Canaletto, peintre.

Giovanni Antonio Canal (Venise, 18 octobre 1697 – Venise, 19 avril 1768), plus connu sous le nom de Canaletto, est un peintre vénitien célèbre pour ses panoramas (vedute) de Venise.

Il est l’un des représentants les plus importants, avec Bernardo Bellotto et Francesco Guardi, du « védutisme » (ou peinture de paysages urbains) italien. Avec Giambattista Pittoni et Giovanni Battista Tiepolo, il est l’un des principaux Vieux maîtres italiens de la Renaissance vénitienne.

Ses peintures marient la rigueur géométrique de la perspective avec une représentation lumineuse du jeu des ombres et lumières, alliant l’ordonnancement des bâtiments avec le grouillement de la vie sur les eaux du grand canal ou la représentation commémorative des évènements solennels et fastueux. Ces représentations résultent à la fois d’une observation attentive de l’atmosphère, du choix de conditions précises de lumière pour chaque moment particulier de la journée et d’un dessin objectif selon les principes de la géométrie.


Giovanni Antonio Canal naît dans la paroisse de San Lio, près du Rialto. Il est fils d’un artiste vénitien, Bernardo Canal, peintre de scénographies et de décors de théâtre qui bénéficie d’une évidente autorité et d’une certaine aisance. Il existe bien à Venise une famille (da) Canal inscrite sur la Liste de familles nobles de Venise, mais sans lien avec Giovanni Antonio.

C’est dans l’atelier du père que Canaletto apprend la peinture. Dès 1716 il aide son père, avec son frère Cristoforo, à peindre les décors pour deux œuvres de Vivaldi et Fortunato Chelleri, représentés aux théâtres Sant’Angelo et San Cassiano à Venise.

En 1720, le jeune Giovanni est à Rome avec son père Bernardo pour réaliser les décors de deux drames théâtraux d’Alessandro Scarlatti, Tito Sempronio Gracco et Turno Aricino, que l’on joue au carnaval au Teatro Capriciana. Le livret mentionne que les décors sont réalisés par Bernardo Canal et son fils Antonio. Le voyage à Rome est décisif pour Giovanni Antonio Canal. C’est là qu’il a les premiers contacts avec les peintres du védutisme. Trois importants artistes qui excellent dans le genre des vedute constituent des références : le premier est Viviano Codazzi (1604 – 1670), qu’Antonio n’a pu connaître de son vivant, le seconde est Giovanni Paolo Panini et le troisième est le hollandais Caspar van Wittel (appelé ultérieurement Gaspare Vanvitelli), considéré comme l’un des pères du vedutismo.

Les premières œuvres qui sont attribuées à Canaletto remontent aux années du séjour à Rome, même si pour certaines la paternité n’est pas encore assurée : ce sont Sainte Marie d’Aracœli et le Capitole et Temple d’Antonin et Faustine. Ces œuvres montrent un Giovanni Antonio Canal qui commence à s’affirmer, notamment dans le rendu impeccable de la perspective.

Canaletto, carte maximum, Saint-Marin, 1971.

Revenu à Venise en 1720, Canaletto s’inscrit à la guilde (la fraglia dei pittori veniziani) des peintres. Il décide d’abandonner le décor de théâtre. Canaletto imite les vedutisti vénitiens qui sont ses précurseurs, et notamment Luca Carlevarijs et Marco Ricci, et commence à se consacrer à temps plein à la peinture de vues de la ville. Carlevarijs avait créé un marché propice, par ses propres tableaux de vues et de commémoration d’évènements solennels ; il avait d’ailleurs publié, dès 1703, un recueil de 103 eaux-fortes intitulé Le Fabriche e vedute di Venezia (Monuments et vues de Venise), où il innove en proposant des vedute conçues en perspective.

Les premiers clients de Canaletto sont soit vénitiens, comme Zaccaria Sagredo (1653 – 1729), collectionneur de peintures, dessins et livres, neveu du doge Nicolò Sagredo, et les frères Giovanelli, qui commandent deux Caprices exécutés en 1723, soit d’origine germanique, comme Johann Joseph von Wallenstein (1684-1731). Ses premières commandes de vues de Venise sont quatre vedute peintes en 1723. Elles ont peut-être été commandées par le prince Joseph Wenzel Ier de Liechtenstein (1696-1772), soit directement, soit par l’intermédiaire de son ami Antonio Maria Zanetti l’Ancien. Ce sont le Grand Canal vers Rialto, peinture qui joue sur le contraste entre ombre et lumière, Bassin de San Marco depuis Giudecca, une Place Saint-Marc, vue de l’est qui est une des premières représentations de la Place Saint-Marc qui sera ensuite un des sujets préférés du Canaletto, et le Rio dei Mendicanti, œuvre représentant un quartier populaire.

