Che Guevara, homme politique et révolutionnaire.

Ernesto Guevara, plus connu comme « Che Guevara » ou « le Che », né le 14 juin 1928 à Rosario en Argentine et mort exécuté le 9 octobre 1967 à La Higuera en Bolivie, à l’âge de 39 ans, est un révolutionnaire marxiste-léniniste et internationaliste argentin ainsi qu’un homme politique d’Amérique latine. Il a notamment été un dirigeant de la révolution cubaine, qu’il a théorisée et tenté d’exporter, sans succès, vers le Congo puis la Bolivie où il trouve la mort.

Alors qu’il est jeune étudiant en médecine, Guevara voyage à travers l’Amérique latine, ce qui le met en contact direct avec la pauvreté dans laquelle vit une grande partie de la population. Son expérience et ses observations l’amènent à la conclusion que les inégalités socioéconomiques ne peuvent être abolies que par la révolution. Il décide alors d’intensifier son étude du marxisme et de voyager au Guatemala afin d’apprendre des réformes entreprises par le président Jacobo Árbenz Guzmán, renversé quelques mois plus tard par un coup d’État appuyé par la CIA. Peu après, Guevara rejoint le mouvement du 26 juillet, un groupe révolutionnaire dirigé par Fidel Castro. Après plus de deux ans de guérilla durant laquelle Guevara devient commandant, ce groupe prend le pouvoir à Cuba en renversant le dictateur Fulgencio Batista en 1959.

Guevara, carte maximum, Cuba.

Dans les mois qui suivent, Guevara est commandant en chef de la prison de La Cabaña. Il est désigné procureur d’un tribunal révolutionnaire qui exécute les opposants. Puis il crée des camps de « travail et de rééducation ». Il occupe ensuite plusieurs postes importants dans le gouvernement cubain qui écarte les démocrates, réussissant à influencer le passage de Cuba à une économie du même type que celle de l’URSS, et à un rapprochement politique avec le Bloc de l’Est, mais échouant dans l’industrialisation du pays en tant que ministre. Guevara écrit pendant ce temps plusieurs ouvrages théoriques sur la révolution et la guérilla.

En 1965, après avoir dénoncé l’exploitation du tiers monde par les deux blocs de la guerre froide, il disparaît de la vie politique et quitte Cuba avec l’intention d’étendre la révolution et de propager ses convictions marxistes communistes. Il se rend d’abord au Congo-Léopoldville, sans succès, puis en Bolivie où il est capturé et exécuté sommairement par l’armée bolivienne entraînée et guidée par la CIA. Il existe des doutes et de nombreuses versions sur le degré d’influence de la CIA et des États-Unis dans cette décision.

Après sa mort, Che Guevara devient une icône pour des mouvements révolutionnaires et fait l’objet d’un culte de la personnalité, mais demeure toujours l’objet de controverses entre historiens, à cause de témoignages sur des exécutions d’innocents avancées par certains de ses biographes. Un portrait de Che Guevara réalisé par Alberto Korda est considéré comme l’une des photographies les plus célèbres au monde.


Ernesto Guevara de la Serna naît le 14 juin 1928 à Rosario, Argentine. Il est l’aîné de cinq enfants, 2 filles et 3 garçons, d’Ernesto Guevara Lynch, un architecte d’ascendance basque espagnole et irlandaise, et de Celia de la Serna y Llosa, descendante de José de la Serna e Hinojosa le dernier vice-roi espagnol du Pérou. Beaucoup d’éléments indiquent cependant que sa date de naissance officielle ait été reculée d’un mois pour éviter un scandale, car trop proche du mariage. C’est-à-dire que Che Guevara serait né le 14 mai 1928. Ses parents sont de lignée aristocratique mais vivent comme une famille de classe moyenne, avec un penchant pour des idées de gauche non autoritaristes, s’opposant notamment à Perón et à Hitler.

La tante d’Ernesto, qui a élevé sa mère à la mort prématurée de leurs parents, est communiste. Toutefois, son jugement porté sur le général Perón évoluera par la suite. Après la révolution, il lui envoie un exemplaire de son livre guerra de guerrila accompagné d’une note lui proposant de venir s’établir à Cuba, signé par « un ancien opposant qui a évolué ».

Aîné de cinq enfants, il vit d’abord à Córdoba, la seconde ville du pays. Dès l’âge de trois ans, il apprend le jeu d’échecs auprès de son père et commence à participer à des tournois dès 12 ans. Sa mère lui enseigne le français qu’il parle couramment. Ernesto Guevara de la Serna se fait rapidement connaître pour ses opinions radicales même à un âge pourtant précoce. Il voudrait être un des soldats de Francisco Pizarro dans sa soif d’aventure. Ses matières préférées à l’école comprenaient la philosophie, les mathématiques, l’ingénierie, les sciences politiques, la sociologie, l’histoire et l’archéologie.

Toute sa vie, il subit de violentes crises d’asthme, qui l’accablent dès l’enfance. Il affronte cette maladie et travaille afin de devenir un athlète accompli. Malgré l’opposition de son père, il devient joueur de rugby. Il gagne le surnom de « fuser », (une contraction de furibundo (« furibond ») et du nom de famille de sa mère, « Serna ») à cause de son style de jeu agressif18. Durant son adolescence, il met à profit les périodes de repos forcés de ses crises d’asthme pour étudier la poésie et la littérature, depuis Pablo Neruda en passant par Jack London, Emilio Salgari et Jules Verne, jusqu’à des essais sur la sexualité de Sigmund Freud ou des traités sur la philosophie sociale de Bertrand Russell. Il écrit des poèmes (parfois parodiques) tout au long de sa vie comme cela est courant chez les Latino-américains de son éducation. Il développe également un grand intérêt pour la photographie.

En 1948, il entreprend des études de médecine à Buenos Aires. Il joue alors quelques mois au San Isidro Club, équipe de rugby de première division, qu’il doit quitter à cause de son père qui trouve ce niveau de jeu dangereux pour un asthmatique, et joue ensuite dans des équipes de moindre niveau19. Pendant cette période, il songe à se marier avec une fille de la haute société argentine et à s’établir, mais il ne peut mener ce projet à bien à cause de l’opposition de la famille de cette dernière, de sa propre personnalité déjà jugée anticonformiste, et de son désir grandissant de voyages et de découvertes.

