Anatole France, écrivain français, prix Nobel de littérature en 1921.

Thème : écrivains


Anatole France, pour l’état civil François Anatole Thibault, né le à Paris, et mort le à Saint-Cyr-sur-Loire (Indre-et-Loire), est un écrivain français, considéré comme l’un des plus grands de l’époque de la Troisième République, dont il a également été un des plus importants critiques littéraires.

Il devient une des consciences les plus significatives de son temps en s’engageant en faveur de nombreuses causes sociales et politiques du début du XXe siècle.

Il reçoit le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre en 1921.

Anatole France naît à Paris, 19 quai Malaquais. Il est issu par son père d’une famille modeste originaire du Maine-et-Loire : son père, François Noël Thibault, dit Noël France, né le 4 nivôse an XIV () à Luigné, dans le canton de Thouarcé, a quitté son village en 1825 pour entrer dans l’armée. Sous-officier légitimiste, il démissionne au lendemain de la Révolution de 1830. Il se marie, le , avec Antoinette Gallas à la mairie du 4e arrondissement de Paris. Employé dans la maison Techener, il se trouve en 1838 à la tête d’une librairie historique d’ouvrages, journaux, caricatures, autographes, … relatifs à la Révolution que cette maison vient de créer, place de l’Oratoire-du-Louvre, no 4. En 1839 ou 1840, il devient propriétaire de cet établissement rebaptisé Librairie politique ancienne et moderne de France-Thibault et transféré dans l’immeuble voisin (n° 6).

Il tient ensuite sa librairie successivement au no 9 de la rue de Seine (1841), puis au no 19 du quai Malaquais (1842) qu’il quitte, deux mois et demi après la naissance d’Anatole, pour le no 15 du quai Malaquais (1844). D’abord nommée Librairie France-Thibault, puis France tout court, spécialisée dans les ouvrages et documents sur la Révolution française, l’établissement est fréquenté par de nombreux écrivains et érudits, comme les frères Goncourt ; Noël France s’installera, en 1853, quai Voltaire (no 9) et y restera jusqu’à la vente de son fonds en 1866.

 

Par sa mère, Antoinette Gallas, Anatole est issu d’une famille de meuniers de Chartres, les Gallas.

Élevé dans la bibliothèque paternelle, Anatole en gardera le goût des livres et de l’érudition, ainsi qu’une connaissance intime de la période révolutionnaire, arrière-plan de plusieurs de ses romans et nouvelles, dont Les dieux ont soif, qui est considéré comme son chef-d’œuvre. De 1844 à 1853, la famille loue un appartement de quatre pièces au premier étage d’une maison située dans la première cour de l’hôtel particulier du 15 quai Malaquais.

De 1853 à 1862, France fait ses études à l’institution Sainte-Marie et au collège Stanislas. Il souffre d’être pauvre dans un milieu riche mais il est remarqué pour ses compositions, dont La Légende de sainte Radegonde, qui sera éditée par la librairie France et publiée en revue. Il obtient son baccalauréat le .

À partir du début des années 1860, il travaille pour diverses libraires et revues, mais refuse de prendre la suite de son père, qui juge très négativement les « barbouillages » de son fils.

Sa carrière littéraire commence par la poésie ; amoureux de l’actrice Élise Devoyod, il lui dédie quelques poèmes, mais elle le repousse en 1866.

Il est disciple de Leconte de Lisle, avec qui il travaillera quelque temps comme bibliothécaire au Sénat.

En , il écrit une apologie de la liberté cachée sous un éloge du Lyon Amoureux de Ponsard, et la même année il fait partie du groupe du Parnasse. En 1875, il intègre le comité chargé de préparer le troisième recueil du Parnasse contemporain.

En 1876, il publie Les Noces corinthiennes chez Lemerre, éditeur pour lequel il rédige de nombreuses préfaces à des classiques (Molière par exemple) ainsi que pour Charavay ; certaines de ces préfaces seront réunies dans Le Génie Latin.

La même année, il devient commis-surveillant à la Bibliothèque du Sénat, poste qu’il conserve jusqu’à sa démission, le .