Cette œuvre n’est pas dans la même lignée que les autres, dans la mesure où elle montre un côté plus sombre et délabré de la ville. D’ailleurs, aucun client ne lui demandera de revenir sur cette scène. Deux de ces tableaux sont conservés dans la collection de Mario Crespi à Milan et les deux autres à la Fondation Thyssen-Bornemisza, à Castagnola, un quartier de Lugano, en Suisse.

Il reçoit par ailleurs des commandes de diplomates et de résidents étrangers, tels le comte Jacques-Vincent Languet de Gergy, compte de Gergy (1667-1734). La première de ces compositions à caractère solennel et commémoratif est la Réception de l’ambassadeur français au palais ducal maintenant conservée au musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg et qui remonte à 1727, et Giambattista Colloredo-Waldsee (1656-1729), ambassadeur impérial à Venise de 1715 à 1726, « hérités » de Carlevarijs. D’ailleurs, Canaletto peint également l’entrée solennelle de l’ambassadeur impérial au palais des doges. Elle fait partie d’une longue série d’œuvres qui décrivent les fêtes de la République de Venise et reflètent la splendeur des célébrations de la Sérénissime.

Un des premiers tableaux vendus par Canaletto est intitulé SS. Giovanni e Paolo e la Scuola di S. Marco. Ce tableau a été présenté, selon l’agent de Stefano Conti, lors de l’exposition annuelle de la Scuola di S. Rocco. Cette exposition est connue par un autre tableau de Canaletto, la Fête de la Saint-Roch, conservé à la National Gallery de Londres, et qui montre la procession annuelle du doge et de sa suite à l’église Saint-Roch, pour remercier le saint d’avoir sauvé la ville de la peste. Le tableau montre la procession passant devant l’exposition de tableaux qui a lieu à l’extérieur de l’école. On y voit un tableau ressemblant à ce que pourrait être une vue. Après la cérémonie, tout le monde allait visiter la scuola. Il est probable que Canaletto ait présenté le tableau de saint Jean et Paul, et que le tableau ait été acheté par l’ambassadeur impérial à cette occasion.

Sa technique et son adresse font en peu de temps des progrès considérables. Jusqu’en 1726 les tableaux, sont presque tous de grande dimensions (un mètre et demi à deux mètres de large, plus de deux fois la taille des tableaux ultérieurs); ils sont peints sur un fond sombre pour ne pas laisser deviner la trame de la toile derrière sa peinture. Canaletto devient rapidement un des peintres les plus renommés de Venise et, au cours de la deuxième moitié des années 1720, les commandes affluent.

L’un de ses premiers commanditaires importants est le marchant Stefano Conti qui passe par l’entremise du peintre Alessandro Marchesini et commande à Canaletto quatre œuvres, parmi lesquelles une vue de Campo SS. Giovanni e Paolo. Alessandro Marchesini, peintre originaire de Vérone, installé à Venise aux environs de 1700, se découvre alors une vocation de négociant. Il agit pour le compte du collectionneur Stefano Conti. Celui-ci, après avoir constitué une collection d’œuvres, principalement de tableaux, vers 1705-1706, qu’il complète par des achats ponctuels ultérieurement, s’adresse à Marchesini à nouveau en 1725 pour d’autres tableaux. Quatre tableaux sont commandés, en deux temps, à Canaletto, et livrés en 1725 et 1726. Conti demande et obtient, pour chacun de ces tableaux, une description détaillée par l’artiste ce qui permet de savoir exactement de quels tableaux il s’agit. Ces tableaux étaient encore dans la collection Pillow dans les années 1950, maintenant dans la Pinacoteca Giovanni e Marella Agnelli qui contient en tout six Canalettos.