Ernesto « Che » Guevara fait partie des 82 hommes (un des quatre non-Cubains de l’expédition) partis avec Fidel Castro en novembre 1956 pour Cuba, sur le Granma, un petit yacht en mauvais état qui résiste mal au mauvais temps qui sévit durant le voyage. Les guérilleros sont attaqués juste après leur débarquement par l’armée de Batista qui a eu vent de l’expédition. Seule une vingtaine d’hommes survivent aux combats et une douzaine rejoignent la sierra, les autres étant tués au combat ou exécutés sommairement.

Le Che écrit plus tard que lors de cet affrontement, il choisit d’abandonner son sac d’équipement médical pour ramasser une caisse de munitions abandonnée par un de ses compagnons en fuite, passant ainsi du statut de médecin à la condition de combattant. Il commence à signer les lettres à sa mère par « Che » et quelquefois par « Staline 2 ».

Les rebelles survivants se regroupent et fuient dans les montagnes de la Sierra Maestra pour lancer une guérilla contre le régime de Batista. La Sierra Maestra fut souvent le lieu de guérillas, comme pendant la Guerre d’indépendance cubaine, entre 1895 et 1898. C’est de là que le groupe révolutionnaire put étendre le Mouvement du 26 juillet à travers la région. Là, ils sont soutenus par les paysans locaux (guajiros ou montunos) qui souffrent d’abord de cette dictature, puis, par la suite, de la répression politique lancée contre la guérilla et ses partisans réels ou supposés. Che Guevara agit comme médecin et combattant, en dépit de nombreuses crises d’asthme dues au climat. Le Che souligne l’importance de se faire accepter par la population en fournissant des soins dans les villages isolés ou en alphabétisant les nouvelles recrues au cœur de la jungle.

Leurs forces (en armes et en recrues) augmentent avec le soutien logistique de la partie urbaine du mouvement du 26 juillet (non communiste, le partido socialista popular cubain n’aide Castro qu’à partir du moment où ils sont certains de sa victoire, mi-1958). L’existence de deux factions dans le mouvement sera très importante dans le futur et créera de nombreuses tensions. Les dirigeants urbains les plus importants étaient Frank País, Vilma Espín, Celia Sánchez, Faustino Pérez, Carlos Franqui, Haydée Santamaría, Armando Hart, René Ramos Latour (Daniel), majoritairement démocrates et anticommunistes.

Guevara se montre très strict face aux actes d’indiscipline, de trahison et aux crimes, non seulement pour sa propre troupe mais aussi envers les soldats ennemis et les paysans qui habitent la zone. Cette partie de sa personnalité est mise en évidence le 17 février 1957, quand les guérilleros découvrent que l’un d’entre eux, Eutimio Guerra, est un traître qui avait donné la localisation du groupe, permettant à l’armée régulière de bombarder leur position sur le pic de Caracas et ensuite de les embusquer sur les hauteurs d’Espinosas, mettant les rebelles au bord de la déroute. Lors de son arrestation, il est en possession d’armes et d’un sauf-conduit délivrés par l’ennemi. Eutimio demande la mort. Fidel Castro décide donc qu’il soit fusillé pour trahison, mais sans désigner d’exécuteur. Devant l’indécision générale qui s’ensuit, c’est le Che qui l’exécute sommairement, démontrant une froideur et une dureté contre les trahisons mais aussi contre les crimes de guerre qui le rendirent célèbre, ce qui n’empêcha pas Guevara de subir une violente crise d’asthme au lendemain de l’exécution. Une autre version de l’exécution indique que Castro désigne le guérillero Universo pour l’exécuter; Universo et Le Che amènent le traître à l’écart pour ne pas le tuer devant les hommes et Le Che l’exécute en route à un moment qu’il juge opportun.

Entre 1957 et 1958, certaines estimations évaluent à 15 le nombre de personnes accusées de trahison ou d’espionnage exécutées sur ordre de Guevara, dont l’une devant sa propre famille uniquement pour avoir exprimé son opposition à la révolution selon un guérillero témoin, exilé depuis à Miami. Au contraire, Guevara paraît tolérant pour les erreurs de ses propres troupes et envers les prisonniers ennemis. Ceci contribue à la bonne réputation du M26-Sierra et incite par la suite les soldats ennemis à se rendre plutôt qu’à combattre avec acharnement. De nombreuses fois il intervient auprès de Fidel Castro pour éviter des exécutions. Il soigne lui-même des soldats ennemis et interdit formellement la torture ou l’exécution des prisonniers, qu’il protège avec la même vigueur qu’il déploie à châtier les traîtres. Un autre témoignage, contradictoire avec les précédents, affirme qu’il a fait fusiller un des jeunes guérilleros pour avoir volé un peu de nourriture. L’historien Pierre Rigoulot mentionne que Che Guevara fait exécuter sans jugement des individus accusés par la foule.

Durant les premiers mois de 1957 le petit groupe de guérilleros survit dans des conditions précaires, avec un appui rare de la population locale. Il est poursuivi par un réseau de paysans-espions (chivatos), par les troupes du gouvernement et doit lutter contre les infiltrations et améliorer la discipline militaire. De petits combats et escarmouches se succèdent, avec peu de pertes de part et d’autre.

Fin février paraît dans le New York Times, le journal le plus lu des États-Unis, une interview de Fidel Castro réalisée par Herbert Matthews dans la Sierra Maestra. L’impact est énorme et commence à faire naître dans l’opinion publique nationale et internationale une certaine sympathie envers les guérilleros. Le 28 avril se tient une conférence de presse au sommet du pico Turquino, la montagne la plus haute de Cuba, pour CBS.

