Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord

Né en 1754 de parents familiers de la cour royale de Louis XV, il semble dès sa venue au monde que le jeune Charles-Maurice ne pourra pas s’orienter vers une carrière de soldat, car souffrant d’une malformation au pied droit. D’un tempérament ouvert aux idées des Lumières, il devient prêtre dans le courant de l’année 1775. Il est présent au sacre de Louis XVI le 11 juin de la même année, puis assiste l’évêque de Reims en devenant vicaire-général du diocèse en 1779.

Le 2 novembre 1788, le Roi lui-même le nomme évêque d’Autun, un titre qu’il ne portera véritablement qu’un peu moins d’un mois, ayant été élu député du clergé aux Etats-Généraux. Lorsqu’éclate la Révolution, Talleyrand se rallie au mouvement populaire et prend part à la rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme. En novembre 1789, l’économie du royaume est en piteux état. Pour y remédier, “l’évêque d’Autun” propose une nationalisation des possessions du clergé, ce qui fera figure d’une première “trahison” aux yeux de ses collègues. Il est aux premières loges de la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790, où il célèbre la messe en costume d’évêque.

Il démissionne officiellement de son évêché en janvier 1791, après avoir fait partie des signataires de la toute-nouvelle Constitution. Devenu ambassadeur Outre-Manche en juillet 1792, il est vite suspecté de trahison puis d’émigration (alors pratiquée en masse par les nobles et les royalistes partisans de la Contre-Révolution) et doit obtenir des passeports de Danton en personne pour prouver son innocence. Mais il est tout de même contraint de quitter la France, d’abord pour Londres et ensuite pour les Etats-Unis. En septembre 1796, il retrouve son pays natal complètement métamorphosé par la mort du roi et l’instauration d’une République. Il obtient la fonction de ministre des Affaires Etrangères du Directoire en novembre 1797. A ce titre, il rencontre le jeune général Bonaparte, de retour de Campoformio et en route pour l’Egypte, expédition que le futur Prince de Bénévent approuve et encourage.
Son implication dans le coup d’état du 18 Brumaire lui permet de conserver son ministère, mais son rôle est réduit, le Premier Consul tenant à s’occuper personnellement de la plupart des affaires du pays. Pour conférer plus de prestige à celui qui doit représenter la France dans les négociations internationales, Napoléon acquiert le château de Valençay et l’offre à son ministre.

Talleyrand, carte maximum, Paris, 2/06/1951.

Lorsque vient l’affaire du Duc d’Enghien en 1804, Talleyrand est l’un des plus fervents à désirer son arrestation puis son exécution qui mettra un “fleuve de sang” entre Napoléon et les Bourbons, afin d’écarter définitivement – pense-t-il – la menace d’un retour de la monarchie. Il avait trop profité des l’héritage des Lumières pour y renoncer…
Grand chambellan le 1er juillet 1804, Talleyrand assiste au sacre de Napoléon le 2 décembre (il est immortalisé sur le tableau de David) et, après son éclatante victoire sur la coalition à Austerlitz, l’Empereur l’envoie auprès de François II pour négocier les conditions de l’armistice. Il acceptera d’être payé par l’Autriche à la condition de ne pas lui imposer des exigences de paix trop dures…

Talleyrand, épreuve d’artiste.

Prince de Bénévent le 5 juin 1806, il assure son ministère jusqu’en août 1807, où il quitte la fonction pour celle de Vice-Grand Electeur de l’Empire, “le seul vice qu’il n’eût pas encore” des dires de Fouché, ministre de la police et éternel rival de Talleyrand.
Les deux hommes ont pourtant beaucoup en commun : tous deux ne peuvent s’empêcher de trahir et d’intriguer, que ce soit contre l’Empereur ou contre n’importe quel autre gouvernement en place. Talleyrand s’y met véritablement fin 1806, en critiquant l’entrée en guerre de la France contre la Prusse, une guerre pourtant défensive que Napoléon n’avait pas désirée. En 1808, c’est à l’initiative du Prince que la France envahit l’Espagne (il niera plus tard avoir encouragé l’Empereur); il accueille alors Ferdinand, fils du roi d’Espagne, dans son château de Valençay.

Il s’enfonce plus avant dans la trahison à Erfurt, à partir du 27 septembre 1808. Il parvient à éloigner le Tsar Alexandre Ier de Napoléon, de telle sorte que l’entrevue sera un échec total, le premier pas vers la dégradation des relations franco-russes.

