Alfred Hitchcock, réalisateur, scénariste et producteur de cinéma.

Sir Alfred Hitchcock est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma britannique, naturalisé américain en 1955, né le 13 août 1899 à Leytonstone (Londres) et mort le 29 avril 1980 à Bel Air (Los Angeles).

Plus grand cinéaste selon un classement dressé en 2007 par la critique au Royaume-Uni, The Daily Telegraph écrit : « Hitchcock a fait davantage qu’aucun autre réalisateur pour façonner le cinéma moderne, lequel sans lui serait tout à fait différent. Il possédait un flair pour la narration, en dissimulant avec cruauté (à ses personnages et au spectateur) des informations cruciales et en provoquant comme nul autre les émotions du public ».

Au cours de ses quelque soixante années de carrière, il réalise cinquante-trois longs métrages, dont certains comptent, tant par leur succès public que par leur réception et leur postérité critiques, parmi les plus importants du septième art. Ce sont, entre autres, Les 39 Marches, Soupçons, Les Enchaînés, Fenêtre sur cour, Sueurs froides, La Mort aux trousses, Psychose, ou encore Les Oiseaux.

Après des succès dans le cinéma muet et le cinéma sonore naissant, Hitchcock quitte son pays natal et s’installe à Hollywood, juste avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Le 20 avril 1955, il acquiert la citoyenneté américaine3 mais conserve la citoyenneté britannique, qui lui permettra, au soir de sa vie, d’être anobli et nommé Chevalier Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique (KBE). Doué d’un sens aigu de l’autopromotion, notamment au travers de ses caméos, Hitchcock, interprète de son propre personnage, demeure l’une des personnalités du XXe siècle les plus reconnaissables et les plus connues à travers le monde.

Surnommé « le Maître du suspense », il est considéré comme l’un des réalisateurs les plus influents sur le plan stylistique. Pionnier de nombreuses techniques dans le genre cinématographique du thriller, Hitchcock a installé les notions de suspense et de MacGuffin dans l’univers du cinéma. Ses thrillers, caractérisés par une habile combinaison entre tension et humour, déclinent les variations de la figure de l’innocent persécuté à travers des thèmes récurrents : la peur, la culpabilité et la perte d’identité.


Alfred Joseph Hitchcock naît en 1899 à Leytonstone, dans la banlieue nord-est de Londres. Il est le fils de William Hitchcock (1862-1914) et d’Emma Jane Hitchcock, née Whelan (1863-1942). Son père est grossiste en volailles, ainsi qu’en fruits et légumes. Alfred, à qui l’on donne le prénom de l’un de ses oncles — le frère de son père —, est le cadet de trois enfants : ses aînés, William et Eileen, sont respectivement nés en 1890 et en 1892. Sa famille est en grande partie catholique, sa mère et sa grand-mère paternelle étant d’origine irlandaise. À Londres, Hitchcock fréquente le collège St Ignatius à Stamford Hill, une école tenue par des jésuites. Plus tard, le christianisme sera parfois évoqué dans ses films, et de temps en temps égratigné, sans doute à cause de cette éducation dont il gardera un très mauvais souvenir, notamment à cause de sa crainte des châtiments corporels.

Hitchcock décrira souvent son enfance comme très solitaire et protégée, situation aggravée par son obésité9. Il avoue lui-même ne pas avoir eu d’amis à cette époque et avoir passé son temps à jouer seul. Ce sentiment d’isolement s’accentue lorsque, un soir de réveillon, il surprend sa mère en train de prendre des jouets dans son bas de Noël pour les glisser dans ceux de son frère et de sa sœur. La mère d’Hitchcock a souvent pour habitude, en particulier quand il s’est mal conduit, de l’obliger à s’adresser à elle en se tenant debout, durant parfois des heures, au pied de son lit. Ces expériences seront plus tard utilisées pour décrire le personnage de Norman Bates dans le film Psychose. Hitchcock témoignera toujours aussi d’une certaine défiance vis-à-vis de la police. Cela peut s’expliquer par un rapide séjour au commissariat. Alors qu’il était âgé de seulement quatre ou cinq ans, son père l’aurait envoyé dans un commissariat avec un mot à remettre aux policiers. Après lecture du billet, les policiers l’auraient enfermé dans une cellule, pour le relâcher au bout de seulement quelques minutes, en lui disant : « Voilà ce qui arrive aux méchants garçons ». Plus tard, le réalisateur racontera plusieurs fois cette anecdote pour expliquer sa crainte de l’autorité. Que cette histoire soit ou non authentique, on trouvera fréquemment dans ses films des échos à cette idée d’être traité durement ou accusé à tort.

