Ahmed Sékou Touré, premier Président de la Guinée.

Ahmed Sékou Touré, né le 9 janvier 1922 à Faranah en Guinée et mort le 26 mars 1984 à Cleveland, est le premier président de la République de Guinée, en poste depuis l’indépendance obtenue de la France en 1958 jusqu’en 1984.


Avant l’indépendance, Sékou Touré travaille pour les services postaux (PTT) mais il est bloqué dans son ascension professionnelle et ne peut accéder aux postes de responsabilité auxquels il aspire. Il reste donc simple responsable des postes, mais s’investit dans le syndicalisme en devenant un des meneurs de la jeune génération guinéenne. En 1945, il devient le secrétaire général du syndicat des postiers. Il participe à la fondation du Parti démocratique guinéen, antenne locale du Rassemblement démocratique africain, parti agissant pour la décolonisation de l’Afrique. En 1957, il organise l’Union générale des travailleurs d’Afrique noire, une centrale syndicale commune pour l’Afrique-Occidentale française. Il est l’un des dirigeants du RDA, travaillant étroitement avec son futur rival, Félix Houphouët-Boigny, qui devint en 1960 le président de la Côte d’Ivoire. En 1956, il est élu député de la Guinée à l’Assemblée nationale française et maire de Conakry sous la bannière du RDA, positions qu’il utilise pour lancer des critiques pointues du régime colonial.

La métropole française est en pleine discussion sur la décolonisation qui s’annonce et, lors de la visite effectuée par le général de Gaulle à Conakry pour défendre le maintien de la Guinée dans la Communauté française, la foule se met à le huer. Cet incident organisé à l’instigation de Sékou Touré lui vaut une solide rancune de De Gaulle. En 1958, les Guinéens disent « Non » au référendum parrainé par le gouvernement français sur l’union avec la France et choisissent l’indépendance totale, qu’ils obtiennent le 2 octobre 1958, avec Sékou Touré à la tête du pays. La Guinée est la seule des colonies africaines de la France à voter pour l’indépendance immédiate tandis que le reste de l’Afrique francophone choisit l’indépendance deux ans plus tard, en 1960. Le président De Gaulle réagit en ordonnant aux fonctionnaires et techniciens français de quitter immédiatement la Guinée, ce qui suscite un certain nombre de difficultés pour le jeune État guinéen. Les colons français emportent avec eux tout leur matériel de valeur, rapatrient les archives souveraines françaises et, surtout, les liens économiques sont rompus. Malgré les difficultés, Sékou Touré affirme « préférer la liberté dans la pauvreté que la richesse dans la servitude ».

Le début de la présidence de Touré est marqué par une politique marxiste, avec la nationalisation des entreprises étrangères et une économie fortement planifiée. Sékou Touré remporte le Prix Lénine pour la paix en 1961. La France mène alors une guerre économique contre son ancienne colonie (les services secrets français vont notamment répandre de faux francs guinéens pour déstabiliser la Guinée monétairement). Ses premières actions pour rejeter les Français puis pour s’approprier la richesse et les terres agricoles des propriétaires traditionnels, irritent de nombreux acteurs puissants, mais l’échec de son gouvernement à fournir des capacités économiques ou des droits démocratiques, encore plus.

Alors qu’il est encore admiré dans beaucoup de pays en Afrique et dans le mouvement panafricain, de nombreux Guinéens, des militants de gauche et de droite en Europe deviennent très critiques envers le régime de Touré en particulier quant à son échec à instituer une véritable démocratie.

Dans les années 1960, il est le premier président africain à se rendre en visite officielle en Chine, qui apporte des aides financières à la Guinée.

Au fil du temps, la paranoïa croissante de Sékou Touré conduit à l’arrestation de nombreux opposants politiques présumés. Selon Amnesty International, quelque 50 000 personnes auraient été assassinées sous le régime de Touré, de 1958 à 1984. Le Camp Boiro reste le symbole de cette répression violente où, selon une estimation, 5 000 personnes sont exécutées parfois après des tortures dénoncées alors par Amnesty International. À travers la police secrète et les exécutions dans les camps de détention, Sékou Touré fait régner sur le pays un régime de terreur, contraignant des milliers de Guinéens à fuir la répression. Des dizaines de milliers de dissidents guinéens cherchent à fuir le pays.