Alessandro Marchesini échange une ample correspondance avec Stefano Conti au sujet des tableaux, depuis le projet jusqu’à leur achèvement. Chaque semaine, il fait à Conti un compte-rendu écrit. Il semble avoir harcelé Canaletto pour faire avancer l’achèvement des tableaux, et aussi semble avoir tenté de se justifier auprès de Conti pour les retards constatés. C’est à ce propos qu’il affirme que la confection des tableaux prend plus longtemps parce que Canaletto les peint à l’extérieur, ce qui prendrait plus de temps. Links considère que Canaletto, comme tous les peintres de son époque, peignait en atelier; ce n’est qu’au XIXe siècle que l’on peint à l’extérieur. En revanche, Canaletto a certainement fait des repérages et esquisses, avec ou sans camera obscura. Marchesini se plaint aussi de l’âpreté de Canaletto dans les négociations sur les prix, mais là aussi, c’est de bonne guerre pour à la fois justifier le prix élevé que Conti devra payer, et pour montrer que sans son entremise, le prix aurait été encore bien plus élevé. Ces documents accréditent l’opinion que Canaletto est irascible, âpre au gain, ne tient pas ses délais, toutes affirmations à prendre avec prudence, car elles servent autant à valoriser le rôle de l’intermédiaire. On trouve les mêmes reproches faits par McSwiney, le premier des intermédiaires anglais.

Un autre client important de cette période est le Feldmarschall Johann Matthias von der Schulenburg, qui était en service à la République de Venise et en réforma l’armée. Passionné d’art, il constitue dans sa résidence de Ca’ Loredan sur les bords du Grand Canal une importante collection d’œuvres d’artistes comme Raphaël, Le Corrège, Giorgione, Jules Romain. Schulenburg commande à Giovanni Antonio Canal notamment une vue de Corfou, pour célébrer la victoire obtenue par l’Allemand dans l’île grecque contre les Ottomans, et une Riva degli Schiavoni aujourd’hui conservée au Sir John Soane’s Museum de Londres.

Ayant acquis une réputation certaine, le Canaletto commence à être remarqué par des amateurs anglais : durant le XVIIIe siècle, Venise était très fréquentée par les jeunes gens de l’aristocratie britannique qui accomplissaient leur Grand Tour dont la ville lagunaire était une des étapes obligées.

Canaletto a les premiers contacts avec des commanditaires anglais par l’intermédiaire de Owen McSwiny, un impresario d’opéra et marchant d’art irlandais. L’irlandais Owen McSwiney est installé à Venise après avoir quitté l’Angleterre pour cause de faillite. Il a une activité intermittente d’agent pour impresarios londonien et de négociant et de conseil auprès de la clientèle anglaise pour l’achat de tableaux. Le plus important de ses commanditaires est le compte de March, duc de Richmond en 1723. Il arrive à convaincre le duc d’un projet assez unique, qualifié d’« étrange et farfelu » par un contemporain : faire réaliser vingt tableaux, allégories de tombeaux commémorant les grands hommes de l’histoire anglaise récente. En outre, ces tableaux seraient d’être peints en commun par un groupe de peintres, chacun se chargeant de la partie du tableau qui lui correspond le mieux. Les peintres sont, entre autres, Canaletto pour l’architecture et les bâtiments, Giovanni Battista Cimaroli pour les paysages et Giovanni Battista Piazzetta pour les personnages. En 1726, le projet est déjà bien avancé et deux tableaux sont terminés, dont l’un représente la tombe de lord Somers, grand chancelier d’Angleterre, un autre celle de John Tillotson, archevêque de Canterbury. Le duc achète dix tableaux qu’il conserve dans sa demeure de Goodwood, dans le Sussex. En même temps, Canaletto peint des vues sur cuivre, notamment un Grand Canal, le pont du Rialto vu du nord (1727) qui sont toujours visible au château de Goodwood.

En plus des vues, le Canaletto s’adonne progressivement, vers la fin des années 1720, aux représentations dites commémoratives. Les peintures commémoratives du Canaletto sont très spectaculaires et elles offrent un témoignage tangible de la splendeur des célébrations de la sérénissime. Parmi ces peintures figure un des chefs-d’œuvre les plus célèbres de l’artiste, le Bucentaure au Môle le jour de l’Ascension , dont la première version date de 1729. Le tableau est aujourd’hui conservé au Bowes Museum, en Angleterre. L’œuvre représente ce qui était peut-être la fête la plus connue des Vénitiens, le mariage de la mer. La fête avait lieu tous les ans le jour de l’Ascension. Dans la peinture, l’artiste représente le retour du Bucentaure, le bâtiment de parade, vers le palais des Doges, avec le grand navire entouré par un cortège d’une myriade de bateaux.