En 1914, année de la mort de son père — Hitchcock a alors quatorze ans —, il quitte le collège St. Ignatius et part étudier à la London County Council School of Engineering and Navigation à Poplar (Londres). Après l’obtention de son diplôme, il obtient un emploi au département « publicité » de la société W.T. Henley Telegraphic. À l’occasion, il écrit des nouvelles pour une revue que publient ses collègues.

Son travail dans la publicité développe ses talents de graphiste. Durant cette période, Alfred Hitchcock commence à s’intéresser au cinéma, en 1920, grâce à un acteur qui à l’occasion travaillait aussi chez Henley, il est bientôt engagé comme auteur et graphiste d’intertitres aux Studios Islington que venait de fonder à Londres la Famous Players-Lasky, une firme américaine qui avait pour ambition de monter des productions internationales avec vedettes anglaises et américaines et des metteurs en scène d’Hollywood ; cette firme deviendra plus tard la Paramount. Rapidement, Hitchcock devient chef de la section « Titrage » de la société et, pendant deux ans, il rédige et dessine les titres de films de cinéastes tels que Hugh Ford, Donald Crisp et George Fitzmaurice. Au début des années 1920, il voit la possibilité de s’essayer à la réalisation, lorsque le réalisateur d’Always Tell Your Wife (1923), Hugh Croise, tombe malade en cours de tournage, et qu’il parvient à convaincre Seymour Hicks, à la fois la vedette et le producteur du film, de l’aider à le terminer18. En 1920, il travaille à plein temps aux Studios Islington, d’abord avec leur propriétaire américain, Famous Players-Lasky, ensuite avec leur successeur britannique, Gainsborough Pictures, toujours comme concepteur d’intertitres20. Il lui faudra cinq ans pour passer de cet emploi à celui de réalisateur. Alfred Hitchcock était aussi un collectionneur d’art, qui possédait en particulier des œuvres de Paul Klee, Edward Hopper, Georges Braque dont Les Oiseaux le fascinaient au point d’en commander une mosaïque sur le mur de sa villa de Scott Valley en Californie.

Alfred Hitchcock, ensuite, s’associe à l’actrice Clare Greet et tente de produire et réaliser un premier film, Number Thirteen (1922), qui traite du petit peuple londonien. La production sera annulée en raison de difficultés financières. Les quelques scènes qui avaient pu être tournées sont aujourd’hui apparemment perdues. Et, si l’on en croit les propres mots d’Hitchcock, « ce n’était vraiment pas bon ».

technique, les idées manquent d’éclat. En 1929, le réalisateur tourne son dixième long-métrage, Chantage (Blackmail), qu’il adapte d’une pièce de Charles Bennett, lequel deviendra par la suite, de L’Homme qui en savait trop (1934) à Correspondant 17 (1940), l’un des scénaristes attitrés d’Hitchcock, et dont l’influence sur l’orientation que prendra l’œuvre hitchcockienne se révélera déterminante.

