Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon, philosophe et économiste.

Claude-Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon, né et mort à Paris (17 octobre 1760-19 mai 1825), est un philosophe, économiste et militaire français, fondateur du saint-simonisme. Ses idées ont eu une postérité et une influence sur la plupart des philosophes du XIXe siècle. Philanthrope et philosophe de l’industrialisme, il est le penseur de la société industrielle française, qui était en train de supplanter la société d’Ancien Régime, à la fin du siècle des Lumières. L’économiste André Piettre le décrit par la formule : « le dernier des gentilshommes et le premier des socialistes ».

Il est le cousin éloigné du duc de Saint-Simon, célèbre mémorialiste de la cour de Louis XIV et de la Régence.

 

Claude Henri, comte de Saint-Simon, né à Paris en 1760, descend d’une famille de la noblesse, appartenant à la branche des Sandricourt natifs de Picardie. Le duc Claude de Rouvroy de Saint-Simon, père de Louis de Rouvroy de Saint-Simon (le mémorialiste de Louis XIV), et appartenant à une autre branche de la famille, aurait trouvé une « espèce de généalogie informe », placée au revers d’un cartulaire de Philippe Auguste, probablement afin de justifier l’annexion de l’apanage des Vermandois au domaine royal. Vers 1560, Jean du Tillet, un greffier du parlement et un rénovateur de la science historique,

avait traduit ce texte latin de manière bizarre, en lui ajoutant une phrase n’existant pas dans l’original. Elle fut à l’origine d’une légende selon laquelle les Saint-Simon descendaient directement de Charlemagne. En réalité, on connaît de façon certaine la généalogie des Saint-Simon seulement à partir du XIVe siècle.

Le père de Claude-Henri, Balthasard-Henri de Saint-Simon, militaire comme son père, a neuf enfants dont Claude Henri, futur comte de Saint-Simon, l’aîné de ses fils.

Saint-Simon, épreuve de luxe.

Les informations dont nous disposons sur les premières années de Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon émanent de lui-même, ou bien ont été recueillies de ses disciples par Nicolas Gustave Hubbard. Claude Henri est un enfant plutôt turbulent. En 1773, alors que son père souhaitait ardemment qu’il fasse sa communion, l’enfant aurait refusé, pour le motif qu’il lui était impossible d’apporter à cet acte la moindre conviction. Récalcitrant, il aurait fini par être enfermé au couvent de Saint-Lazare, en guise de punition.

L’enfant était en rupture avec sa famille. Jean Dautry a émis ce qu’il a appelé une « hypothèse » :

« Ce que nous pensons, en nous appuyant […] sur le fait que sa mère souffrait en permanence d’une maladie nerveuse dont il n’est parlé qu’à mots couverts, c’est que l’atmosphère familiale devait être intolérable pour un enfant sensible, c’est que les manifestations brutales de l’autorité paternelle, l’invocation par le père à l’appui de sa médiocrité de la glorieuse série carolingienne dont il était le rejeton, le recours à l’image » des évêques parents, celui de Metz, « comme donateur et comme croquemitaine » et celui d’Agde, pour ses « interventions apaisantes », « que tout cela devait apparaître facilement comme la caricature d’un univers soumis à Dieu aussi bien que du foyer soumis au Père tout-puissant. La psychanalyse a débrouillé les relations juvéniles à la Saint-Simon contre la famille, la société et la religion, à partir justement d’un désordre familial vainement présenté sous des couleurs d’emprunt ».

Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon reçoit son éducation d’un précepteur qui lui transmet les enseignements de D’Alembert et de Rousseau.

Il reçut plus qu’il n’accepta l’éducation des jeunes hommes de son milieu. En 1812, il écrit : « Mon éducation a été très soignée mais mal dirigée […]. On m’accablait de maîtres et on ne me laissait pas le temps de réfléchir sur ce qu’ils m’enseignaient ».

Il passe son enfance jusqu’en 1777 à Falvy, où il s’intéresse à l’hydraulique.

Adepte des idées nouvelles, le jeune gentilhomme s’engage à 17 ans dans l’armée de libération des États-Unis aux côtés de La Fayette et du comte de Rochambeau. À la bataille des Saintes, en avril 1782, il est fait prisonnier par les Britanniques, puis envoyé en Jamaïque, où il reste jusqu’en 1783, avant de rentrer en France, la même année. À son retour, il est nommé maître de camp au régiment d’Aquitaine, stationné à Mézières. Lieu majeur d’enseignement technique, l’école royale du génie de Mézières forme des ingénieurs militaires. Saint-Simon peut ainsi suivre les cours de mathématiques de Gaspard Monge. En 1785, il se rend en Hollande, officiellement pour observer la situation politique du pays, tout en prenant notes des techniques de construction des canaux. Ses connaissances lui serviront, dès 1787, en Espagne, lors de la construction d’un canal entre Madrid et l’océan Atlantique. La Révolution française le ramène en Picardie, à Falvy et Péronne.