Anatole France se marie en 1877 avec Valérie Guérin de Sauville, petite-fille de Jean-Urbain Guérin, un miniaturiste de Louis XVI (voir famille Mesnil), dont il a une fille, Suzanne (1881-1918), qui épouse en 1901 le capitaine Henri Mollin, officier d’ordonnance du général André et protagoniste de la retentissante Affaire des Fiches, puis Michel Psichari (1887-1917), petit-fils d’Ernest Renan. Il confie souvent sa fille, dans son enfance, à Mme de Martel (qui écrivait sous le nom de Gyp), restée proche à la fois de lui-même et de Mme France.

Les relations de France avec les femmes sont difficiles. Ainsi a-t-il, dans les années 1860, nourri un amour vain pour Elisa Rauline, puis pour Élise Devoyod.

En 1888, il engage une liaison avec Léontine Arman de Caillavet, qui tient un célèbre salon littéraire de la Troisième République, de qui il dira “sans elle, je ne ferais pas de livres” (journal de l’abbé Mugnier) ; cette liaison durera jusqu’à la mort de celle-ci, en 1910, peu après une tentative de suicide à cause d’une autre liaison de France avec une actrice connue pendant un voyage en Amérique du Sud.

Mme de Caillavet lui inspire Thaïs (1890) et Le Lys rouge (1894). Après une ultime dispute avec son épouse, qui ne supporte pas cette liaison, France quitte le domicile conjugal de la rue Chalgrin, un matin de , et envoie une lettre de séparation à son épouse. Le divorce est prononcé à ses torts et dépens, le .

Par la suite, France aura de nombreuses liaisons, comme celle avec Mme Gagey, qui se suicidera en 1911.

France s’oriente tardivement vers le roman et connaît son premier succès public à 37 ans, en 1881, avec Le Crime de Sylvestre Bonnard, couronné par l’Académie française, œuvre remarquée pour son style optimiste et parfois féerique, tranchant avec le naturalisme qui règne alors.

Il devient en 1887 critique littéraire du prestigieux Temps.

Élu, dès le premier tour, avec 21 voix sur 34 présents, à l’Académie française le , au fauteuil 38, où il succède à Ferdinand de Lesseps, il y est reçu le .

Devenu un écrivain reconnu, influent et riche, France s’engage en faveur de nombreuses causes. Il tient plusieurs discours dénonçant le génocide arménien et soutient Archag Tchobanian, rejoint Émile Zola, avec qui il s’est réconcilié au début des années 1890, lors de l’affaire Dreyfus.

Après avoir refusé de se prononcer sur la culpabilité d’Alfred Dreyfus (ce qui le classe parmi les révisionnistes), dans un entretien accordé à L’Aurore le , il est l’un des deux premiers avec Zola à signer, au lendemain de la publication de J’accuse, en , quasiment seul à l’Académie française, la première pétition dite « des intellectuels » demandant la révision du procès. Il dépose, le , comme témoin de moralité lors du procès Zola (il prononcera un discours lors des obsèques de l’écrivain, le ), quitte L’Écho de Paris, anti-révisionniste, en , et rejoint le suivant Le Figaro, conservateur et catholique, mais dreyfusard.

Il servit de modèle, avec Paul Bourget, pour créer l’homme de lettres Bergotte dans l’œuvre de Proust, À la recherche du temps perdu.

En , il rend sa Légion d’honneur, après que l’on eut retiré celle d’Émile Zola et, de février 1900 à 1916, refuse de siéger à l’Académie française. Il participe à la fondation de la Ligue des droits de l’Homme, dont il rejoint le Comité central en , après la démission de Joseph Reinach, scandalisé par l’affaire des fiches. Son engagement dreyfusard se retrouve dans les quatre tomes de son Histoire contemporaine (1897 – 1901), chronique des mesquineries et des ridicules d’une préfecture de province au temps de l’Affaire. C’est dans cette œuvre qu’il forge les termes xénophobe et trublion.

Devenu un proche de Jean Jaurès, il préside, le , une manifestation du Parti socialiste français au Trocadéro et prononce un discours. France s’engage pour la séparation de l’Église et de l’État, pour les droits syndicaux, contre les bagnes militaires.