De 1965 à 1975, il rompt toutes ses relations avec la France, ancienne puissance coloniale. Les frictions entre la France et la Guinée sont fréquentes. Aux tentatives de renversement du président guinéen, dont il accuse les autorités françaises, la Côte-d’Ivoire ou le Sénégal d’être l’auteur, Sékou Touré répond par une répression contre l’opposition. Craignant une intervention militaire de l’ancien colonisateur, le chef d’État se rapproche du camp socialiste, bénéficiant d’aides chinoises et soviétiques. Touré estime que l’Afrique a perdu beaucoup pendant la colonisation et qu’elle devrait riposter en coupant les liens avec les anciens pays coloniaux. C’est seulement en 1978 que le président de la République française, Valéry Giscard d’Estaing, effectue une visite officielle, en signe de réconciliation. Tout au long de son différend avec la France, la Guinée maintient de bonnes relations avec plusieurs pays socialistes. Cependant, l’attitude de Sékou Touré envers la France n’est généralement pas bien accueillie, et certains pays africains rompent les relations diplomatiques avec la Guinée. Malgré cela, Touré gagne le soutien de nombreux groupes et dirigeants anticolonialistes et panafricains.

Maurice Robert, chef du secteur Afrique au service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE) de 1958 à 1968, explique que : « Nous devions déstabiliser Sekou Touré, le rendre vulnérable, impopulaire et faciliter la prise du pouvoir par l’opposition. (…) Une opération de cette envergure comporte plusieurs phases : le recueil et l’analyse des renseignements, l’élaboration d’un plan d’action à partir de ces renseignements, l’étude et la mise en place des moyens logistiques, l’adoption de mesures pour la réalisation du plan. (…) Avec l’aide d’exilés guinéens réfugiés au Sénégal, nous avons aussi organisé des maquis d’opposition dans le Fouta-Djalon. L’encadrement était assuré par des experts français en opérations clandestines. Nous avons armé et entraîné ces opposants guinéens pour qu’ils développent un climat d’insécurité en Guinée et, si possible, qu’ils renversent Sékou Touré. (…) Parmi ces actions de déstabilisation, je peux citer l’opération « Persil », par exemple, qui a consisté à introduire dans le pays une grande quantité de faux billets de banque guinéens dans le but de déséquilibrer l’économie. »

Ses principaux alliés dans la région sont les présidents du Ghana Kwame Nkrumah et du Mali Modibo Keïta. Après que Nkrumah est renversé par un coup d’État en 1966, Touré lui offre refuge en Guinée et lui propose d’être coprésident, ce qu’il refuse. En tant que figure du mouvement panafricaniste, il s’en prend toujours aux anciennes puissances coloniales, et se lie d’amitié avec des militants afro-américains comme Malcolm X et Stokely Carmichael, à qui il offre l’asile. Touré, avec Nkrumah, contribue à la formation du Parti révolutionnaire du Peuple africain (All-African People’s Revolutionary Party) et aide les guérilleros du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC) dans leur lutte contre le colonialisme portugais en Guinée portugaise.

Cependant, Sékou Touré a parfois été accusé d’être responsable de la mort d’Amílcar Cabral en 1973. Les Portugais lancent une attaque sur Conakry en 1970 (Opération Mar Verde, ou Operation Green Sea) pour sauver des prisonniers de guerre portugais, renverser le régime de Sékou Touré et détruire les bases du PAIGC.

Il apporte un soutien financier à l’ANC de Nelson Mandela lors de la tournée africaine de celui-ci en 196215. Nelson Mandela arrive à Conakry16 le 12 avril 1962 et, dans ses mémoires Un long chemin vers la liberté17, il écrit avoir été déçu par le président Sékou Touré qui le recevra avec Oliver Tambo. À la suite de sa demande de soutien au mouvement de libération Umkhonto we Sizwe, Sékou Touré leur fait un discours et leur donne ses livres et des francs Guinéens qui n’avaient aucune valeur hors du pays. À sa sortie de prison, Mandela visitera tous les pays qui l’avaient soutenu mais ne viendra pas en Guinée.