Fin mai, l’effectif de la guérilla atteint 128 combattants bien armés et entraînés. Le 28 mai est déclenchée une première action d’ampleur, l’attaque de la caserne d’El Uvero où meurent 6 guérilleros et 14 soldats avec une grande quantité de blessés des deux côtés. Après le combat, Fidel Castro prend la décision de laisser la charge des blessés à Che Guevara pour ne pas ralentir le groupe principal à la poursuite des troupes gouvernementales. Guevara s’occupe alors des blessés des deux camps et parvient à un accord sur l’honneur avec le médecin de la caserne afin de laisser sur place les blessés les plus graves à la condition qu’ils soient emprisonnés de manière respectable, pacte respecté par l’armée gouvernementale.

Le Che et quatre hommes (Joel Iglesias, Alejandro Oñate («Cantinflas»), «Vilo» et un guide) doivent alors cacher, protéger et soigner sept guérilleros blessés pendant cinquante jours. Dans ce laps de temps, Guevara non seulement les a tous soignés et protégés, mais a de plus maintenu la discipline du groupe, recruté neuf autres guérilleros, obtenu le soutien décisif du régisseur d’une grande propriété rurale de la région et établi un système d’approvisionnement et de communication avec Santiago de Cuba. Quand il rejoint le reste des troupes le 17 juillet, le Che est à la tête d’un groupe autonome de 26 hommes. Les rebelles tiennent alors un petit territoire à l’ouest du Pico Turquino avec 200 hommes disciplinés et un bon moral. Fidel Castro décide alors de former une deuxième colonne de 75 hommes, qu’il appellera ensuite quatrième colonne pour tromper l’ennemi sur la quantité de ses troupes. Il promeut Che Guevara au grade de capitaine, puis cinq jours après le désigne commandant de cette colonne. Avant cela seul Fidel Castro avait le grade de commandant. À partir de ce moment, les guérilleros doivent l’appeler « Comandante Che Guevara ».

La colonne contient alors quatre pelotons dirigés par Juan Almeida, Ramiro Valdés, Ciro Redondo et Lalo Sardiñas comme commandants en second. Peu après vient Camilo Cienfuegos en remplacement de Sardiñas qui a tué accidentellement un de ses hommes en le menaçant et dont l’exécution a été votée par les guérilléros à une étroite majorité, mais qui a été épargné et dégradé par Guevara. Une étroite amitié naît entre Cienfuegos et le Che.

Guevara se distingue en intégrant dans ses troupes de nombreux guajiros (paysans de l’île) et afro-cubains, qui constituent alors la catégorie de population la plus marginalisée du pays, à une époque où le racisme et la ségrégation raciale sont encore répandus y compris dans les propres rangs du mouvement du 26 juillet (en 1958, l’accès au parc central de Santa Clara était interdit aux personnes à la peau noire).

Il baptise les nouvelles recrues qui intègrent sa colonne « descamisados » (sans chemises), reprenant l’expression qu’Eva Perón utilisait pour s’adresser aux travailleurs argentins, aussi péjorativement appelés « cabecitas negras » (têtes noires). Une de ces recrues, Enrique Acevedo, un adolescent de quinze ans que Guevara nomme chef de la commission disciplinaire de la colonne, a plus tard écrit ses impressions de l’époque dans un journal :

« Tous le traitent avec grand respect. Il est dur, sec, parfois ironique avec certains. Ses manières sont douces. Quand il donne un ordre on voit qu’il commande vraiment. Il s’accomplit dans l’action. »

La quatrième colonne réussit, grâce à quelques victoires (Bueycito, El Hombrito), à prendre le contrôle de la zone de El Hombrito pour y établir une base permanente. Ses membres y construisent un hôpital de campagne, une boulangerie, une cordonnerie et une armurerie afin d’avoir une infrastructure d’appui. Le Che lance le journal El Cubano Libre.

Une des fonctions de la colonne du Che est de détecter et éliminer les espions et les infiltrés ainsi que maintenir l’ordre dans la région, exécutant les bandits qui profitent de la situation pour assassiner, piller et violer, en se faisant souvent passer pour des guérilléros. La stricte discipline maintenue dans la colonne fait que de nombreux guérilléros demandent leur transfert sur d’autres colonnes, bien qu’en même temps le comportement juste et égalitaire de Guevara, la formation qu’il accorde à ses hommes, depuis l’alphabétisation jusqu’à la découverte de la littérature politique, en fassent un groupe très soudé.

Les troupes du gouvernement dirigées par Ángel Sánchez Mosquera mènent une politique de guerre sale dans la région. Le 29 novembre 1957 ils attaquent les guérilléros causant deux morts, parmi eux Ciro Redondo. Le Che est blessé (au pied) de même que Cantinflas et cinq autres combattants. La base est complètement détruite et la colonne se repositionne dans un lieu appelé la mesa pour en construire une nouvelle. Elle crée la radio  clandestine Radio Rebelde en février 1958. Radio Rebelde diffuse des informations pour la population cubaine mais sert aussi de lien entre les différentes colonnes réparties sur l’île. Radio Rebelde existe toujours aujourd’hui à Cuba.

Début 1958, Fidel Castro est devenu l’homme le plus sollicité par la presse internationale et des dizaines de journalistes du monde entier viennent à la Sierra Maestra pour l’interviewer. De son côté Che Guevara est devenu, pour la presse qui défend Batista, le personnage central de la guérilla. Evelio Lafferte, un lieutenant de l’armée cubaine fait prisonnier, et qui ensuite est passé guérilléro dans la colonne du Che, se souvient :

« La propagande contre lui (Guevara) était massive ; on disait que c’était un tueur à gages, un criminel pathologique…, un mercenaire qui prêtait ses services au communisme international… Qu’ils utilisaient des méthodes terroristes, qu’ils socialisaient les femmes qui quittaient alors leurs enfants… Ils disaient que les soldats faits prisonniers par les guérilléros étaient attachés à un arbre et se faisaient ouvrir le ventre à la baïonnette. »
En février, l’armée rafle 23 militants du mouvement du 26 juillet et les fusille sur les premiers contreforts de la Sierra Maestra, pour simuler une victoire contre la guérilla. Cet événement est un scandale pour le gouvernement de Batista. Le 16, la guérilla castriste attaque la caserne de Pino del Agua avec des pertes des deux côtés. Peu après arrive le journaliste argentin Jorge Ricardo Masetti de tendance péroniste, qui est un des fondateurs de l’agence de presse cubaine Prensa Latina et l’organisateur à Salta (Argentine) en 1963 de la première tentative de guérilla de Che Guevara hors de Cuba.