En 1906, lors d’une réunion, il proteste fortement contre la « barbarie coloniale ».

En 1909, il part pour l’Amérique du Sud faire une tournée de conférences sur Rabelais. S’éloignant de Mme de Caillavet, il a une liaison avec la comédienne Jeanne Brindeau, en tournée elle aussi avec des acteurs français. Rabelais est remplacé, au cours du voyage qui le mène à Lisbonne, Recife, Rio de Janeiro, Montevideo et Buenos Aires, par des conférences sur ses propres œuvres et sur la littérature contemporaine.

De retour à Paris, le lien avec Léontine, qui avait beaucoup souffert de cet éloignement, se reforme tant bien que mal, mais celle-ci meurt en , sans lui avoir réellement pardonné. En 1913, il voyage en Russie.

Au début de la Première Guerre mondiale, France écrit des textes guerriers et patriotes, qu’il regrettera par la suite : il dénonce la folie guerrière voulue par le système capitaliste dans le contexte de l’Union sacrée en déclarant : « on croit mourir pour la patrie, on meurt pour les industriels », mais milite en faveur d’une paix d’amitié entre Français et Allemands ce qui suscitera l’indignation et l’hostilité, et lui vaudra des lettres d’insultes et des menaces de mort. Il prend position en 1919 contre le Traité de Versailles, signant la protestation du groupe Clarté intitulée « Contre la paix injuste », et publiée dans L’Humanité, le .

Epreuve d’artiste (projet non retenu)

Ami de Jaurès et de Pressensé, il collabore, dès sa création, à L’Humanité, en publiant Sur la pierre blanche dans les premiers numéros. Proche de la SFIO, il sera, plus tard, critique envers le PCF. S’il écrit un Salut aux Soviets, dans L’Humanité de , il proteste contre les premiers procès faits aux socialistes révolutionnaires en envoyant un télégramme dès le .

À partir de , il est exclu de toute collaboration aux journaux communistes. France, tout en adhérant aux idées socialistes, s’est ainsi tenu à l’écart des partis politiques, ce dont témoignent ses romans pessimistes sur la nature humaine, tels que L’Île des Pingouins et surtout Les dieux ont soif (publié en 1912) qui, à cause de sa critique du climat de Terreur des idéaux utopistes, est mal reçu par la gauche.

En 1920 il se marie à Saint-Cyr-sur-Loire, où il s’était installé en 1914, avec sa compagne Emma Laprévotte (1871-1930), afin qu’elle veille sur son petit-fils Lucien Psichari, orphelin de mère.

Il est lauréat, en 1921, du prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre, et le reçoit à Stockholm le .

En 1922 l’ensemble de ses œuvres (opera omnia) fait l’objet d’une condamnation papale (décret de la Congrégation du Saint-Office du ).

Pour son 80e anniversaire, au lendemain de la victoire du Cartel des gauches, il assiste à une manifestation publique donnée en son honneur, le , au palais du Trocadéro.

Il meurt le à La Béchellerie, commune de Saint-Cyr-sur-Loire. À l’annonce de sa mort, le président de la Chambre des députés Paul Painlevé déclare : « Le niveau de l’intelligence humaine a baissé cette nuit-là. »

Selon certains (André Bourin, 1992), France aurait souhaité être inhumé dans le petit cimetière de Saint-Cyr-sur-Loire, pour d’autres (Michel Corday, 1928), le sachant souvent inondé l’hiver, il aurait préféré rejoindre la sépulture de ses parents au cimetière de Neuilly-sur-Seine.

Son corps, embaumé le , est transféré à Paris pour des obsèques quasi-nationales et exposé Villa Saïd, où le président de la République, Gaston Doumergue, vient lui rendre hommage dans la matinée du , suivi par le président du Conseil, Édouard Herriot.

Dans son dernier testament daté du France répartit ses biens entre son épouse Emma et son petit-fils Lucien Psichari, la première héritant de la Villa Saïd, le second de La Béchellerie ; en contradiction avec ses dispositions testamentaires, des obsèques officielles ont lieu à Paris le , et il est inhumé au cimetière ancien de Neuilly-sur-Seine auprès de ses parents.

