Charles Pierre Fredy de Coubertin, rénovateur des jeux olympiques.

Pierre de Coubertin (né Charles Pierre Fredy de Coubertin), baron de Coubertin, né le 1er janvier 1863 à Paris et mort le 2 septembre 1937 à Genève en Suisse, est un historien et pédagogue français fortement influencé par la culture anglo-saxonne qui a particulièrement milité pour l’introduction du sport dans les établissements scolaires français.

Dans ce cadre, il prend part à l’éclosion et au développement du sport en France dès la fin du XIXe siècle avant d’être le rénovateur des Jeux olympiques de l’ère moderne en 1894 et de fonder le Comité international olympique, dont il est le président de 1896 à 1925.

Cet intérêt pour le domaine scolaire ne va pas sans le mettre en concurrence avec les tenants de la gymnastique et de l’éducation physique, plus proches des préoccupations de la IIIe République. Son intérêt pour les innovations pédagogiques d’outre-Manche ne peut pas non plus le laisser étranger au développement du scoutisme laïc français, et il participe à son émergence, là encore dans un contexte conflictuel.

Sa légendaire dimension humaniste, enfin, est contestée par des chercheurs qui, textes à l’appui mais non sans anachronisme, décèlent chez lui un esprit colonial teinté de racisme et une misogynie affirmée. Toutefois, des études récentes semblent émettre des avis plus nuancés. Coubertin est également connu pour l’ensemble de son œuvre écrite, partagée entre d’importants ouvrages pédagogiques, le plus souvent en étroite relation avec les pratiques sportives, et des œuvres historiques et politiques.

Pierre de Coubertin, carte maximum, Paris, 24/11/1956.

Né le 1er janvier 1863 au no 20 de la rue Oudinot, dans le 7e arrondissement de Paris4, Pierre de Coubertin fait ses études de 1874 à 1881 chez les jésuites de l’école Saint-Ignace, rue de Madrid, où il semble se destiner au métier des armes. Il passe son baccalauréat ès lettres en 1880 et ès sciences en 1881. Admissible à Saint-Cyr, il écarte alors la carrière militaire et s’inscrit en 1882D 1 à l’École libre des sciences politiques, où il obtient le titre de bachelier en droit en 1885. Dès 1883 et ses séjours outre-Manche, il pratique tous les sports anglo-saxons (aviron, boxe, équitation et escrime) mais c’est au tir qu’il se distingue comme Justinien Clary, premier président du Comité olympique français (COF) et plus tard Jean de Beaumont. Coubertin est multiple champion de France de tir au pistolet.

Simultanément et pendant trois ans, il observe le plan de formation sociale et morale des établissements scolaires britanniques, qu’il considère comme une des causes de la puissance de cette nation. De retour en France il se consacre, à partir de 1887, à l’amélioration du système éducatif français en s’inspirant des exemples britannique et américain, particulièrement des travaux du britannique Thomas Arnold concernant le sport scolaire et notamment le rugby dont il est passionné. Souhaitant appliquer ce modèle en France à l’instar de Paschal Grousset et de Philippe Tissié, il commence une campagne de promotion du sport scolaire la même année en signant une série de livres et d’articles qui insistent sur la priorité de regénérer la race française par la rééducation physique et morale des futures élites du pays qui a connu la défaite de 1870. Cependant le corps enseignant et les parents d’élèves ne le suivent pas. Il se rallie alors à la République, se mettant à dos sa famille et le clan royaliste. En 1888, il est élu au conseil municipal de Mirville sans s’être présenté, mais manifeste ensuite sa volonté de ne pas persévérer dans la carrière politique : la pédagogie et le sport sont devenus ses seuls centres d’intérêt.

Le 12 mars 1895, Pierre de Coubertin épouse Marie Rothan — d’une famille protestante alsacienne disposant du château de Luttenbach, dans la vallée de Munster — en l’église catholique de Saint-Pierre-de-Chaillot à Paris, mariage suivi d’une cérémonie à l’église réformée. Son histoire personnelle se confond ensuite beaucoup avec celle de l’olympisme. En 1914, âgé de 51 ans, il se met au service de la Nation mais il n’est pas envoyé au front, en dépit de ses demandes réitérées. Il est mis à la disposition de la Maison de la presse mise en place par Philippe Berthelot où il œuvre en direction de l’Amérique latine. Au sortir de la guerre, en 1920, l’hôtel familial de la rue Oudinot est vendu et Coubertin s’installe définitivement en Suisse, d’abord à Lausanne en 1922, puis à Genève à partir de 1934. Le 2 septembre 1937, alors qu’il vient d’être fait citoyen d’honneur de Lausanne, Pierre de Coubertin, ruiné et avec un fils, Jacques, lourdement handicapé, s’effondre, victime d’une crise cardiaque dans une allée du parc de La Grange, à Genève, sur la rive gauche du Léman. Son corps est enterré à Lausanne au cimetière du Bois-de-Vaux et son cœur est inhumé près du sanctuaire d’Olympie à l’intérieur du monument commémoratif de la rénovation des Jeux olympiques, inauguré en sa présence en 1927.