Le Che entre en conflit avec les dirigeants de la partie urbaine du mouvement du 26 juillet. Ceux-ci le considèrent comme un marxiste extrémiste avec trop d’influence sur Fidel Castro, et lui les considère de droite, avec une conception timide de la lutte et une disposition trop complaisante envers les États-Unis. Soviétophile convaincu, il écrit en 1957 à son ami René Ramos Latour : « J’appartiens, de par ma formation idéologique, à ceux qui croient que la solution des problèmes de ce monde est derrière ce que l’on appelle le rideau de fer ». L’année 1958 est une période de conflit politique au sein du mouvement du 26 juillet entre Che Guevara qui affirme ses convictions communistes, et Armando Hart et René Ramos Latour tous deux du directoire du mouvement, dirigeant sa partie urbaine, et anti-communistes. Ces derniers avancent l’idée d’un rapprochement avec les États-Unis pour lutter contre Batista. La CIA cherche en effet à ce moment une alternative au dictateur et son armée corrompue, inefficace et commettant des exactions, en envisageant de contrôler la partie non-communiste du mouvement du 26 juillet. L’armée américaine soutient elle inconditionnellement Batista, au nom de la lutte contre le communisme, doutant de l’orientation politique réelle de Fidel Castro. Guevara s’affirme également admirateur du défunt Staline : « Celui qui n’a pas lu les quatorze tomes des écrits de Staline ne peut pas se considérer comme tout à fait communiste. »

Le 2 janvier, Che Guevara est nommé par Fidel Castro commandant et « procureur suprême » de la prison de la forteresse de la Cabaña qui domine le port de La Havane. L’historien Pierre Rigoulot s’interroge sur les raisons de Fidel Castro de cantonner Che Guevara à ce rôle secondaire alors qu’il était à l’époque le deuxième personnage de la révolution. Pour l’historien, Che Guevara était « le symbole de la radicalité révolutionnaire voire du communisme international » et il était préférable de ne pas donner une telle image pour éviter une intervention américaine. En revanche, rien n’atteste qu’il redoutait la popularité de l’Argentin, mais selon Pierre Rigoulot cela correspondait bien au caractère de Fidel Castro.

Pendant les cinq mois à ce poste de procureur il décide des arrestations et supervise les jugements qui ne durent souvent qu’une journée et signe les exécutions de 156 à 550 personnes selon les sources. Les accusés sont pour la plupart des officiels du régime de Batista : policiers, hommes politiques ou personnes influentes accusées d’avoir contribué à la répression à laquelle le régime s’était livré notamment en 1958 juste avant sa chute, des membres du « bureau de la répression des activités communistes » qui avaient recours à l’enlèvement, la torture et l’assassinat, ou des militaires accusés de crime de guerre. Seuls les militaires et policiers sont condamnés à mort, les civils étant conduits devant un autre tribunal. Juanita Castro, la sœur de Fidel Castro affirme avoir indiqué à son frère l’arrestation, la condamnation et l’exécution d’innocents, les ordres venant essentiellement de Che Guevara depuis son quartier général de La Cabaña. Les exécutions ne suivaient pas immédiatement les condamnations à mort afin d’éviter d’éventuelles erreurs judiciaires.

Selon un procureur qui travaillait avec Guevara pour ces accusations, les procédures étaient illégales car « les faits étaient jugés sans aucune considération pour les principes judiciaires généraux », « les éléments présentés par l’officier investigateur étaient considérés comme des preuves irréfutables », « il y avait des membres de familles de victimes du régime précédent parmi les jurés » et « Che Guevara était aussi président de la cour d’appel ». À l’inverse les médias, même américains, soulignent que chaque accusé a droit à une défense équitable, à un avocat et des témoins, et que les procès sont publics. L’envoyé spécial du journal Le Monde affirme également que les personnes exécutées « sont des criminels de droits communs qui ont tué de leurs propres mains ». Malgré tout l’aumônier de la prison affirme que des dizaines d’innocents ont été exécutés. Selon lui : « Le Che n’a jamais cherché à dissimuler sa cruauté. Plus on sollicitait sa compassion, plus il se montrait cruel. Il était complètement dévoué à son utopie. La révolution exigeait qu’il tue, il tuait; elle demandait qu’il mente, il mentait ». Alors que selon une autre source, au contraire, le père franciscain chargé d’assister les fusillés aurait avoué au Che que ceux-ci confessaient des crimes plus grands encore que ceux pour lesquels ils étaient condamnés. Pour l’historienne Lillian Guerra, certaines condamnations à mort prononcées sous la responsabilité de Che Guevara ne concernaient pas des assassins ou des tortionnaires mais des militants anticommunistes. Selon le journaliste Jon Lee Anderson, biographe du Che, après cinq ans d’enquête aucune preuve ne montre que Guevara aurait condamné des innocents. Ces exécutions entraînent des protestations dans le monde (surtout aux États-Unis). Cependant Herbert Matthews, du New York Times, rapporte qu’il ne connaît pas d’exemple d’innocent exécuté et fait remarquer que « lorsque les batistains tuaient leurs adversaires – généralement après les avoir torturés – à un rythme effrayant, il n’y avait pas eu de protestations américaines ».