Sa tombe, abandonnée et en piteux état, fut sauvée en 2000, par l’historien Frédéric de Berthier de Grandry, résidant alors à Neuilly-sur-Seine ; cette procédure de sauvegarde sauve également la chapelle funéraire de Pierre Puvis de Chavannes, le peintre du Panthéon de Paris.

Le , l’Académie française élit au fauteuil d’Anatole France, après quatre tours de scrutin, Paul Valéry, qui, reçu dix-neuf mois plus tard, ne prononce pas une seule fois, contrairement à l’usage, le nom de son prédécesseur dans l’éloge qu’il doit prononcer et le qualifie de « lecteur infini ».

Anatole France a été considéré comme une autorité morale et littéraire de premier ordre. Il a été reconnu et apprécié par des écrivains et des personnalités comme Marcel Proust (il est l’un des modèles ayant inspiré Proust pour créer le personnage de l’écrivain Bergotte dans À la recherche du temps perdu), Marcel Schwob et Léon Blum. On le retrouve a contrario dans Sous le soleil de Satan, croqué à charge par Georges Bernanos dans le personnage de l’académicien Antoine Saint-Marin. Il était lu et exerçait une influence sur les écrivains qui refusaient le naturalisme, comme l’écrivain japonais Jun’ichirō Tanizaki, il fut la référence pour Roger Peyrefitte.

Ses œuvres sont publiées aux éditions Calmann-Lévy de 1925 à 1935. Anatole France est également, de son vivant et, quelque temps après sa mort, l’objet de nombreuses études.

Mais après sa mort, il est la cible d’un pamphlet des surréalistes, Un cadavre, auquel participent Drieu La Rochelle et Aragon, auteur du texte : « Avez vous déjà giflé un mort ? » dans lequel il écrit : « Je tiens tout admirateur d’Anatole France pour un être dégradé. » Pour lui, Anatole France est un « exécrable histrion de l’esprit », représentant de « l’ignominie française ». André Gide le juge un écrivain « sans inquiétude » qu’« on épuise du premier coup ».

La réputation de France devient ainsi celle d’un écrivain officiel au style classique et superficiel, auteur raisonnable et conciliant, complaisant et satisfait, voire niais, toutes qualités médiocres que semble incarner le personnage de M. Bergeret. Mais nombre de spécialistes de l’œuvre de France considèrent que ces jugements sont excessifs et injustes, ou qu’ils sont même le fruit de l’ignorance, car ils en négligent les éléments magiques, déraisonnables, bouffons, noirs ou païens. Pour eux, l’œuvre de France a souffert et souffre encore d’une image fallacieuse.

D’ailleurs M. Bergeret est tout le contraire d’un conformiste. On lui reproche toujours de ne rien faire comme tout le monde, il soumet tout à l’esprit d’examen, s’oppose fermement, malgré sa timidité, aux notables de province au milieu desquels il vit, il est l’un des deux seuls dreyfusistes de sa petite ville…

L’ensemble de l’Histoire contemporaine est, à travers un rappel du scandale inouï que fut l’affaire Dreyfus, un réquisitoire accablant contre la bourgeoisie cléricale, patriote, antisémite et monarchiste, dont beaucoup d’analyses restent applicables à l’époque actuelle. La modération apparente du ton, le classicisme du style qui se plaît souvent aux archaïsmes parodiques, a pu tromper des lecteurs habitués à plus de vociférations, et l’on peut même imaginer que certains détracteurs se soient sentis concernés par les sarcasmes dirigés contre l’extrême-droite et ceux qui réclamaient « la France aux Français » (Jean Coq et Jean Mouton au chapitre XX de M. Bergeret à Paris).

Reflétant cet oubli relatif et cette méconnaissance, les études franciennes sont aujourd’hui rares et ses œuvres, hormis parfois les plus connues, sont peu éditées.

sources : Wikipédia, Paul Verlaine, Anatole France, monographie publiée dans la revue Les Hommes d’aujourd’hui, no 346

 

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