Pendant la Révolution française, abandonnant sa particule, Saint-Simon, associé au comte de Jean Sigismond Ehrenreich de Redern Bernsdorf, ambassadeur de Prusse à Londres, se jette dans une activité de spéculation sur les bien nationaux – biens de Église, confisqués en vertu du décret du 2 novembre 1789 – avec une résolution qui impliquait la plus grande confiance dans le triomphe final de la révolution. Il achète tous les biens nationaux du département de l’Orne. Dans ses vastes acquisitions se trouvent compris les domaines du prieuré de l’abbé Maury ainsi que l’hôtel des fermes de la Rue du Bouloi à Paris. Ses démêlés avec de Redern en 1797, au sujet des 80 000 livres de rentes, produit de l’entreprise, sont certains. Georges Weill mentionne une lettre du futur philosophe qui est décisive quant au fait sinon quant à l’importance des acquisitions réalisées par les associés. L’hôtel des Fermes, où s’installent luxueusement les deux amis, était un bien national. Désargenté avant la révolution, Saint-Simon devient un très riche entrepreneur. « Je désirais la fortune seulement comme moyen – dit il dans les fragments autobiographiques qu’il a laissés – organiser un grand établissement d’industrie, fonder une école scientifique de perfectionnement, contribuer en un mot aux progrès des lumières et à l’amélioration du sort de l’humanité, tels étaient les véritables objets de mon ambition». Ses relations étroites avec le diplomate prussien le rendent bientôt suspect au gouvernement révolutionnaire. Il est enfermé à Sainte-Pélagie puis au Luxembourg et il ne sort de prison qu’après le 9 thermidor. Saint Simon suit avec ardeur et succès ses spéculations financières jusqu’en 1797.

Saint-Simon, carte maximum, Paris 5/02/1955.

En 1793, il conçoit un jeu de cartes révolutionnaire, dans lequel les génies remplacent les rois, les libertés les dames, et les égalités les valets.

En 1798, avec l’argent gagné, il s’installe à Paris dans un appartement en face de l’École polytechnique. Sous l’influence du docteur Jean Burdin, et probablement des Idéologues, il suit alors les cours de physique de l’École polytechnique. En 1801, il épouse Alexandrine-Sophie Goury de Champgrand, qui anime son salon durant une année. Puis il déménage à proximité de l’École de Médecine, où il prend des cours de biologie et de physiologie.

Saint-Simon souhaitait donner un sens commun à la science, et unifier les principes scientifiques. En 1803, après avoir organisé une souscription en l’honneur de Newton, il écrit les Lettres d’un habitant de Genève à ses contemporains. Il s’agit d’une sorte d’éloge à la science, considérée comme une nouvelle religion.

Avec le savoir éclectique enregistré par ses contacts avec des scientifiques, il bâtit une philosophie prônant le progrès de l’humanité par les sciences. Saint-Simon a cité lui-même « avec plaisir de cœur » les personnalités qui ont contribué à l’élaboration de son système de pensée ; ce sont sept personnes appartenant de près ou de loin au groupe des Idéologues : Félix Vicq d’Azyr (1748-1794), l’auteur des premiers travaux d’anatomie comparée, le médecin et philosophe Pierre Jean Georges Cabanis (1757-1808), l’anatomiste et physiologiste Xavier Bichat, le philosophe, économiste mathématicien et homme politique Nicolas de Condorcet (1743-1794), les docteurs Jean Burdin et Bougon et l’historien Oelsner. Ces trois dernières personnes, moins connues, sont celles d’où lui vient « une grande partie des idées » qu’il pourra produire « pendant le cours de la longue carrière » qu’il entreprend.

En 1814, il prend comme secrétaire particulier le jeune normalien Augustin Thierry, qui deviendra historien. De cette époque date L’Industrie (1816-1817), qui évoque déjà la question de la politique positive (terme repris par Auguste Comte plus tard).

En 1817, c’est Auguste Comte qui, récemment congédié de l’École polytechnique, devient son secrétaire particulier, et qui collabore activement avec lui dans la rédaction d’ouvrages philosophiques et d’articles de presse.

De cette époque datent les ouvrages suivants :

L’Organisateur (1819-1820) : avec le goût pour l’Histoire, qui lui est venu à travers la collaboration de l’historien Augustin Thierry, il a recours à celle-ci pour justifier sa vision du présent, et opposer l’âge industriel à l’âge féodal.
Auguste Comte participe en tant que secrétaire à ces premières réflexions sur le passage de l’âge théologique et féodal à l’âge positif et industriel, idées qu’il détaille dans le Cours de philosophie positive, entre 1830 et 1842. Cette fameuse loi des trois états aura une influence considérable sur la société française jusqu’à nos jours.

En 1824, Auguste Comte le quitte à la suite de divergences sur la question de la réforme politique. Comte écrivit à un ami six mois après la rupture : « Je regarde toutes les discussions sur les institutions politiques comme de pures niaiseries fort oiseuses, et qui ne sont fondées sur rien jusqu’à ce que la réorganisation spirituelle de la société soit effectuée, ou du moins très avancée ». De plus, l’enthousiasme et le caractère désordonné de Saint-Simon ne s’accordaient pas avec le caractère plus froid et rigoureux de son secrétaire16. Léon Halévy le remplace comme secrétaire. L’année suivante, Saint-Simon termine son œuvre, qu’il appelle le Nouveau christianisme.

Beaucoup de ces thèmes construisent la doctrine socialiste, après avoir nourri un mouvement idéologique qui le vénère comme s’il était un véritable prophète : le saint-simonisme.

À sa mort, il est presque inconnu. Ses obsèques, purement civiles, ont lieu au cimetière du Père-Lachaise le 22 mai (22ème Division). Sa famille est absente, mais plusieurs de ses amis ou anciens amis sont présents : Olinde Rodrigues, Auguste Comte, Augustin Thierry, Prosper Enfantin. Le Dr Bailly et Léon Halévy prononcent chacun un discours. La presse se fait l’écho de l’événement, (le Constitutionnel, le Courrier des Pays-Bas, le Globe).

Olinde Rodrigues réunit quelques amis et fonde, avec Prosper Enfantin, le journal Le Producteur, journal philosophique de l’industrie, des sciences, et des Beaux-Arts.

Source : Wikipédia.