Fidel Castro en visite aux États-Unis demande alors une suspension des exécutions. Le Che n’est pas d’accord avec la mesure, prétextant que « le frein des conventions bourgeoises sur les droits de l’homme avait été la raison de la chute du régime d’Arbenz au Guatemala » et que « les condamnations suivaient un jugement qui permettait la défense et portait la signature des responsables, à la différence des assassinats des dictatures latino-américaines qui n’avaient soulevé aucune protestation de la part de la presse ou du gouvernement des États-Unis, alors qu’ils avaient lieu après de terribles tortures, dans l’anonymat, et souvent sans que l’on retrouve les cadavres ». Le degré d’implication de Guevara qui a mis en œuvre le quart de ces exécutions est toujours débattu. Selon Juan Martin Guevara, frère du Che, ce dernier lui aurait confié que les procès étaient une décision des chefs révolutionnaires pour éviter la justice sommaire de la rue par le peuple, qui aurait été bien plus violente et injuste. Aleida March, qui était à cette époque en couple avec le Che, déclare que ces procès étaient très difficiles et désagréables pour lui, surtout lorsque la famille des condamnés venaient le voir. Elle raconte que cela était tellement douloureux pour lui qu’il n’assistait à aucun procès et à aucune exécution. Che Guevara imposait que l’on se soucie moins du droit pour privilégier la défense du nouveau pouvoir « populaire ». Rufo López-Fresquet, qui était alors ministre des Finances, se souvient en effet que les Cubains se souciaient davantage de l’aspect moral que de l’aspect juridique des procès. Il reçut le surnom du « Boucher » ou « Petit Boucher » lors de ses fonctions dans la prison de La Cabaña.

Le 7 février 1959 le nouveau gouvernement proclame Che Guevara « citoyen cubain de naissance » en reconnaissance de son rôle dans le triomphe des forces révolutionnaires. Le 22 mai 1959 le divorce avec Hilda Gadea (avec laquelle il s’est séparé avant même son départ pour Cuba) est prononcé, ce qui lui permet de régulariser sa situation avec Aleida March, une cubaine du mouvement du 26 juillet, qu’il a rencontrée dans la province de Las Villas en 1958 et qu’il épouse le 2 juin de la même année. Fidel Castro modifie la constitution du pays pour permettre à un étranger s’étant particulièrement illustré durant la guérilla et ayant reçu le grade de Commandant de pouvoir être membre du gouvernement. Cette modification ne concerne que l’Argentin Guevara.

Parce que Castro a rendu publique la « lettre d’adieu » du Che dans laquelle il coupait tout lien avec Cuba pour se dédier à ses activités révolutionnaires ailleurs dans le monde (alors qu’elle n’aurait dû être dévoilée que dans le cas de sa mort), celui-ci sent qu’il ne pourra pas revenir à Cuba pour des raisons morales. Il passe les six mois suivants dans la clandestinité à Dar es Salam et Prague où il écrit ses mémoires sur le Congo et deux livres, un de philosophie et un d’économie. Il visite aussi plusieurs pays d’Europe de l’Ouest dans le but de tester une nouvelle fausse identité et les documents (passeport, etc.) créés pour lui à cet effet par le DGI, les services spéciaux cubains, en vue de son futur voyage en Amérique du Sud.

En 1966 et 1967, la localisation du Che est toujours tenue secrète. Des représentants du mouvement d’indépendance du Mozambique disent l’avoir rencontré fin 1966 ou début 1967 à Dar es Salam, où ils auraient rejeté son offre d’assistance à leur révolution. Entre mars et juillet 1966, il serait en fait en Tchécoslovaquie, avec Haydee Tamara Bunke Bider (alias Tania), à Ládví, à 25 km au sud de Prague. Il y récupère, après le Congo, de son asthme, et aurait alors déclaré: « Tout ici est ennuyeux, gris et sans vie. Ce n’est pas le socialisme, mais l’échec du socialisme. »

Pendant cette période, Castro continue à demander son retour à Cuba. Guevara y consent, quittant la Tchécoslovaquie pour Cuba  le 19 juillet 1966, mais à condition que sa présence y reste secrète et que son séjour serve à organiser une nouvelle révolution en Amérique latine. Afin d’éviter tout risque de fuite, il visite ses enfants déguisé, sans leur dévoiler son identité.

Le Che remue beaucoup l’idée d’entamer une guérilla en Argentine, où un coup d’État militaire mené par le général Onganía vient d’avoir lieu (juin 1966), mais en est dissuadé par Castro qui pense l’armée argentine beaucoup plus efficace que la bolivienne.

Dans un discours en mai 1967, le ministre de la Défense cubain annonce que Guevara « sert la révolution quelque part en Amérique du Sud ».

En 1966, la Bolivie est gouvernée par une dictature militaire dirigée par le général René Barrientos, qui a renversé dans un coup d’État le président élu Víctor Paz Estenssoro et mis fin à la révolution de 1952.

À la demande de Castro, un terrain est acheté dans la jungle de la région isolée et montagneuse de Ñancahuazú par le Parti communiste bolivien pour servir de camp d’entraînement. Celui-ci est situé dans une zone géographique très éloignée des demandes de Guevara qui s’incline néanmoins afin de ne pas perdre de temps.

Che Guevara va décider de tester ses nouveaux faux passeports dans différents pays d’Europe, faux passeports créés par les services secrets cubains, avant de s’envoler pour l’Amérique du Sud. Il quitte Cuba avec un passeport diplomatique accordé par le ministre des Relations extérieures de Cuba, Raúl Roa García, au nom de Luis Hernández Gálvez, fonctionnaire de l’Institut National de la Réforme Agraire. Il fait sa première escale à Moscou le 23 octobre 1966, puis prend la direction de Prague le 24 octobre avant de rejoindre Vienne en train sous le nom de Ramón Benítez Fernández, citoyen et commerçant uruguayen. À cet effet, il se rase partiellement la tête et totalement la barbe, il se teint le reste des cheveux en gris. Il change de nouveau d’identité à Vienne pour prendre le nom Adolfo Mena González, citoyen uruguayen également, chargé par l’Organisation des États américains (OEA) d’étudier les relations économiques et sociales en Bolivie. Il arrive à La Paz le 3 novembre 1966 en Bolivie via le Brésil avec ce passeport no 130748 et passe déguisé les différents contrôles sans encombre. Il commence son Journal de Bolivie le 7 novembre 1966. Auparavant, c’est déguisé en prêtre qu’il est allé rencontrer Juan Perón exilé à Madrid afin d’essayer d’obtenir, sans succès, l’assistance des péronistes argentins dans la guérilla bolivienne.