Son succès chez les clients anglais est rapide. Dès novembre 1727, McSwiney pouvait écrire au duc de Richmond, à propos de deux vues vénitiennes sur cuivre, sur un total de quatre, commandées à l’artiste, qu’il avait trop d’engagements pour pouvoir les honorer dans les délais convenus, et en déplorer les prix élevés.

Le plus important des agents de Canaletto, qui est à la fois mécène, client, conseiller, et avec qui il sera en relation pendant une trentaine d’années, est Joseph Smith. Dès ses débuts à Venise, Joseph Smith réussit ses affaires, et les mène à bien durant près de soixante ans. Il est consul britannique à Venise entre 1744 et 1760. Smith est un collectionneur passionné de tableaux, eaux-fortes, dessins, monnaies, mais surtout de livres. Il constitue une bibliothèque réputée. Quant aux tableaux, il possède, en plus des Canaletto, plusieurs capricci de Carlevarijs, quinze pièces de Rosalba, des œuvres de Sébastien et de Marco Ricci, et des tableaux de Zuccarelli.

De Canaletto, Smith obtient entre 1726 et 1727 six tableaux qu’il garde dans sa collection pendant près de quarante ans. Pour chacun d’eux, Canaletto réalise un dessin préalable, grâce auquel on peut suivre l’évolution entre le projet et sa réalisation. Ces six premiers tableaux sont des vues de la place Saint-Marc, et de la Piazetta. Canaletto réalise pour lui des œuvres comme la Régate sur le Grand Canal et un impressionnant Intérieur de Saint-Marc la nuit, une des rares peintures de nuit dans la production de l’artiste. Ce sont deux représentations commémoratives, réalisées au début des années 1730 et aujourd’hui conservées dans les collections royales d’Angleterre.

Le lien avec Smith et le contact avec le monde anglo-saxon du Grand Tour sont décisifs pour Canaletto. La technique précise qu’il élabore à la fin des années 1720 — afin de se conformer au rationalisme éclairé des Anglais — est diamétralement opposée à celle de ses débuts : les toiles sont plus petites, et contiennent des architectures d’une perfection stupéfiante où des coups de pinceaux maîtrisés définissent les détails et les points lumineux.

Smith, après avoir été client, joue pour le Canaletto le rôle de « mécène » intéressé et d’intermédiaire avec la riche clientèle anglaise. En 1735 il fait paraître le Prospectus Magni Canalis Venetiarum (Description du Grand Canal de Venise). Le prospectus, dont le nom complet est Prospectus Magni Canalis Venetiarum, addito Certamino Nautico et Nundinis Venetis: Omnia sunt Expressa ex Tabulis XIV. Pictis ab Antonio Canale, in Aedibus Josephi Smith Angli, Delineante atque Incidente, Antonio Visentini, Anno MDCCXXV contient quatorze gravures, les douze premières sont des vues du Grand Canal, dans l’ordre où on peut les observer en descendant le canal, puis en tournant autour de la Salute, puis en revenant vers le Rialto : exactement ce que verrait un touriste qui fait le tour de Venise. Les deux dernières, en quelque sorte rajoutées, exaltent les festivités que peut offrir Venise, la fête du Bucentaure, et une Régates sur le Grand Canal. Les deux derniers tableaux sont plus récents (autour de 1732). Le prospectus qui – selon les dires de Smith – est tiré en un nombre restreint d’exemplaires, doit remplir plusieurs fonctions : C’est d’abord, par son contenu et par sa taille (il mesure environ 40 × 60 cm), un livre agréable à lire, par son propre mérite artistique, car Antonio Visentini, le graveur, est un artiste de grande valeur. C’est ensuite un catalogue qui invite les personnes intéressées par le travail de Canaletto à aller voir les originaux in Aedibus Josephi Smith Angli, dans la demeure de l’Anglais Joseph Smith, et d’en commander éventuellement des semblables. Ce but semble avoir été atteint. C’est de plus un argument de fierté pour Smith de pouvoir montrer ses possessions à ses interlocuteurs anglais.