Aussitôt sorti de la conférence d’Erfurt, Napoléon doit partir pour l’Espagne afin de rétablir l’ordre dans la péninsule. Mais alors que les chevau-légers polonais balaient les rangs ennemis à la Somosierra, à Paris, Talleyrand et Fouché, Duc d’Otrante, complotent ouvertement. Des rumeurs de mort de l’Empereur en Espagne les ont poussés à s’allier, oubliant leurs différends, pour placer le maréchal Murat, Roi de Naples, sur le trône impérial. Napoléon est forcé de rentrer précipitemment de Madrid, dont il avait obtenu la capitulation le 4 décembre, et arrive à Paris début janvier 1809. Le 29, après d’orageuses explications avec ses ministres, l’Empereur somme Talleyrand de disparaître de sa vue. La disgrâce du Prince de Bénévent, déchu de son titre de Grand Chambellan, est totale…

Il n’intervient plus activement dans les affaires de l’Empire jusqu’en 1813, si ce n’est pour hâter sa chute. “Ce n’est pas militairement mais politiquement que Napoléon sera battu”, écrit-il bientôt. A la fin de l’année, face à l’incapacité de ses ministres, l’Empereur lui propose de reprendre son ministère des Affaires Etrangères, ayant trop besoin de ses talents de diplomate. Mais accepter serait trop contraire aux intérêts du Prince qui refuse, et communique de plus en plus avec les coalisés, pour préparer le retour de Louis XVIII. Après s’être entretenu avec Napoléon pour la dernière fois le 25 janvier 1814, il assiste à la Campagne de France et à la fin de l’Empire. Il reçoit le Tsar chez lui, rue Saint-Florentin à Paris, après l’entrée des coalisés dans la ville. Le 1er avril, il devient Président du gouvernement provisoire qui rappelle Louis XVIII le 6, jour de l’abdication de Napoléon.

Louis XVIII est satisfait de la collaboration de Talleyrand quant à son retour de l’exil; par conséquent, “le diable boiteux” redevient ministre des Affaires Etrangères et obtient la fonction de Président du Conseil des Ministres. Son titre de Bénévent, dû entièrement à Napoléon, est aboli le 6 décembre, puis remplacé par celui de “Prince de Talleyrand”. Le nouveau Prince est envoyé au Congrès de Vienne où l’on compte sur son grand sens diplomatique pour éviter un trop grand démembrement de la France, ce à quoi il parvient. Talleyrand se rapproche de Castlereagh, représentant du Royaume-Uni, avec qui il envisage un déportement de Napoléon à Sainte-Hélène et cherche à se débarrasser du maréchal Murat, dont le royaume de Naples a survécu à la première abdication.

Talleyrand au château de Valençay, prêt-à-poster.

Mais une nouvelle alarmante vient vite affoler les participants du Congrès : Napoléon est revenu de l’île d’Elbe et marche sur Paris. Même s’il qualifie ce retour de véritable “coup de maître”, le prince de Talleyrand presse le Roi et sa cour à gagner au plus vite la frontière belge, tandis qu’il refuse de se rallier à l’Empire. Tout est à refaire : les Bourbons se sont à nouveau enfuis et Napoléon occupe pour la dernière fois le trône de France. Talleyrand à Vienne, c’est Fouché qui se charge de préparer la seconde restauration.

Au retour de la monarchie – que l’on pense cette fois définitif -, le prince se croit toujours indispensable aux yeux du roi, mais en réalité, celui-ci n’a plus véritablement besoin de lui. Cette fois-ci, il n’est pour rien dans la chute de l’Empire, les royalistes ne lui doivent plus rien. La dégradation de ses relations avec le Roi et son entourage (dont Chateaubriand, qui le voit comme le vice personnifié) conduit à sa démission du poste de Président du Conseil et de son ministère, à la mi-septembre 1815.Il finit par se réconcilier plus ou moins avec la famille royale et assiste au sacre de Charles X en 1825, comme il l’avait fait pour le couronnement de Louis XVI et celui de Napoléon. Héritier de la Révolution, il désapprouve la politique conservatrice de l’ancien comte d’Artois et voit d’un oeil plutôt favorable la Révolution de 1830. Il contribue à placer Louis-Philippe sur le trône et devient son ambassadeur en Angleterre où il tente de rassurer la monarchie britannique à propos de la nouvelle Révolution, rapprochant ainsi les deux rivaux séculaires.
Il finit sa carrière avec son retrait dans sa demeure de Valençay (qu’il devait à Napoléon), puis à Paris où il meurt le 17 mai 1838, non sans avoir reçu une visite du Roi en personne.

Source : Napopédia.