Alors que le film n’est pas encore terminé, la BIP, enthousiasmée par l’idée d’utiliser la révolution technique que constitue alors l’arrivée du parlant, décide de faire de Chantage l’un des premiers films sonores jamais produits en Grande-Bretagne. Hitchcock se sert alors du son comme d’un élément particulier du film, notamment dans une scène où, dans une conversation à laquelle assiste l’héroïne, qui vient juste de se rendre coupable d’un meurtre, le mot knife (« couteau ») est mis en évidence. Culminant avec une scène se déroulant sur le dôme du British Museum, Chantage est aussi le premier film dans lequel Hitchcock utilise comme décor d’une scène de suspense un site célèbre. À sa sortie, le film obtient un succès phénoménal, tant auprès du public que de la critique. La presse est enchantée par l’opposition entre le devoir et l’amour et, plus précisément, « l’amour opposé au devoir ». À cette époque, Hitchcock fonde, avec un attaché de presse du nom de Baker Hitchcock-Baker Ltd., une petite structure vouée à son autopromotion.

À cette époque, Hitchcock dirige également des séquences d’Elstree  Calling (1930), une revue musicale filmée, produite par la BIP, ainsi qu’un court métrage ayant pour protagonistes deux lauréats d’une bourse de la Film Weekly, An Elastic Affair (1930). Hitchcock aurait aussi participé, modestement, à une autre revue musicale de la BIP, Harmony Heaven (1929), bien que son nom n’apparaisse pas au générique de ce film.

Hitchcock réalise ensuite Junon et le Paon (1930), adapté sans grand brio, sans doute trop fidèlement, d’une pièce de l’Irlandais Seán O’Casey ; il s’agit vraisemblablement d’un reflet de la volonté, après l’arrivée du parlant, d’exploiter surtout cette nouveauté. Il tourne ensuite, de 1930 à 1934, Meurtre —  dont il réalisera aussi une version avec acteurs allemands, distribuée sous le titre Mary —, The Skin Game, À l’est de Shanghai, Numéro dix-sept, ainsi qu’un film musical, Le Chant du Danube.

Le suspense et l’humour noir, devenus au cinéma la marque de fabrique d’Hitchcock, allaient continuer à apparaître dans ses réalisations américaines. Rapidement, Hitchcock sera impressionné par les ressources supérieures dont disposaient les studios américains, en comparaison avec les restrictions financières auxquelles il s’était souvent heurté en Angleterre.

En septembre 1940, les Hitchcock achètent Cornwall, un ranch de 200 acres (0,81 km2) situé près de la petite ville de Scotts Valley, dans les Monts Santa Cruz, au nord de la Californie. Le ranch restera leur résidence principale jusqu’à leur mort, malgré le fait qu’ils conserveront leur maison de Bel Air.

Hitchcock ne réalisera que quatre films pour Selznick (Rebecca en 1940 ; La Maison du docteur Edwardes en 1945 ; Les Enchaînés en 1946 et Le Procès Paradine en 1947) avant de décider qu’il vaut mieux être son propre producteur en 1947. Cependant, produire un film coûte cher et les premières œuvres indépendantes d’Alfred Hitchcock (La Corde et Les Amants du Capricorne) n’ont guère de succès au box-office. Le 3 janvier 1949, le réalisateur signe avec Warner Bros. un contrat par lequel il s’engage à tourner quatre films en six ans.

Les conditions de travail avec Selznick ne seront pas optimales. Régulièrement, le producteur se retrouvait lui-même face à des difficultés financières et, souvent, Hitchcock sera mécontent du contrôle exercé par Selznick sur ses films. Selznick « louera » Hitchcock aux plus grands studios (RKO, Universal, 20th Century Fox) plus souvent qu’il ne produira lui-même les films du réalisateur. En outre, Selznick, comme Samuel Goldwyn, son collègue producteur indépendant, ne faisait que quelques films par an, de sorte qu’il n’avait pas toujours de projets à proposer à Hitchcock. Goldwyn avait lui aussi négocié avec le réalisateur pour un possible contrat, mais Selznick avait surenchéri et l’avait emporté. Plus tard, au cours d’une interview, Hitchcock résumera ainsi leur collaboration :