Pour rendre le sport plus populaire, Pierre de Coubertin pense qu’il faut l’internationaliser. L’idée de restaurer les Jeux olympiques connaît bien d’autres tentatives avant lui comme en témoigne l’ouvrage La Renaissance physique du pédagogue Paschal Grousset, en 1888. Ainsi, l’olympiade de la République se tient à Paris en 1796, 1797 et 1798. Esprit-Paul de Laffont-Poulotti réclame même le rétablissement des Jeux olympiques et présente un projet qui n’est pas retenu par la municipalité de Paris. En France, divers établissements scolaires en font un évènement majeur de leur calendrier annuel, tel le séminaire du Rondeau, à Grenoble, où son futur ami Henri Didon fait sa scolarité. Entre 1856 et 1888, quatre rencontres sportives se sont déroulées à Athènes sous le nom d’olympiades de Zappas, riche mécène de la diaspora qui finance ces compétitions réservées aux Grecs. Coubertin ne peut alors ignorer que, depuis 1850, William Penny Brookes a fondé une Olympian society qui organise à Much Wenlock (Shropshire) des Olympian Games ouverts à tous. Invité avec l’ambassadeur de Grèce en 1890 à cet évènement, il en reste marqué après avoir été invité à y planter un chêne.

C’est à la suite de son appel du 25 novembre 1892, au cours d’une séance solennelle de l’USFSA dans l’amphithéâtre de la Sorbonne, qu’il organise en 1894 (ce qui sera appelé plus tard par les exégètes du coubertinisme le premier congrès olympique) dans ce même amphithéâtre, autour de « cette œuvre grandiose et bienfaisante : le rétablissement des Jeux Olympiques ». Lors de la séance de clôture, le 23 juin 1894, leur rétablissement est proclamé, de même que leur fréquence quadriennale. Un écrivain grec installé à Paris, Dimitrios Vikelas, œuvre conjointement avec Coubertin à la renaissance des olympiades et est nommé président du CIO de 1894 à 1896. Coubertin souhaite que la première édition des Jeux se déroule à Paris en 1900, en raison de l’exposition universelle mais, en fin de compte, les premiers Jeux olympiques rénovés ont symboliquement lieu à Athènes en 1896. Le 6 avril 1896 le roi Georges Ier de Grèce ouvre officiellement les premiers Jeux olympiques de l’ère moderne. L’année suivante, Coubertin organise au Havre le second congrès olympique.

Pierre de Coubertin, épreuve d’artiste.

Président du CIO depuis 1896, Pierre de Coubertin connaît des difficultés avec le mouvement sportif français dès les jeux de Paris et doit faire face aux premiers scandales dès ceux de Saint-Louis en 1904 avec l’organisation de « journées anthropologiques », réservées « aux représentants des tribus sauvages et non civilisées », puis ceux de Londres en 1908 où les hôtes tentent d’imposer des jurys exclusivement composés d’Anglais. Le 24 juillet 1908, il prononce son discours sur les Trustees de l’idéal olympique, dans lequel il explique que c’est la cooptation qui garantit l’indépendance du CIO. Il reprend notamment, dans cette allocution, la maxime de l’évêque anglican de Pennsylvanie : « L’important dans ces olympiades, c’est moins d’y gagner que d’y prendre part ». Dès la même année, Pierre de Coubertin séjourne à Lausanne où il élit définitivement domicile en 1915. Sur son instigation et en raison de la Première Guerre mondiale, le siège du CIO est alors transféré en terrain neutre dans la capitale vaudoise, à la villa Mon-Repos. Conçu par Pierre de Coubertin en 1913, le prototype du drapeau olympique est fabriqué sur ses indications par le magasin Le Bon Marché à Paris et présenté le 17 juin 1914 au président de la République française Raymond Poincaré.