L’activité de négociant de Joseph Smith atteint son comble pendant la deuxième moitié des années 1730. D’importantes personnes de la noblesse britannique, comme le comte de Fitzwilliam, le duc de Bedford John Russell, le duc de Leeds Thomas Osborne et le comte de Carlisle Charles Howard commandent des tableaux du Canaletto. À cette période remontent d’importantes œuvres comme Le Doge à la fête de Saint-Roch, encore une œuvre au caractère commémoratif, conservée à la National Gallery de Londres et une autre vue de la place Saint-Marc, conservée à Cambridge aux États-Unis. D’autres œuvres exécutées pour les clients anglais sont Quai des Schiavoni vers l’est , réalisée vers 1738-1440 et conservée maintenant dans les musées du château des Sforza de Milan, une vue de Place Saint-Marc vers le sud-est conservée à Washington et une vue de l’angle nord-est conservée à Ottawa.

Bien plus de cinquante tableaux ont été vendus, au duc de Bedford, à sir Harvey, au duc de Buckingham. Certaines de ces collections de tableaux ont été dispersées par la suite, d’autres, et notamment celle de Smith lui-même, sont conservées. La Royal Collection qui conserve les œuvres rachetés à Smith, compte à elle seule 85 œuvres, moitié peintures et moitié dessins. C’est cette période qui est la plus productive, et c’est à ce moment-là que les tableaux de Venise qui l’ont rendu célèbre ont été, pour la plupart, exécutés16. Canaletto peint la lumière, la vie et les bâtiments avec une sensibilité et une luminosité inconnue avant lui.

Les tableaux vendus en Angleterre sans l’intermédiaire des Smith sont plutôt rares. On connaît des achats directs par Samuel Hill, Hugh Howard, John Conduitt. Mais la filière principale passe par John Smith, frère de Joseph Smith résidant à Londres. Il reçoit la commande, règle les avances, s’occupe du transport, et se porte garant de l’authenticité et de la qualité de l’œuvre. Le comte Carlisle, qui n’est pas passé par Smith, avait 17 tableaux de Canaletto dans son château de Howard avant le sinistre de 1940, mais ils étaient de qualité inégale.

Au début des années 1740, le marché du Canaletto se réduit considérablement à cause de la guerre de Succession d’Autriche (1740 -1748). Venise et l’Angleterre sont dans des camps opposés, et la guerre entraîne une forte diminution des visiteurs britanniques à Venise. En 1742, Smith fait paraître une deuxième édition du prospectus qui contient, en plus de la série originale, vingt-quatre autres gravures, composées de deux séries. Une première série décrit une nouvelle descente du Grand Canal suivie d’une remontée. La deuxième série est composée de Campi, églises est scuoli, suivie d’une vue de la place Saint-Marc.

Si Smith ne réussit plus à garantir à Canaletto un nombre satisfaisant de clients, c’est peut-être aussi parce que les plus importants commanditaires anglais avaient maintenant tous déjà acheté de ses œuvres. La situation personnelle de Canaletto est un peu compliquée : en 1744, son père meurt. Canaletto n’est pas riche. La mère de Canaletto possède bien deux maisons près de San Lio, mais apparemment elles ne rapportent rien. On pense que Canaletto a son atelier est situé à cet endroit. Il ne dispose pas d’autre bien. Il a deux sœurs qui sont peut-être à sa charge. L’absence de commandes invite Canaletto à voyager, avec son neveu Bernardo Bellotto, dans la péninsule de Padoue. Il fait de nombreuses esquisses et dessins. La production – apparemment réduite – pendant les années 1741-1744 donne une idée de la rapidité de travail : en plus des eaux-fortes, on compte chez Smith cinq vues romaines, cinq vues vénitiennes et treize dessus de porte. Les dessins comprennent les vues de la région de Padoue, et une douzaine de vues de Rome. Il peint aussi, pour d’autres clients, des vues romaines et de capricci. Même s’il est apparemment peu actif, il est sans arrêt au travail. Le style de Michele Marieschi, à la mode, influe sur les dernières vues de Canaletto qui deviennent plus grises, et dont la perspective est accentuée. Les traits sont durcis et ont perdu leur vie.