« [Selznick] était le Grand Producteur. […] Le producteur était le roi. La chose la plus flatteuse que Mr Selznick ait jamais dite à mon sujet — et cela montre le degré de contrôle —…il a dit que j’étais le « seul réalisateur » à qui « il confierait un film ». »

Au départ, le producteur souhaite qu’Hitchcock réalise un film sur le naufrage du Titanic. Néanmoins, Hitchcock parvient à imposer son choix. Il opte pour Rebecca (1940), l’adaptation d’un best-steller de sa compatriote Daphne du Maurier (auteur également de L’Auberge de la Jamaïque, dont était tiré son précédent film, et de la nouvelle Les Oiseaux, que le réalisateur allait plus tard porter à l’écran). L’histoire se déroule en Angleterre. Les rôles principaux seront tenus par Laurence Olivier et Joan Fontaine, des acteurs britanniques, et l’écriture du scénario est confiée à Joan Harrison, britannique elle aussi. Du fait de l’affection portée par Hitchcock pour son pays natal, un grand nombre de ses films américains auront en effet le Royaume-Uni pour décor, ou y seront tournés, et ce jusqu’à Frenzy, son avant-dernier long-métrage.

Après de nombreux remaniements du scénario, le tournage du film démarre le 8 septembre 1939, cinq jours après la déclaration de guerre du Royaume-Uni à l’Allemagne et la veille de l’avant-première d’Autant en emporte le vent. Hitchcock aime travailler seul, sans interférences. Avec Selznick, il doit justifier ses choix et prendre les idées et les remarques du producteur en considération. En cours de production, des tensions surgissent entre Hitchcock et Selznick quant à la fidélité à laquelle est tenu un réalisateur par rapport à une œuvre littéraire adaptée, le choix et la direction des acteurs, et l’importance du montage. Concernant le premier point, par exemple, Selznick, qui depuis trois ans travaille sur Autant en emporte le vent — le film qui fera sa renommée —, amoureux de littérature, souhaite que des scènes et des dialogues entiers de Rebecca soient fidèlement restitués à l’écran. Son approche est en totale opposition avec celle d’Hitchcock. Il se plaint par ailleurs au sujet du « fichu découpage en puzzle » d’Hitchcock, ce qui montre que, finalement, ce n’est pas lui, le producteur, qui aura le dernier mot pour créer un film à sa manière, mais qu’il est contraint de suivre la vision d’Hitchcock concernant ce à quoi doit ressembler le produit fini.

Rebecca, conte gothique, explore les peurs d’une jeune mariée naïve qui vient s’installer dans une vaste demeure de la campagne anglaise ; dans un premier temps, il lui faut s’adapter au formalisme et à la froideur extrêmes qu’elle y rencontre, et ensuite faire face à l’emprise de la précédente femme de son mari, morte longtemps auparavant. Dans ce film, le réalisateur recourt à des procédés qui seront caractéristiques de ses œuvres postérieures les plus accomplies : un rythme lent, une histoire racontée selon le point de vue d’un seul personnage, l’introduction à mi-parcours d’un élément qui change totalement le sens de l’histoire et l’utilisation de procédés visuels spectaculaires réservés aux moments clefs de l’intrigue.

En dépit de sa longueur — le film dure plus de 2 heures —, c’est un triomphe, et il reçoit deux Oscars sur treize propositions : celui du meilleur film, décerné à Selznick, et celui de la meilleure photographie, décerné au chef opérateur George Barnes. Hitchcock est nommé pour celui du meilleur réalisateur, mais c’est John Ford qui, finalement, décrochera la récompense. Hitchcock ressent avec une certaine amertume le fait que le prix du meilleur film aboutisse dans les mains de Selznick plutôt que dans les siennes, et c’est sans doute ce qui, par la suite, allait le stimuler dans sa volonté d’indépendance.