Après la Première Guerre mondiale, dans une des Lettres olympiques datée du 13 janvier 1919 et publiée dans la Gazette de Lausanne, Coubertin énonce ainsi, sans équivoque possible, son sentiment : « Tous les sports sont pour tous ; voilà sans doute une formule qu’on va taxer de follement utopique. Je n’en ai cure. Je l’ai longuement pesée et scrutée ; je la sais exacte et possible. Les années et les forces qui me restent seront employées à la faire triompher ». Coubertin s’éloigne ensuite du CIO et démissionne de son poste en 1925 après les jeux d’été de Paris et les premiers jeux d’hiver de Chamonix. Dès les jeux qui suivent, à Amsterdam, son successeur, le belge Henri de Baillet-Latour, ouvre aux femmes les épreuves d’athlétisme. Aigri, Coubertin déplore que ses successeurs ne fassent pas plus cas de son opinion et ne le tiennent pas plus au courant des événements. Il est cependant lauréat du prix Guy-Wildenstein de l’Académie des sports en 1935 et s’implique occasionnellement dans le suivi des Jeux olympiques de Berlin — accordés à l’Allemagne le 26 avril 1931 — organisés par son ami Carl Diem avant même l’arrivée au pouvoir d’Hitler.

Pierre de Coubertin s’inscrit pleinement dans le débat que Georges Hébert cristallise dans un ouvrage-clef en 1925. Bien que rallié à la République, en prônant le sport et l’excellence de la compétition à l’école, il entre bien en conflit avec les tenants de la gymnastique militaire et hygiéniste — prônée officiellement par Paul Bert et bien d’autres — et ceux de l’éducation physique égalitaire du plus grand nombre, prônée par Paschal Grousset ancien communard déporté. Monsieur Paschal Grousset qui est un homme que je méprise et avec lequel je ne veux point avoir de rapports », dit Coubertin. Cependant, Coubertin souhaite amener l’activité physique et le sport à l’école. C’est à cette fin qu’il fonde le Comité de propagande des exercices physiques en juin 1888 et le renforce en 1890 avec la Revue athlétique. Les membres du comité sont majoritairement d’une sensibilité de droite (monarchistes, conservateurs et ecclésiastiques), contrairement à ceux de la Ligue nationale de l’éducation physique de Grousset dont les membres, comme Georges Clemenceau ou Alexandre Dumas, ont une sensibilité radicale : socialistes ou non, mais républicains et athées.

Pierre de Coubertin, empreinte de machine à affranchir, Grèce, 1963.

De cette situation naissent les conflits idéologiques entre un mouvement libéral d’inspiration anglo-saxonne et un mouvement plus égalitaire et collectif, plus proche aussi de l’aura de la IIIe République, alors qu’une troisième composante se garde à l’écart des deux mouvances : la Ligue girondine de l’éducation physique de Philippe Tissié. Cependant, médecin et hygiéniste, celui-ci prend position contre la compétition et ses violences, tandis que Coubertin défend le sport et sa « liberté d’excès » pour aller vers l’excellence de l’individu. Coubertin a aussi une vision internationale du sport et veut relier les ligues sportives du monde entier entre elles avec une préférence pour les jeux sportifs anglais (football, athlétisme, aviron et tennis), alors que Tissié et Grousset militent pour une approche éducative du sport par les jeux régionaux (la barrette aquitaine plutôt que le rugby) et par la méthode suédoise de Pehr Henrik Ling (1776–1839), déjà mieux insérée dans la tradition nationale.

Aussi Tissié se désintéresse-t-il de la création des Jeux olympiques et des problèmes afférents : « Les questions d’amateurs et de professionnels ainsi que le rétablissement des Jeux olympiques n’intéressent pas directement la Ligue girondine qui ne s’occupe que des jeunes gens ou des enfants en cours de scolarité » mais, en tant que délégué du ministre de l’Instruction publique, il participe activement en 1897 au congrès du Havre, fraternel comme les valeurs que veulent incarner les Jeux olympiques, et y défend ses points de vue. En raison de sa prestance, ceux-ci sont fortement écoutés et entendus, en dépit des réserves de Pierre de Coubertin qui reste cependant en contact avec Tissié « pour travailler sur cette même cause […] » qu’est l’éducation de l’activité physique car « […] même si nous ne la servons pas de la même manière, nous l’aimons pareillement ». En dépit de toutes leurs divergences, on relève, de 1889 à 1915, une importante correspondance entre Coubertin et Tissié que le premier nommé ménage prudemment eu égard à ses fonctions publiques.

Coubertin, dans le Chapitre XII de ses “Mémoires” qu’il consacre à l’amateurisme s’exprime ainsi : « Lui ! Toujours lui. J’en risque aujourd’hui l’aveu: je ne me suis jamais passionné pour cette question-là ». En septembre 1936, un journaliste l’interroge sur le serment olympique, il lui répond avec violence:

« On m’a reproché souvent, et toujours à tort, la prétendue hypocrisie du serment olympique. Mais lisez-le, ce fameux serment dont je suis le père heureux et fier : où voyez-vous qu’il exige des athlètes descendus sur le stade olympique un amateurisme absolu que je suis le premier à reconnaître comme impossible ? Je ne demande par ce serment qu’une seule chose : la loyauté sportive ».

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Sources : Wikipédia, Youtube.