Le groupe de 47 guérilleros, qui prennent le nom d’Ejército de Liberación Nacional (ELN, « Armée de libération nationale ») est composé en majorité de Boliviens mais aussi de seize Cubains de l’entourage très proche de Guevara et de quelques Péruviens et Argentins. Il a quelques groupes d’appui en milieu urbain.

Peu fut accompli pour créer une véritable armée de guérilla, qui ne recueillit jamais l’adhésion de la paysannerie. Guevara pensait avoir l’assistance des dissidents locaux. Or, le PC local est plus tourné vers Moscou que La Havane et ne l’aide pas malgré ses promesses. De plus, l’inflexibilité du Che, qui refuse de laisser le contrôle de la guérilla au PC bolivien, n’aide pas à conclure un accord avec le secrétaire général Mario Monje qui vient les rencontrer clandestinement. Ce trait de caractère existait déjà lors de la campagne cubaine mais avait été adouci par la diplomatie de Castro. L’agent de liaison principal à La Paz, Haydee Tamara Bunke Bider dite « Tania », est l’unique femme du groupe, et est selon l’armée américaine une ancienne membre de la Stasi, aussi considérée comme un agent du KGB. Cette dernière aurait inconsciemment ou non aidé les intérêts soviétiques en mettant les autorités boliviennes sur la piste de Guevara. Selon Anderson et d’après ses anciens compagnons d’armes, Tania était effectivement un agent de la Stasi mais il n’y avait aucun doute en sa loyauté envers le Che et Castro, et selon d’anciens responsables sovietiques aucunement une agent du KGB.

Le 9 mars 1967, des militaires en congé et en civil allant pêcher rencontrent, sans heurts, des guérilleros, et le 11, deux déserteurs de l’ELN sont capturés, ce qui alerte le gouvernement bolivien qui demande alors l’aide des États-Unis et des pays voisins. Sur indications des déserteurs, le campement est découvert, ainsi que peu après de nombreuses caches qui contiennent documents, vivres et photos qui servent à l’identification du Che par la CIA. Les guérilleros doivent abandonner leur campement pour échapper à un encerclement de l’armée bolivienne et prendre dans leurs rangs des membres de la section de soutien urbain dont Tania, le Français Régis Debray et l’Argentin Ciro Bustos.

Guevara, entier postal, Cuba.

Le 23 mars, les forces de l’ELN sortent victorieuses de premières escarmouches contre l’armée régulière beaucoup moins expérimentée dans un terrain difficile et montagneux. Mais, les guérilleros ne disposent plus de contact radio constant avec La Havane : les deux transmetteurs fournis sont défectueux ; l’inorganisation et le manque de préparation ont amené certains historiens à soupçonner un sabotage. L’unique lien des guérilleros avec le monde n’est plus qu’un vulgaire récepteur radio. Malgré la nature violente du conflit, Guevara donne des soins médicaux à tous les soldats boliviens blessés et relâche tous les prisonniers. Une attitude tranchant avec les méthodes de l’armée gouvernementale bolivienne : pour le général Ovando « c’était sans contredit une mauvaise tactique de la part des guérilleros que de laisser une vingtaine d’hommes retourner à leur base. Ils auraient dû les abattre ».

Le Che divise ses forces le 17 avril, afin d’extraire de la zone Régis Debray et Ciro Bustos, qui ne supportent plus les conditions de vie de la guérilla, et pour qu’ils puissent transmettre des messages à Cuba et aux communistes argentins. Guevara met Juan Vitalio Acuña Núñez («Vilo») au  commandement de la deuxième colonne. Les deux groupes ne peuvent se retrouver au point de rencontre prévu trois jours après, car Vilo a été obligé de se déplacer en raison de la proximité de l’armée bolivienne. En l’absence d’un lieu de rendez-vous alternatif et n’ayant aucun moyen de  communication entre eux, ils ne pourront jamais se revoir.

C’est à cette période que Guevara écrit le Message aux peuples du monde qui est lu à la réunion tricontinentale (Asie, Afrique et Amérique latine) à Cuba, et qui contient ses affirmations les plus radicales : il y propose une guerre mondiale ouverte contre les États-Unis, contredisant clairement la coexistence pacifique prônée par l’Union soviétique et les partis communistes qui suivent Moscou. Le Che entame son adresse avec une de ses phrases les plus célèbres :

« Créer deux, trois… de nombreux Viêt Nam, telle est la consigne. »
L’ELN est durement frappé le 20 avril lorsque Régis Debray et Ciro Bustos sont capturés. Debray est passé à tabac les premiers jours de sa détention, mais jamais torturé au sens propre. Personne à aucun moment n’a touché un cheveu de Bustos. C’est au bout de trois semaines, après avoir sciemment parlé dans le vide de façon à ne livrer aucune information concrète, que Debray admet les évidences, à savoir la présence du Che, déjà reconnue par Bustos, les déserteurs et le guérillero Vasquez Viana, arrêté le 28 avril et victime d’un subterfuge. Même après la rupture politique de Debray avec le régime cubain, Manuel Piñeiro, le chef des Services secrets cubains, reconnaît que ce dernier n’a fait que « confirmer la présence du Che en Bolivie », et qu’« il ne serait pas correct de ma part de rendre Debray responsable de la localisation de la guérilla, et encore moins de la mort du Che. » Quant à Fidel Castro, qui avait déjà évoqué « l’attitude ferme et courageuse » de Debray dans sa préface au Journal du Che (1968), il répète dans sa Biographie à deux voix l’avoir envoyé lui-même en mission en Bolivie, et ne lui fait reproche de rien. Debray a lui-même, dans sa Déclaration devant le Conseil de Guerre, révélé et stigmatisé la présence de la CIA dans ses interrogatoires et les propositions qui lui furent faites de se renier en échange d’une libération « rapide et discrète ».

Guevara pense avoir uniquement affaire à l’armée bolivienne, mal entraînée et mal équipée. Cependant, quand le gouvernement américain apprend sa localisation, la CIA et les Special Forces (incluant un bataillon de United States Army Rangers basé non loin de la zone de guérilla) sont envoyés pour entraîner et soutenir les militaires boliviens. En mai, l’armée arrête les paysans soupçonnés d’aider les guérilleros, après avoir retiré des hôpitaux environnants tous les médicaments contre l’asthme.