Hitchcock, comme beaucoup d’Anglais habitant aux États-Unis, est très inquiet pour sa famille et ses amis restés au pays au début de la Seconde Guerre mondiale. Il leur rend hommage à travers le film Correspondant 17 (Foreign Correspondent, 1940), produit par Walter Wanger et basé sur Personal History, un livre de Vincent Sheean. L’histoire est celle d’un journaliste, joué par Joel McCrea, envoyé en Europe pour juger de l’éventualité d’une nouvelle Guerre mondiale. Le film, qui mêle scènes réelles tournées en Europe et d’autres tournées à Hollywood, se termine par un plaidoyer en faveur de l’entrée en guerre des États-Unis ; cependant, pour satisfaire au code de censure alors en vigueur aux États-Unis, le film évite les références directes à l’Allemagne et aux Allemands. Correspondant 17 sera nommé pour l’oscar du meilleur film, en compétition avec Rebecca, lequel lui sera donc préféré.

Fin 1943, Hitchcock, au sommet de la notoriété, abandonne la production de son dernier projet, Les Enchaînés, et entreprend le périlleux voyage en bateau jusqu’en Angleterre. Son ami Sidney Bernstein lui a demandé de le rejoindre à l’unité cinématographique de la division Guerre psychologique du Haut quartier général des forces expéditionnaires alliées. Hitchcock réalise deux courts-métrages, d’environ une demi-heure chacun, commandés par le Ministère de l’Information britannique (Ministry of Information), Bon Voyage et Aventure malgache. Ces films, les seuls qu’Alfred Hitchcock aura tourné en français, sont à la gloire des Forces françaises libres mais « présentent des touches typiquement  hitchcockiennes ». Le second, jugé trop sensible, sera interdit en France. Dans les années 1990, les deux films seront diffusés sur la chaîne américaine Turner Classic Movies et sortiront par la suite en vidéo.

Pendant six semaines de juin et juillet 1945, Hitchcock travaille bénévolement comme « conseiller artistique » (treatment advisor, en fait comme monteur) à un documentaire produit par l’Armée britannique et consacré à ce que l’imagination ne permettait pas encore de concevoir être la Shoah. Dirigé par Sidney Bernstein, le film est un montage des séquences enregistrées au moment de la libération de onze camps de concentration nazis par les opérateurs militaires, les Anglais Mike Lewis et William Lawrie, l’Allemand naturalisé américain Arthur Mainzer, le Russe Alexandre Vorontsoff. German Concentration Camps Factual Survey montre des images insoutenables. Le réalisateur avouera à la fin de sa vie qu’elles ne l’auront plus jamais quitté. Avec son monteur, il en aura éliminé les aspects de propagande les plus flagrants, principalement les images soviétiques, privilégié les plans-séquences longs, qui démentent toute manipulation faite au montage, mis en avant les preuves qui inscrivent le crime dans la réalité quotidienne, toujours dans un souci de véracité et dans la prévention du négationisme.

Dès début août, le budget est supprimé pour des raisons politiques, dissolution de l’état major des forces expéditionnaires alliées, ménagement du moral des Allemands dans la perspective de la reconstruction, crainte du retournement de l’opinion publique anglaise en faveur des réfugiés affluant en Palestine mandataire. Déposé sous la cote F3080 à l’Imperial War Museum de Londres, le documentaire restera inédit jusqu’à sa projection au Festival de Berlin en 1984. Il sera alors complété pour la série Frontline de la chaîne américaine PBS et diffusé l’année suivante sous le titre Memory of the Camps.

