité de Cléopâtre, qu’un certain romantisme a contribué à déformer ; mais elle possèderait beaucoup de courage et se révèlerait suffisamment intelligente pour inquiéter les Romains. De plus, alors qu’elle est souvent présentée dans des écrits hostiles comme étant une « prostituée », elle a démontré ses capacités de diplomate et de dirigeante politique. Le fait qu’elle ait séduit des Romains et créé des liens politiques avec eux uniquement à l’aide de sa beauté est une assomption probablement fausse.

Aucune source sûre ne vient nous éclairer sur son aspect physique qui échappe à un classement esthétique banal. Le buste de Cherchell, réalisé bien après sa mort, à l’occasion du mariage de sa fille, Cléopâtre Séléné, avec le roi Juba II de Maurétanie, est idéalisé. Certains auteurs antiques insistent sur sa beauté presque divine. La pièce de théâtre de Shakespeare contribue au mythe de la femme fatale qui se voit impliquée dans des relations passionnées vouées à la tragédie. Cette pièce en a inspiré bien d’autres, qui contribuent à leur tour à créer le symbole de la beauté éblouissante de Cléopâtre. Toutefois, les quelques pièces de monnaies donnent l’image d’une femme aux traits lourds et au nez assez proéminent. Un des seuls portraits a priori ressemblant de la reine se trouve sur une pièce de monnaie au Cabinet des médailles : il montre une femme au visage empâté, avec un menton et un nez proéminents. Si son physique semble en réalité avoir été des plus banals, Plutarque laisse entendre que ses interlocuteurs auraient été impressionnés par le ton de sa voix et ses capacités linguistiquesd. Bien qu’il soit impossible de définir avec certitude son apparence, son intelligence et son esprit cultivé sont probablement des traits de son caractère.

Comme dans tout le monde hellénistique où l’éducation des filles de familles libres est devenue chose normale20, Cléopâtre bénéficie apparemment de l’enseignement de précepteurs cultivés. Le philosophe Plutarque insiste sur ses qualités intellectuelles. C’est ainsi que Cléopâtre est une polyglotte : elle parle, outre le grec, l’égyptien (première et dernière de sa dynastie à faire cet effort, encore qu’il y ait un doute pour Ptolémée VIII), l’araméen, l’éthiopien, le mède, l’arabe, sans doute aussi l’hébreu ainsi que la langue des Troglodytes, un peuple vivant au sud de la Libye. De tels dons ne la laissent sans doute pas longtemps démunie face au latin, encore que les Romains cultivés comme César parlent et lisent couramment le grec. Plusieurs traités de métrologie, d’alchimie, de gynécologie ou de cosmétique (le Kosmètikon) lui sont attribués, mais ils sont jugés apocryphes par les historiens modernes.

Fin 52 à début 51 avant notre ère, Cléopâtre VII alors âgée d’environ dix-huit ans est associée au pouvoir de son père Ptolémée XII. Quelques mois après, le testament du roi Ptolémée XII, mort en 51, désigne comme successeurs Cléopâtre et un frère cadet de celle-ci, Ptolémée XIII, d’une dizaine d’années environ, à qui elle est nominalement mariée car selon la coutume ptolémaïque, elle ne peut régner seule. Rien ne prouve que Cléopâtre ait voulu exercer la totalité du pouvoir à l’époque, en tout cas les titulatures de cette période lui accordent toujours la seconde place. Ces trois premières années de règne sont difficiles du fait des difficultés  économiques : disette des années 50/48, crues insuffisantes du Nil et lutte politique entre l’eunuque Pothin et le général Achillas qui cherchent à opposer le frère et la sœur.

À l’automne 49, les relations se dégradent totalement entre les deux souverains. Les causes de cette rupture sont ignorées, mais à partir de cette date le nom de la reine figure dans les textes officiels avant celui de Ptolémée XIII. En fait c’est une véritable guerre qui éclate entre les deux monarques puisqu’à l’été 48, ils se font face à Péluse. Alors que le jeune roi vient d’atteindre sa majorité, Pothin et ses amis accusent la reine de complot contre son frère et provoquent un soulèvement des Alexandrins, si bien que Cléopâtre doit fuir en Syrie puis à Ashkelon, au sud de la Judée, où elle se constitue une armée de mercenaires recrutée parmi les tribus arabes.