De nombreux combats ont lieu durant l’été. Le 1er août, la CIA envoie deux agents cubano-américains pour renforcer la recherche de Guevara, Gustavo Villoldo et Félix Rodríguez, qui avait déjà participé à l’invasion de la Baie des Cochons. Le 31, la colonne de Vilo Acuña qui inclut Tania est prise dans une embuscade alors qu’elle traverse une rivière : Restituto Cabrera est le seul survivant, mais il est capturé et exécuté sommairement le 4 septembre. Leurs corps sont d’abord exposés comme trophées puis enterrés clandestinement.

Le dernier contact de la partie urbaine de l’ELN est arrêté le 15 septembre, alors que le dernier membre des services secrets cubains a été inexplicablement rappelé au pays par son chef, Manuel Pineiro, pro-soviétique et opposant à Che Guevara. Contrairement à ce qui s’était passé au Congo, aucune tentative n’est faite par Cuba pour aller secourir ou aider Guevara et ses hommes. Isolée, la colonne du Che est physiquement à bout, n’a plus d’eau potable et doit parfois porter son chef qui souffre de terribles crises d’asthme. Malgré tout, Guevara a toujours la même volonté et pousse toujours ses hommes en avant, comme lors du passage d’un précipice que les autres jugent impossible, mais qu’il franchit malgré son état :

« Imbécile, il n’y a rien d’impossible dans cette vie, tout est possible, les impossibilités c’est l’homme qui les fait et c’est l’homme qui doit les dépasser ! »

Le groupe voit sa retraite coupée vers le Río Grande, ce qui l’oblige à remonter dans les montagnes vers le petit village de La Higuera où l’avant-garde est prise en embuscade et perd trois hommes le 26 septembre. Les 17 survivants s’échappent une fois de plus et le 7 octobre commencent à redescendre vers le Río Grande.

Les forces spéciales boliviennes apprennent par un informateur le lieu du campement de la guérilla. Plus de 1 800 soldats arrivent au village de La Higuera. Le 8 octobre 1967, le campement est encerclé dans le ravin de Quebrada del Yuro ; Guevara ordonne de diviser le groupe en deux, envoyant les malades en arrière et demeurant avec le reste des guérilleros pour retenir les troupes boliviennes.

Après trois heures de combat, le Che est capturé avec Simón Cuba Sarabia. Il se rend après avoir été blessé aux jambes et avoir vu la culasse de son fusil détruite par une balle. Selon les soldats boliviens présents, il aurait crié : « Ne tirez pas, je suis Che Guevara et j’ai plus de valeur pour vous vivant que mort » ou « Il vaut mieux que vous ne me tuiez pas, je suis le Che ». Cette déclaration est en totale contradiction avec le comportement du Che lors de la guérilla cubaine qu’il voulait toujours exemplaire, mais pourrait être expliquée par le fait qu’il pensait que la situation était sans issue. Une autre version de sa capture indique que ce n’est qu’une fois arrêté qu’il aurait simplement murmuré « Je suis Che Guevara » pendant que les soldats cherchaient la confirmation des identités de leurs prisonniers dans la documentation fournie par la C.I.A. et les services secrets boliviens. Le groupe de guérilleros est dispersé. Trois hommes sont morts et un autre gravement blessé, les autres sont capturés ou tués par l’armée les jours suivants. Cinq parviennent finalement à atteindre la frontière chilienne et sont alors protégés et évacués par le sénateur socialiste Salvador Allende, après avoir dû achever un de leurs compagnons grièvement blessé par l’armée bolivienne. Selon Harry Villegas (« Pombo »), un des survivants, si Guevara avait choisi de fuir avec eux, il aurait survécu.

Quand il est emmené et qu’il voit des soldats boliviens qui ont été aussi blessés dans l’affrontement, Guevara propose de les soigner, mais son offre est refusée par l’officier responsable. Les deux prisonniers sont emmenés dans une école abandonnée dans le village voisin de La Higuera. Les corps des autres guérilleros y sont entreposés et Juan Pablo Chang Navarro, capturé le lendemain, y est détenu au milieu des cadavres. Le 9 octobre au matin, le gouvernement de Bolivie annonce la mort de Che Guevara la veille dans des combats. Au même moment arrivent à La Higuera le colonel Joaquín Zenteno Anaya et l’agent de la CIA Félix Rodríguez. À 13 heures, le président Barrientos Ortuño donne l’ordre d’exécuter les guérilleros. Même s’il n’a jamais justifié sa décision, des collaborateurs pensent qu’il ne voulait pas d’un procès public qui aurait fâcheusement attiré l’attention internationale sur la Bolivie, comme cela venait d’être le cas lors du procès Debray. Il ne voulait pas non plus que le Che soit condamné à une peine de prison et qu’il puisse être relâché, comme Castro en son temps.

Il existe des doutes et de nombreuses versions sur le degré d’influence de la CIA et des États-Unis dans cette décision. Le président Barrientos voit l’ambassadeur des États-Unis la veille de l’exécution du Che. Des documents de l’agence déclassifiés sous la présidence de Bill Clinton montrent que la CIA voulait éviter que l’aventure de Guevara en Bolivie se termine par sa mort, mais d’autres sources indiquent qu’au contraire la CIA aurait fait pression pour que Guevara soit fusillé.

De même, plusieurs versions existent pour désigner celui qui a donné l’ordre d’exécuter Guevara. Selon certaines sources, c’est l’agent Rodríguez qui reçoit l’ordre d’exécuter Guevara par radio de Zenteno et le transmet aux officiels boliviens présents sur place. Selon d’autres témoignages, dont celui du Pentagone, c’est le capitaine Gary Prado Salmón, chef des rangers boliviens, qui a décidé d’exécuter le Che. Selon d’autres biographes, le supérieur de Gary Prado Salmon, le colonel Zenteno, lui a donné l’ordre sur instruction de Barrientos. Rodriguez raconte qu’il a reçu l’ordre de maintenir Guevara vivant pour l’interroger lorsque la CIA a appris sa capture ; un hélicoptère et un avion étaient affrétés pour pouvoir l’amener au Panama, mais le colonel Joaquin Zenteno, commandant les forces boliviennes, dit qu’il n’avait d’autre choix que d’obéir à ses supérieurs.