Les relations avec les États-Unis fluctuent au cours du règne de Sékou Touré. Touré est impressionné par l’approche de l’administration Eisenhower en Afrique, et il affirme que John Fitzgerald Kennedy est son « seul ami véritable dans le monde extérieur ». Il est impressionné par l’intérêt que porte Kennedy au développement de l’Afrique et son engagement pour les droits civils aux États-Unis. Touré blâme les ingérences soviétiques lors des troubles survenus en 1962 et se tourne donc vers les États-Unis. Ses relations avec les États-Unis se détériorent après la mort de Kennedy, quand une délégation guinéenne est emprisonnée au Ghana, après le renversement de Nkrumah. Touré condamne Washington. Il craint que la CIA ne complote contre son propre régime. Une fois le rapprochement de la Guinée avec la France entamé dans les années 1970, ses soutiens marxistes commencent à s’opposer à la tendance croissante de son gouvernement à la libéralisation capitaliste. En 1978, il renonce officiellement au marxisme et rétablit le commerce avec l’Occident.

Des élections à liste unique ont eu lieu en 1980 pour élire les représentants de l’Assemblée nationale. Touré est élu sans opposition à un quatrième mandat de sept ans comme président le 9 mai 1982. Une nouvelle constitution est aussi adoptée. L’été suivant, Touré se rend aux États-Unis dans le cadre d’une inversion de sa politique économique, en quête d’investissements occidentaux pour développer les immenses ressources minérales de la Guinée, admettant que sa politique marxiste avait échoué1. En 1983, il annonce une certaine libéralisation économique dont la commercialisation des produits par les commerçants privés.

Afin de ranimer l’identité guinéenne, Sékou Touré mise sur la promotion de la culture nationale : « Notre musique doit s’élever d’un monde qui l’a corrompue au travers de la domination coloniale et affirmer les pleins droits du peuple ». Les orchestres privés sont dissous et les musiciens deviennent des fonctionnaires. Le label Syliphone, régie d’état créée en 1967, produit 150 références jusqu’à sa disparition en 1983.

Le 20 mars 1984, après de nombreux déplacements pour l’organisation du 20e sommet de l’organisation de l’unité africaine, il conclut le congrès des syndicats du CEDEAO en déclarant « Je resterai syndicaliste jusqu’à ma mort ». Quelques heures plus tard, il est pris de forts malaises. Des médecins marocains affrétés par le roi Hassan II diagnostiquent de sérieux problèmes cardiaques. Le 24 mars, des cardiologues américains diagnostiquent un anévrisme de l’aorte. L’Arabie saoudite dépêche aussitôt un avion-hôpital pour l’emmener à Cleveland.

À l’époque de Sékou Touré, aucun avion, autres que ceux des lignes régulières, ne pouvait atterrir à Conakry sans l’autorisation personnelle du président. Lorsque l’avion saoudien arrive à Conakry, la tour de contrôle, selon la procédure, contacte le président pour obtenir son autorisation ; ne pouvant joindre Sékou Touré dont l’état critique était tenu secret, les contrôleurs refusent le droit d’atterrissage à l’appareil, qui met le cap sur Dakar. Ce n’est que le lendemain, lorsque le Premier ministre (médecin de profession), s’enquiert de l’avion-hôpital, que l’appareil revient à Conakry et que Sékou Touré est finalement évacué aux États-Unis malgré sa réticence à l’idée de quitter son pays.

Sékou Touré meurt le 26 mars 1984 à 15h23 à Cleveland (Ohio), aux États-Unis, lors d’une opération de chirurgie cardiaque. Sa dépouille est rapatriée le 28 mars et exposée pendant 2 jours au palais présidentiel. Il est inhumé le 30 mars au mausolée de Camayenne.

Voir aussi cette vidéo :

https://www.youtube.com/watch?v=YVWuHDqu8Qw

Source : Wikipédia, YouTube.

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