Imaginer que la présence de Cléopâtre à Rome s’explique par le rôle actif qu’elle y aurait joué et prêter à César l’intention de transporter à Alexandrie sa capitale (comme l’estime Suétone) est excessif. Il paraît difficile d’imaginer César gouvernant l’Italie depuis l’Égypte alors que la situation politique demeure trouble. Dans son testament, il ne fait aucune allusion à Césarion, né de Cléopâtre ; mais il fait d’Octave son héritier. Il est donc certain que César vivant est plus un obstacle au projet de restauration de la puissance lagide que nourrit Cléopâtre. Aussi sa mort est-elle une surprise mais aussi une chance que la reine tâche d’exploiter.

Au début de l’année −44, César est assassiné. Profitant de la situation confuse qui s’ensuit, Cléopâtre quitte alors Rome à la mi-avril, faisant escale en Grèce. Elle parvient à Alexandrie en juillet −44. Elle entreprend de rétablir l’autorité de l’Égypte sur Chypre, qui a été cédée à Rome par Ptolémée XII en −59. À peine de retour dans son royaume, elle fait assassiner Ptolémée XIV, à la fois monarque inutile et rival potentiel. La naissance de son fils lui assure un successeur éventuel et elle prend donc seule le titre de reine.

Cléopâtre, enfin seule reine d’Égypte, même si c’est officiellement au nom de son fils, est confrontée à des années difficiles. En 43 avant notre ère, une famine s’abat sur le pays, puis la crue du Nil fait défaut deux années consécutives (42/41). Il semble que la reine se soit préoccupée essentiellement de l’approvisionnement d’Alexandrie, centre de son pouvoir mais prompte à la rébellion. De plus, il lui faut compter avec les quatre légions romaines installées par son défunt amant, qui se livrent à des exactions jusqu’à leur départ en 43.

La guerre que se livrent les assassins de César, Cassius et Brutus et ses héritiers, Octave et Marc Antoine, oblige la reine à des contorsions diplomatiques. En effet, Brutus tient la Grèce ainsi que l’Asie Mineure, tandis que Cassius s’installe en Syrie. Le gouverneur de Cléopâtre à Chypre, Sérapion, vient en aide à Cassius, avec l’assentiment de la reine quels que soient les sentiments que lui inspire l’un des assassins de César. Sérapion est officiellement désavoué plus tard.

Dans le même temps, Cléopâtre envoie les quatre légions aux partisans de César (qui ont reconnu Césarion comme roi d’Égypte) qui luttent contre Cassius en Syrie. C’est aussi l’occasion pour elle de se débarrasser de l’occupation romaine. Mais la flotte qui les transporte est victime d’une tempête au large de la Cyrénaïque et passe du côté de Cassius. Cassius aurait envisagé de s’emparer d’Alexandrie quand le débarquement en Grèce d’Antoine et d’Octave l’oblige à renoncer à ses projets. La reine se place finalement dans le camp des vainqueurs quand en 42 les républicains sont écrasés à la bataille de Philippes.

Les derniers mois de son règne sont assez méconnus. Antoine retourne en Égypte et ne prend pratiquement aucune mesure pour lutter contre l’avancée de plus en plus triomphale d’Octave. Il consume ses forces en banquets, beuveries et fêtes somptueuses sans se soucier de la situation. Il semble que Cléopâtre ait surtout cherché à mettre Césarion à l’abri en l’expédiant à Méroé en Nubie.