Guevara, aérogramme, Cuba.

Rodríguez donne des instructions pour l’exécution à Mario Terán, un sergent de l’armée bolivienne, afin que les blessures infligées à Guevara aient l’air d’avoir été reçues au cours du combat et qu’elles ne le défigurent pas. Selon les versions, Teràn avait été désigné pour tuer Guevara par le hasard d’un tirage à la courte paille parce qu’une querelle sur qui aurait ce « privilège » avait eu lieu dans la troupe, ou sur ordre direct du colonel Zenteno. Dans le récit de Rodriguez, c’est lui qui annonce son exécution à Che Guevara. Ce dernier lui confie un message pour sa femme, les deux hommes s’embrassent puis Rodriguez quitte l’école. Cette version est contestée par le chef des forces spéciales boliviennes, le capitaine Gary Prado Salmón, qui souligne au contraire que Rodriguez n’avait eu qu’un seul échange avec Guevara : Rodriguez avait menacé le Che qui lui avait en réponse craché au visage en l’accusant d’être un traître.

Entretemps, de nombreuses personnes viennent rendre visite à Guevara, dont l’institutrice du village qui lui apporte à manger et relatera un échange avec le Che lors de leur dernière rencontre : « Pourquoi avec votre physique, votre intelligence, votre famille et vos responsabilités vous êtes vous mis dans une situation pareille ? » « Pour mes idéaux. ».

Peu avant le Che, Simeón Cuba et Juan Pablo Chang ont été exécutés sommairement. En 1977, la revue Paris Match publie un entretien avec Mario Terán qui relate les derniers instants de Che Guevara :

« Je suis resté 40 minutes avant d’exécuter l’ordre. J’ai été voir le colonel Pérez en espérant que l’ordre avait été annulé. Mais le colonel est devenu furieux. C’est ainsi que ça s’est passé. Ça a été le pire moment de ma vie. Quand je suis arrivé, le Che était assis sur un banc. Quand il m’a vu il a dit : « Vous êtes venu pour me tuer. » Je me suis senti intimidé et j’ai baissé la tête sans répondre. Alors il m’a demandé : « Qu’est ce qu’ont dit les autres ? » Je lui ai répondu qu’ils n’avaient rien dit et il m’a rétorqué : « Ils étaient vaillants ! ». Je n’osais pas tirer. À ce moment je voyais un Che, grand, très grand, énorme. Ses yeux brillaient intensément. Je sentais qu’il se levait et quand il m’a regardé fixement, j’ai eu la nausée. J’ai pensé qu’avec un mouvement rapide le Che pourrait m’enlever mon arme. « Soyez serein – me dit-il – et visez bien ! Vous n’allez tuer qu’un homme ! ». Alors j’ai reculé d’un pas vers la porte, j’ai fermé les yeux et j’ai tiré une première rafale. Le Che, avec les jambes mutilées, est tombé sur le sol, il se  contorsionnait et perdait beaucoup de sang. J’ai retrouvé mes sens et j’ai tiré une deuxième rafale, qui l’a atteint à un bras, à l’épaule et dans le cœur. Il était enfin mort. »

Son corps et ceux des autres guérilleros morts sont emmenés par l’armée bolivienne avec l’aide d’officiers américains et d’agents de la CIA en hélicoptère à Vallegrande, où ils sont exposés pour les medias du monde entier dans la buanderie de l’hôpital local, transformée en morgue. Des centaines de personnes, soldats, civils et curieux, viennent voir le corps. Les nonnes de l’hôpital et les femmes de la ville notent sa ressemblance avec les représentations de Jésus et coupent des mèches de ses cheveux pour s’en faire des talismans. Les photographies qui sont prises du Che aux yeux ouverts donnent naissance à des légendes telles que San Ernesto de La Higuera et El Cristo de Vallegrande. Un culte religieux du Che lié au catholicisme apparaîtra au début des années 1990 dans les régions de Vallegrande et de La Higuera, avec des messes dites en son nom.

Après son amputation des mains par un médecin militaire afin d’authentifier le corps et de garder une preuve de sa mort, des officiers boliviens transfèrent et inhument les dépouilles le 11 octobre dans un endroit tenu secret afin d’éviter qu’il ne devienne un lieu de pèlerinage. Après son exécution, les militaires boliviens et Félix Rodríguez se partagent les possessions du Che, y compris deux montres (dont une Rolex qui avait été remise au Che par un de ses compagnons mourant) et le journal de Guevara en Bolivie qui disparaît pendant des années. Aujourd’hui certaines de ses affaires, y compris sa lampe torche, sont exposées au siège de la CIA. Le 15 octobre, Castro reconnaît la mort de Guevara et proclame trois jours de deuil national. Sa mort est perçue sur le moment comme un coup sévère porté à la révolution sud-américaine et au Tiers monde.

Le 21 novembre 1995, Mario Vargas Salinas, général bolivien à la retraite, déclare au New York Times que le Che « est enterré sous la piste d’aviation de Vallegrande ». En juin 1997, des géologues cubains et des anthropologues judiciaires argentins exhument les ossements de sept personnes dans une fosse commune de l’aéroport de Vallegrande. Le médecin cubain responsable de l’opération identifie le corps du Che dont la dépouille est renvoyée à Cuba en juillet 1997. Les journalistes Bertrand de La Grange et Maite Rico pensent qu’il s’agit d’une invention de Fidel Castro pour relancer la mystique révolutionnaire. Ces enquêteurs observent notamment que l’analyse de l’ADN qui devait confirmer son identification n’a jamais été réalisée. Ils notent également l’étrange conjoncture du retour de la dépouille à Cuba à la veille de la commémoration du trentième anniversaire de la mort du héros et du cinquième congrès du Parti communiste Cubain.

Ces sept corps attribués au Che et à six de ses compagnons d’armes de Bolivie reposent désormais dans un mausolée situé dans la ville de Santa Clara après des funérailles de héros national.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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