La dernière commande vénitienne de Canaletto avant son départ est le dessin du campanile sur la place Saint-Marc, frappé par la foudre le 23 avril 1745.

Après un séjour de près de dix ans en Angleterre, Canaletto revient dans sa ville natale en 1755 ou 1756 et ne se déplacera plus.

En 1755, Canaletto peint l’intérieur de Saint-Marc. Il a comme dernier client important Sigmund Streit, un Allemand ayant réussi en affaire, et retraité à Venise depuis 1750. Il commande six tableaux à Canaletto, parmi lesquels un Grand Canal et un Campo de Rialto en 1756. Le style de ces tableaux se rapproche tant des compositions antérieures que l’on peut difficilement penser qu’ils datent d’une époque tardive, mais certains des bâtiments, et notamment le nouveau palais de Smith, sont de cette date.

Il peint également deux peintures de nuit Veillée nocturne à San Pietro di Castello et Veillée nocturne au bord de Santa Marta , toutes deux conservées à la Gemäldegalerie de Berlin, et dont on peut situer la réalisation entre 1758 et 1763. Ils figurent parmi les rares tableaux de nuit de Giovanni Antonio Canal, et ils représentent les moments marquants de deux importantes célébrations : les gens joyeux sur les bateaux et sur les bords ne sont éclairés que par la lumière diffuse de la lune.

En 1760, Canaletto signe aussi deux tableaux de la place Saint-Marc vers l’est vu de l’ouest, dont celui où on la voit apparaître sous une arche.

Un dernier recueil remarquable est constitué d’un ensemble d’eaux-fortes de « Solennità dogali », c’est-à-dire de moments de l’activité ducale empreints d’une certaine solennité, ou de fêtes, publiés peu après 1763. Les dessins sont très élaborés, et font plus d’un demi-mètre de large. On y voit le couronnement du doge dans l’escalier des géants, présentant ses remerciements dans la grande chambre du conseil, présenté à la foule sur Saint-Marc, le départ pour les cérémonies le jour de l’Ascension dans son Bucentaure, la fête du jeudi saint dans la Piazzetta, la procession du Corpus Christi autour de la place Saint-Marc, et d’autres, comme la réception d’ambassadeurs étrangers et le banquet qui leur est offert. Il n’existe pas de tableaux de ces scènes par Canaletto, mais ses imitateurs en ont produit une multitude. Francesco Guardi réalise des tableaux à partir de la totalité des douze dessins, dont la plupart sont maintenant au Louvre. Gradenigo, dans ses Notatori, accueille la publication des six premières gravures avec enthousiasme dans son journal du 8 avril 1766. La même année, Canaletto en publie quatre de plus.

Canaletto est élu à l’Académie de Venise (Accademia veneziana di pittura e scultura) en 1763. Son élection se fait non sans mal. Un premier scrutin, le 16 janvier, n’a pas réuni le nombre de voix nécessaires. Le deuxième scrutin, le 11 septembre, a dû son succès à l’appui d’Antonio Visentini. Sa pièce de réception, Perspective avec un portique, est un caprice genre peut-être marginal dans sa production artistique, mais qu’il affectionne. Il n’est pas impossible que ce choix réponde à une certaine condescendance de l’académie envers le genre védustiste, considéré comme un art mineur. Pourtant, le tableau a un grand succès. Il est exposé en 1777 sur la place Saint-Marc « pour honorer son auteur ». Il en existe un nombre considérable de répliques.

On connaît un dernier dessin de Canaletto, datant de 1766, représentant un groupe de musiciens chantant dans l’église Saint-Marc. Il est signé et comporte la fière annotation « anni 68, cenzza ochiali, anno 1766 » (fait à l’âge de 68 ans, sans lunettes, en l’an 1766). Depuis, on n’a plus de traces certaines de son activité : il est probable qu’il ait continué à peindre jusqu’à sa mort. Elle survient le 19 avril 1768, entouré de sa famille, après une « maladie longue et douloureuse », comme le note le chroniqueur Pietro Gradenigo dans ses annales, les Notatori . Il meurt dans sa maison de la Corte della Perina qui existe toujours, et est enterré dans l’église de San Lio à Venise ; la tradition veut que sa tombe se trouve sous le pavement de la chapelle Gussoni du XVe siècle dans l’église San Lio.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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