Le crime était presque parfait marque le retour d’Hitchcock au Technicolor, mais il expérimente aussi un procédé en vogue à l’époque, le cinéma en 3-D, en  relief stéréoscopique et projection en lumière polarisée, obligeant l’utilisation pour le public de lunettes adaptées. Le film ne sera cependant pas exploité dans ce format à l’origine ; il sera projeté en 3-D au début des années 1980. Hitchcock pense un moment confier les rôles du mari et de l’épouse à Cary Grant et Olivia de Havilland, mais il se heurte à un refus de la part des studios. Le réalisateur fait donc appel à une jeune actrice qui n’avait tourné jusque-là que trois films : Grace Kelly. Elle allait devenir, en plus d’une grande amie, son actrice favorite. Dans Le Crime, le rôle du « méchant », très différent du Bruno de L’Inconnu du Nord-Express, est joué par Ray Milland. C’est un dandy vénal et calculateur, ex-joueur de tennis  professionnel (activité exercée par le héros/victime de L’Inconnu), qui échafaude un plan machiavélique pour se débarrasser de sa femme infidèle (Kelly), et hériter de sa fortune. C’est elle cependant qui, pour se défendre, tue l’homme engagé pour effectuer la triste besogne. Le mari manipule alors les preuves pour que sa femme soit accusée d’avoir assassiné l’homme de main. L’amant, Mark Halliday (Robert Cummings), et l’inspecteur de police Hubbard (John Williams) doivent dès lors agir rapidement pour sauver la jeune femme de la peine capitale.

Hitchcock tire astucieusement parti des ressorts, non moins astucieux, de la pièce et, à sa sortie, Le crime était presque parfait est salué comme un « grand » Hitchcock.

Au moment du tournage du Crime était presque parfait, Lew Wasserman, l’agent d’Hitchcock, signe avec la Paramount un contrat de neuf films, dont le premier doit être l’adaptation d’une nouvelle de Cornell Woolrich — pseudonyme de William Irish —, intitulée It Had to be a Murder, laquelle deviendra à l’écran Fenêtre sur cour (Rear Window, 1954). Pour écrire le scénario, Hitchcock fait appel à John Michael Hayes, un ancien journaliste, qui collaborera également à l’écriture de ses trois films suivants.

L’histoire de base recycle l’un de ses succès du muet, Les Cheveux d’or (The Lodger). Richard Blaney (Jon Finch), un serveur de bar à l’humeur changeante, prompt à la colère, devient le suspect numéro un dans l’affaire des « meurtres à la cravate », dont l’auteur réel est en fait son ami, Bob Rusk (Barry Foster), un marchand de fruits.

Cette fois-ci, Hitchcock fait de l’« innocent » et du « méchant » des jumeaux plutôt qu’il ne les oppose, comme c’était le cas dans L’Inconnu du Nord-Express. Seul l’un d’eux, cependant, a franchi la barrière et est devenu meurtrier. Pour la première fois, Hitchcock intègre dans l’un de ses films la nudité et la crudité du langage, sujets autrefois tabous. Il témoigne également d’une rare sympathie pour l’inspecteur en chef et à un aspect amusant de sa vie privée. Frenzy rencontrera un succès considérable, ses recettes dépassant même celles de Psychose.

Certains biographes ont fait remarquer qu’Hitchcock avait toujours repoussé les limites de la censure, réussissant souvent à gruger l’homme qui fut, pendant longtemps, chargé de faire respecter le code Hays à Hollywood : Joseph Breen. En effet, en de nombreuses occasions, Hitchcock était parvenu à glisser dans ses films de subtiles allusions à ce que la censure, jusqu’au milieu des années 1960, condamnait. Selon Patrick McGilligan, Breen et d’autres, le plus souvent, n’étaient pas dupes au sujet de ces connotations et, en fait, ils s’en amusaient tout autant qu’ils s’alarmaient des « déductions inévitables »N 12 que l’on ne pouvait que tirer de certaines scènes. Ce n’est qu’à partir du Rideau déchiré qu’Hitchcock sera finalement en mesure d’inclure ouvertement des éléments d’intrigue auparavant interdits dans les films américains, et cela restera le cas jusqu’à la fin de sa carrière.

En 1974, la même année qu’il est victime d’une crise cardiaque à la suite de laquelle il sera obligé de porter un Pacemaker, un hommage est rendu à la carrière du réalisateur, le 29 avril, par la Film Society du Lincoln Center de New York160.