Vers août 30 avant notre ère, Octave arrive à Alexandrie. À la fausse annonce du suicide de Cléopâtre, Marc Antoine met fin à ses jours en se jetant sur son épée. Mourant, il est transporté par Cléopâtre dans son propre tombeau. Celle-ci est conduite devant Octave, qui la laisse se retirer avec ses servantes. Cette attitude est curieuse de la part du futur Auguste car il semble ne prendre aucune précaution pour prévenir un suicide de la reine ; il a pourtant besoin d’elle pour figurer à son triomphe. Craint-il qu’à l’instar de sa sœur Arsinoé, figurant au triomphe de Jules César en 46, elle n’inspire aux Romains que compassion plutôt que hainek ? Il n’est pas impossible qu’Octave ait espéré le suicide de Cléopâtre, qui peut passer pour un témoignage supplémentaire de lâcheté, accréditant la thèse défendue par sa propre propagande. Suétone affirme au contraire qu’Octave souhaitait maintenir la reine en vie et qu’il aurait tenté de la faire sauver.

Plutarque dresse un récit saisissant et mélodramatique du suicide de la reine, inspiré d’Olympos, le médecin personnel de Cléopâtre, qui aurait publié un récit des événements : avec ses deux plus fidèles servantes, Iras et Charmion (en), Cléopâtre se donne la mort, le 12 août 30 av. J.-C., en se faisant porter un panier de figues contenant un ou deux serpents venimeux. Cette version est la plus courante.

Pour certains historiens, ce serait une nouvelle preuve de l’attachement de la reine aux traditions égyptiennes car la morsure de l’uræus, le cobra d’Amon-Rê, passe pour conférer l’immortalité et la divinité à sa victime. D’autres historiens, comme Maurice Le Glay, ont souligné les invraisemblances de ce récit qui serait un nouvel avatar de la propagande octavienne, car d’après eux un serpent lâche tout son venin à la première morsure ; deux cobras ne pourraient donc tuer trois personnes. Cependant, cette hypothèse se heurte au fait que les serpents contrôlent l’injection de leur venin, un seul cobra pouvant parfaitement tuer trois personnes. Ces historiens estiment dès lors qu’Octave aurait fait exécuter Cléopâtre.

Des historiens continuent de croire en la thèse du poison, déjà évoquée par Strabon qui évoque une pommade toxique qu’elle se serait appliquée. Le poison le plus connu à l’époque est en effet un mélange d’opium, de ciguë et d’aconitum, peut-être placé dans une épingle à cheveux maintenant le diadème souvent orné d’un double uræus, d’où la quiétude décrite sur le visage cadavérique de la reine et la confusion avec les cobras.

Si Césarion est exécuté sur ordre d’Octave, les trois autres enfants d’Antoine et Cléopâtre sont emmenés à Rome (ils sont exposés lors du triomphe d’Octave) et élevés par Octavie, restée fidèle à la mémoire de son époux, Marc Antoine. Cléopâtre Séléné épouse plus tard le roi et savant berbère Juba II de Maurétanie, orphelin de guerre élevé à Rome, comme elle ; ce à quoi nous devons le buste de Cherchell qui représente Cléopâtre. On ignore ce que deviennent Alexandre Hélios et Ptolémée Philadelphe qui ont peut-être survécu dans l’ombre.

Marc Antoine ayant demandé dans son testament d’être enseveli avec Cléopâtre, Octave autorise une inhumation double pour les amants mais sans préciser le lieu exact de leur sépulture. La découverte de leur tombeau constituerait un événement archéologique sans précédent, du même niveau que l’exhumation de la tombe de Toutânkhamon par Howard Carter en 1922. Selon l’égyptologue Zahi Hawass, directeur du Conseil suprême des Antiquités égyptiennes, ce tombeau pourrait se situer à Semoha, dans la banlieue d’Alexandrie, où une fouille en 2003 suggère une association possible entre le mausolée de Cléopâtre et un temple d’Isis. Depuis 2006, les recherches se concentrent à Taposiris Magna, à une quarantaine de kilomètres à l’ouest d’Alexandrie, où plusieurs campagnes de fouille du temple ont notamment mis en évidence un cimetière et vingt-deux pièces en bronze frappées du profil de Cléopâtre.

Source : Wikipédia.

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