Complot de famille (Family Plot, 1976) sera le dernier film d’Hitchcock, alors quasi octogénaire.

Le film relate les péripéties de « Madame » Blanche Tyler (Barbara Harris), une fausse voyante, et de son amant chauffeur de taxi (Bruce Dern), lequel compte tout de même tirer quelque profit de ces soi-disant pouvoirs. William Devane, Karen Black et Cathleen Nesbitt font également partie de la distribution. C’est le seul film d’Hitchcock dont John Williams ait écrit la musique. Le film, dont le scénario sans faille est signé Lehman, est d’une constante drôlerie, et donne l’impression d’être l’œuvre d’un jeune débutant, bourré de talent.

D’une façon qui n’est sans doute pas anodine, Complot de famille se termine par un clin d’œil adressé, via le personnage de Blanche, aux spectateurs du film et, on s’imagine, aux spectateurs de tous les films du « Maître ».

Dès le début des années 1970, Hitchcock songeait à faire un film, The Short Night, basé sur l’histoire de l’espion George Blake qui, en 1966, s’était évadé d’une prison de Londres avant de fuir en Union soviétique.

Il acquiert les droits de deux livres consacrés à cette histoire. Les relations d’Hitchcock avec James Costigan, le premier scénariste engagé pour le projet, seront assez houleuses ; le réalisateur le congédie et fait alors appel à son ancien collaborateur, Ernest Lehman, auteur des scénarios de La Mort aux trousses et Complot de famille. Celui-ci écrit plusieurs versions de l’histoire, mais aucune ne satisfait Hitchcock, et les deux amis se brouillent. Hitchcock s’adresse alors à Norman Lloyd, un autre ancien collaborateur et ami, mais cela ne fonctionne pas mieux. Après avoir travaillé quelque temps seul à l’adaptation, Hitchcock accepte de collaborer avec un quatrième scénariste, David Freeman, qui s’attelle à la tâche à la fin de l’année 1978.

Entre décembre 1978 et mai 1979163, Hitchcock et Feeman se verront régulièrement dans les bureaux du réalisateur aux studios Universal. La santé déclinante du réalisateur rend la tâche de Feeman difficile. Hitchcock souffre d’arthrite. Elle lui cause d’intenses douleurs aux genoux. Il consomme beaucoup d’alcool, sans doute pour apaiser sa souffrance. Les difficultés morales du réalisateur sont accrues par l’inquiétude que lui donne la santé d’Alma, sa femme. Au moment où le scénario est  pratiquement terminé, Hitchcock apprend que l’American Film Institute (AFI) veut le récompenser pour l’ensemble de sa carrière. Hitchcock, loin d’être flatté, perçoit la chose comme un présage de sa mort et panique. Il se rend malgré tout à la cérémonie.

Le 3 janvier 1980, il reçoit la visite du consul de Grande-Bretagne, qui vient lui annoncer sa nomination au rang de Chevalier de l’Empire britannique. Après son anoblissement, Hitchcock, très mal en point, prend la décision de définitivement renoncer à tourner The Short Night ; il en avertit  directement Universal, et les bureaux d’Hitchcock ferment. Le scénario de The Short Night sera finalement publié dans un livre consacré aux derniers jours du réalisateur. Hitchcock reste chez lui quelque temps, puis revient quelquefois aux studios.

À l’âge de 80 ans, Alfred Hitchcock meurt, le 29 avril 1980, des suites d’une insuffisance rénale, dans sa maison de Bel Air, à Los Angeles, Californie. Il s’éteint dans son sommeil, entouré des siens. Il laisse sa femme, Alma Reville, leur fille unique, Patricia, et trois petites-filles, Mary Alma, Teresa et Kathleen. Le corps est incinéré. Une cérémonie, sans cercueil, a lieu en l’église catholique du Bon Berger (Good Shepherd Catholic Church) à Beverly Hills.

Les cendres d’Alfred Hitchcock seront dispersées dans l’océan Pacifique.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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